ψ = psi grec, résumé
de Ps ychanalyse
et i déologie.
Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS
DU NON s’adresse à l’idéologie
qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance
délibérée,
est l’antonyme de la réflexion, de la raison,
de l’intelligence.
ø
© Max Arian / 1er septembre 2014
Max Arian
Sauvé par la résistance
juive en Hollande
pendant la Seconde Guerre Mondiale
Récit
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Prononcé le 25 février 2014 au
Warlooplein à Amsterdam lors de la Commémoration de la Résistance juive en
Hollande
Il ne serait pas surprenant que quelqu’un
vienne à demander : pourquoi cette commémoration ? Pourquoi devriez-vous
particulièrement commémorer la résistance juive pendant la Seconde Guerre
mondiale ? Après tout, il y eut aussi de nombreux non-juifs qui sauvèrent des
Juifs, et beaucoup de Juifs, au sein de groupes, prirent part à diverses formes
de résistance non exclusivement juive. Et il est vrai que la résistance juive
seule n’aurait jamais pu accomplir le plus important de son travail – aider
à cacher des Juifs - sans la coopération des combattants non-juifs de la
résistance.
C’est pour deux raisons que je vais
maintenant parler des formes spécifiques de résistance juive. D’une part, parce
que l’importance de cette résistance est encore largement sous-estimée dans les
Pays-Bas, de l’autre, parce qu’elle fut essentielle pour moi en tant que petit
garçon. Sans la résistance juive, je ne serais pas ici aujourd’hui. Pas plus
que sans la résistance non-juive. Et cela ne me concerne pas non seulement à titre
personnel, mais à celui de centaines d’enfants juifs qui furent alors cachés.
Petit garçon juif, je suis né en mars 1940,
près d’ici, à Amsterdam, dans le Rapenburgerstraat. Mes parents étaient des
gens tout à fait ordinaires. Bien que vivant dans le quartier juif, ils n’étaient
pas très religieux, mais ils se sont tout de même mariés à la synagogue. Avant
de se marier, ma mère travaillait dans un atelier de vêtements où l’on
confectionnait des tenues de cérémonie, mon père était commercial chez un
peintre. Il était connu pour ses sympathies de gauche et pour ne pas supporter
l’injustice. C’était aussi un sportif, il avait fait de la boxe. Il était donc
évident pour lui de participer aux groupes principalement juifs qui se
rebellèrent ici en février 1941, au moment où des hommes armés de WA [Weerbaarheidsafdeling],
membres de la division armée du NSB [Mouvement
national-socialiste aux Pays-Bas] sont venus ici pour malmener le quartier juif,
maltraiter les Juifs, exhiber leur puissance sous la protection de l’Occupant
allemand.
C’est ici, sur la Waterlooplein que des
hommes juifs encore jeunes manifestèrent leur résistance. C’est pourquoi ce
monument devant lequel nous nous trouvons commémore les résistants juifs tombés
dans la guerre.
Ce fut la première manifestation de la
résistance juive.
Lors de ce combat, un gamin de la WA,
nommé Koot WA, fut blessé et décéda quelques jours plus tard. Naturellement, la
presse pro-allemande en fit grand tapage.
Mon père fut blessé par un coup de couteau
dans le dos, et fut amené à un poste de premiers secours dans le
Jodenbreestraat. Malheureusement, cet endroit était minutieusement administré,
de sorte que dès le lendemain, il fut facile de traquer mon père pour l’interroger.
Mais le poste de police Daniel Meijerplein réussit à établir un rapport de
façon à ce que, dans l’immédiat, rien ne puisse être fait contre lui.
Près d’un an plus tard, l’enquête sur la
mort de Koot fut rouverte, et mon père arrêté dans un traquenard. Finalement,
au bout de six mois de prison, en juillet 1942, il fut déporté dans le premier
transport pour Auschwitz, où il a été tué comme plus d’un million de Juifs.
Vous savez je pense qu’en février 1941,
par représailles à cette première manifestation de résistance, puis à d’autres
affrontements, les Allemands déportèrent 425 jeunes hommes juifs à Mauthausen
en Autriche, où ils furent tous tués dans des conditions terribles. Vous savez
aussi que la population d’Amsterdam répondit à ce premier raid par la grève
massive et courageuse de février 1941. Avec Piet Nak, l’un des initiateurs de
cette grève, mon père fut jeté dans une cellule de la prison de la Weteringschans.
Mon père alors disparu vers une
destination inconnue, ma mère essaya d’éviter de tomber dans les mains des
Allemands. Mais elle fut tout de même arrêtée et ce fut mon oncle Nico de Klijn
qui réussit à la libérer de la police. Mais elle fut arrêtée une seconde fois
et conduite au Hollandsche Schouwburg [Théâtre
d’Amsterdam], où l’on rassemblait les Juifs avant de les déporter. C’est
alors que Nico de Klijn lui montra comment sortir par la cour du théâtre en
passant par le jardin de la maison adjacente.
C’est dans et autour du Hollandsche
Schouwburg, cet avant-poste de la déportation, qu’un groupe fut formé par de
jeunes hommes et femmes juifs qui aidèrent leurs semblables à fuir, comme Jac.
Van der Kar l’a décrit dans son livre Joods
Verzet, la Résistance juive dont mon oncle faisait partie sous cette forme
spécifique.
À la suite de quoi, ma mère fut arrêtée de
nouveau, pour la troisième fois, et fut alors emprisonnée et battue comme
criminelle spéciale dans le Hollandsche Schouwburg. Elle eut alors le sentiment
que tout était perdu et qu’elle aussi partirait en transport. Elle réussit pourtant
à donner clandestinement une lettre à mon oncle : faites que l’enfant soit mis
en sécurité. Cet enfant c’était moi, un garçon de trois ans. L’ironie fut que
mon oncle m’amena à la crèche qui faisait face au Hollandsche Schouwburg, là où
les enfants étaient abrités avant d’être déportés. C’est ainsi, qu’à son insu,
il m’apporta directement dans la gueule du lion.
Il le fit en toute confiance, car il avait
appris que les enfants juifs étaient amenés clandestinement, à partir de la
crèche, dans la campagne de la Frise et du Limburg. Il connaissait personnellement
l’un des combattants de la résistance, Theo de Bruin, et savait aussi que, sous
la protection de Walter Süskind, tout un réseau avait été formé à l’époque pour
sauver des enfants. Évidemment, cela ne pouvait se faire sans la participation
active du personnel de la crèche, en particulier des femmes et des jeunes filles
qui travaillaient dans et autour de cette pépinière. Ce fut une part importante
de la résistance juive spécifique. Ce travail ne pouvait être fait que par les
Juifs, mais seulement avec la coopération de non-juifs : quatre groupes
emportaient les enfants. Dans le groupe de Theo de Bruin, le groupe NV [Société Anonyme] fit en sorte que je sois
placé dans le Limburg auprès d’une famille bienveillante.
Finalement, ma mère fut aussi secourue par
la Résistance juive, alors que, après avoir été transférée à la Rietlanden [La roselière], elle était déjà assise
dans le train qui devait la conduire à Westerbork, le camp de concentration
Néerlandais. Les résistants juifs du Hollandsche Schouwburg lui ont montré
comment elle pouvait s’échapper. Ils appliquèrent un insigne du Conseil juif sur
son bras, qui lui permit de quitter le train et de se cacher dans un autre
train. Là, elle fut ensuite prise en charge par ce groupe de résistance et emportée
dans la camionnette vide qui avait livré de la nourriture à la gare. Elle fut
alors conduite dans le Limburg, comme je l’avais été moi-même, où elle put se
cacher, et où elle m’a trouvé après la Libération, le 5 mai 1945.
Je ne dirai pas ici avec quelle générosité
la famille Micheels m’a accueilli et caché à Heerlen, et avec laquelle nous
sommes restés en contact étroit jusqu’aujourd’hui. Je ne développerai pas ce qu’il
en fut, après guerre, de ma mère et de ma grand-mère - qui est revenue du camp
de Theresienstadt -. Elles ont reconstruit une vie avec moi. Ni le bonheur que
j’ai trouvé auprès de Maartje, ma femme, de mes enfants et de mes
petits-enfants. Ma mère avait six arrière-petits-enfants, voici dix ans, quand elle est
morte en paix, à l’âge de quatre-vingt dix ans. Ses derniers mots furent pour s’excuser
de ne pouvoir me faire à manger...
Je ne vais même pas vous en dire beaucoup
ici sur le groupe NV, largement constitué de jeunes d’origine chrétienne, qui m’a
sauvé ainsi que 400 autres enfants juifs. Après maintes objections, ils ont
finalement accepté la médaille des Justes en 1982 à Yad Vashem. Cependant, ce
que je veux vous dire maintenant, c’est que j’ai entendu beaucoup de ces amis
de la Résistance regretter que les résistants juifs ne reçoivent pas une telle
distinction : “Pour ceci”, disaient-ils : “sans la Résistance juive nous n’aurions
jamais pu sauver tous ces enfants.”
Et je veux ajouter quelque chose qui
peut-être pour une fois mérite une attention particulière. Quand je pensais à
la Résistance juive, j’ai réalisé que cette résistance, qui concerne les
enfants, commence avec les parents juifs, prêts au plus grand sacrifice qu’il
nous est possible de penser : confier votre enfant à des étrangers. Sans savoir s’ils
ne reverraient jamais leurs enfants, sans savoir ce que sera leur destin.
La plupart des Juifs, à cette époque, ne savaient,
je crois, encore rien sur les chambres à gaz, certains croyaient que l’on était
emmené au loin pour travailler très dur, alors, ils décidèrent de rester avec
leur famille. Tout aussi naïvement, d’autres ont fait valoir que l’Est serait trop
épuisant, et que la question se posait de savoir si les enfants survivraient à
cette épreuve.
Mais ceux qui eurent le courage de
renoncer à leurs enfants, quand, par chance, les circonstances s’y prêtèrent, témoignent
pour moi d’un grand héroïsme. Je veux honorer ces parents, ici en particulier, qui
souvent n’ont pas survécu.
Leurs enfants sont bien vivants, et pour
la plupart ont fondé des familles. Ils sont maintenant septuagénaires ou même
plus âgés, et il arrive à beaucoup de transmettre l’histoire, comme je l’ai
fait aujourd’hui. J’espère que vous ferez de même.