Éloge de la pédagogie
Exposé pour un débat autour d’un
projet de petite structure du type « Maison
Verte »
Note liminaire
1 • L’exhibition
masochiste à la TV, dans la lignée
et l’esprit de son livre de confession, de Monsieur
Le Neveu, a révélé encore
plus nettement le désarroi dont souffrent
les courants politiques, lequel sème une
confusion des genres sans précédent.
Un remarquable article de Marianne2, du 13 octobre
2009, signé Bénédicte Charles
et Philippe Cohen, intitulé «
Qui veut lyncher Benoît Hamon ? » nous permet heureusement
d’y voir un peu plus clair. Mais voilà
que, sans attendre, dans les jours qui suivirent
cette exhibition, nous apprenons par une note
dans le journal qu’un “psychanalyste”,
appelons-le Monsieur Hasbeen, dont les péroraisons
lui ont valu de se faire virer d’à-peu-près
tous les média, a réalisé
une émission qui sera diffusée début
novembre sur une chaîne TV, rendant compte
de l’“analyse” de l’Épouse
de Monsieur Monmari accompagnée de celle
de quelques fameuses figures “pipeul”
de son entour d’ouverture.
Deux questions.
• Qu’en est-il, pour ce “psychanalyste”,
du principe fondamental dans notre métier,
hérité d’Hippocrate, transmis par
Freud et, à leur suite, par les meilleurs
cliniciens, à savoir l’obligation, pour
l’analyste, de se soumettre rigoureusement à
la loi du secret professionnel sur la vie privée
des analysants, les siens et ceux des collègues,
fussent-ils analysants / analystes, ainsi que
de la simple discrétion, à titre
d’exemple, sur sa propre vie privée, c’est-à-dire
sexuelle ?
• Combien ?... le tarif d’une
séance de ce “psychanalyste”,
les jours ouvrables ?
La famille Hasbeen, qui a beaucoup
essaimé, a produit également, dans
cette même veine, un architecte, co-pressenti
pour la réalisation du Grand Paris, nommé
autrefois Monsieur Desbanlieues, qui ne craint
pas la ringardise. Ainsi, dans les années
70, après avoir dit pis que pendre de Lacan
lors de l’une des émissions de Michel Polac
- cf. Archives de l’INA -, voici qu’aujourd’hui
il désigne l’architecture comme le “Signifiant
Maître”, constructeur d’édifices
dont la structure s’élèverait sur
trois ronds de ficelle : “le Réel,
l’Imaginaire, le Symbolique”. Nous n’avons
pas entendu, dans son discours, d’allusion au
quatrième rond de ficelle du nœud
borroméen de Lacan, le “symptôme”,
lequel maintient fermement les trois précédents
et qui, s’il est, pour l’un ou l’autre motif accidentel,
coupé, les libère, ce qui écroule
l’édifice, aléa qui caractérise
- mathèmement -, toujours selon Lacan,
l’effondrement dans une psychose.
Que l’“on” stigmatise
ces remarques et celles d’autres auteurs contemporains,
dont la pensée s’étaye, modestement,
de leur libre-arbitre, nous laisse complètement
indifférents.
2
• Dans le texte qui suit,
je reprends, en partie seulement, ce que je dis
et écris depuis 1967, et qui n’a pas intéressé
grand’monde jusqu’à présent - excepté
dans le registre du pillage sans vergogne. Ce
n’est pas bien grave. N’ayant pas encore trouvé
d’équivalent féminin, j’espère
que cela ne saurait tarder, j’apaiserai mon éventuel
chagrin en empruntant à la maxime affectueuse
avec laquelle Freud adressait ses lettres privées
à Karl Abraham,
« Coraggio Casimir » !
ø
Je pense à l’application de la psychanalyse en pédagogie.
Quand un enfant commence à manifester les
signes d’un développement difficile, altéré,
discontinu, inattentif, alors ni le pédiatre
pas plus que le médecin scolaire ne peuvent
rien y faire, même si l’enfant présente
des symptômes névrotiques évidents,
tels qu’anxiété, aversion pour la
nourriture, vomissements, troubles du sommeil.
Un traitement qui associe contribution analytique
et mesures éducatives, réalisé
par des personnes qui ne dédaignent pas
de prendre en compte les conditions du milieu
dans lequel l’enfant est immergé et qui
se préoccupent de frayer une voie d’accès
à sa vie psychique, réussit à
la fois à réduire les symptômes
névrotiques et à faire reculer les
premières altérations de caractère.
Freud
La question de l’analyse par les non-médecins
• 1926
Avant
d’essayer de répondre, de mon seul point
de vue, aux questions qui se posent à nous
et qui nous ont été posées,
au sujet de la réalisation d’un lieu d’accueil
largement ouvert du type « Maison Verte
», je souhaiterais donner très brièvement
un aperçu de l’une des formes puissante
de la résistance à la psychanalyse
en France.
Freud,
dans son « Autoportrait », remarque qu’elle consiste, pour les détracteurs, esprits supérieurs
ou simples habitués de salons intellectuels
mondains, en “l’opération classique
de ne pas regarder dans le microscope pour ne
pas voir ce qu’ils contestent.”
C’est
ainsi que, depuis plus d’un siècle, se
sont constitués des réseaux, voire
des “lobbies” de résistance...
à la psychanalyse, c’est-à-dire
des cartels mondains de pouvoir et d’argent, aussi
bien intellectuels que financiers (le monde de
l’édition par exemple), l’un n’allant guère
sans l’autre, lesquels, avec l’appui complaisant
des média, empruntant sans vergogne au
vocabulaire de la psychanalyse, en ont délibérément
altéré, travesti, le sens.
Les
média les plus “culturels”,
en les livrant au public, balancent du “fantasme”
à toute volée, stigmatisent un agissement
individuel ou collectif par “schizophrénie”,
un mouvement de masse anxieux par “psychose”,
alors qu’il s’agit très simplement de “chimère”,
parfois de “divagations”, de “perversité”
- la main droite ignore ce que fait la main gauche
-, d’un “conglomérat” accidentel,
formé la plupart du temps à partir
d’une catastrophe naturelle ou d’actes criminels.
Quant
aux basses entr’accusations de “paranoïa”
(et, depuis la dernière guerre, de “nazi”),
qui ont remplacé le courant “t’es
cinglé - meshugeh en ydish !!”, réciproquement jetées
avec brutalité, grossièreté,
à tout instant en pleine face comme l’injure
maximale, elles sembleraient servir à camoufler
une difficulté des locuteurs à écouter
posément ce que l’autre a à dire
en même temps qu’à essayer d’en comprendre
le sens.
Comme
je l’ai souvent relevé, ce qui ne sert
à rien - car il y a chez eux ce que l’on
rencontre dans les phénomènes de
sectes : ils sont hypnotisés, stéréotypisés,
n’entendent, n’écoutent rien de ce qui
vient de l’extérieur, d’autre hormis les paroles de leur Maître, sont
étanches et imperméables -, il semblerait
que les analystes fonctionnent, pensent, parlent
et écrivent depuis près d’un demi-siècle
comme des journalistes - mais aussi la magistrature,
les politiques, les enseignants... et inversement,
qu’iceux se sont approprié le vocabulaire
“psy” dont ils usent et mésusent
en totale ignorance délibérée du sens, du contenu, du maniement, des concepts
qu’ils exhibent et que la rue, les universités...
répètent et resservent pour insulter,
car fonctionnant comme des automates de la pensée,
ils ne peuvent pas répondre quand on sollicite
leurs lumières...
Un
exemple d’abus langagier, celui de l’utilisation
du terme de “fantasme” : pour la psychanalyse,
un fantasme est toujours pervers - fétichiste,
chacun reconnaîtra le ou les siens -, en
tant qu’émanant de la perversité
infantile polymorphe non maîtrisée.
Plus précisément et puisque la cartographie
quasi invariante des fantasmes est relativement
pauvre, il est individuel en ceci que c’est la
représentation que se fait le sujet de
son fantasme qui orientera son langage et sa conduite.
La
contestation envers la théorie mise en
place par Freud a commencé publiquement
en France par un texte de Lacan, daté de
1936, intitulé « La Famille », où Lacan inaugure un nouveau “complexe” de son cru,
“Le complexe du sevrage”.
Nous
verrons plus loin l’importance, dès les
années 50 des désaccords de Françoise
Dolto sur des points essentiels des théories
lacaniennes, très précisément
au sujet de l’infans,
c’est-à-dire, du bébé qui
ne parle pas encore.
En
1983 aussi, dans un texte que Françoise
Dolto a écrit sur ma demande, et que j’ai
lu à la fin de l’exposé que je présentais
devant l’ensemble des Groupes Balint du Sud de
la France, intitulé « De l’embryon
à l’homme, la conquête du monde ».
Les
intéressés pourront trouver le texte
/ tabou de F. D., que j’ai intitulé « Autour
du Miroir », qui suivait ma communication et qui figure maintenant,
22 ans plus tard, dans le 2e tome de
sa Correspondance, avec une note indue en bas de page, délibérément
ignorante
- j’avais transmis tous les documents originaux
nécessaires -, ainsi que, bien antérieurement,
dès que nous l’avons pu matériellement,
le manuscrit en édition / papier et sur
notre site, aux adresses suivantes,
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/dembryonahomme.html
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/dolto.html
Il
commence ainsi,
Je dis que lorsque Lacan croit que l’enfant
- qu’il décrit dans une assomption jubilatoire
- se réjouit de voir l’image de lui-même
dans le miroir, et que cela le structure dans
son unité, il se trompe.
Dans
le texte de Lacan, « La Famille », pour ce qui nous intéresse en tant que
Juifs, femmes et hommes, nous pouvons trouver
un étrange passage destiné à
Freud et à sa découverte, je le
cite,
« Le sublime hasard du génie n’explique peut-être
pas seul que ce soit à Vienne - alors centre
d’un État qui était le melting-pot
des formes familiales les plus diverses, des plus
archaïques aux plus évoluées,
des derniers groupements agnatiques*
des paysans slaves aux formes les plus réduites
du foyer petit-bourgeois et aux formes les plus
décadentes du ménage instable, en
passant par les paternalismes féodaux et
mercantiles - qu’un fils du patriarcat juif
ait imaginé [sic !] le complexe d’Œdipe. »
* Agnat [lat. agnasci, naître à
côté de] • Se dit des personnes
qui, descendant d’une même souche masculine,
appartiennent à la même famille.
Tous
les documents, livres d’auteurs, et leurs références
exactes figurant dans notre site, lequel résume
un travail de presque 45 ans sur l’histoire de
la psychanalyse, son évolution dans les
domaines de la pratique, de la clinique et des
théories, liée à celle de
la Shoah, sautons quelques décades.
En
1974, lors d’un Congrès, Lacan, mettant
en valeur son “objet a”
- qui signifie, en ydish, “shmate”
- qualifie publiquement d’“objet a”,
autrement dit de guenille, de lambeau, de loque, de chiffon méprisable,
Anna
Freud, 79 ans, en termes [sic]
de “chiure de mouche”. Inutile de chercher qui est la mouche dont Anna serait la chiure. C’était à Rome, après un
déjeuner au cours duquel on avait bien
bouffé et bien bu, personne n’a moufté.
Quelques
années auparavant, dans la mouvance soixantuiteuse,
les brillants élèves de l’École
Normale Supérieure, dont le futur gendre
de Lacan, quasiment tous Juifs, décrétèrent
que depuis l’avènement de Lacan, ce grand
ami de Martin Heidegger, plus n’était besoin
de lire Freud. Dont acte, le slogan fit école,
jusque dans les rangs de l’Institut de Psychanalyse
- la SPP, fondé grâce à l’une
des élèves de Freud, “Notre
Chère Princesse”, Marie Bonaparte.
Ainsi
se construisent et s’épanouissent les théories.
Qu’elles soient basées sur l’enseignement
d’un homme dont l’état d’esprit, le mode
de penser et de transmettre, sont plus que discutables,
cela n’a aucune importance. Ce qui ne conteste
en rien les indéniables qualités
de psychiatre et de philosophe de cet homme.
En
psychanalyse, Freud avait nommé cette façon
d’être “dénégation”.
Et
à ce propos, je viens de relire « Le
livre des snobs »
de Thackeray, c’est un livre épatant.
Jusqu’aux
plus récents psychanalystes traducteurs
de Freud, moulés dans la théorie
lacanienne, qui ne savent pas grand chose des
concepts qu’ils traduisent et surtout ne sont
guère intéressés par un travail
approfondi sur ces concepts. Ils traduisent pour
les universitaires et leurs élèves,
lesquels se reproduisent en se multipliant au
long des générations tels des clones,
complètement identifiés au discours
de leurs psychanalystes / enseignants, qu’ils
avalent et restituent intégralement. Résultat
: l’inconscient est, cela va de soi, totalement
évacué, tout comme a disparu la
fonction thérapeutique de la psychanalyse.
Tout
cela est cependant très profitable au commerce
de l’édition.
Avec
Françoise Dolto, nous reviendrons sur cette
fonction thérapeutique disparue, et d’abord
auprès des enfants, laquelle requiert beaucoup
de travail, d’attention à l’autre, de patience,
d’écoute et de soutien bienveillants, quelles
que soient leurs provenances, les revenus de la
famille, l’âge...
Du
côté des adultes, qui [?] se pose
la question d’une analyse personnelle ? La demande
fondamentale d’analyse émane de celui et
de celle qui ont épuisé toutes les
autres voies d’apaisement possibles de leur douleur,
celui et celle qui ne peuvent plus faire autrement,
qui ne peuvent plus, selon leurs propres dires,
“vivre, ou continuer de vivre, comme ça”.
Rien de plus, rien de moins.
Que,
par effets de modes, de mondanités, de
pouvoirs intellectuels, de mercantilisme, le vocabulaire
de la psychanalyse ait été vulgarisé,
déformé, aplati jusqu’à la
caricature - dénoncée d’ailleurs
dans toutes les études en cours à
propos de la parentalité, sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin -, notamment dans une
France hypnotisée par l’Amérique
de Woody Allen - Freud remarquait, et c’est évident,
que le cinéma, à l’exception du
documentaire, l’image, qui happent le regard et
non l’ouie, ne lui paraissaient “pas
possible de faire de nos abstractions une représentation
plastique” -, cela témoigne, depuis près d’un demi-siècle,
durement, du [manque de] respect que l’on porte
à l’auteur de la psychanalyse ainsi qu’à
sa découverte.
Et
là, sur ce point précisément,
l’humour, qui est dans notre pratique l’un des
leviers essentiel de la réussite d’une
analyse, qui redonne goût à la vie,
s’avère inopérant, n’est d’aucun
recours. Tout cela n’est pas très drôle.
Ce
qui a nettement distingué les meilleurs
cliniciens que la France ait connu - et ici, Françoise
Dolto -, après guerre, c’est non seulement
qu’ils continuaient d’étudier Freud, de
rendre vivace l’évolution de sa théorie,
mais aussi qu’ils étaient soucieux de faire
émerger et de restaurer les qualités
individuelles de chaque personne, une par une,
dans et hors leur pratique analytique, anonymes,
célèbres, de la plèbe jusqu’au
Gotha... , de transmettre le respect que l’un
doit à l’autre et réciproquement
à tous les âges et dans chaque circonstance
de la vie, dans tous les domaines, et d’abord
aux enfants, qui sont l’avenir du monde, immergés
dans un quotidien ancestral où les humains
ne cessent de s’ingénier - fraternellement
! - à s’entr’exterminer.
Que
F. D. et F. P., mes référents professionnels
personnels, aient connu des désaccords
de fond avec certains de leurs collègues,
fussent-ils adulés ou / et en vue dans
la “jet-set” des “Gotha”,
quand bien même leurs critiques ne les épargnaient
pas, je ne les ai jamais entendus énoncer
la moindre parole désobligeante à
leur égard.
ø
Venons-en
maintenant à ce qui nous occupe plus directement,
c’est-à-dire, de mon point de vue, à
ce que j’ai compris de ce que souhaitait Françoise
Dolto en créant sa « Maison Verte
», ce qui lui fut très difficile, car elle
ne pût surmonter les énormes obstacles
institutionnels et administratifs uniquement grâce
à sa notoriété ainsi qu’à
ses relations individuelles.
Curieusement,
les documents, à fortes connotations idéologiques,
pour ne pas aller jusqu’à dire politiques,
à disposition sur la parentalité ne font référence ni à Anna
Freud, avec qui travaillait Maria Montessori,
ni à Sophie Morgenstern, première
analyste d’enfants à Paris, et “inspiratrice”,
selon son terme, de Françoise Dolto, pas
plus qu’à Françoise Dolto elle-même,
Maud Mannoni, Mira Rothenberg, August Aichorn,
Siegfried Bernfeld... , à leurs collègues
et élèves successifs, en France
et ailleurs qui, dans des conditions souvent plus
que désavantageuses, depuis presque un
siècle, s’occupent d’abord et avant tout
de prévention.
Tout
d’abord, reprenons le principe fondamental à
la base de ce qui nous anime dans ce projet, celui
de “ bénévolat ”.
Le
concept de bénévolat est puisé
dans le terme latin de “benevolus”, formé à partir de “bene,
volo”,
“je veux du bien, je suis favorable à”.
Le ou la “benevolens” est celui ou celle qui est “bienveillant,
dévoué, animé des meilleures
intentions” - nous retrouvons là la recommandation
de Freud d’une “écoute analytique bienveillante”, c’est-à-dire patiente, paisible,
attentionnée à autrui. Ce qui rejoint
et est indissociable de l’obligation qui est celle,
depuis toujours, du médecin, de l’éducateur,
du soignant, quel que soit son titre professionnel,
d’appliquer le principe fondamental, vieux comme
Hippocrate, de “non nocere”,
ne pas causer du tort, ne pas nuire.
Revenons
au concept de bénévolat, qui exclut
tout espèce de profit ou de rétribution
personnelles.
Voici
un exemple de bénévolat du temps
de Freud, de la part de groupes locaux au sein
de l’Association Psychanalytique Internationale,
Ces groupes locaux subviennent, avec leurs propres ressources - et
grâce au mécénat -, aux besoins d’instituts, dans lesquels l’introduction
à la psychanalyse est mis en œuvre
selon un programme d’enseignement homogène,
et les polycliniques, dans lesquelles les analystes
confirmés et, sous leur contrôle,
leurs étudiants, délivrent aux pauvres
un traitement gratuit.
Freud
Autoportrait • 1925
Françoise
Dolto n’a jamais reçu d’honoraires à
Trousseau, aux Enfants Malades, pas plus qu’à
la « Maison Verte » et autres départements institutionnels
spécialisés.
Pourquoi
?
La
raison en est très simple : si elle avait
postulé, à titre personnel, à
une quelconque rétribution, aucun local,
aucune vacation, aucune création de lieu
d’accueil, ne lui aurait été consentie.
Et
si le terme de “bénévolat”
gêne, en ce qu’on lui attribue une connotation
confessionnelle de “charité”,
remplaçons-le par celui de “mécénat
spirituel”, qui permet de concilier laïcité
et religion ou pour le moins, de s’entre-respecter,
dans la double acception de : “qui est d’ordre
moral, relève du domaine de l’esprit”
tout en se montrant “fin, vivace”
et, pourquoi pas, plaisant.
Françoise
Dolto, vers le début des années
1970, pour élaborer son projet de «
Maison Verte », a rendu maintes visites à la première “halte-bébés”
bénévole privée, indépendante
de tout courant et de toute école “psy”,
La Cour des Noues. Parmi ses co-fondatrices, d’anciennes
résistances protestantes. C’est à
peu près à la même époque
que F. D. s’est rendue en Israël, arpenter
les kibboutzim, dont elle témoigne, avec
la modestie qui la caractérise, s’être
également inspirée.
Passons
maintenant à la question qui a été
posée de rétribution de l’encadrement,
c’est-à-dire, plus crûment, à
la question d’argent, absolument contraire à
ce à quoi s’engagent les bénévoles,
c’est-à-dire à donner en toute gratuité
matérielle une part de son temps, quand
ils estiment pour l’une ou / et l’autre raison
pouvoir le faire.
De
mon côté, je l’ai déjà
dit et écrit, je considère ma participation bénévole,
où et dans quelque domaine que ce soit,
à égalité avec les témoignages
de bénévolat (CD, DVD, livres, docus
originaux... ) de la petite association que j’ai
créée voici plus de 23 ans, comme
ma double dette envers, inséparables, l’histoire
des humains, c’est-à-dire envers les personnes
successives - non-juives - qui m’ont sauvé
la vie et envers l’histoire de la psychanalyse,
son évolution sous ses différents
aspects théoriques et cliniques, et enfin
très particulièrement envers les
remarquables analystes qui ont assuré ma
propre analyse et ma formation d’analyste.
Il
me semble qu’il y a, par rapport au concept de
bénévolat, chez les psychanalystes,
une confusion persistante sur la notion de paiement.
Autrement dit que les psychanalystes associent
leurs exigences personnelles d’émoluments
au concept que Dolto définissait par “paiement
symbolique”.
Le
paiement symbolique concerne exclusivement à
l’autre, ici l’enfant. L’encadrement n’est en aucune façon
impliqué dans ce principe.
Le
paiement symbolique représente le prix
inestimable de sa parole par l’enfant,
qu’il acquitte lui-même, selon ses moyens
: une capsule de bouteille, un joli caillou, un
dessin, un objet façonné de ses
mains, 5 ou 10 cts... à l’exception
naturellement des offrandes de séduction telles que bonbons ou autres sucreries réelles
ou immatérielles...
Exemple
en pratique privée : à la fin d’une
première séance, une fillette l’acquitte
en me donnant un diamant à mille facettes
en plastique. Indépendamment,
la mère règle les séances
de son enfant, la fillette le sait. Mais pour
tout enfant, quel que soit son âge, ait
accès, disons à un mieux-être
et à celui de sa mère, à
la suite de Françoise Dolto, quand la famille
est en difficulté, je ne perçois
par séance que 5 €, de façon
à ce que les adultes référents
de l’enfant ne soient ni infantilisés ni
déconsidérés à leurs
propres yeux.
Ce
pourquoi d’ailleurs, je n’ai accumulé aucune
fortune à justifier devant le fisc.
Par
contre, pour pouvoir exercer normalement en pratique
privée, j’ai depuis toujours modulé
mes tarifs selon les ressources des candidats
à l’analyse, et ceux qui pouvaient se le
permettre payaient assez cher pour ceux qui ne
le pouvaient pas.
Il
est arrivé maintes fois que Françoise
Dolto, en pratique privée, procède
ainsi et à l’époque ne demande à
une mère complètement démunie
comme on dit aujourd’hui, qu’une pièce
de 20 cts.
Dans
une structure institutionnelle bénévole
du type « Maison Verte »,
les référents adultes versent l’obole
de leur choix, en argent, au service exclusif
de la collectivité.
Sans
cette forme de pratique, une énorme partie
de l’humanité resterait - et reste - en
rade et la psychanalyse ne serait - n’est - accessible
qu’à partir d’un niveau socio-économique
relativement élevé, d’où
sa récupération et son étiolement
grâce au monde d’en-haut.
La
seule rétribution envisageable, me semble-t-il,
mais seulement après que l’institution
soit réalisée et en état
complet de fonctionnement, porterait sur les administratifs
et le personnel - ménage, intendance...
- inévitables au cas où sa bonne
marche l’exigerait.
Les
raisons d’origine de cette affaire de rétribution
de l’encadrement humain à la « Maison
Verte initiale » ne sont pas à aller trouver dans une charte
théorique compliquée, elles sont
d’une simplicité limpide : Françoise
Dolto, avec son désir d’ouvrir un lieu
d’accueil et d’épanouissement à
tous les enfants de la terre, n’a trouvé
personne pour contribuer bénévolement
à poser la moindre première pierre
à sa réalisation concrète.
À
la question d’Évelyne sur une éventuelle
immuabilité des règles de fonctionnement
de l’initiale « Maison Verte »
: Dolto, si elle était encore parmi nous,
affirmerait expressément que chaque collectivité
existe et fonctionne selon son style, selon les
critères qui lui sont propres et qui lui
semblent convenir aux besoins de ce pour quoi
et pour qui elle s’est constituée.
En
toute méconnaissance délibérée de cause, en toute ignorance des textes, des
témoignages vivants, au sujet de Françoise
Dolto, les théoriciens professionnels et
non-professionels essayant de donner un sens acceptable
à ce qu’ils avancent prudemment eux-mêmes
comme le “non-concept”, la “notion
floue” [sic] de parentalité, se sont curieusement gardés de mentionner
Françoise Dolto, au prétexte que
cette “Mamie Nova” [sic] de
la psychanalyse aurait privilégié
le tout-pouvoir absolu de l’enfant dans les domaines
de son environnement familial et éducatif.
L’ignorance délibérée - qui est la cause du “non” de notre
association - de l’œuvre de Dolto, alors
que ses détracteurs maîtrisent les
outils conceptuels permettant l’analyse de ce
que véhicule le langage, a pour unique
visée de démolir quelqu’un en
personne,
dans son être-même, dont on ne partage
pas les convictions spirituelles, et non de soumettre
son travail à la critique : Lacan avait
bien commencé qui raillait haut la “compassion”
de Françoise Dolto devant des amphithéâtres
bondés.
Outre
que cette entreprise de démolition surfe
sur les limites de la désobligeance, elle
s’érige, telle le négationnisme,
sur le marigot de la contre-vérité
la plus nauséeuse.
Dolto
avait cette singularité, devenue une exception
de la psychanalyse française, qu’elle prenait
soin de chaque enfant en particulier, qui lui
était confié ou qui s’adressait
à elle, individuellement ou au sein d’une
collectivité, le remettait sur son aplomb
qui n’est pas forcément identique à
celui d’un autre. Que l’on se reporte à
son œuvre et, sans aller bien loin dans sa
lecture, on trouvera les lois indispensables,
pour notre métier, les lois symboliques
construites à partir de la structure œdipienne
que l’enfant - y compris les enfants mutiques,
psychotiques, schizophrènes et autres appellations
diagnostiques - doit respecter pour appartenir
à la société des humains.
À condition que l’enfant, dès sa
conception désirée, ait été
préalablement respecté. Ce que Janusz
Korczak a intitulé, “Le droit de
l’enfant au respect” lui transmettra le
respect pour autrui, c’est aussi simple que ça.
J’ai
été également surprise, à
la lecture de ces documents sur la parentalité, de l’arsenal de dispositions mises en place pour endiguer les difficultés
quasi-insolubles générées
par les sociétés modernes de consommation
en tous genres, dont la violence, l’analphabétisme,
la xénophobie, les inégalités
indécentes, et j’ajouterai en mon propre
nom, la vulgarité ambiante élevée
au niveau d’une éthique de vie à
laquelle s’identifient les générations
successives.
Il
est certes impossible de réparer l’irréparable,
alors endiguons au mieux, mais dans le même
temps, essayons de faire entendre aux adultes
que l’élevage de leurs enfants, comme on
disait autrefois pour le distinguer de l’éducation,
la construction de leur personnalité, leur
éducation, sont une mise en œuvre
à part entière, qui demande un travail
préalable, puis une attention, une écoute
patiente dès le plus jeune âge, voire
dès avant leur conception, une approche
des exigences qu’entraînent la maternité
et la paternité, lesquelles nécessitent
à la fois un obligatoire retrait de la
suprématie du Dieu/Moi/Je, à la
fois une aide extérieure, à la cellule
nucléaire, un 3e terme indispensable.
Seulement, pour une telle entreprise, il faudrait,
comme on dit dans les sphères gouvernementales
imposer “une égalité des chances” ! Je souligne les chances, de sorte qu’elles ne soient pas confondues avec les disparités
matérielles, ni les utopies écroulées.
Maintenant,
un mot sur la pédagogie. Cela fait très
“tendance” chez les psychanalystes,
de se déclarer puriste, c’est-à-dire
ne pas se commettre avec la pédagogie,
laquelle est, ce n’est plus à prouver,
l’une des fonctions les plus difficiles à
assumer, bien que l’une des plus mal payées.
La pédagogie nécessite un temps,
une patience, infinis, le désir de transmettre
le savoir minimum à l’enfant, à
l’élève de tout âge, avec
les outils leur permettant de s’autonomiser, de
choisir, chacun, librement, sa voie, à
l’intérieur des contraintes qui lui sont
imposées.
On
le sait, Lacan, qui a magnifié ce noble
purisme, détestait la pédagogie,
laquelle lui aurait fait perdre du temps, donc
de l’argent, contre une piètre, voire une
absence totale de compensation pour son narcissisme.
Être pédagogues, c’est accepter de
donner, de transmettre son modeste savoir, contre
rien en échange, pas même être
payés convenablement.
Tout
cela, c’est bien beau, mais alors, que deviennent
les enseignements de Freud et, pour ce qui nous
occupe ici, de Françoise Dolto qui, par
désir de transmettre, occupèrent
une très majeure partie de leur vie professionnelle
à la pédagogie ?
S’il
y a une “politique de civilisation”
possible de l’être humain parlant et pensant,
c’est seulement par la pédagogie qu’elle
aboutira, tous les autres discours sur ce thème
ressemblent plutôt à du blabla...
autrefois, on disait, “du flan”...
Sans
pédagogie, quid
de la formation de l’encadrement d’une modeste
structure du type « Maison Verte
»
? Formation, par des professionnels, d’autant
plus délicate qu’une Maison Verte n’est
ni une institution psychiatrique, ni une halte-garderie,
ni une crèche. « Libre de
toute visée thérapeutique », selon le vœu de Françoise Dolto,
ce doit être, autant que cela se puisse,
disponible, une pépinière d’accueil
et d’éveil à la parole et au langage,
en tant que lieu, sur le long terme, de prévention
de la délinquance, de la prison, de la
folie, un havre d’échanges conviviaux et
apaisants pour les adultes, un joli parterre de
printemps de la vie.
M. W.
14 Octobre 2009