Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

Les Cahiers d'Abram Cytryn

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Il est plus facile d'élever un temple que d'y faire descendre l'objet du culte

Samuel Beckett • « L'Innommable »

Cité en exergue au « Jargon de l'authenticité » par T. W. Adorno • 1964

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Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Bertha Pappenheim

point

 

© ψ [Psi]Le temps du non / Avril 2008

Les Cahiers d'Abram Cytryn

Avant-Propos

Nous voudrions tout d'abord remercier chaleureusement Lucie Cytryn-Bialer pour avoir bien voulu nous confier avec amitié la publication de précieux documents d'archives, que nous ne saurions laisser en friche tels des lettres mortes.

Les Cahiers du frère de Lucie, Abram, déporté du Ghetto de Lodz et assassiné à Birkenau en 1944, à l'âge de 17 ans, n'ont connu en France ni l'avenir, ni la place, ni les hommages, que lui ont attribué la Pologne, Israël, les États-Unis, notamment à Los Angeles... Toutefois, le Mémorial de la Shoah à Paris a réservé à Abram Cytryn une belle vitrine.

Que faut-il raconter et que ne faut-il pas raconter ? se demande Lucie Cytryn-Bialer. Tant de choses ont déjà été dites, et par cela même ne peuvent plus être entendues. D'autres ne le peuvent pas non plus, parce qu'elles sont uniques. Le passé inscrit dans le présent, voilà qui ne peut être traduit que par deux voix, car il faut un double écho pour faire entendre cette blessure. Celle-ci ne concerne pas seulement un être, une population, une génération, elle atteint le tissu même du temps.

Luba JurgensonPréface aux Cahiers

C'est avec beaucoup de difficultés que Lucie Bialer, en 1994, a enfin trouvé, avec l'aide de Janine Gdalia, conseillère littéraire chez Albin Michel, un éditeur pour la traduction française par Véronique Patte des Cahiers de son frère, Abram Cytryn. En France où Lucie réside depuis la fin des années cinquante, après la “Marche de la Mort”, les internements dans les camps de “réfugiés”, puis les errances incessantes qu'ont dû subir les déportés apatrides, ayant perdu la totalité de leurs attaches familiales, à travers l'Europe Centrale pour enfin faire escale en Israël, seul pays acceptant alors de les accueillir.

Pourtant, en 1994, lors de la publication des Cahiers par la Pologne, le Pape Jean-Paul II et Mgr Lustiger n'ont pas dédaigné des les lire, de recevoir Lucie Bialer et d'en laisser témoignage.

 

 

 


Nous ne plagierons ici ni la Préface de Luba Jurgenson, ni le récit des Souvenirs de Lucie, qui accompagnent les Cahiers. Il faut tout simplement les lire. La préface de Luba Jurgenson, remarquablement écrite, concise, documentée, retrace le destin historique du Ghetto de Lodz.
Lucie, avec un courage auquel elle n'a jamais permis de vaciller, prenant soin de se tenir, discrète, en retrait de sa propre personne, aura voué sa vie à animer et attiser, pour peu que l'oubli menace de l'éteindre, la flamme d'un tragique passé. Lucie perpétue aujourd'hui encore, vivace, non seulement l'amour pour son très jeune frère, pour la lignée polonaise entièrement décimée, mais aussi pour tous les disparus, ceux qui furent sauvagement, indistinctement, entassés et exterminés dans les chambres à gaz, les morts de faim, de froid, de traitements atroces, ceux qui avaient contracté l'une ou l'autre maladie mortelle, ceux qui en eurent assez et se sont laissés mourir, les suicidés, ceux que l'on aurait aimés, ceux que l'on aurait haïs, les inconnus, ceux qui indiffèrent...
Et plus tard, comme si le destin n'avait pas suffisamment éprouvé Lucie, elle a d'abord perdu sa fille Nelly, âgée d'à peine 39 ans, puis son mari Zygmunt, rescapé de Treblinka. Il lui fallut alors trouver une raison supplémentaire de continuer à vivre, pour garder vivante, notamment avec la publication à compte d'auteur d'un livre intitulé « For you, Nelly », et malheureusement non-traduit, le bref passage sur terre de Nelly. Nelly était une jeune et lumineuse avocate française, assistante de Me Lombard, morte en 1988, dont l'une des dernières apparitions publiques fut, un an auparavant, sa présence au Procès Barbie.

Deux photos, dans ce triple témoignage, sont uniques. L'une, en quatrième de couverture des Cahiers. Celle, prise par un SS le 28 août 1944, sur le quai de chargement des Juifs du train qui les emporteraient de Radegast à Birkenau, où figurent Lucie, Abram, avec leur mère, Genia. Cette photo est parvenue, anonymement, à Lucie, quelques jours après sa libération.

Paris, ALBIN MICHEL, 1994

La deuxième est celle du wagon-témoin, ramené de “là-bas” pour la commémoration en septembre 2004, du 60e anniversaire de la “liquidation” du Ghetto de Lodz. C'est ce wagon même qui les emportaient, Lucie, Abram, leur mère Genia, le 28 août 1944... La liste originale des noms, une vingtaine de feuillets, manuscrits ou tapés à la machine et cochés à la main, est affichée dans la gare de Radegast, devenue un Musée.

Vidéo Le LIVRE D'ABRAM Film réalisé à partir des Cahiers d'Abram Cytryn, retrouvés par Lucie Bialer à son retour des camps • Poésies d'Abram Cytryn en Commentaire des images d'époque • Film de 36 minutes  

Vidéo Visite de Lucie Bialer à Auschwitz avec les élèves de l'Université de Montpellier • Reportage FR3 Toulouse • 26 septembre 1994 • Film de 3 minutes

Audio • 2 poèmes d'Abram Cytryn, par Laure Tainini

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ψ [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire

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