Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

À propos de l'article du Dr. Martine Perez

Autisme : Les errances coupables de la psychanalyse

par

Micheline Weinstein

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Il est plus facile d'élever un temple que d'y faire descendre l'objet du culte

Samuel Beckett • « L'Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object.
Samuel Beckett • “The Uspeakable one”

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

Ø

Personne n'a le droit de rester silencieux s'il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l'âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

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ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s'adresse à l'idéologie qui, quand elle prend sa source dans l'ignorance délibérée, est l'antonyme de la réflexion, de la raison, de l'intelligence.

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© Micheline Weinstein  / 8 avril 2013

À propos de l'article du docteur Martine Perez dans Le Figaro

 

Autisme : les errances coupables de la psychanalyse

 

À propos de votre billet intitulé “analyse” dans Le Figaro de début avril 2013, titré « Les errances coupables de la psychanalyse », qui fait suite à une succession d'articles répétés en coups de boutoirs contre la psychanalyse dans ce même quotidien, je souhaiterais vous faire part de quelques remarques.

Tout d'abord, et principalement, vous vous référez, non à la psychanalyse vouée aux gémonies, mais à celles et ceux qui se dénomment “psychanalystes freudiens”, ce qui est une formulation impropre, communément utilisée pour désigner les psychanalystes lacaniens.

Ce n'est pas parce que Lacan s'est déclaré freudien qu'il le fut, pas plus que je ne suis, pour résumer, heidegerrienne.

Comment s'est-il fait qu'au cours de son histoire la psychanalyse en France soit parvenue, obstinément et sûrement, à être avalée, à la fois par la philosophie, celle très précisément toujours en activité, obscurantiste, ostraciste, du XIXe siècle, celle dont Freud apparentait le discours à celui du délirant, et par la psychiatrie, dont Freud appréhendait que sa découverte n'en devînt la danseuse ou la domestique.

Vous trouverez, en fin de texte quelques références à ce sujet, ainsi que des témoignages par des psychanalystes freudiens, sur leur expérience clinique alentour d'enfants autistes.

Alentour seulement, dans la mesure où, selon Freud, assez ferme au sujet de l'autisme, ainsi que de ce que l'on désigne génériquement par “psychoses”, de la criminologie, de la délinquance sexuelle, ne relèvent pas de la psychanalyse. Freud, simplement, honnêtement, limitait l'application de la psychanalyse aux névroses. Ce qui n'interdit pas aux psychanalystes d'entendre les enfants autistes avec leur troisième oreille et de contribuer, en relais avec des psychiatres, des neurologues, à leur mieux-être, dans une société dont les institutions les ont durablement négligés.

Hélas, quand nous persistons à nous référer aux concepts freudiens fondamentaux, à nous soucier de les étudier, de les discuter, de les mettre sur le chantier de la clinique, d'apporter notre petit caillou à l'évolution de la psychanalyse, nous sommes toisés avec une hauteur à la limite d'une mondaine condescendance, et ouvertement qualifiés de “dépassés”, en anglais, désuet lui aussi, “has been”.   

Il était quasiment impossible jusqu'à très récemment d'obtenir des fonds publics pour aménager des structures institutionnelles destinées aux enfants autistes. Françoise Dolto, qu'il faudrait peut-être lire attentivement avant de la caricaturer en mamy compassionnelle inspirée par des mânes célestes, s'y est en son temps employée - comme d'ailleurs elle le fit plus tard quand elle a inventé, pour les tout-petits « La maison verte » -, en vain.

Les fonds privés, les apports financiers que les parents d'enfants autistes et leurs proches étaient prêts à donner pour la création de havres professionnels afin, à long terme, de protéger l'avenir d'enfants et d'adolescents autistes, n'ont jamais pu, cela va de soi, réunir le volume d'investissement énorme qu'une telle entreprise aurait exigé.

Les enfants, les jeunes, avançant en âge, ont tous pâti du même sort, un chemin inéluctable vers l'hôpital psychiatrique.

De plus, les psychanalystes ne se montraient pas très enthousiastes, la pratique à titre privé auprès de ces enfants-là étant longue, ardue, n'offrant d'emblée aucune garantie de gratification narcissique contre un piètre bénéfice monétaire. Cela a perduré. Par contre la foison d'écrits théoriques sur l'autisme, les psychoses... par nombre de psychanalystes lacaniens, procure sans doute une autosatisfaction confortable.

Il y eut quelques exceptions, dont l'École de Bonneuil-sur-Marne, mise en place avec l'aide active de Françoise Dolto, de ses relations, de son autorité éthique, par Maud Mannoni et Robert Lefort en 1969. Cet exemple fut suivi par de rares et modestes lieux-dits, mais exclusivement privés qui, pour la plupart, s'éteignirent faute de moyens et de candidats habilités à leur administration.

Toutefois, il est essentiel de rappeler que ces structures étaient, et sont pour celles qui existent encore, scrupuleusement dirigées sous le patronage de médecins psychiatres, parfois assistés de collègues. La formation des éducateurs et de l'encadrement, courageux et de plus très mal payés, était, est, assurée et dûment contrôlée. Ces professionnels ne s'occupent pas de décrier ce que l'on regroupe aujourd'hui sous l'appellation de neurosciences, bien au contraire, ils sont attentifs à toute recherche, qu'ils soumettent volontiers à expérience, susceptible de les aider dans leur travail auprès des enfants autistes.

Dans votre article, vous ne manquez pas de vitupérer Bettelheim, dont Nina Sutton, auteur d'une biographie de B. B. (cf. réf. ci-dessous), analyse finement le vacarme polémique autour de ses théories, de ses pratiques, de sa personne.

Quelles que soient les critiques, justifiées ou moins, que l'on peut émettre contre Bettelheim, de même que contre Paul Federn aux États-Unis (cf. référence ci-dessous à l'une de ses analysantes, Mira Rothenberg, fondatrice de “Blueberry”) - son fils Ernst Federn, était codétenu de Bettelheim à Buchenwald -, et leurs élèves, rappelons tout de même qu'à l'époque, à la sortie la 2e Guerre Mondiale, ces psychanalystes, la plupart des éducateurs, de l'encadrement, ainsi que les enfants qui leur avaient été confiés, leurs familles, avaient tous été gravement touchés, directement ou indirectement, par l'extermination des Juifs d'Europe.

Mais il est vrai, Nina Sutton le souligne, qu'au-delà de cette abominable épreuve du camp, fondatrice de sa théorie et de sa pratique, Bettelheim, qui n'avait jamais rencontré Freud et était en concurrence dommageable avec Federn, n'avait pas réussi à surmonter et à neutraliser les propos que son insouciante mère avait estimé pertinent de lui transmettre, selon lesquels, à sa naissance, elle avait été horrifiée tant il “était laid”. 

 Pour en revenir aux psychanalystes lacaniens, non pas freudiens, un jeune universitaire admirateur de Lacan, déclara dès 1964, autant dire un demi-siècle, que “depuis l'avènement de Lacan, il n'était plus utile de lire Freud”. Passé en mûrissant à la droite rapprochée de Lacan, il édifia une multinationale mégalomaniaque intitulée « École de psychanalyse mondiale » (!), sous le slogan d'adhésion, “Tous lacaniens !”.

Dont acte, tout le monde peut s'en faire une idée auprès des adeptes de Lacan, tant dans la théorie que dans les applications cliniques d'une discipline, ici dévolue à un seul usage médiatique, égotiste, prospère, sur plus de 2 générations. Les psychanalystes freudiens, eux, continuent d'assurer, sans aucune illusion, la vitalité de la psychanalyse, en silence.

 

Références avec adresses des liens sur notre site

 

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/preamb.comment.htlm

  http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/elis.r.autisme.html

  http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/noteslectroudin.html

 

Sur l'autisme

Henri Rey-Flaud, LES ENFANTS DE L'INDICIBLE PEUR • NOUVEAU REGARD SUR L'AUTISME, Aubier, 2010

Nina Sutton, BRUNO BETTELHEIM • UNE VIE, Stock, 1996

Mira Rothenberg, ENFANTS AUX YEUX D'ÉMERAUDE • Histoires de mômes prodigieux

Audiohttp://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/media/M_Rothenberg_enfants.html

Mira Rothenberg, « BLUEBERRY »

Audiohttp://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/media/ITVMiraRothenberg.html

Mira Rothenberg, LES ENFANTS DÉPLACÉS • UNE INTRODUCTION

Texte http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/enfantsdeplaces.html

Micheline Weinstein • 2003 • IL Y A 24 ANS...

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/mirarothenberg.html

M. W.

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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