Au sujet de la pulsion...
À
ce sujet de la pulsion incontrôlée,
puisque c’est de cela dont il s’agit dans la bruyante
et peu ragoûtante affaire DSK, je souhaiterais
donner à lire, pour celles et ceux qui
ne les connaissent pas encore, quelques extraits
de l’« Abrégé de Psychanalyse
» de Freud,
dans lequel sont collectés des écrits
pédagogiques datant de 1938, publiés
après sa mort en 1940.
Mais
auparavant, quelques réflexions éparses,
transmises de-ci de-là, par courrier, à
des proches amicaux ou/et professionnels.
À
mon étonnement, plus cette affaire avançait,
plus son spectacle sexuel reculait, au profit
de la réhabilitation d’un “honneur
entaché” dont DSK aurait été
victime.
Pourtant,
côté spectacle et quelles que soient
les déclarations contradictoires sur le
mode de vie de Nafissatou Diallo, la présomption
portant sur ses rapports avec un “milieu” glauque du Bronx, destinés - pour qui ? - à moissonner
une somme coquette - toutes choses étant
étrangères stricto sensu
aux violences sexuelles -, du spectacle sexuel,
il y en eût, sinon en direct, du moins en
simultané.
Je
dirai crûment que, non seulement dans les
tapis et autres mobiliers du Sofitel, mais à
la face du monde, DSK a giclé partout ce
que je ne nommerai pas.
D’autre
part, s’il y eût “complot”,
et peut-être y-a-t-il eu, qu’est-ce qui
explique qu’un homme aussi intelligent, sinon
par incapacité de contrôler sa compulsion,
se soit laissé tomber dans le piège
?
L’on
a vilipendé un “puritanisme”
américain et le terme “pervers”
affiché par la presse américaine,
favorisant la thèse du “séducteur”.
Et
cela, comme si DSK aimait les femmes, en tant
que personnes humaines, sujets parlant et pensant,
précisons-le. Comme s’il ne les traitait
pas brutalement en objets partiels de satisfaction
immédiate. Comme s’il ne les harcelait
pas pour assouvir sa frénésie compulsive...
Oubliant,
pendant tout ce temps, de demander, ne serait-ce
qu’à une seule femme si, franchement, en
dehors de la recherche d’acquisition de bénéfices
politico-financiers et autres privilèges, elle conçoit un rapport sexuel passager
ou durable avec ce poussah congestionné
qui de surcroît n’est plus de toute première
fraîcheur.
C’est
très étrange. Dans n’importe quel
manuel sérieux de psychiatrie, l’on trouvera,
au chapitre “perversions actives”, mises en actes, parmi leurs traits caractéristiques,
les termes de “sadisme, harcèlement,
fétichisme, violences sexuelles, échangisme...
” et j’en passe de nombreux...
L’on
est moins discrets - les Américains aussi
bien - éditorialement, sur les mœurs
supposées de personnages célèbres,
quand l’on farfouille infantilement dans la vie
de Freud, de sa fille et de quelques autres, pour
seule finalité de leur attribuer des écarts
sexuels, sans avoir jamais voulu lire et entendre
que cela ne les concernait pas, qu’ils se trompent
de sujet. La psychanalyse, à l’image de
la névrose qui est le négatif de
la perversion active, avec laquelle elle est incompatible, a comme
principe premier que les choses, elle les parle,
les écoute, les théorise
quand elle est douée, elle ne les fait,
ne les agit, pas.
Le renoncement aux pulsions, leur maîtrise
en vue de les sublimer, ou les transcender si
l’on préfère, présentent
aux analysants, d’entrée d’analyse, la
perspective de ce que devrait être sa fin,
pour qui n’envisage pas de devenir analyste.
Mais
c’est ainsi que j’ai été enseignée,
et cela est un point de vue qui n’engage que ma
conception personnelle de l’analyse, je ne suis
pas tout à fait seule à la partager.
Il
y a un point sur lequel il me semble que Freud
n’a pas eu le temps de s’attarder pour l’étudier
plus à fond. C’est celui de la sublimation
justement. Je pense que, contrairement à
ce qu’il expose et réitère parfois,
les femmes sont beaucoup plus aptes que les hommes
à sublimer leur pulsion sexuelle, c’est-à-dire
à la diriger vers des tâches plus
élevées, ce dont personne ne niera
l’évidence quand elles occupent, dans quelque
domaine que ce soit de l’éducation, de
la politique, de la santé mentale ou physique,
syndical, des postes à responsabilités
- ces exemples sont publics uniquement pour faire
bref.
Si
Freud à son époque s’est limité
aux traumatismes subis par les enfants, Anna Freud
et son entour, pour la plupart analystes, mais
aussi pédagogues féminins et masculins,
avec celles que l’on nomme selon une certaine
condescendance “Les féministes”,
ont pris le relais pour attirer l’attention sur
les violences portées à toute personne,
quels que soient son âge, son genre (!),
sa condition, sa provenance, toisée comme
faible physiquement et/ou psychiquement - saluons
ici le “courage” des assaillants !
-, dans l’impossibilité de se défendre.
C’est
ce chemin, encore difficile, emprunté depuis
3/4 de siècle par les générations
qui ont précédé la nôtre,
que nous continuons de suivre.
Nous
lirons dans l’un des extraits ci-dessous - mais
aussi dans d’autres écrits, tels « L’Homme
aux Loups », « Constructions en analyse
»... - , que Freud n’a jamais rejeté
les retombées catastrophiques consécutives
aux traumatismes sexuels.
ø
Freud
Abrégé
de Psychanalyse
Extraits
Les pulsions
Nous
nommons Pulsions
les forces que nous présumons sous-jacentes
aux tensions causées par les besoins pressants
du Ça. Elles sont représentatives des exigences
du corps auprès de la vie psychique. Tout
en étant à l’origine de chaque activité,
les pulsions sont de nature conservatrice ; chaque
tentative, par un organisme vivant, d’accéder
à un nouvel état, se heurte instantanément
à une mobilisation des forces, destinée
à rétablir l’état antérieur.
[...]
La technique analytique
[...]
une première déception nous attend,
un premier avertissement à la pondération.
Pour que le Moi du patient soit un allié précieux
au cours de notre travail commun, il est indispensable,
aussi dures les pressions exercées par
les puissances hostiles soient-elles, qu’il ait
conservé un certain degré de cohérence,
un fragment de discernement envers les exigences
de la réalité. Or, il ne peut être
attendu émanant du Moi du psychotique, lequel ne peut respecter un tel
accord [celui du protocole analytique]. Peut-il seulement l’appréhender Car il nous aura, notre personne
et l’aide que nous lui proposons, très
bientôt éjectés et expédiés
dans cette région du monde extérieur
qui, pour lui, ne signifie plus rien. Si bien
que nous reconnaissons que nous devons renoncer
à expérimenter, auprès du
psychotique, notre protocole thérapeutique.
Peut-être renoncer définitivement,
peut-être à titre provisoire seulement,
jusqu’à ce que nous ayons découvert
une autre méthode qui lui serait davantage
adaptée.
[...]
Névroses
et psychoses sont les états dans lesquels
se manifestent les dysfonctionnements de l’appareil
psychique. Nous avons choisi, pour objet de notre
étude, de nous limiter aux névroses,
puisqu’elles seules paraissent accessibles à
notre méthode de traitement psychique.
[...]
Avant
de procéder à notre description,
présentons l’un de nos principaux résultats.
À l’inverse par exemple des maladies contagieuses,
les névroses n’ont pas de déterminants
spécifiques. Il serait oiseux d’y chercher
des agents pathogènes. Elles se relient
à ladite norme par des transitions assez
fluides et, par ailleurs, il y a peu d’état
reconnu comme normal où l’on ne puisse
mettre en évidence une ébauche de
tracé névrotique.
[...]
Ce
sont aux disharmonies quantitatives
qu’incombe la responsabilité des insuffisances
et de la souffrance des névrosés.
L’origine de toutes les formes que prend la psyché
de l’humain est à trouver dans l’interaction
des dispositions innées avec les événements
accidentels vécus. Ainsi, au cours de la
vie, telle pulsion précise peut se révéler
trop puissante ou trop faible, telle faculté
particulière peut s’étioler ou ne
pas suffisamment se développer. Par ailleurs,
les impressions extérieures et les expériences
vécues peuvent imposer, selon les êtres
humains, des exigences plus ou moins grandes,
et ce que l’un peut surmonter de par sa constitution,
sera pour un autre une tâche beaucoup trop
difficile. Ces différences quantitatives
détermineront la diversité des résultats.
[...]
L’expérience
analytique nous enseigne qu’il y a assurément
une exigence pulsionnelle dont la réalisation
échoue très précocement ou
qui ne se résout que partiellement et qui,
à une certaine époque de la vie
entre exclusivement ou de façon prépondérante
en ligne de compte dans la genèse d’une
névrose.
[...]
N’oublions
pas non plus d’inclure l’influence de la civilisation
comme clause de la formation d’une névrose.
Le barbare, nous le constatons, n’a aucun mal
à se porter comme un charme, tandis que
pour l’humain civilisé se maintenir en
bonne santé est une tâche rude.
[...]
Les
abus sexuels, les altérations des mœurs
Notre
attention doit être en tout premier lieu
retenue par les répercussions de certaines
influences qui, si elles ne frappent pas tous
les enfants, sont cependant fréquentes.
Ainsi les abus sexuels commis par des adultes
sur les enfants, leur détournement par
d’autres enfants un peu plus âgés
(fratrie)... et, ce à quoi l’on ne s’attendait
pas, le profond trouble qui les agite, quand ils
participent en tant que témoins visuels
ou auditifs, aux ébats sexuels entre adultes
(les parents) et cela à une époque
où l’on n’aurait imaginé ni que
de telles scènes puissent les intéresser,
ni qu’ils puissent en saisir le sens, sans que
leur mémoire n’ait la faculté d’en
garder les marques.
[...]
La satisfaction immédiate
des pulsions
[...]
une satisfaction immédiate et brutale de
la pulsion exigée par le Ça
entraînerait le plus souvent de dangereux
conflits avec le monde extérieur et mènerait
au naufrage. Le Ça ne connaît aucune sollicitude envers la
sauvegarde de la pérennité, il ignore
l’angoisse.