Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

Mont Mouchet

par

Thierry Peyrard

Ø

Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • « L’Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object.
Samuel Beckett
• “The Unspeakable one”
Underlined in « Jargon of the Authenticity » by T. W. Adorno • 1964

Ø

Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.
Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

point
ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

ø

© Thierry Peyrard / Septembre 2011

Mont Mouchet

 

Sur les traces de mes grands-parents paternels

À la mémoire des Résistants d’Auvergne

          

La route du Puy vers le Mémorial de la Résistance du Mont Mouchet , à la limite de la Lozère, de la Haute-Loire et du Cantal, est une petite départementale qui contourne le Mont, site d’origine de la légende de la Bête du Gévaudan, à travers une épaisse forêt de sapins. Elle descend dans une clairière parsemée de rochers glaciaires qui forment un vallon humide où pâturent quelques vaches, puis elle franchit un petit pont de pierre. Elle remonte ensuite dans la forêt domaniale du Mont Mouchet. Après quelques virages, la route en forte montée débouche enfin dans un clairière gazonnée. Au milieu, un grand monument « À la Résistance » et « Au maquis », un Jardin du Souvenir, où des Résistants ont demandé que soient répandus leurs cendres et en bordure de la forêt, deux bâtiments, l’un était une auberge, l’autre abrite un Musée de la Résistance. À travers les arbres on entra-perçoit vers l’ouest la pente de la montagne en face, à l’opposé, vers le nord-est, par-delà la forêt, le sommet du Mont.

L’ancienne auberge, vide et silencieuse aujourd’hui, est un bâtiment de ferme sans caractère, sinon d’être bâti à l’emplacement de l’ancienne maison forestière qui servit de quartier général au maquis et fut entièrement détruit en juin 44 par les obus allemands.

Le Musée a un toit pentu à deux versants qui retombent presque jusqu’au sol, proche de la forme d’une tente ou d’une chapelle. À l’intérieur, l’historique décrit le contexte général de la guerre et du nazisme, mais est toutefois centré sur la Résistance en Auvergne. Il est géré par une association d’anciens de la Résistance [1] avec le soutien du Conseil Régional d’Auvergne. La scénographie modifiée l’an passé; claire et pédagogique, présente des documents, pour la plupart des fac-similés, autour d’un déroulement chronologique depuis l’arrivée d’Hitler au pouvoir jusqu’à sa chute et se termine par quelques informations sur les camps de concentration et d’extermination. Elle est manifestement pensée pour des jeunes générations ou pour des personnes peu au courant de ces événements. L’exposition précédente, touffue, manquant d’axes prioritaires et d’explications didactiques, déployait toutefois plus de documents locaux, d’un grand intérêt pour le visiteur connaissant le contexte général. Les anciens Résistants maquisards qui l’avaient probablement conçue, avaient plus fortement mis en valeur les maquis, leur constitution et leur développement en Auvergne.

Une salle centrale retrace les combats qui se déroulèrent autour et sur le Mont Mouchet en juin 1944 et conduisirent à la dispersion des maquisards.

Avant cette salle, une séquence présente l’apparition des maquis, qui ne se développèrent vraiment qu’à partir de 1943.

Après la défaite de 1940, l’existence de groupes armés et organisés militairement pour des opérations de guerre, n’étaient pas envisagés ni, semblerait-il, souhaités. Les premiers Résistants avaient plutôt l’intention de mener d’abord, soit un combat idéologique contre la Révolution Nationale et la démoralisation des français [2], fournir des renseignements à Londres, faire vivre des filières d’évasion pour les juifs et tous ceux qui étaient poursuivis par les nazis [3], ainsi que les militaires prisonniers ou les pilotes alliés. L’intérêt de ces organisations était de se fondre dans la population, leurs membres de subvenir par eux-mêmes à leurs besoins, professionnellement quand cela était encore possible ou grâce à quelques personnes sûres. Les premiers groupes de sabotages ou d’attaques étaient constitués d’hommes, ou de femmes, vivant en ville, exerçant un métier sans attirer l’attention. L’option militaire, l’organisation d’unités armées sur un modèle proche d’une armée régulière ne s’imposa et ne devînt possible que plus tard, quand l’opinion publique commença à basculer contre les Allemands et le gouvernement de la Révolution Nationale [4].

Les premiers à devenir ce que l’on nommera à partir de fin 1942 [5] les maquisards, se rendent ou s’arrêtent dans des zones rurales, envoyés auprès de sympathisants (avérés, espérés ou supposés) parce qu’ils sont dans l’incapacité de passer à l’étranger ou qu’ils ne veulent plus fuir, mais combattre activement sur place, au-delà du renseignement ou de l’aide aux évadés et proscrits. Peu nombreux au départ, leur nombre augmente de manière telle qu’il n’est plus possible de les disperser dans des fermes ou auprès de sympathisants, ils doivent être regroupés en équipe, de dix personnes maximum, pour que la discrétion et le ravitaillement ne soient pas trop voyants [6].

Citadins, employés, ouvriers, professions libérales, ces hommes se sont retrouvés dans une région paysanne où ils pouvaient se cacher, en général pas trop près des grandes villes, où le maillage de la surveillance des troupes allemandes et de la police était moins étroit [7]. Restaient les gendarmes, mais ceux-ci, moins nombreux, plus isolés, étaient quelquefois plus enclins à fermer les yeux soit, mais peu souvent, par esprit de Résistance, ou encore parce qu’ils étaient tenus par leurs liens locaux. L’Auvergne se prête à ces regroupements : de vastes reliefs montagneux, difficiles d’accès, à l’écart des grandes artères de circulation, seulement deux lignes de chemin de fer à voie unique, reliant le Nord et le Sud de la France, avec un maillage de villes moyennes et petites, souvent de gros bourgs, qui ne permettaient pas à l’ennemi ni à Vichy d’avoir une présence forte partout. Avec néanmoins une base économique et industrielle (mines, industries de transformation et textiles) non négligeables à l’époque, qui fut une source de recrutement importante dans les derniers mois de la guerre.

Les premiers maquisards se sont trouvés très isolés dans des zones rurales qu’ils connaissaient mal, obligés d’avoir des contacts avec des populations dont le soutien n’était pas acquis puisqu’ils n’étaient jamais sûrs que la personne qui leur ferait face ne les dénoncerait pas dans l’heure à la gendarmerie ou à la Kommandantur.

Mais fin 42, l’espoir change de camp : battue à Stalingrad, la Werhmarcht doit reculer sur plusieurs fronts. Les Américains aidés des Anglais, débarquent en Afrique du Nord, chassent l’Afrika Korps de Lybie, puis de Tunisie. Ils stoppent la progression japonaise dans le Pacifique et reprennent l’initiative début 43. Les troupes de la France Libre, si squelettiques furent-elles, avec un recrutement hétéroclite, participèrent à ces combats. Un nouveau pouvoir français, installé et affirmé à Alger, réarme des troupes avec l’aide des Alliés. Tous cela commence à circuler et à se savoir, malgré la propagande nazie et vichyssoise.

Depuis la défaite de 1940, les hommes et femmes qui entrent en Résistance ont une caractéristique rare : ils sont volontaires pour risquer leur vie, leur réputation, leurs compétences, parfois celles de leurs proches, dans un combat aux perspectives hasardeuses. Ils sont sans aucune expérience de la lutte clandestine, de ses règles et de ses dangers. Chacun y vient pour des motivations très diverses, beaucoup disent ou diront que ce fut une évidence, qu’il n’y avait pas d’autre choix possible : le courage est toujours un acte de volonté qui, à l’époque, ne fut pas partagé par tout le monde [8].

À partir de fin 1942, l’Occupation aura, pour la population française, des conséquences allant bien au-delà des humiliations, des restrictions et privations dues à l’état de guerre : les jeunes de certaines classes d’âge seront requis pour quitter le pays et risquer leur vie afin d’appuyer l’appareil de guerre nazi. L’Occupation prend une forme qui touchera durablement et individuellement beaucoup de Français.

Quand, pour honorer les besoins de main d’œuvre de l’effort de guerre nazi et à défaut de trouver suffisamment de volontaires pour aller travailler en Allemagne, le régime de Vichy instaure le Service du Travail Obligatoire, le STO, à la fin de l’été 1942, il va provoquer un véritable tournant dans le développement de la lutte armée sur le sol français.

La Résistance dans son ensemble va faire tout de suite du rejet du STO un axe majeur pour saboter le travail du Commissariat Général du STO. L’une de ses principales préoccupations sera d’aider les réfractaires (faux papiers, Ausweis et cartes de travail...) [9]. Malgré les efforts de la propagande vichyste et de sa police, conforme à ses objectifs, après fin 42 et début 43, très vite le nombre de réfractaires va croître dans des proportions considérables [10], au fur et à mesure notamment que se préciseront les conditions de vie de ces travailleurs, bien loin de celles annoncées par les documents de recrutement [11] : insuffisamment nourris et soignés, ils étaient aussi mal traités que les prisonniers de guerre regroupés dans des camps de baraquement dont ils ne peuvent sortir.

Tous les réfractaires au STO ne rallièrent pas la Résistance, encore moins les maquis : entre 10 et 30 % selon les départements [12]. Pourtant, quelsques-uns  réalisèrent qu’il était temps d’agir et de refuser une situation dont ils venaient de subir personnellement les conséquences. Joints aux nouvelles perspectives de la guerre où l’espoir d’une libération devenait tangible, les plus courageux, les plus conscients firent le pas [13]. Ces hommes, eux aussi, bien que plus tardivement, furent volontaires pour prendre des risques vitaux [14], poussés par une nécessité qui n’était non seulement morale, mais tangible et immédiate.

Ce n’était pas un choix facile ni confortable. Les conditions de vie des maquis étaient difficiles.

Un groupe d’hommes doit manger, se vêtir, s’abriter avant même de se préoccuper de s’armer. Pouvoir compter sur la bienveillance et d’un soutien effectif d’une partie importante de la population environnante [15], sans lesquels il n’est pas possible de survivre, est une préoccupation permanente.

L’été est une période relativement douce et favorable mais, selon les saisons, à partir de la fin septembre, la situation de ces hommes se détériore. Les problèmes de ravitaillement et d’isolement se compliquent davantage.

Il fait très froid sur les hautes terres d’Auvergne. La neige peut venir dès la fin octobre et tenir jusqu’en mai, ce qui fut le cas au cours des rudes hivers des années 40. Elle s’accumule en congères qui gênent, certes, les mouvements des ennemis, mais aussi rendent difficiles le ravitaillement qui doit arriver à dos d’hommes après des heures de marche. Le vent du nord, la “burle”, qui glace et emporte tout, peut souffler des jours et des jours, balayant la neige sur son passage et la faisant tournoyer, aveuglante , son hurlement assourdissant use les nerfs. Selon sa violence, il agite les forêts de sapins avec un bruit plus ou moins puissant, rappelant celui des déferlantes marines. Les arbres craquent, se frôlent, quelques animaux se faufilent, le tout majorant l’angoisse des sentinelles que s’efforce de placer l’encadrement.

La population locale, habituée à la rigueur des saisons, se munit de vêtements et de chaussures adaptés. Mais ceux qui viennent d’ailleurs, de plus loin, n’ont pas idée de ce que peut être le froid humide qui transperce tout le corps. Difficile de réchauffer les granges et les fermes avec des feux de bois pas toujours secs. Il faut veiller à ne pas dégager trop de fumée susceptible d’alerter les tournées de gendarmes et les patrouilles ennemies attentives à repérer des feux dans des endroits insolites où, en cette saison, il n’y a normalement personne.

Heureusement l’ennemi, bien nourri, n’est pas pressé de quitter son casernement chauffé : il intervient peu pendant cette longue saison.

L’hiver, ce peut être aussi l’inaction, le désœuvrement, l’ennui qui mine le moral des meilleures troupes et contre lesquels luttent à coup d’exercices, de manœuvres, toutes les armées du monde. Les militaires entrés dans la Résistance le savent, ils organisent des séances d’instruction souvent difficiles avec des hommes très mal équipés pour résister au froid, peu disposés à se plier à une discipline mal expliquée et mal comprise. Gelures et accidents détournent de l’action.

De plus, militaires et civils se partageant un armement restreint et disparate. Il est difficile de s’entraîner au tir quand la moindre balle est comptée, d’accomplir les exercices quand l’on est épuisé par le froid et la faim, que l’avenir paraît plus gris que le ciel d’hiver [16].

Néanmoins, les maquisards partent en opération pour récupérer du matériel, des armes, du ravitaillement dans les services de Vichy ou dans les réserves des troupes d’Occupation. Il faut aussi intimider les collaborateurs et leurs soutiens, entraver par des sabotages les mouvements ennemis, gêner la participation à l’effort de guerre nazi en empêchant le départ des produits sortis des usines et des mines auvergnates. Chaque action réussie, chaque coup porté, chaque matériel récupéré, qui ne sont parfois que de minuscules coups d’épingle, maintiennent leurs motivations, si dérisoires que puissent paraître ces activités, vues de Londres ou de Washington. L’hiver favorise le découragement de certains maquisards, leur désertion [17], des dépressions, les maladies déciment. Certains groupes diminuent, la clandestinité n’étant plus vécue par les plus découragés comme un combat.

Mais plus nombreux sont ceux qui restent, car la solidarité et le but partagé soutiennent les échanges et le moral. De nouveaux partisans les rejoignent, faisant fi des conditions très dures de cette période, ainsi Marinette Menut, née Lafaye, qui rallie le maquis en décembre 1943. Pharmacienne, elle s’occupera de l’hôpital clandestin du Mont Mouchet à partir de mai 1944. Capturée dans une embuscade en juin, elle sera fusillée à Aulnat le 12 juillet.

Beaucoup sont portés par leur sens du devoir : Marcel Fontaine, capturé en février 1944, écrit à ses parents le 26 mars 1944, quelques heures avant d’être fusillé, qu’il est condamné en n’ayant “rien fait”, il a simplement rejoint la Résistance. Aucun pathos dans sa lettre, où il conjure sa mère de survivre malgré la douleur qu’elle va subir (le père est, semblerait-il, très malade). Ses dernières volontés : qu’elle embrasse ses petits chiens,“qui depuis le 29 février doivent rester tous les soirs devant la porte à l’attendre” et d’être si possible enterré auprès de son frère mort l’année précédente de maladie.

Fin 1943-début 44, sans qu’aucun indice précis ne le justifie, l’idée d’un débarquement prochain prend corps et se répand dans l’Europe occupée. L’agitation de plus en plus fébrile de l’ennemi, la nomination sur la côte Atlantique d’un de leur plus fameux chef militaire, Rommel, ne fait que confirmer cette perspective.

Les états-majors américains et britanniques commencent, sous la pression notamment du Gouvernement Provisoire de la République Française, à réévaluer l’importance de la Résistance, non seulement pour la renseigner, mais aussi en tant que groupes armés susceptibles de freiner ou de retarder l’ennemi. Une union, sous l’égide d’un De Gaulle qu’ils n’aiment guère, mais qui ne peut être suspecté de complaisance, les rassurent. En conséquence, armes et munitions sont distribuées plus largement.

Le haut-commandement allié va accepter l’idée de créer en France, au moment du débarquement, des réduits dont l’objectif militaire est de fixer une partie des troupes ennemies, afin de les empêcher de participer à la bataille sur le front du débarquement de Normandie [18].

Pour les résistants en général, et les maquis plus particulièrement, ces considérations stratégiques leur échappent, mais les hommes montent sur les hauts plateaux, ils ont entendu dire que des armes commencent à arriver, que ces combats, dont les effets paraissaient dérisoires face à la machine de guerre allemande, prennent de l’importance alors que celle-ci commence à être affaiblie.

Le 20 mai, avant même donc que le débarquement de Normandie ait commencé, le colonel Gaspard (Émile Coulandon), chef des Mouvements Unis de la Résistance (MUR) en Auvergne, lance l’ordre n°1 convoquant tous les hommes susceptibles de porter les armes à se rassembler dans les maquis du Mont Mouchet, de Venteuges, à l’est, et de la Truyère à l’ouest [19]. Chacun doit venir avec ses meilleurs sabots ou chaussures, des couvertures, et des armes, s’ils en a reçu. C’est alors que les sous-préfets et préfets de la région enregistrent la diminution rapide d’effectifs ouvriers des usines locales, phénomène qui va s’accélérant à partir du 6 juin.

À l’entrée de Clavières un panneau indique : “Ici commence la France libérée”, provocation à laquelle les nazis répondront en rasant le village.

Ainsi vont se réunir sur les hauteurs des hommes d’appartenances variées qui, en quelques jours, vont devoir se former et s’amalgamer comme une armée en campagne.

Il arrive que l’encadrement soit composé d’anciens officiers, dont certains honteux de la manière dont s’est passée la défaite de 40. Ils ont été formés pour une guerre toute différente, où l’ennemi est visible, identifié, où il existe des règles, notamment pour les officiers, qui doivent être traités comme tels s’ils sont faits prisonniers. Les voilà entourés d’hommes pour lesquels ils n’avaient auparavant que mépris, peuple que les officiers subalternes ne rencontraient qu’en inspectant les chambrées ou dont ils n’avaient qu’une vue d’ensemble dans les défilés. Les voici face à des hommes dont ils savent qu’ils ne sont pas là parce que contraints par la conscription, qui sont des volontaires, quelles que soient leurs motivations profondes, qui n’acceptent leur autorité qu’en tant qu’elle justifie leurs actes, non par leur grade et leur place dans une institution militaire. S’ils sont pris, ils seront traités comme des terroristes, sans égard à leur “rang”. Quant aux officiers, ils ont fait un choix : remettre en cause leur hiérarchie, qui s’est accommodée de la défaite en paradant dérisoires, à Vichy,.

À l’exeption d’un Général.

L’histoire de chacun des hommes est originale et personnelle, chacun se trouve là pour des motifs propres.

L’un sera un ouvrier dans une usine de la région, il entrera dans la clandestinité pour ne pas partir en Allemagne au titre du STO. Après quelques mois de planque chez ses parents, solution trop dangereuse pour eux et lui - trop de gendarmes, de miliciens, de collaborateurs et de voisins peu sûrs - il montra au maquis à l’automne 1943. Presque un vétéran, il a déjà pu bénéficier d’un certain entraînement militaire. Il a participé à quelques actions. Il sait tenir une carabine, son père, petit agriculteur qui l’a poussé à devenir ouvrier pour échapper à la condition paysanne, l’ayant initié à la chasse. Pour lui, tirer sur un homme  ne sera pas simple.

Le second sera un étranger, venu en France comme réfugié ou immigrant, que la politique vichyssoise a rattrapé. Parmi les maquisards [20] on trouve de nombreux républicains espagnols, aguerris par des années de combat, de clandestinité, qui forment les hommes à l’armement ou aux rudiments du combat, ou les encadrent lors de coups de main.

Le troisième sera un militant communiste, qui continuera le combat avec des non communistes, dans une alliance provisoire contre l’ennemi commun. Cet adversaire de classe,  dont il appréciera le courage et l’ardeur, le rendra ultérieurement suspect aux yeux des staliniens n’ayant pas toujours manifesté leur présence lors des combats.

C’est dans ces rangs étrangers et/ou communistes, que l’on trouvera les résistants juifs ayant échappé à la déportation.

Le suivant sera fils d’un bourgeois, révolté par ce qu’il considère comme la lâcheté de ses parents et qui a décidé de se joindre au maquis. Il veut prouver qu’il est digne de ce risque.

À côté, le fils d’un notable local qui a œuvré pour ses concitoyens et la Résistance voudra montrer qu’il est digne de ce dévouement.

Son voisin sera un artisan qui a décidé de partir au maquis en mai 1944, rassuré par la perspective du débarquement .

Celui-ci sera un employé qui a aidé à fabriquer des faux papiers, à trafiquer des certificats pour échapper au STO, jusqu’au jour où, le risque étant devenu trop grand, il a quitté son bureau.

Le suivant encore sera de famille aristocratique de vieille souche qui a accueilli très favorablement l’arrivée du Maréchal Pétain au pouvoir et a approuvé la plupart de ses initiatives. Le vent de la guerre ayant manifestement tourné depuis un an et demi, il s’est décidé à rejoindre les maquis voici quelques semaines, peu désireux d’être après guerre  confondu avec les idées de ses parents.

D’autres seront les fils d’agriculteurs de hameaux proches, s’engageant avec parfois l’appui et le fusil de leurs pères respectifs. Connaissant tous les chemins et les bois, ils formeront d’excellentes estafettes.

On y croisera aussi un personnage plus ambigu, qui a eu maille à partir avec les gendarmes avant guerre, et pas pour de nobles faits de Résistance : braconnage, vols, bagarres... Le voilà engagé dans ce combat qui ne correspond pas à sa réputation, mais rien ne permet de douter de sa loyauté. Son habitude des coups durs peut être précieuse.

Certains, pour qui ce devait être une étape avant de parvenir à rejoindre la France Libre par l’Espagne et l’Afrique du Nord, se seront arrêtés là et auront choisi de combattre sur le sol national.

 Il y aura ceux qui n’auront pas ou plus supporté, à un certain moment, la Résistance dans l’ombre. Ceux-là voudront alors combattre franchement, face à face, armes à la main [21]. Les maquis, pour eux, n’auront été qu’un passage avant qu’ils n’intègrent l’armée régulière.

Les motifs varient : patriotisme ou valeurs morales, revanche ou vengeance, idéologie ou opportunisme, quelques-uns seront des têtes brûlées, venues pour la bagarre.

À l’appel du colonel Gaspard, plusieurs milliers d’hommes se sont regroupés dans le massif du Mont Mouchet. Ils vont subir, début juin 1944, une attaque concentrique depuis le Puy, Saint Flour et Mende.

Le 2 juin, une colonne ennemie venant de Mende, par le sud, est arrêtée, puis recule après de vifs combats autour de Paulhac en Margeride. Cette retraite donnera alors aux hommes regroupés autour du Mont Mouchet une confiance en eux et en leur force qu’ils surestimeront [22].

À l’est, le Mont Mouchet est protégé par un groupe déployé autour de Venteuges.

Venteuges est un village à flanc de colline, situé à une dizaine de kilomètres sur les premiers contreforts de Mont Mouchet. Le paysage n’a sans doute pas beaucoup changé depuis le 10 juin 1944 : toujours des champs bordés de clôtures, sans doute plus grands aujourd’hui après le remembrement, et des bosquets. De là, on distingue Saugues dans le creux du plateau et, derrière, l’échancrure dans les reliefs en direction de Monistrol d’Allier et des gorges de l’Allier. Au-delà, les monts du Vivarais bordent l’horizon à l’est. C’est par là que la colonne nazie arrive du Puy, avec un matériel lourd auquel ne pouvaient prétendre les maquisards.

Les instructions données aux hommes répartis dans les halliers et les chemins autour de Venteuges changent fondamentalement de ce qu’elles étaient jusque là : se cacher, attaquer par surprise puis se replier. Mais ce 10 juin 1944, pour la première fois, il faut tenir la position, rejeter l’attaque dans un combat “régulier”, comme dans un “vraie” guerre, ce qui fut impossible  en 40, quand ils ont dû se dérober. Aujourd’hui, ils ont des armes, ils connaissent le terrain, ils ne veulent plus fuir, ou du moins pas en catastrophe.

Rapidement, les combats s’engagent. L’ennemi comprend que ses adversaires sont résolus à tenir, alors il emploie les grands moyens. Arrivent les premiers obus d’artillerie et de mortiers. Pour les maquisards, surmontant la peur aux tripes, il faut y aller. Cet épisode les marquera à vie.

Certes, les bataillons ennemis  qui sont chargés d’une opération relevant, du point de vue de Vichy et du Commandement allemand, plutôt de l’opération de police, ne sont pas l’élite de la Werhmacht ni même de la SS. Parmi eux, on trouve notamment des mercenaires recrutés au hasard des conquêtes nazies : ukrainiens, baltes, arméniens, qui, dès que les circonstances le permettront, déserteront. Mais le pire pour les maquisards c’est la Milice, cette force supplétive des allemands, qui bientôt n’aura plus rien à perdre et dont la sauvagerie égalera celles des SS.

Tenir, créer un réduit, une parcelle de territoire national libérée : pari magnifique, imprudent car l’ennemi est en nombre, puissamment armé, en tout cas infiniment mieux que les maquisards. Ce ne sont pas les exploits ponctuels qui pourront renverser la supériorité technologique [23]. Les mortiers et les mitrailleuses lourdes obligent les maquisards à se replier d’abord vers le Mont Mouchet, dans les forêts touffues où ils pourront se dissimuler et où la puissance de feu sera moins avantagée.

Ce qui se passe autour de Venteuges se reproduit aussi sur la route de Langeac à Pinols, au nord et de Saint Flour à Paulhac par Ruynes en Margeride et Clavières, à l’ouest.

La route qui monte de Ruynes en Margeride à Clavières est jalonnée, à partir de La Frugère, de monuments, petites pyramides de granit avec la mention « Ici tombèrent tant de patriotes » qui montrent l’acharnement des combats des 10 et 11 juin. Paulhac, Ruynes en Margeride, Clavières et Pinols entre autres furent quasiment rasés par les assaillants et un certain nombre de leurs habitants, généralement femmes, enfants, vieillards, tués [24].

Rapidement l’idée de tenir un coin de territoire national libéré se révèle illusoire. La maison forestière du Mont Mouchet, bombardée à plusieurs reprises doit être abandonnée et sera investie par l’ennemi le 12 juin au matin. Le colonel Gaspard donne dès le 11 juin au soir l’ordre d’abandonner les positions et de se rabattre vers les gorges de la Truyère, autour de Chaudes-Aigues.

Une nouvelle offensive allemande, le 20 juin 1944, attaque le réduit de la Truyère au cours de combats violents, mais il est maintenant évident qu’en l’état il n’est pas (encore) possible de faire front dans une bataille rangée. Les forces alliées sont trop loin pour soutenir efficacement ces réduits. En outre, en ce mois de juin où la situation en Normandie n’est pas acquise, elles ont d’autres priorités, même si l’aide apportée par la Résistance derrière les lignes allemandes n’est pas négligeable.

Les pertes sont élevées : environ 3000 hommes étaient regroupés autour du Mont Mouchet, 250 furent tués (les blessés qui tombèrent aux mains des assaillants et les prisonniers furent exécutés). Leurs noms figurent sur différents monuments autour du Mont, à Clavières. L’un d’eux salue la mémoire de 11 maquisards anonymes tombés dans les combats. Les pertes ennemies sont limitées : alors que Gaspard annonçait dans un article d’un journal des Mouvements Unifiés de Résistance (MUR) de juillet, 1400 morts et 1700 blessés dans les rangs adverses, les dernières estimations, reprises par le Musée donnent 40 tués, autant de blessés incapables de reprendre le combat avant la Libération, et une dizaine de prisonniers.

Ce repli devant des forces supérieures en puissance et organisation conduit dans les jours qui suivent à un changement de tactique : dès le 1er juillet 1944, le colonel Gaspard, chef des maquis d’Auvergne, donne ses nouvelles directives : couper en permanence les lignes de chemin de fer, attaquer les “petits convois” avec des groupes de trente hommes, exécuter indicateurs et collaborateurs notoires, miner les routes à la demande de l’état-major. Maintenir la pression sur l’ennemi, sans l’affronter en combat rangé,  se révèlerait inefficace et génèrerait de lourdes pertes. Pas plus de 300 hommes par zones, répartis par groupe de 30. C’est à ce moment que les Alliés commencent à fournir de manière plus régulière des parachutages d’armes, de matériels et d’argent.

La tactique se révèle payante : les résistants d’Auvergne, maquisards ou non, libèrent eux-mêmes  la région tout entière [25], poussant l’ennemi qui recule de plus en plus vite [26].

Au-dessus de la salle centrale où sont présentés les combats du Mont Mouchet, un escalier conduit à une mezzanine aménagée en une sorte de Mausolée émouvant déployant des photos de victimes du nazisme (enfants, hommes, femmes ou enfants juifs) ou de résistants, connus ou inconnus, en Auvergne ou ailleurs, tombés pendant la guerre ou survivants, relatant l’histoire de chacun, victime ou acteur,

Résistants et maquisards d’Auvergne et d’ailleurs ne sont pas tous des héros, les raisons pour lesquelles ils se joignirent au combat furent diverses : morales, idéologiques, opportunistes, mais c’est l’ensemble qui importe : après une défaite écrasante, quelques hommes, quelques femmes, peu nombreux en proportion, ont su dire non et ont participé au renversement du nazisme. Cela témoigne qu’une attitude  autre que celle de la collaboration, de l’attentisme, de l’inertie, était possible.



Notes

[1] Comité d’Union de la Résistance d’Auvergne (CODURA)

[2] Le Mouvement Libération est fondé en Auvergne fin 40. Ces actions incluent bientôt des attentats ciblés, notamment par la volonté des communistes, pour souligner la vulnérabilité des Occupants. Cette politique, voulue notamment par Moscou fut très critiquée et provoqua les premières représailles massives contre les civils.

[3] Dès septembre 1940, les premiers tracts appelant à la Résistance sont distribués à Brive. Dans le Massif central, au Chambon sur Lignon, à Murat et ailleurs, se forment dès 1940 des réseaux d’accueil et de fugitifs, notamment juifs. À Murat, Marie Sagnier, Marthe Cambou Barnet et Alice Ferrières, directrice et enseignantes de l’École Primaire Supérieure de Jeunes Filles de Murat, ont été nommées Justes parmi les Nations pour avoir organisé l’hébergement de familles dans des fermes et avoir reçu dans leur pensionnat une quinzaine d’enfants juifs à partir de 1941. Une plaque commémore leur action sur l’Hôtel de Ville de Murat. Au Nord du Mont Mouchet, à Massiac, mais aussi à Vic-sur-Cère, Allanche, Aurillac, 22 autres Justes ont été reconnus dans le Cantal. Il y en eut d’autres, non “médaillés”, anonymes ou non, tels un curé de village, Monsieur Cordonnier, René Raoul, des paysans et paysannes...

[4] Mais pas contre Pétain qui continua encore longtemps, jusqu’à la veille de la Libération, de bénéficier de la fidélité d’une partie non négligeable de la population (cf. ses voyages à Paris du 28 avril 1944 ou à Saint-Étienne le 6 juin 1944 après un bombardement raté sur la gare de Châteaucreux qui tua 925 personnes. Que pouvait penser l’opinion publique ce jour-là, alors que les combats commençaient en Normandie ?)

[5] D’après Alain Guérin, « Chronique de la Résistance », éd. Omnibus, à la suite d’une réunion de direction de « Combat » le 31 décembre 1942, par allusion aux bandits “d’honneur” corses qui se réfugient dans les zones de maquis de l’île de Beauté.

[6] Le mouvement de Résistance “Les Ardents”, créé en Auvergne dès septembre 1940 organise un maquis en février 1943, achète une coupe de bois sur la commune de Ceyssat pour masquer les activités d’une quarantaine de personnes. Repéré par la Gestapo, il est détruit le 2 septembre 1943 (trois tués et quatre morts en déportation).

[7] Souvent, ces maquis se constituèrent aussi autour des zones de parachutage ou d’atterrissage clandestins, telles que des étendues relativement plates, discrètes, aux accès limités pour faciliter la surveillance et, le cas échéant, la protection : le plateau des Glières, le Vercors, Saint-Marcel en Bretagne...

[8] Certains se sont aussi trouvés projetés dans la clandestinité contre leur volonté, pourchassés par les nazis ou les collaborateurs, la clandestinité sera pour eux une condition de survie, que plusieurs transformeront en arme de combat.

[9] Le 25 février 1943, Léo Hamon fait brûler avec quelques camarades la liste recensant les jeunes hommes de la classe 42 susceptibles d’être requis dans des bureaux du commissariat général du STO place de Fontenoy à Paris. Cela expliquerait pourquoi toute une génération d’hommes politiques ont vu avec méfiance se mettre en place un fichage généralisé de la population aux papiers “infalsifiables”.

[10] Pour mémoire, entre juin et décembre 1942 : 196 256 partis pour 240 000 requis. Au premier trimestre 1943, le nombre de partants est sensiblement le même que celui des requis, d’avril à août 43, seulement 141 000 départs pour 350 000 requis. Finalement en quinze mois, 587 521 départs pour 840 000 requis. (chiffres tirés de YY).

[11] Dans un document reproduit au Musée du Mont Mouchet jusqu’à l’année dernière, les services du STO annonçaient fournitures de vêtements adaptés, salaires réguliers, Sécurité Sociale par les entreprises employeuses... très vite tout cela s’est révélé complètement faux. Les quelques permissionnaires qui racontèrent ces conditions, bien souvent ne repartirent pas malgré les risques encourus par leurs proches.

[12] Chiffres cités par François-Georges Dreyfus « Histoire de la Résistance », éd. Le Livre de Poche, et Alain Guérin, « Chronique de la Résistance », éd. Omnibus

[13] Fin 1943, Michel Brault, responsable du service national, dans un rapport remis aux autorités de Londres, évalue le nombre des maquisards à 31 800 “en camps” et 1800 placés “dans des entreprises ou des fermes”. (cité par Alain Guérin, « Chronique de la Résistance », éd. Omnibus, page 1076).

[14] Les représailles contre les proches étaient toujours possibles. Certains ont dû quitter des familles qu’ils soutenaient, y compris par leur salaire.

[15] Certains exemples récents montrent que des guérillas ont pu survivre et prospérer par des méthodes de terreur (Algérie, Amérique latine... ) dans des pays sous-administrés, avec une police et une armée inefficaces et corrompues. L’élimination localement, avant la Libération, de quelques collaborateurs notoires ne peut être comparée à ces méthodes. Pour autant qu’on le sache, aucun responsable de maquis n’a jamais envisagé de recourir à ces pratiques.

[16] Plainte qui apparaît dans tous les comptes-rendus de cette époque : le manque d’armes et de moyens. Ce n’est qu’à partir du printemps 44 que la Résistance recevra des armes en plus grand nombre, encore ne s’agira-t-il pour l’essentiel que d’armes légères.

[17] Ce terme militaire convient-il à ces groupes de civils réunis pour des motifs disparates ? Certes, il s’impose dans une société en guerre où tout civil qui ne plie pas devant l’Occupant ou ses affidès devient pour l’un un terroriste, pour l’autre un résistant, ou encore un soldat de l’ombre. Alger proclamera en avril 1944 que tout français armé est un soldat afin que, s’il était capturé, il soit traité comme un prisonnier de guerre. Von Runstedt, commandant en chef de la Werhmacht à l’Ouest, refusera de prendre en compte cette déclaration.

[18] Pour le Gouvernement Provisoire de la République Française, il s’agit d’affirmer une présence combattante y compris sur le sol national. Les troupes françaises d’Afrique du Nord sont mobilisées en Italie et, pour l’essentiel, n’arriveront en France que lors du débarquement de Provence en août. De Gaulle veut à tout prix éviter que se mette en place le Gouvernement Militaire (AMGOT) prévu notamment par les Américains. Le calcul se révélera bon, bien que l’opération soit plus difficile. Une partie du sol national est libérée par les Français eux-mêmes.

[19] Cette décision, qui s’est révélé imprudente, n’avait rien d’un coup de tête approuvé par les réseaux anglais chargés d’intervenir en France, donc de Londres, elle avait été entérinée le 15 mai par tous les responsables des mouvements de Résistance en Auvergne réunis à Paulhaguet, à proximité du Mont Mouchet.

[20] Comme notamment, dans la 2° DB de Leclerc. La colonne du Capitaine Dronne, première à entrer dans Paris, est constituée en grande partie d’anciens de la guerre d’Espagne.

[21] Témoignage de Georges Girard, Résistant communiste FTP, devenu journaliste après la guerre, qui, conformément aux ordres de l’état-major des FTP, combattit uniquement en ville : “le climat psychologique de la Résistance urbaine n’était pas celui des maquis... il y avait, dans les maquis, un sorte de courage collectif qui s’instaurait. Pour nous (résistants urbains), ce ne pouvait être le cas puisque la Résistance urbaine était organisée à partir de noyaux extrêmement limités... ” (rapporté par XX, p. 1107).

[22] Dans une vidéo présentée par le Musée, des protagonistes du maquis, plus de trente ans après, reconnaissent que ce succès contre une incursion, probablement destinée à tester la Résistance du maquis plus qu’à le réduire, a donné aux maquisards une confiance en eux sans rapport avec la réalité des forces sur le terrain.

[23] Comme le raconte Jean Sanitas dans « Les tribulations d’un résistant auvergnat ordinaire », Les Éditions du Pavillon.

[24] Au moins 26 personnes fusillées à Ruynes, 13 à Clavières, 11 à Pinols.

[25] Ces libérations évitèrent le vide du pouvoir entre le départ des Allemands et des collaborateurs et l’installation d’une nouvelle autorité étatique : les Commissaires de la République nommés par le GPRF, appuyés par les Forces Françaises de l’Intérieur, ont immédiatement la légitimité nécessaire pour prendre en main les territoires (cf. une scène du film de « Paris brûle-t-il »). Même s’ils ne purent éviter tous les débordements, ils durent même parfois composer avec, représentant le pouvoir de l’État tant auprès des administrations que des forces politiques très divisées dans la Résistance (PCF, Socialistes, mouvements divers...) et des citoyens.

[26] François-Georges Dreyfus (op.cit.), dans son désir de réévaluer l’impact de la Résistance notamment sur le plan militaire, calcule que les actions des maquis ne retardèrent pas significativement les mouvements de l’ennemi et que la “libération” de nombreuses villes fut permise par la retraite de plus en plus rapide des Allemands qui craignirent d’être encerclés par les troupes régulières venant de Normandie et de Provence. Néanmoins, il reconnaît que l’aide des FFI leur fut très utile en accompagnement de ces troupes (renseignements, flanc-garde, relations avec les populations, appuis ponctuels). En cette matière, quand il s’agit de rétablir la légitimité républicaine et d’un pays, le symbole est plus fort que le réel.

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ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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