Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

Micheline Weinstein

Notes, commentaires, étymologies, de

Résistances à la psychanalyse

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Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • « L’Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worsship object

Samuel Beckett • “The Unspeakable one”

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

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Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.  

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

point

ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

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© Micheline Weinstein / Novembre-Décembre 2014

 

Notes, commentaires et étymologies de « Résistances à la psychanalyse »

 

 

Présentation

 

Le 27 novembre 2014, j’ai reçu par mail le courrier suivant,

 

bonjour,

 

je ne sais pas si vous êtes toujours en recherche de travaux à relayer sur votre site, je viens de mettre sur [mon site] un texte sur le déni de réalité auquel j’ai envie de donner de l’audience. Si cela vous intéressait de le publier, je serais d’accord. Je le trouve en prise directe avec l’actualité... laquelle ne donne pas trop envie de rigoler...

Cordialement

Signature

 

auquel j’ai répondu brièvement, l’électronique ne se prêtant guère, sauf impondérable, à ma coutume d’écrire une lettre. Je le complète aujourd’hui,

 

Chère ***,

 

J’ai lu votre texte, qui est un travail de réflexion sérieux et approfondi, selon votre approche des concepts philosophiques, ce pourquoi notre site vous a publiée à deux reprises en 2012.

Je dois toutefois vous préciser que, depuis près de 30 ans, nous ne sommes pas “en recherche de travaux à relayer” : les textes, les documents, se proposent d’eux-mêmes, nous laissant le loisir de les relayer.

Or, pour ce qu’il en est des travaux de la plupart des collègues, celles et ceux dont, dans ce même temps, j’ai suivi le cheminement, je ne les relaie aujourd’hui que rarement, ces collègues n’ayant jamais pris, ni la peine, ni la curiosité, de s’intéresser aux nôtres.

C’est ainsi que récemment, je n’ai pas été davantage surprise que notre petite troupe professionnelle de théâtre, non-juive, ne trouve que peu d’écho chez celles et ceux d’entre eux qui, dans les médias, dans les institutions publiques et privées, ce sont faits les “spécialistes” de la Vernichtung - anéantissement - des Juifs, celles et ceux travaillant à divers titres auprès de l’aide à l’enfance, plus généralement psychanalystes, historiens, philosophes, éducateurs, qui sont parents, grands-parents, bientôt arrière-grands-parents, journalistes... Une majorité conséquente de spectateurs, en trois mois de représentations hebdomadaires de « À la bonne adresse », fut non-juive.

Notre troupe de baladins s’est attachée à offrir un spectacle de qualité artistique saluée par tous des spectateurs, « Pour une pédagogie de la solidarité, à l’intention des petits, grands, et vieux enfants ».

N. B. Entendre “vieux enfants”, au cas où ce n’aurait pas été clair : adultes, seniors, vétérans…, 2 montages, dont l’un adapté aux plus petits âgés de 8 à 12 ans, ayant été réalisés.

Par contre Le GrandTOU fut consterné par l’absence d’intérêt, l’absence tout court, des non-spectateurs évoqués ci-dessus. Un aperçu de la qualité de cette Lecture/Spectacle, se trouve à,

 

https://fr-fr.facebook.com/LeGrandtou

 

Enfin, chère***, je rédige actuellement un travail, le plus rigoureux que me le permettent mes moyens, intitulé « Résistances à la psychanalyse », locution qui, à mon sens, frôle la tautologie, et dont vous avez eu connaissance du début par courrier ou par notre site, ce qui exige une “mise en loge” de la pensée.

Bien à vous,

Micheline Weinstein

 

1er Décembre 2014

 

La traduction/interprétation d’extraits de quelques textes de Freud, portant sur les « Résistances à la psychanalyse », est achevée, mais non relue et corrigée. Aujourd’hui, par cohérence avec l’[mon] actualité, je ne pourrai diffuser que les notes et commentaires 3 et 4 de ce travail.

 

3 Selon le « Witz » d’Einstein : Si la relativité se révèle juste, les Allemands diront que je suis Allemand, les Suisses que je suis citoyen suisse, et les Français que je suis un grand homme de science. Si la relativité se révèle fausse, les Français diront que je suis Suisse, les Suisses que je suis Allemand et les Allemands que je suis juif. “Un grand homme de science” est d’une banalité qui ne mange pas de pain, concédons aux Allemands de ce temps-là leur absence d’hypocrisie !

 

4Ostracisme envers Freud, ou attitude hostile d’un ensemble de personnes constituant une communauté envers ceux qui lui déplaisent = ici, sous couvert de “potins”, largement répandus, dans et par les médias, friands de salacités. Cf. ma lettre ouverte à Élisabeth Roudinesco, laquelle, pas plus que d’autres présumés collègues, n’ayant jamais daigné prendre connaissance de mes travaux, ni même jeter un œil, fût-il rapide, sur notre site où figurent les références et la plupart de mes publications depuis près de cinquante ans, laquelle m’attribuait encore récemment l’âge de feue Anne-Lise Stern, si bien que j’aurais aujourd’hui 93 ans !

 

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/lettreroudi.html

 

Pourtant, et comme simples témoins de leur temps, mes travaux portent principalement sur la singularité psychique, de ce que l’on désigne par les “un/e par un/e”, de ces humains, qu’ils soient juifs ou non, nés avant, pendant, après, héritiers de la Seconde Mondiale, que l’on a coutume de mettre en tas, à partir de mon histoire de bébé-miracle sauvée de l’extermination, et intégralement orpheline : absence de construction du moi, absence d’identifications, absence d’apprentissage de la parole et du langage, absence de patrimoine biographique, de patrimoine tout court.

Un incomparable témoignage singulier de ces “un/e par un/e”, est celui de Georges Perec.

 

Il est possible que Madame Roudinesco, “psychanalyste”, dont j’ai relayé quelquefois des articles sur notre site, soit passée à côté de mon innocence [cf. CNRTL, état de ce qui, par nature, ne fait pas de mal à autrui ; fait de ne pas être nuisible] attardée - ou demeurée ? - dans le monde d’avant-hier, de bébé juive née sous l’Occupation, ait contribué aux difficultés à être ne serait-ce qu’identifiée par mes contemporains…

 

Revenons à Freud. Il est loisible de tout savoir de la vie sexuelle de Freud, de ses espoirs et déceptions, des causes réelles de dissensions transférentielles dans le mouvement analytique, avec et entre ses élèves, ses (parfois faux) amis, ses correspondants… Freud évoque honnêtement l’évolution de sa sexualité dans sa volumineuse correspondance ; quant aux dissensions, elles sont éditées dans ses œuvres, considérées comme complètes à ce jour. De telle sorte qu’aujourd’hui, la SPP et ses antennes, reconnues d’utilité publique, assurant une formation théorique, technique et clinique - autrement dit thérapeutique -, serait seule habilitée à authentifier l’intitulé et la fonction du Psychanalyste, ce qui mettrait fin aux “autorisations de soi-même” prônées par Lacan, lesquelles permettent à tout un chacun, non professionnel, de s’auto-nommer “psychanalyste”, en même temps que d’utiliser le nom propre de Psychoanalyse, créé par Freud l’année de la mort de son père, sans aucune gêne ni considération pour son auteur. La psychanalyse et sa terminologie, grâce à l’influence de la multinationale lacanienne auprès des médias, liée au pouvoir de l’argent et des, pour faire bref, coteries, analogues à celles des politiques, sont devenues en France un objet qui ne prétend à nul service, qui ne sert à rien ou dont la fonction est si futile qu’on devine bien que sa création n’a pas été dictée par un besoin, c’est-à-dire un gadget (CNRTL) à l’usage de qui n’est pas sensible à l’étymologie ou recherche du vrai.

Pourquoi, dès 1967, ai-je été stupéfiée du déni de ses affidés, devant les propos tenus, écrits, par Lacan, dont on dirait aujourd’hui qu’ils les ont “zappés” (= Faire disparaître quelqu’un ou quelque chose de son champ de vision, cesser de lui accorder le moindre intérêt), du déni de la théorie créée par Freud, de ses calembours épais envers la personne de Freud, les lectrices et lecteurs intéressés les trouveront sur notre site. Je n’en reproduirai ici que trois extraits,

 

1938

 

Le sublime hasard du génie n’explique peut-être pas seul que ce soit à Vienne - alors centre d’un État qui était le melting-pot des formes familiales les plus diverses, des plus archaïques aux plus évoluées, des derniers groupements agnatiques des paysans slaves aux formes les plus réduites du foyer petit-bourgeois et aux formes les plus décadentes du ménage instable, en passant par les paternalismes féodaux et mercantiles - qu’un fils du patriarcat juif ait imaginé le complexe d’Œdipe.

 

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/courrier/commentaire.html

(Il y a d’autres exemples dans ce commentaire)

 

1967

 

Jacques Lacan

 

Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’école

[J’ai mis l’essentiel à mon sens en italiques]

 

Avant d’être un problème à proposer à quelques cavillations analytiques, ma position de chef d’École est un résultat d’une relation entre analystes, qui depuis dix-sept ans s’impose à nous comme un scandale. Je souligne que je n’ai rien fait en produisant l’enseignement qui m’était confié dans un groupe, ni pour en tirer la lumière à moi, notamment par aucun appel au public, ni même pour trop souligner les arêtes qui auraient pu contrarier la rentrée dans la communauté, laquelle restait pendant ces années le seul souci véritable de ceux à qui m’avait réuni une précédente infortune (soit la sanction donnée par les soins de Mademoiselle Anna Freud à une sottise de manœuvre, commise elle même sous la consigne que je n’en sois pas averti).

 

C’est l’avènement, corrélatif de l’universalisation du sujet procédant de la science, du phénomène fondamental, dont le camp de concentration a montré l’éruption. Qui ne voit que le nazisme n’a eu ici que la valeur d’un réactif précurseur. La montée d’un monde organisé sur toutes les formes de ségrégation, voilà à quoi la psychanalyse s’est montrée plus sensible encore, en ne laissant pas un de ses membres reconnus aux camps d’extermination. Or c’est là le ressort de la ségrégation particulière où elle se soutient elle même, en tant que l’I.P.A. se présente dans cette extraterritorialité scientifique que nous avons accentuée, et qui en fait bien autre chose que les associations analogues en titre d’autres professions, proprement parlé, une assurance prise de trouver un accueil, une solidarité, contre la menace des camps s’étendant à l’un de ses secteurs. L’analyse se trouve ainsi protéger ses tenants, d’une réduction des devoirs impliqués dans le désir de l’analyste. Nous tenons ici à marquer l’horizon complexe, au sens propre du terme, sans lequel on ne saurait faire la situation de la psychanalyse. La solidarité des trois fonctions majeures que nous venons de tracer, trouve son point de concours dans l’existence des Juifs. Ce qui n’est pas pour étonner quand on sait l’importance de leur présence dans tout son mouvement.

 

1974

 

Intervention de Jacques Lacan au Congrès de Rome

 

Que la femme soit l’objet “a” de l’homme à l’occasion, ça ne veut pas dire du tout qu’elle, elle a du goût à l’être. Mais enfin ça arrive. Ça arrive qu’elle y ressemble naturellement. Il n’y a rien qui ressemble plus à une chiure de mouche qu’Anna Freud ! Ça doit lui servir !

 

3 décembre 2014

 

J’ai assisté aux séminaires de Lacan dès l’âge de 23 ans, je l’ai personnellement rencontré à trois reprises pour lui dire ce que je pensais. Outre la rédaction de mes propres travaux, dont des traductions, j’ai écrit réflexions et commentaires de ses dires et théories sur 30 ans, dans un livre publié par notre association en 1987, parfaitement dédaigné par mes contemporains d’hier et d’aujourd’hui, que j’augmente depuis 27 ans. Pour comprendre les “mathèmes” (?) et autres supports scientifiques de Lacan, j’ai travaillé les mathématiques, la physique, la cybernétique et tout ce qui plaira, avec François Le Lionnais. Avec l’avènement de l’informatique et de son usage, par simple espièglerie devant ce que j’appelle des “pilleurs de troncs”, je date consciencieusement mes travaux depuis leur début, en 1967.

L’on voudra bien m’excuser de ne m’être pas mariée, mon rythme singulier n’ayant pas bénéficié du loisir d’entretenir une maisonnée. Par contre, au cours de mon exercice professionnel, mon contre-transfert échelonné, totalement à mon insu, a produit 48 nouveau-nés, pour la plus grande part non-juifs. Les plus âgés sont aujourd’hui parents. Sans doute cet insu désirait-il réparer l’assassinat des enfants dans les chambres à gaz.

Ce que Freud analyse en tant que “narcissisme des petites différences” témoigne de la pérennité de l’ancrage, dans le collectif, de la structure œdipienne chez l’humain individuel, de sa nature laquelle, par définition et quelles que soient les tentatives d’en théoriser une refondation radicale, ne change pas, à moins de croire en une métempsychose, non plus des âmes, mais des corps. La base du narcissisme des petites différences, à partir des pulsions inhérentes, s’inscrit d’abord dans la structure de la famille : plus on est proche, plus se fantasment, et souvent se manifestent, voire se mettent en actes et en paroles, jalousies, rivalités, vœux meurtriers…, fixés dans l’infantile, lesquels perdurent tout au long de la vie, engendrent les guerres, internes et externes…

 

Il nest manifestement pas facile aux humains de renoncer à satisfaire leur prédisposition à l’agressivité ; ils ne s’en portent pas mieux pour autant. Il faut se garder de traiter par le mépris [le déni ?] la prédominance de sphères culturelles restreintes, lesquelles ouvrent la voie à la satisfaction de la pulsion d’agression envers toute personne qui lui est extérieure. Il est toujours possible dunir les uns les autres, par des liens d’amour, une considérable masse de personnes, à la seule condition quil en reste dautres en dehors delle pour recevoir les coups de boutoir de l’agressivité. Je me suis occupé jadis de ce phénomène, selon lequel ce sont précisément les communautés adjacentes et même apparentées qui en décousent et se ridiculisent réciproquement ; par exemple Espagnols et Portugais, Allemands du Nord et du Sud, Anglais et Écossais, etc. [Ajoutons, autre exemple, les Sépharades et Ashkenases…]. Je lai désigné par « Narcissisme des petites différences », nom qui ne contribue guère à léclairer. Nous pouvons cependant considérer cela comme une satisfaction pratique et relativement inoffensive du penchant à l’agression, grâce à laquelle la cohésion de la communauté est rendue plus facile à ses membres. Freud.

 

Ah ! Le “devoir de mémoire” (!) dont j’ai toujours trouvé la formulation étrange, admettons, venant d’un Primo Levi utopiste, maladroite. La mémoire est une qualité exclusivement individuelle, de sorte qu’elle ne s’enseigne pas, ne participe d’aucun devoir, se cultive, privilégie l’apprentissage de la transmission de l’histoire, laquelle érige en dur des « Mémoriaux », appose des plaques commémoratives, organise des colloques ; si l’on considère que la mémoire peut relever d’une psyché collective… nous assistons alors, navrés, à la vanité de cette espérance.

Quoique vous disiez, pensiez, agissiez, tentiez, rien ne sert à rien, “ça” insiste, “ça” persiste.

Prenons pour exemple l’antisémitisme. L’antisémitisme, au même titre que la jalousie irrépressible et l’avarice, est à mon sens comparable à une pathologie grave, inguérissable, indéracinable. Vous dites, même en passant, que vous connaissez bien, d’expérience vécue, l’antisémitisme : vous êtes grossièrement traitée, surtout si vous êtes femme, par la vox populi, de “paranoïaque”, sans d’ailleurs que les locuteurs aient la moindre idée de ce que signifie, au plan clinique, une paranoïa, excepté nombre de spécialistes de la psyché, lesquels se joignent sans aucune gêne au vocabulaire de cette vox populi, qu’ils ont eux-mêmes enseignée en le répandant dans les médias.

Car la vox populi abrite en son sein des “zélites” pensantes, intellectuelles, professionnelles, de toutes appartenances. Aussi bien juives, celles dont on déplore une “haine de soi”, autre expression approximative. Plutôt que “haine de soi” je traduis Judenhasspar “haine de sa ou ses lignée/s”, au su, à l’éprouvé, au vécu, de plus de 2000 ans d’histoire des Juifs, par besoin harassé de se faire accepter, convertir, d’en finir de porter ce poids maudit, qui les stigmatise.

Freud se reconnaissait Juif, sans la moindre concession. On attendait qu’un jour, il développe son assertion. Or, jusqu’en 1939 à Londres, l’on fut déçu. Il n’y a rien à expliciter, ni par l’historiographie, ni par la sociologie, pas plus que par une biographie, personnelle ou autorisée, puisque, tout simplement, d’origine, “ça s’est trouvé comme ça”.

 

À suivre...

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
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