Réponses
au courrier précédent
Paris, le 7 octobre 2007
Cher Monsieur
C. G.,
Veuillez remercier Monsieur Nicolas Sarkozy de vous avoir chargé
de me répondre.
Je ne mets aucunement en doute “sa détermination à
lutter contre toutes formes de racisme et discrimination.”
J’ai cependant été peinée que ne figure pas
l’antisémitisme dans ce courrier. Mais peut-être est-ce dû
à ce que, dans le “cas” que je lui décrivais,
vocabulaire et agissements scrupuleusement reproduits, après qu’ils
aient été entendus et vus, notamment par des membres - non-Juifs
- du bureau de notre association, dont plusieurs fonctionnaires de
l’État, il s’agit d’antisémitisme bien français. C’est pourquoi
j’en ai également informé la responsable du cinéma de
l’Archevêché, à qui j’avais proposé une copie du DVD
du dîner présidé par Mgr Lustiger lors d’une rencontre
annuelle de notre association. C’est un document très roboratif, accompagné
de musique judéo-tzigane, mais certes imparfait car réalisé
par l’un des participants, Israélien de passage à Paris ce
soir-là. Il n’est donc destiné qu’aux Archives de qui sera
intéressé.
Je n’ai pas bien saisi ce qu’il pouvait y avoir d’embarrassant dans ce
relevé d’un fait non isolé d’antisémitisme autochtone. ADL
- Anti-Defamation League - [lien] rend compte
de ce genre de phénomène courant dans chacun de ses courriers
bi-mensuels, pays par pays et cela ne semble pas choquer ses lecteurs.
Dans une note ajoutée à mon dernier courrier, je me
demandais si cette xénophobie récurrente n’était pas la
cause d’une émigration grandissante vers Israël, de familles
entières et par ceux et celles, notamment les anciens et moins anciens
issus de la déportation, qui en ont les moyens matériels. Pour
ceux qui en sont dépourvus, beaucoup finissent leur vie dans le silence,
la misère ou quelques mouroirs que j’ai eu l’occasion de
fréquenter. Et enfin, sur 3 générations, il y a des
suicides, notamment mais pas seulement, d’anciens résistants
français, d’artistes et d’intellectuels éminents.
Plus préoccupant encore et plus largement, ce fait de
xénophobie, d’ostracisme franco-français, ne concerne pas
uniquement la population juive de France, les amis et connaissances de chacun/e
d’entre nous, issus sans y être pour rien - comme tous les enfants de la
terre -, du monde dit musulman, les “étrangers sans
papiers”, en pâtissent durement et s’en effraient quotidiennement.
Là encore, il y a augmentation des suicides.
Plus près de mon métier, je m’étonne aussi que les
psychanalystes lacaniens, férus sur 3 générations de
sémiotique, ainsi que les spécialistes des sciences du langage,
n’aient pas encore réagi collectivement et publiquement à la
terminologie qui sous-tend les dispositions officielles en faveur de
l’introduction de données biologiques, génétiques, aussi
bien que simplement humanitaires - accès des sans-papiers aux
hébergements d’urgence par exemple, et dans le langage courant.
Un exemple, qui n’engage que mon point de vue : on a lu, dans la
presse, lors de la disparition de Jacques Martin, que l’une des ses
ex-épouses assisterait aux obsèques. N’aurait-il pas
été plus apaisant de lire “la mère de deux de ses
enfants” ?
Moins anecdotique : par les lois et décrets en cours d’adoption
précités, voici que les mères, prétendument
“volontaires”, sont stigmatisées. Ah les mères, les
femmes ! Quand par malheur l’Histoire en vient - c’est arrivé - à
les suspecter d’être engendreuses de “vies indignes d’être
vécues” et de potentiels délinquants dès le berceau.
Nous assistons également, et tant pis pour ceux et celles que
cela indiffère, à une survalorisation du Sport, à
l’approche des Jeux Olympiques de 2008, lesquels nous en rappellent d’autres,
il n’y a pas si longtemps, il y a 70 ans.
La presse, les médias, relèvent aujourd’hui les propos
d’un député d’extrême-droite, selon lequel l’indignation
de journalistes, d’intellectuels, de la plèbe autant que des
“élites”, devant les dispositions officielles
précitées, ne serait que “fantasmes”. Quelle
étrange et abusive appellation, issue d’un vocabulaire à usage
professionnel... Que connaît ce respectable politique des fantasmes de
chacun/e ? Je n’irais pas jusqu’à dire “et des siens ?”, qui,
vraiment, ne nous intéressent pas. Les citoyens, les
personnalités, indignés, seraient-ils des malades mentaux, des
délirants potentiels ?
Si, dans la lettre que j’ai publiée sur notre site, j’ai
“sauté” par-dessus la comparaison avec Napoléon et
son basculement dans la mégalomanie, c’est pour une raison très
simple : Napoléon n’a jamais renié tout ou partie de ses
origines.
Les Chefs d’État, à de rares et précieuses
exceptions près, oublient instantanément, sitôt qu’ils sont
élus, qu’ils sont mortels ou qu’un accident de l’Histoire, la
misère par exemple, peut les renverser d’un moment à l’autre,
avec l’arrivée plus ou moins putschiste d’un dictateur, hypnotiseur des
foules. Les lois, les décrets, restent, ne sont alors pas maintenus en
jachère... ils sont raidis au contraire et sauvagement appliqués -
sauvagement, comme on dit, dans notre métier
“interprétations sauvages” avec leurs conséquences
catastrophiques.
Comme je l’ai écrit depuis fort longtemps, les injures à
la personne, sous toutes leurs formes, selon pas mal de vocabulaires, je les ai
entendues depuis la naissance, elles ont accompagné de
l’extérieur ce que les linguistes nomment, de l’intérieur, pour
l’enfant, la langue source.
De la part des instances officielles plus ou moins importantes, elles
se sont fait discrètes quand, lors des mois qui ont
précédé l’élection présidentielle, j’ai
transmis mon carnet d’adresses individuelles, peu nombreuses, mais de
qualité incontestée jusqu’à présent, en même
temps que la page d’accueil de notre site [lien]ce
qui, m’a-t-il semblé, n’a pas été inutile.
Veuillez recevoir, Monsieur C. G. et transmettre si cela vous
paraît pertinent, l’assurance de ma haute considération.
M. W.
P. S. Pour mon
“pedigree” complet, s’il est vraiment nécessaire d’en
témoigner, il figure dans l’un de mes textes sur le site.