Puisque,
probablement à contre-courant, l’association ne “blogue” ni
ne diffuse généralement le courrier en nombre, voici les
dernières réflexions à partir des travaux en cours sur
l’usage des mots et de la langue, appliqués aux personnes, via la “com.” et les médias.
1 • Fantasme • La
mode est de jeter le terme de “fantasme”, comme un slogan,
lorsqu’“on” veut discréditer le contenu des propos de
quelqu’un, voire plus précisément lorsqu’“on” veut
discréditer ce quelqu’un lui-même, n’importe quand, n’importe
où, par n’importe qui, du plus haut de la gouvernance jusqu’au bas de la
plèbe. Il semblerait que ce terme soit aujourd’hui employé comme
une injure à la personne à laquelle il s’adresse, plus
raffiné que celui qui amènerait à carrément traiter
autrui de “fou” ou de "folle". Il semblerait
également, dans la même perspective plus sélecte, qu’il
émane de locuteurs, usagers de ragots et de calomnies, projetant leurs
constructions plus ou moins délirantes, ou en passe de le devenir,
à moins qu’elles ne soient banalement vulgaires.
Peut-être,
si l’“on” souhaitait rester polis et élégants, le
terme de “chimère/s” (vaine imagination), qui se réfère aux contes et
légendes, patrimoine collectif des humains, serait-il plus
adéquat...
Le
“fantasme” en psychanalyse n’est d’abord pas un concept collectif.
C’est un concept extrêmement fin, délicat à manier,
compliqué, qui renvoie d’abord à un invariant, la perversion
infantile-polymorphe de chaque humain
parlant et pensant, pour évoluer, avec le temps, et quand il y a
défaut de sublimation, jusqu’au concept de perversion tout court.
Paranoïa,
paranoïaque • Les termes de “paranoïa /
paranoïaque” subissent le même sort. Ils sont à la mode
également depuis quelques décades, et sont utilisés et
balancés en pâture au public, dans une ignorance exemplaire de
leur sens et de leur dramatique contenu.
Narcissisme,
narcissique • Sont apparus enfin,
par des chefs de bandes “psys” et politiques, très
récemment, les termes de “narcissisme, narcissique”,
lancés comme une claque publique, pour qualifier le style de ce qui
anime le Président de la République, nommément Nicolas
Sarkozy. Seulement, lorsqu’il est demandé, ne serait-ce qu’à un “psy” ce qu’il entend par ce terme de
“narcissisme”, il vous regarde d’un œil assez
hébété. De même, s’il est interrogé sur sa
définition et sa conception de la psychanalyse, de son exercice, de la
pratique de son métier, il vous répond, avec une certaine
inimitié, comme attaqué sur ses bases : “Vous (ou tu)
êtes plus cultivée que moi”, ce qui n’a rien à faire
avec la question posée. La posture de ces “psys” est celle
d’une étrange faconde, chacun, femmes aussi, se prenant encore, 25 ans
plus tard, pour Lacan, imitant jusqu’à ses tics, sans craindre de se
présenter comme autant de caricatures. Bref, ces
“psys”-là écrivent des kilomètres de
banalités, comme font les journalistes “peuple”, fussent-ils
rédacteurs en chefs, ceux qui s’adressent aux “gens”
(“people”) et non aux citoyens, aux électeurs, aux sujets,
aux personnes ; tandis que de nombreux “psys” s’expriment, eux,
comme des journalistes “peuple”.
Puisque nous
ne fréquentons pas les “blogs”, nous ignorons, devant cette
curieuse inversion des rôles, la réaction d’autorités
psychanalytiques. En tous cas, nous n’avons rien trouvé dans la
presse à ce sujet, mais nous ne lisons pas tout.
Que le
Président de la République actuel, pour des raisons personnelles
et pensant peut-être moderniser le style présidentiel, ait
maladroitement exposé sa vie privée, cela n’autorise pas, nous
semble-t-il (je ne suis pas seule), des professionnels de la psychanalyse,
marchant gaillardement sur leur devoir impérieux de réserve et de
discrétion, à balancer en public des interprétations
sauvages, pour une simple raison irréfutable - c’est ce que nous ont
enseigné nos analystes et ceux à qui nous devons notre formation
: le Président de la République, Nicolas Sarkozy, ne leur a rien
demandé. Et sans demande d’analyse de la part d’un
intéressé, pas d’analyse, c’est l’ABC de la discipline.
De leur vivant,
pas un analyste n’aurait osé, quelles que soient leurs postures et leurs
propos publics, intituler une publication « Psychanalyse d’un
Président de la République »*, sous les présidences
de Charles de Gaulle, Georges Pompidou, aujourd’hui encore Valéry Giscard-d’Estaing,
François Mitterand... ç’eut été impensable. Pour ne
citer que François Mitterand, qui cultivait avec grand soin l’amour de
la langue et du “bien écrire”, il n’est pas improbable
qu’il eut qualifié l’auteur d’une telle tentative de
“chien” de meute.
* Les éditeurs et les psychanalystes qui vantent aujourd’hui leurs “psychanalyses” du Président de la République arguent que “Freud l’a bien fait, avec le Président Wilson” ! Cela me rappelle ceux qui prenaient des libertés avec leurs patientes en arguant : “Lacan l’a bien fait !”
Comme référence, ce « Président Wilson », publié une première fois en 1967, n’est ni une réussite ni un critère. Il suffit de lire la note de Max Schur ci-dessous pour en être informé (j’ai mis en italiques les passages essentiels de cette note). Freud avait préfacé le livre de Bullitt, sans doute entre 1932 et 1933 (cf. Lettre à Marie Bonaparte), mais pour le reste de l’ouvrage, il est écrit par Bullitt à partir de sa correspondance avec Freud, les notes et lettres de Freud ayant été, selon Bullitt, détruites (?), donc invérifiables. Il suffit également de lire le livre lui-même pour être édifié, tant le lecteur s’ennuie ferme tout au long de ces enfilades de ratiocinations, assez proches de celles de « L’homme aux Loups » et qui sont parfaitement étrangères au style de Freud. Les puissances mercantiles du monde de l’édition n’ont pas permis à Anna Freud de s’opposer à la publication de cette chaotique “étude”.
Note de Max Schur :
Mr. Bullitt et moi avons aussi évoqué lors de notre rencontre la question du livre sur Wilson. Je savais qu’il existait un manuscrit car Freud m’avait souvent parlé de l’intérêt qu’il portait à ce travail. D’autre part, dans une lettre à Marie Bonaparte du 7 décembre 1933 (chap. XXII), il avait manifesté sa déception de constater que le livre n’était pas encore terminé. Jones a eu l’occasion de lire le manuscrit lors de son séjour à New York en 1956 (vol. -II, p. 172).
Mr. Bullitt m’ayant demandé ce que je pensais de la publication du livre, je lui répondis qu’en tant que membre du Comité directeur des Archives Sigmund Freud — pour lequel la conservation de tout le matériel utile à notre compréhension de Freud (manuscrits, lettres, interviews de personnes ayant connu Freud, etc.) était d’un intérêt vital —, mais aussi parce que j’étais en train d’écrire une étude biographique sur Freud, la sauvegarde du manuscrit me concernait au premier chef. J’insistai beaucoup sur ce point car, d’après Mr. Bullitt, il n’existait qu’un seul exemplaire de ce manuscrit. Je pensais, lui dis-je aussi, qu’il avait en sa possession des notes détaillées sur les discussions qu’il avait eues avec Freud à propos de Wilson, ainsi que de nombreuses lettres. Mais il me dit que, lors de son départ précipité de Paris pendant la guerre, toutes ces notes et lettres avaient été brûlées par la négligence d’un valet de chambre.
Je suggérai donc à Mr. Bullitt d’envoyer une copie du manuscrit à Mr. Ernst Freud qui s’occupait des Sigmund Freud Copyrights et lui dis qu’Anna Freud l’aiderait certainement volontiers dans la mise au point définitive des parties psychanalytiques du livre. À mon avis, ce devait être une maison d’édition universitaire qui devrait se charger de la publication. La Rutgers University Press me paraissait un choix judicieux. Mr. Bullitt envoya effectivement une copie à Ernst et Anna Freud mais, malheureusement, ne jugea pas utile d’accepter l’aide d’Anna Freud. Celle-ci lut le manuscrit mais trouva que seule l’introduction reflétait nettement le style et la pensée de Freud. Je partage, comme d’autres, cette opinion (voir • Erikson, 1967, et B. S. Stewart, 1967).
Max Schur • FREUD : LIVING AND DYING, 1972 • La mort dans la vie de Freud, 1975
Lors d’un
débat récent entre journalistes confirmés, il y eut un
homme pour s’élever contre cet emprunt à la psychanalyse du terme
“narcissisme”, identifié et appliqué à Nicolas
Sarkozy. Cet homme, Philippe Tesson a proposé un qualificatif, (presque
?) paternel, presque tendre, puisé dans le langage courant, celui de
“hâbleur”. Personne n’écoutant personne que
soi-même, cela n’eut aucun effet, tout le monde a continué de
brailler dans tous les sens.
Psychanalyse
et Shoah • Le monde d’en-haut, celui
d’en-bas, à l’exception obligée du “quart-monde”,
s’arrachent férocement, concurrentiellement, exactement comme dans les
familles privées, via le
vocabulaire, des lambeaux de la psychanalyse et de la Shoah - en
français littéral, de
l’“Anéantissement” (Vernichtung). “Lobbies”, “pas lobbies”, classes
sociales bien étanches, sectes, adeptes isolés du culte du Moi
(classe assez majoritaire)... tels autant de propriétaires,
défendant avec vigilance les “biens” qu’ils ont
collectés. Ils se déchirent, s’exterminent mutuellement, aux noms
de la psychanalyse et de la Shoah, bien souvent à coups de pouvoir et
d’argent (ah ! l’argent !). Il est alors permis de s’interroger sur
l’intérêt, les gains personnels retirés, à terme, de
cette sauvagerie, qui évoque étrangement “Totem et
tabou”...
2 - Le lecteur
éventuel trouvera ci-dessous le petit courrier que j’ai écrit, en
tant que porte-parole de l’association, à un collègue. Son
intitulé est personnel pour la raison très simple qu’il a trait
à une vieille histoire éditoriale. En réalité il
s’adresse à ceux et celles, du “monde” de la psychanalyse,
du “milieu”, qui se sont sentis liés à l’histoire de
la Shoah, et qui ont bien voulu ne pas
nous aider à faire vivre l’association, son site, ses travaux.
ø
Paris, le 8 avril 2008
Cher non-ami
Ne sachant pas
si *** a ou non changé d’adresse/mail, si oui auriez-vous
l’amabilité de lui transmettre l’info ci-dessous (je lui communique
régulièrement les infos quand cela me semble pertinent, mais sans
garantie de réception) :
« J’ai
fini par retrouver le contrat avec le Dr Boumandil pour mon exposé du 6
mai 1983, devant les médecins des Groupes Balint du Sud de la France, au
cours duquel j’ai lu la lettre de Françoise Dolto, « Autour du
miroir ». Cet exposé, que j’ai retrouvé également,
s’intitulait : « De l’embryon à l’homme, la conquête du
monde » et... à la relecture, il tient encore assez bien la route,
à quelques évolutions près. Il faudra que je le
retravaille pour l’ajouter sur le site
à la lettre manuscrite de F. D.
Par ailleurs,
je souhaiterais, si la Correspondance de F. D. est
rééditée notamment en livre de poche, que *** supprime le
terme “viatique” de sa note, terme qui est abusif. J’avais
demandé ce texte/lettre à F. D., non pour qu’elle me soutienne
- en 1983 je tenais debout à peu près seule -, mais parce que sa
critique du “Stade du miroir” de Lacan et la mienne ne trouvaient
aucune place où tout simplement se prononcer.
J’ai, lors de
la publication du 2e tome de correspondance de Françoise
Dolto en 2005, instamment demandé à la directrice de collection
de Gallimard la suppression de ce “viatique”. Laquelle a
daigné me retourner un courrier, particulièrement grossier,
méprisant, et surtout snob, me demandant accessoirement qui
j’étais. Bien qu’elle s’en contrefiche, j’espère néanmoins
l’avoir très succinctement informée par ma réponse.
»
Pour le reste,
à vous comme à beaucoup d’autres, j’ai fait confiance
imbécilement, au nom de ce que la psychanalyse et les analystes qui ont
assuré ma formation m’avaient transmis. Je vous remercie donc pour les
considérations pseudo-professionnelles et les diagnostics nosographiques
dont j’ai été le modeste objet, lesquels n’ont pas encore
dissipé la nausée qu’ils m’ont insufflée. Merci
également pour les emprunts littéraux sans vergogne en tous
genres pendant presque 30 ans, aussi bien dans mes écrits et travaux personnels ainsi
que dans ceux des auteurs et artistes membres de l’association que j’ai
créée voici 22 ans.
Avec ma
sincère considération,
M. W.