Si
haut que l’on soit placé, l’on est toujours
assis que sur son cul.
Montaigne
Avec un grand merci
à Hélène et Michel
1
Pétain
Cher
Denis,
C’est
à ta grand-mère paternelle que je
songeais en suivant l’émission diffusée
le 05 octobre 2010, par C dans l’air, intitulée « Pétain,
une ambiguïté française ».
Il
y a très longtemps, tu étais encore
adolescent, lorsqu’un soir je fus invitée
à dîner chez ta mère, en présence
d’autres personnes, mais surtout de ta grand-mère
paternelle. Je ne me souviens plus si, de l’un
de tes frères ou toi, lequel voulait faire
HEC, afin de gagner beaucoup d’argent. En fait
la suite nous montre que devenir riche n’était
qu’un moyen accessoire, tu l’étais déjà.
Par contre, devenu très très riche
t’a permis d’acquérir une puissance commerciale
considérable, à condition cependant
qu’elle fut d’un commerce raffiné, culturel,
de prospérité éditoriale,
sans toutefois aller jusqu’à accéder
au standing du mécénat.
Je
me serais ennuyée ferme, comme toujours
dans les dîners snobs que je n’aime pas
beaucoup fréquenter, quelle que soit leur
position sur la rose des vents si, toute la soirée
et en aparté, je n’avais écouté,
avec une attention émue, - comment en aurait-il
pu être autrement ? -, le récit de
la fuite, à pieds, hors de l’Allemagne
nazie, de ta grand-mère paternelle, seule,
ses deux enfants, ton père et ton oncle,
et deux valises, à bout de bras. Ta grand-mère
paternelle parlait un haut-allemand tant magnifique
que le soldat contrôleur nazi les laissa
monter dans le train qui franchissait la frontière
avec la France, ce qui lui valut de sauver une
première fois ses enfants, ton oncle et
ton père. Un peu plus tard, en France,
il fallut qu’elle recommence.
Il
y a deux ans, au Printemps des Poètes, place St Sulpice, l’éditeur Rüdiger, traducteur
bilingue français/allemand et ami de ton
père, avec lequel j’ai parlé une
partie de l’après-midi, veillait sur le
dernier exemplaire du recueil de poèmes
d’Armand Olivennes, «
Adam et Adam ensemble exilÉs / Adam und Adam zusammen verbannt
».
J’ai demandé à Rüdiger de ne
pas s’en séparer d’ici à ce que
je te passe le message, ce que j’ai fait aussitôt
par e-mail. Je n’ai jamais reçu de réponse
et ignore si quelqu’un s’est déplacé
pour l’acquérir.
À
l’écoute de tes interventions dans C
dans l’air, en forme de platitudes affirmées, non
vérifiées, contradictoires, de tes
connaissances historiques plus que légères,
je m’interrogeais donc sur ce qu’en aurait pensé
ta grand-mère.
Où
donc grappilles-tu tes futiles infos ? Sur Internet
? Auprès des discours de tes relations
du Who’s Who ? Tu as repris par exemple, mots
pour mots, les propos de Simone Veil, lors de
son allocution du 18 janvier 2007 au Panthéon
et que voici,
Certains Français se plaisent à
flétrir le passé de notre pays.
Je n’ai jamais été de ceux-là.
J’ai toujours dit, et je le répète
ce soir solennellement, qu’il y a eu la
France de Vichy, responsable de la déportation
de soixante-seize mille juifs, dont onze mille
enfants, mais qu’il y a eu aussi tous les
hommes, toutes les femmes, grâce auxquels
les trois quarts des Juifs de notre pays ont échappé
à la traque. Ailleurs, aux Pays-Bas, en
Grèce, 80% des Juifs ont été
arrêtés et exterminés dans
les camps. Dans aucun pays occupé par les
nazis, à l’exception du Danemark,
il n’y a eu un élan de solidarité
comparable à ce qui s’est passé
chez nous.
Après
avoir émis des considérations assez
étranges sur Les Justes
de France et les héritiers directs de la
déportation en 2000, Madame Veil, une nouvelle
fois, tape sur la Hollande, j’aurais bien souhaité
savoir pourquoi cette constance, qui aboutit à
ceci que personne ne voulut, de 1992 à
nos jours, nous aider à publier et diffuser
l’aventure exemplaire d’une « Société
Anonyme » dont témoigne le petit
livre que j’ai traduit du hollandais « À
la bonne adresse » (extraits audio/vidéo
et postface de Max Arian sur notre site).
Mais
voilà, je n’avais pas compris, ou plutôt
ne m’en étais pas souciée, qu’il
s’agissait justement d’anonymes - reconnus tout de même comme Justes
parmi les Nations
à Yad Vashem. Les éditions, le mécénat,
ne s’attardent pas sur les anonymes
- ceux que je privilégie, qui ne sont pas
“vendables”, les devenus célèbres,
avec 50 ans de retard, n’ayant pas besoin de nous.
Devenus
célèbres aujourd’hui et rentables
avec 50 ans de retard... Je me rappelle en effet
- j’étais alors [très] jeune, 1957
! - l’interprétation sublime par Pascale
Audret, sœur de Hugues Aufray, de l’adaptation
du « Journal d’Anne Frank », dans
une mise en scène et un décor inégalés
depuis qui, contrairement au États-Unis,
en Italie... , ne connut alors à Paris
qu’un succès d’estime, et ne vécut
que ce que vivent les saisons théâtrales
ordinaires... sans plus de résonance...
Dans
le même ordre d’idées, je me suis
demandé, lors de la Commémoration,
à Birkenau le 27 janvier 2005, du 60e
“anniversaire” de la libération
des camps, où nous, le tout-venant des
revenants et des héritiers directs de l’extermination,
tout comme au Panthéon, n’étions
pas invités si, plutôt que d’allouer
des sommes folles à ce gigantesque “Son
et Lumières” international, il n’eût
pas été d’une meilleure pertinence
de les consacrer - oui, consacrer -, à
la réfection des bâtiments et installations
sauvegardés de la plus monstrueuse nécropole
que le monde ait connu, où chacun de nos
pas s’imprime dans la cendre des morts, et qui
évolue vers un état de désagrégation
inquiétante...
Et
voilà que toi aussi, Denis Olivennes, tu
reprends la comptabilité - “sur 240.000
Juifs français [chiffre inexact, autour
de 300.000], il [n’]y eut [que] 70.000 déportés”
! -, en sous-estimant d’ailleurs assez gravement
le nombre de déportés Juifs de la
France [autour de 80.000], tu compares ce qui
ne saurait se comparer, aux plans de l’histoire,
de la démographie, de la géographie,
des traditions culturelles, comme le font les
révisionnistes.
À
la Libération de la France les convois
partaient encore de Drancy vers Birkenau - 31
juillet 1944, 1300 déportés, plus
de 300 enfants, 209 survivants, dont aucun
enfant [Klarsfeld]... L’évacuation des camps eut lieu fin janvier 1945,
plus d’un an après la Libération...
(cf. bien longtemps après la création
de L’Ordre de la Libération par De Gaulle
à Brazzaville en 1940, c’était si
loin et coûta si cher aux Africains ; Libération
de l’Algérie fin 1942, de la Corse fin
1943, de Paris en août 1944 et enfin de
la France entière... ).
Le
désordre causé par la Libération,
une sorte d’anarchie normale en de telles circonstances,
mais aussi la liesse, le retour des prisonniers,
l’arrêt des trains, la désaffection
des personnels, pour parachever l’entreprise -
et là, précisément, nous
pouvons employer, à juste titre, le terme
d’“indifférence” de la part
de “La France”, mirent un terme à
l’entreprise. Et, surtout, la collaboration n’était
plus opportune...
Aussi,
réservons, bien séparée,
notre reconnaissance devant le courage et la loyauté
des seuls Justes, dénombrés ou dans leur ensemble,
opposants ou sub-pétainistes, tant ceux
dont les noms furent depuis révélés
que ceux qui restent encore aujourd’hui anonymes.
Pour les autres et les masses, les institutions
habilitées s’en occupent, professionnellement,
c’est à elles qu’incombe d’apprécier
leur comportement. Nous ne saurions nous autoriser
à nous y substituer, nous qui demeurons,
aujourd’hui comme hier, neutres, “sans amour
et sans haine”, indifférents.
À lui seul le total monstrueux,
effroyable, unique dans l’histoire de l’antisémitisme
- plus de 6.000.000 de Juifs exterminés
-, témoigne de lui-même, depuis qu’il
a été patiemment établi,
puis entériné par nos sens horrifiés.
De
ces choses, Denis, je parle avec d’autant plus
de sérénité que je fus sauvée,
cachée, bébé, puis enfant,
à Paris puis, de trains en trains, dans
différentes provinces françaises,
par des successifs réseaux communistes
non-Juifs, par un couvent et par une école
catholique.
Il
n’est plus guère décent de “faire
dans le détail”, pays par pays, région
par région. Respectons nos morts, un par
un, dans leur singularité, quelles que
soient leurs appartenances géographiques
d’origine.
Je
sais, c’est à la mode depuis quelques années
de louer l’attitude des Français en
bloc,
de les appeler “La France”. Bientôt
nous entendrons que La France, en tant qu’entité,
fut admirable, dont des “résistants”
(!) subits, surgis tels des lapins du chapeau
d’un prestidigitateur, rasaient, sans la moindre
honte, avec hargne, acharnement, les têtes
des femmes suspectées d’avoir vécu
une histoire d’amour avec des Allemands : “Vous
n’aviez qu’à pas les laisser entrer !”
répliquait vainement Arletty. Les hommes,
eux, auxquels on ne se souciait pas de savoir
avec qui ils avaient “couché”
pendant l’Occupation, où qu’ils soient,
furent épargnés, la chose allait
de soi [Silicet !], ce ne se fut pas même abordé, seuls
les collaborateurs emblématiques - politiques,
intellectuels... -, ou désignés
comme tels, furent inquiétés. La
suite est mieux connue, certains furent fusillés,
d’autres “blanchis”, d’autres enfin
réussirent à passer entre les mailles...
Dans cette ode généraliste
et réductrice, en ce qu’elle aplatit, banalise,
le courage des Justes, où l’on met en avant une supposée
“indifférence” du peuple français
devant la “question juive”, davantage
occupé par sa sauvegarde et par ladite
“révolution nationale”, tu
escamotes allègrement les milliers de dénonciations
et de délations en tous genres écrites
et orales, les pillages d’appartements vidés
de leurs Juifs, les Juifs que l’on a harcelés
jusqu’en zone Sud, en zone dite “libre”
(!), dans les caches particulières, dans
leurs domiciles, dans les dizaines de camps d’internement,
avec leurs petits enfants, pour les remonter sur
Drancy, d’où ils furent déportés
et, pour la presque totalité, assassinés
à Birkenau, tu esquives la collaboration
active ou passive de millions de français,
qui ne furent pas, eux, des Justes !
Il
est abusif, me semble-t-il, de convoquer le mot
“indifférence”, serait peut-être
mieux approprié celui de “déni”, autrement dit le vocable “Je
n’en veux rien savoir”.
Des
historiens proposent cette thèse, que Pétain
se trouvait d’abord et avant tout sous l’emprise
obsédante de sa haine viscérale
pour les communistes et les bolcheviks, dont il
voulait à toute force l’élimination.
Mais Denis, Pétain avait ceci en commun
avec Hitler, ses nazis et les ultras de toute
extrace, de toutes provenances, que les communistes
et les bolcheviks étaient, longtemps avant
la guerre déjà, et d’autant plus
depuis la Révolution russe, désignés
ouvertement par la propagande, dans la rue, les
expositions, comme Juifs ou sous la domination
idéologique des Juifs. N’as-tu pas lu «
Mein Kampf », ouvrage obligé, notamment
par Heidegger, de référence dans
les Universités allemandes, dont certaines
caves françaises hébergent encore
la traduction d’époque ?
S’il
n’y eut en France “qu’un tiers” (!)
de déportés juifs dont, a-t-on estimé,
20.000 Israélites français, le reste,
si j’ose dire compte-tenu du mépris que
ces derniers portaient à la piétaille
juive pourchassée d’Europe de l’Est et
d’Allemagne, parmi laquelle, tout de même,
des écrivains, des scientifiques, des artistes,
des politiques, qui se croyaient réfugiés
et à l’abri en France et se sont trouvés,
avec les Tziganes, les Gitans... , étranglés
dans la souricière et flanqués dans
les camps d’internement avant d’être expédiés
directement à la mort et, par ailleurs,
pour les Républicains Espagnols, les Arméniens,
Italiens... ... ... les “étrangers”
de partout, politiques, résistants, catholiques,
protestants, expédiés en camps de
concentration, dont ceux qui en sont revenus ont
témoigné de leurs conditions de
survie.
Tu
allègues, Denis, t’inclinant ici devant
une espèce de consensus médiatique,
que la France n’est pas plus antisémite
aujourd’hui qu’elle ne l’était depuis la
fin du XIXe siècle et plus précisément
depuis l’Affaire Dreyfus. T’arrive-t-il de te
balader dans les rues, d’être attentif à
la violence de ce qui se dit et s’écrit,
d’être pris de nausée devant des
actes publiquement xénophobes, devant un
antijudaïsme traditionnel, attisé
aux XXe et XXIe siècle
par le conflit israélo-palestinien, qui
n’est qu’un prétexte [cf. texte de base
: 1969, « De l’antisionisme à l’antisémitisme
», par Léon Poliakov, et suivants]
? Où sont tes yeux et tes oreilles ? Ne
te déplaces-tu qu’en véhicule blindé
? Ne te montres-tu que dans les “raouts”
mondains ?
Pourquoi
éprouves-tu le besoin, lorsque tu participes
à une émission télévisée,
d’insérer systématiquement hors
sujet : “Je ne suis pas sarkozyste”
? Que tu le sois ou pas, que tu oscilles, un coup
oui un coup non, arranges-toi avec ta conscience,
avec tes fidélités comme avec tes
infidélités, Denis, je vais te dire
: de tes états d’âme, on se contrefiche
intégralement.
Pour
terminer cette première partie - la seconde
ne lui est pas étrangère, qui se
noue à l’histoire de la psychanalyse, portant
sur le dossier “Marilyn” paru dans
le Nouvel Observateur que tu diriges -, j’espère
que tu seras d’accord pour partager avec nous
un moment de silence à la mémoire
des petits enfants Juifs, Espagnols, Gitans, internés
à Rivesaltes, dont la trace, pour la quasi
totalité, s’est perdue et qui nous regarderons
pour l’éternité grâce aux
photos prises en 1942 par celle dont la seule
raison de vivre alors, dans les circonstances
que tu sais, était d’en prendre le plus
grand soin, Jacqueline Lévy-Geneste, laquelle
nous a quittés, elle aussi, voici un peu
plus d’un an.
1942
Camp d’internement de Rivesaltes
« Sortie de classe » des enfants Espagnols
et Gitans
La maternelle « Des enfants Juifs »
Extraites de « Au camp, le Livre d’heures »
de Jacqueline Lévy-Geneste, en cours
de fabrication
©
m.
w. Archives privées
2
Marilyn Monroe
Ce
sera bref, j’ai déjà tout dit, tout
écrit [cf. sur notre site], dès
ce mois d’août 1962 où, dans la semaine
qui suivit le décès de Marilyn Monroe,
consternée par l’article obscène
paru dans « Le Canard Enchaîné
», j’avais, vraiment candide, rédigé
une réponse qui n’est pas parvenue à
ce destinataire ou n’a pas été considérée
comme digne d’être relevée.
Je
regarde la reproduction de Marilyn Monroe dont
Le Nouvel Observateur que tu diriges, Denis, a habillé la couverture
gloutonne de son numéro du 30 septembre
au 6 octobre 2010. On y voit un “chapeau”
au-dessus de l’intitulé du journal : «
TéléObs
Au temps des maisons closes ». Au-dessous
de cet intitulé, en rouge, le titre, à
la hauteur de ceux de la presse “people”
la plus triviale, en rouge : « Les vies
secrètes de Marilyn » suivi en blanc
de « Ses écrits intimes ».
La
photo maintenant, qui illustre - était-ce
volontaire ? - le temps des maisons closes : dans
des dégradés de teintes “chair”,
le visage retouché de Marilyn en Lolita
dévêtue, dont la nudité n’apparaît
que partiellement dévoilée, enveloppée
dans un rideau vaporeux, semblable à ceux
qui servent de fond de décor aux photographes,
platine, offerte, les yeux aguicheurs mi-clos,
le bras et la main suggestifs arrondis vers l’épaule...
Je
m’arrête là, songeant tout de même
que, pour la qualité de ton hebdomadaire,
tu aurais eu avantage à t’inspirer de la
couverture sobre, déférente, du
Figaro Magazine, où Marilyn, de trois-quart, col roulé
noir, pantalon blanc, adossée à
un canapé, livre ouvert sur le genou, son
beau visage, son regard clair, tournés,
nostalgiques, vers le ciel, justement, ne nous
regarde pas, ne nous appelle pas. Ainsi que du
titre, tout aussi discret, du même Figaro
Magazine, en blanc sur fond noir : « L’autre Marilyn
• Les écrits intimes de la star qui
aimait les livres ».
Pour
ce qu’il en est des remarques sur le livre lui-même,
« Fragments • poèmes, écrits intimes,
lettres », rien de sa présentation,
rien d’une lecture attentive, toutes émises
par des hommes qui tous partent du postulat que
Marilyn était une déséquilibrée
- voire, chez les “professionnels”,
de psychotique -, histoire de mouliner et remouliner
leurs fantasmes sexuels et ainsi de justifier
que leur virilité se satisfait de l’exclusive
consommation vorace d’un splendide être
parlant, obstinément, répétitivement,
réifié par leurs soins. Le point
de vue du psychiatre-psychanalyste André
Green, que tu as sollicité en raison de
son éminence, est assez surprenant, peu
perspicace, qui développe en diagnosticien
chevronné ses interprétations et
ses conclusions, comme s’il détenait la vérité psychique en soi, et nous
promène dans les méandres d’un “faux
self” et autres fadaises “psy”
éculées depuis des lunes.
Tu
aurais eu avantage aussi à t’inspirer du
Figaro quotidien, lequel a préféré,
pour une approche de ce superbe hommage, une sensibilité
féminine, celle d’une star également,
Sylvie Testud, dont la fine écriture témoigne
avec retenue de son amour véritable, de
sa tendre empathie, pour Marilyn Monroe.
Oui,
Marilyn Monroe est un échec de la pratique de la psychanalyse à l’américaine,
happée par le snobisme [et l’argent, mais
cette précision est une tautologie], sur
laquelle la pratique de la psychanalyse française s’est alignée
en catimini tout en l’éreintant en public,
se gardant ainsi de s’auto-proclamer son héritière.
Pour ce qu’il en est de la théorie, elle
fut ravalée, là-bas comme ici, à
des spéculations abstraites relevant de
l’esthétique en philosophie ou à
des aménagements destinés à
valoriser la réputation, d’abord des psychiatres,
puis de toutlemonde...
Reportes-toi,
Denis, au livre de Michel Schneider, «
Marilyn dernières séances »,
tu y liras que Marilyn Monroe fut embarquée,
au mépris de sa personne et de sa confiance,
elle qui admirait tant Freud, dans la nef infernale
des célébrités politiques,
mafieuses, cinématographiques, intellectuelles
qui, toutes, étaient liées personnellement
ou par intérêt de corps de métiers,
de “lobbies”, s’ajoutaient ou se démêlaient, et qui constituaient
une manne pour le renom et la fortune d’apprentis
sorciers auprès d’êtres abîmés,
non seulement par la vie, mais de plus par l’alcool,
la drogue, les tranquillisants, qui rendent une
psychanalyse, stricto sensu,
nous le savons d’expérience, inapplicable.
Il
aurait suffi à Greenson et à Strasberg,
plutôt que de pérorer avec enflure,
pour aider réellement Marilyn Monroe, l’accompagner,
la soutenir, peut-être la sauver, d’entendre
son désir authentique et de le prendre
en compte, autrement dit lui permettre d’interpréter
le rôle majeur qu’elle appelait de toute
son âme : Lady Macbeth.
Il
est vraisemblable que l’instrumentalisation indécente
de Marilyn Monroe s’effectua à l’insu d’Anna
Freud, restée très attachée
à ses amis d’avant l’exode, particulièrement
à Marianne Kris et à Greenson, lequel
avait oublié qu’un psychanalyste ne prescrit
pas, lui-même, de tranquillisants, il délègue
à un psychiatre ou, s’il fait le psychiatre,
il délègue à un psychanalyste.
C’est Anna Freud qui, après avoir reçu
Marilyn Monroe à Londres, lui avait conseillé
Marianne Kris à New-York, laquelle, dans
un moment de désarroi peu professionnel,
l’a dirigée dans un service psychiatrique
fermé abominable ; quant à Greenson,
Romi, possiblement piteux, il semblerait qu’il
lui fallut presque un an et demi avant qu’il n’ait
le courage d’informer Anna Freud du décès
de Marilyn.
Anna
Freud, toutefois - et c’est là que nous
réalisons son éventuelle méconnaissance
de ce qui se passait réellement aux U.S.A
-, toujours loyale et amicale, le console dans
une lettre du 20 janvier 1963,
Je suis vraiment désolée pour Marilyn Monroe. Je sais exactement
ce que vous éprouvez parce qu’il m’est
arrivé la même chose avec un de mes
patients qui a pris du cyanure avant que je revienne
des États-Unis il y a quelques années.
On repasse tout sans arrêt dans sa tête
pour trouver ce qu’on aurait pu faire mieux et
cela laisse un terrible sentiment de défaite.
Mais, vous savez, je pense que dans ce cas-là
nous sommes vraiment vaincus par une chose plus
forte que nous et contre laquelle l’analyse, malgré
tous ses pouvoirs, est une arme trop faible.
Extrait de « Anna Freud », par Élisabeth Young-Bruel
Côté
Marianne Kris, Marilyn Monroe, alors en analyse
avec Greenson à Los Angeles, avait rédigé
un testament en sa faveur, dans lequel elle faisait
don d’une part de son héritage, destinée
à la remettre à une œuvre de
son choix, ce qui sauva, de la déroute
financière, la Hampstead Clinic.
Voilà
Denis, à présent, je vais retourner
à mes amours et à mes travaux, entre
autres à mes lectures. J’ai repris - et
j’en ai pour un moment - La peau de chagrin, de Balzac, que lisait Freud avant de partir, couplé avec son
parallèle, Vie et opinions de Tristram
Shandy, de Laurence Sterne.
Bonne
continuation,
M. W.