© Micheline
Weinstein / Septembre 2004
«
Tu leur diras, quand tu rentreras en France
»
Je
venais juste de prendre mon billet d’avion
pour Israël quand advint le Colloque
qui entraîna la lettre qui suit.
Après
une « Journée... » du 9 mai
2004 dans les Flandres
Réponse d’un père
à son fils
Le
fils - Qu’est-ce qu’être Juif ?
Le père - C’est se poser la question.
Paris,
le 10 mai 2004
Cher...
,
vous
ayant eu pour seul interlocuteur depuis mon
abonnement à..., mensuel, édité
par... , c’est à vous que je m’adresse,
après cette journée, Colloque
auquel je m’étais inscrite pour la première
fois.
Par bonheur, au petit matin en partant, nous
nous sommes trouvées sur le quai de la
Gare du Nord, avec une amie de très longue
date - quarante ans. Sans quoi, au Colloque,
je me serait sentie bien seule. Pas le moindre
petit mot d’accueil pour les nouveaux venus,
dont un ami de la région. J’ai bien essayé
de nouer un semblant de dialogue avec une ou
deux personnes, plutôt deux, mais sans
aucun succès. Je n’ai pu rester l’après-midi,
mais lirai avec intérêt le compte-rendu
de cette journée.
Auparavant, lors de mon abonnement, et puis
encore un peu plus tard, j’avais proposé
que nous établissions un lien entre notre
site et
le vôtre, dans la mesure où, respectivement,
nous abordons, chacun à partir de ses
préoccupations professionnelles, personnelles,
politiques, des questions connexes. Je n’ai
reçu aucune réponse, pas même
oui, pas même non.
Je joins donc à ce courrier des petits
billets qui figurent sur notre site, à
propos de quelques notions et concepts auxquels
nous avons sérieusement à nous
mesurer ces temps-ci : "race",
"ostracisme", "antisémitisme",
"injure", "paranoïa"...
et puis un poème retrouvé, que
j’ai traduit il y a 18 ans, écrit par
un petit enfant en transit à Theresienstadt,
déporté et assassiné à
Birkenau.
Au terme de la session matinale, qui s’est prolongée
assez tard dans la mi-journée, la question
du petit nombre de sympathisants, une centaine,
a été évoquée. Or,
les noms des fondateurs et des amis qui les
ont soutenus dès la création de
l’association, témoignent de la présence
d’intellectuels éminents et publiquement
estimés.
Après une pratique assez longue et répétée
des colloques, congrès, journées,
afférents à mon métier,
le temps passant j’y ai renoncé, car
j’avais chaque fois l’impression de côtoyer
des initiés à un code interne
qui ne m’avait pas été transmis.
J’ai éprouvé hier matin la même
sensation d’étrangéïté
qu’autrefois, de lieu clos, où les locuteurs
s’entreparlent et s’entrerépondent, sans
beaucoup d’ouverture sur un éventuel
apport extérieur. Un peu comme dans les
sectes.
Alors, revenons au Colloque.
- Qu’est-ce
qu’être Juif ? Au masculin et au féminin.
- Qu’est-ce
que la laïcité ?
- Qu’est-ce
qu’être "de gauche" et,
corollairement, "de droite" ?
À
la première question, il est répondu
en exergue de cette lettre. Elle engage la vie
de celui ou celle qui se la pose en même
temps que sa liberté de penser, infléchit,
qu’il le veuille ou pas ses agissements, marque
ses choix, l’oblige un jour ou l’autre, tôt
ou tard.
La réponse de ce père à
son fils, est la seule réponse laïque,
me semble-t-il, qui ne cadavérise pas
la question.
À la deuxième, celle de la laïcité
proprement dite, nous n’avons guère d’autre
possibilité que de lui opposer son antagoniste,
le religieux, de même que tout système
"profane" déjà établi
et fermé, disons "professionnel",
quelles que soient les professions. Par exemple,
dans notre métier, laïque
signifie que les psychanalystes sont seulement
psychanalystes, qu’ils soient médecins
ou non médecins, notamment psychiatres,
autrement dit, qu’ils n’appartiennent pas à
quelque corps déjà constitué.
Ils sont, non pas "initiés",
vocable qui renvoie au religieux, mais dûment
formés à l’apprentissage de leur
métier. Pour être brève,
cet apprentissage commence par l’obligation
d’une analyse personnelle ; suivent conjointement
étude de la théorie freudienne,
dans une structure institutionnelle indépendante
bien précise, et début de la pratique,
avec l’appui bienveillant d’analystes expérimentés
et confirmés.
Dans ce domaine, comme dans d’autres, la laïcité
implique le respect de la liberté de
penser des futurs praticiens, les aider à
l’acquérir, à la développer,
leur donner le goût de s’instruire. Tout
comme dans l’éducation des enfants, c’est
une tâche assez délicate qui, si
elle est remplie de travers, conduit, sous prétexte
de la moderniser, de la rendre "up to date",
au négationnisme, via un révisionnisme
de la psychanalyse.
Au plan individuel, laïque, dans le fond,
se rapprocherait de ce que l’on nommait jadis
le "libre penseur", le "free
thinker" anglais, doué de son "libre
arbitre", de sa faculté de choix,
d’en mesurer librement la portée, d’en
peser, autant que faire se puisse, les conséquences.
J’ai été surprise en cette matinée,
qu’au sujet des penseurs et théoriciens
juifs des Lumières, puis des Juifs, intellectuels,
prolétaires, artistes, politiques, dont
la vie s’est épuisée à
essayer de faire entendre le langage de la Raison,
un terme pour qualifier leur uvre, se
soit trouvé être celui de "messianique".
Le Messie est annoncé par les Prophètes,
nous voici là en plein vocabulaire sacré,
un peu antipathique me semble-t-il à
celui de l’espoir qu’ont tenté d’insuffler
nos rêveurs combattants, animés
par le désir tenace, généreux,
sans réserve, d’une possible "Aufklärung"
de l’humanité.
Pour ce qui est de la notion de "gauche",
de l’engagement à gauche, autre que topographique
- situé d’un côté plutôt
que l’autre de la tribune de l’Assemblée
Nationale -, la question ne serait-elle pas
à reprendre, a-minima, à
partir de l’évolution des idéologies
entre les deux guerres mondiales ? Les divers
mouvements de gauche en France, leurs théoriciens,
feront-il un jour l’"autocritique"
quant à l’antijudaïsme, banal, latent,
qui a permis, malgré - et parfois avec
- le Front Populaire, au nazisme de se déployer
et à la collaboration, active ou passive,
de s’installer et de prospérer ?
Ce qui m’a aussi surprise, en cette demi-journée,
c’est d’entendre, une fois de plus la nécessité
récurrente, sous un prétexte ou
un autre, par certains, d’établir un
parallèle langagier de comportement entre
les Israéliens et les nazis. Et si, faute
de savoir ce qu’il en est exactement, réellement,
des "identifications", on laissait
tomber ce réflexe en miroir, à
partir d’une opinion largement diffusée
- et infusée - par le P. C. français
après 1945 ? Non, les gosses des banlieues
ne s’"identifient" pas aux Palestiniens,
ils ne s’identifient, au sens propre du verbe,
à personne, s’ils s’identifient, c’est
aux discours, aux slogans, dans lesquels ils
sont nés et ont été (mal)
élevés, avec lesquels ils sont
mis en demeure de se construire tous seuls.
Et ce n’est pas possible. Et c’est peut-être
là l’écueil le plus grave, les
échecs des attitudes parentales et des
systèmes éducatifs sous leurs
multiples formes.
Actuellement et depuis des années, avec
le conflit du Proche-Orient, quand en Occident
un enfant juif est maltraité, injurié,
dans la rue ou à l’école, quand
les graffiti xénophobes antijudaïques
essaiment, jusque sur les tombes, c’est là,
leur cerveau lavé à coups de slogans
haineux, que réside, pour les jeunes,
l’amalgame "Juif/Israélien".
Tout enfant juif pour eux, par filiation culturelle,
est pro-Israélien, au nom de la libération
du peuple palestinien dont les adultes n’ont
pas pris la peine de leur transmettre l’histoire.
Et puis, les enfants grandissent et à
leur tour... répètent ce qu’on
leur a assené à leurs enfants
et ainsi de suite... Le drame, disons intellectuel,
des temps modernes, c’est l’inculture, de plus,
largement véhiculée par les médias.
Enfin, ce qui m’inquiète et ne semble
étonner personne, c’est cette attitude
que nombre de Juifs, maintiennent envers la
question israélo-palestinienne et qui
s’apparente à une conduite involontaire
de culpabilité. Des débats sont
organisés, des colloques, des films projetés,
toutes sortes de documentations produites, de
médiatisations, pour témoigner
de la compréhension, de la solidarité,
on s’excuse, on invite à débattre,
face à des interlocuteurs qui posent
le problème palestinien en termes de
victimisation unilatérale. En réponse,
on reçoit des injures. À quand
un colloque organisé par des intellectuels
palestiniens et pro-palestiniens sur la question
de l’antijudaïsme et de ses haineuses chicanes
?
M.
W.
Et
puis je suis partie pour Israël.
J’y ai, là-bas, de la famille, établie
depuis 1924. Les immigrants, à cette
époque, les "pionniers", intellectuels,
artistes, savants, étaient tous des ouvriers
et des agricoles. Ils travaillaient comme des
ouvriers travaillent, sur le tas, tout en mettant
leurs connaissances spécifiques au service
de la construction du pays. Chassés par
les pogroms d’Europe de l’Est, bien que communistes,
sociaux-démocrates, libéraux,
au sens indépendant du terme libéral,
que l’on n’entend plus ainsi aujourd’hui, ils
étaient naïfs aussi puisqu’il croyaient
toujours aux "lendemains qui chantent",
alors que l’Europe entière se préparait
à exterminer les Juifs.
Trois générations, bientôt
quatre, sont nées depuis, en Israël.
Toutes sous les tirs, les attentats, la guerre.
Les mères en ont marre. Beaucoup d’enfants
petits ou tous petits, ont dû être
évacués d’un hôpital ou
d’une maternité, en cours d’opération,
plaie ouverte, ou en cours de leur naissance.
Les femmes, aussi, quand elles sont obligatoirement,
par sécurité, sans nouvelle de
ceux et celles, militaires à partir de
18 ans, réservistes, mobilisés
dans le Golan, la bande de Gaza, les frontières,
les villages de religieux implantés qui
refusent de partir des terres occupées,
alors qu’il y a largement la place dans le pays
pour leur offrir tout ce dont ils ont besoin,
sans démanteler leur communauté
respective. Et puis il y a les bus, les rues,
les cafés, les commerces, n’importe où,
d’où explosent les bombes portées
par des fanatisés depuis l’enfance, parfois
même ces bombes vivantes sont des enfants
poussés au front par des adultes, alors
ne les appelons pas des révolutionnaires,
à moins que la révolution ne fasse
pas partie de l’histoire de la civilisation.
On évoque maintenant un fait nouveau
en Israël, réel, la pauvreté
matérielle. Mais quand on apprend qu’il
faut 12 000 soldats pour assurer la sécurité
de 7 000 colons religieux d’une terre occupée,
on se dit qu’à l’espoir, la pauvreté
coûte cher, à l’État aussi
bien qu’à chacun/e, qui dresse des Juifs
contre des Juifs, fissure les humains, les fait
étrangers à eux-mêmes. Nous
apprenons ces jours-ci que des agents de sécurité,
en assez grand nombre, sont embauchés
pour encadrer les bus, les rues, les cafés,
les commerces, n’importe où. Et ce n’est
qu’un exemple, concret.
Mais, j’en resterai là avec l’actualité
qui va beaucoup trop vite pour le ton d’un récit,
et qui apparaît presque minute par minute
dans le quotidien de chacun/e.
Les femmes, les hommes, les mères, les
pères, les jeunes, ceux, celles, que
j’ai rencontré/e/s en Israël et
avec qui j’ai parlé, en ont tous marre
de la guerre, pas d’autre chose. Alors quand
ils le peuvent financièrement, ou quand
il exercent un métier lié aux
affaires ou au tourisme, ils vont souvent prendre
quelques jours l’air ailleurs, l’air des villes
et des campagnes, l’air de la mer et des montagnes,
assez loin, ils passent toujours au moins un
océan.
Malgré la guerre incessante depuis la
création de l’État, Israël
reste une démocratie, qui est un bien
vilain terme au son plein de crasse, mais nous
n’en avons pas d’autre à disposition
partageable. La question de la parité
entre hommes et femmes ne se pose pas plus actuellement
qu’elle ne s’est posée dès les
années vingt. De la parité aussi
entre les générations, les apparences
physiques, tous les âges, toutes les provenances,
dansent et chantent dans les boîtes de
nuit pour se distraire de la guerre, chacun
se débrouille comme il est, se voit,
se représente. Je n’ai jamais rencontré
cela ailleurs. La question de la chaîne
de solidarité morale, matérielle,
artistique, entre les âges dans les familles
ne se pose pas non plus, elle paraît "naturelle".
Sur le plan intellectuel, universitaire, il
en est de même. Une "Intelligenzia
branchée" et médiatique n’y
est guère possible, semblerait-il, dans
les expositions de peinture, chez les uns les
autres, on croise vraiment tous les métiers,
quelqu’un d’une famille y est toujours manuel,
quelqu’autre, artiste intellectuel, artisan,
agricole, soldat, vraiment tous les métiers,
au masculin et au féminin. Ce n’est sans
doute pas "bon" pour le narcisse,
de ne pas trouver sa photo dans un journal,
comme cela se fait en Occident. Et voilà
que le vieux Freud, qui avait la publicité
en horreur, ainsi que l’exhibition de sa photo
sur la couverture d’un livre, d’un journal ou
d’un magazine, apparaît, se détache
de la neige dans Vienne et du printemps à
Londres, au détour d’une promenade parmi
les narcisses. Un vrai Juif. Laïque, résolument,
en arrière petit-fils et petit-fils de
rabbis, érudits éclairés,
et fils de Jakob, qu’il était.
C’est peut-être ce manque d’exhibition
individuelle publique qui porte certains écrivains,
artistes, israéliens, vers l’Europe.
Ceux et celles qui, de narcisse fragile, ou
par arrivisme, ne supportent pas de n’être
pas individués.
Une autre observation subjective touche
à mon métier, à partir
des échanges vraiment très divers
que j’ai eus là-bas. J’ai eu l’impression
que, sauf à être intéressé/e
par la psyché, la sienne et éventuellement
celle d’autrui, la psyché en soi, les
psychanalystes n’avaient pas leur place en Israël.
Et pourtant il y en a ! Il y a même des
essais d’implantations d’analystes français
qui aimeraient bien occuper ce territoire, donner
des cours, des conférences, recevoir,
être publié/e/s...
Les soldats, ceux et celles que la chose intéresse,
sont formés, équipés, pour
faire avec les délinquants, les diriger
ailleurs ou les aider à pouvoir s’intégrer
dans l’armée, le temps de leur service,
ils ne sont pas forcément médecins,
éducateurs, assistants sociaux, à
l’origine. Souvent de futurs profs. Dans les
écoles, les universités, les professeurs,
à tous les niveaux, sont formés
et équipés de la même façon
pour les mêmes objectifs, civils cette
fois.
Peut-être également, dans d’autres
domaines, ce même facteur de "non
reconnaissance" publique ou médiatique
agit-il dans les "alyas", les "montées
en terre sainte" ratées, avec retour
en Europe au bout d’un an de prise en charge
matérielle et financière par Israël.
Mais alors il faut avoir pensé à
mettre pas mal d’argent de côté
avant de conclure cette opération, par
précaution très anticipée.
Bref, c’est un champ que je n’arpenterai pas,
de peur de me tromper, car il frôle la
plupart du temps le religieux. J’en laisse l’exploration
à mieux informés que je ne le
suis car, sur cette question-là encore,
de l’"alya", peut-être y croise-t-on
tout le monde...
Avec l’arrivée de populations "déplacées"
d’autres continents, un phénomène
nouveau s’est matérialisé ces
dernières décades, celui de l’alcoolisme
des très jeunes, inconnu jusqu’alors
par les précédentes et successives
générations, nées en Israël
de l’émigration des années vingt
d’Europe Centrale. La santé publique
est hors de prix pour l’État, avec la
guerre, les attentats, l’aide à l’immigration,
activement incitée, les soins publiques,
la récente pauvreté qui gagne.
Alors, pour les particuliers israéliens,
qui ont encore parfois à charge un ou
des parents assez âgés, les pionniers
des années vingt souvent devenus dépendants,
les soins médicaux, médico-dentaires,
les hospitalisations, excellents, sont d’un
coût énorme. Les "bonnes"
maisons dites de retraite, où l’on peut
mourir d’"Alzheimer" tranquille, en
tous cas celle dont j’ai franchi les portes
et les jardins, sont superbes mais inabordables.
En Israël il y a des gens bien, des petits
et des grands d’en-bas et d’en-haut, des qui
se situent dans des étapes intermédiaires,
des escrocs aussi, des êtres humains,
parlant et agissant à cru ou en silence.
C’est comme ça.
Je vais continuer mon périple là-bas,
mais auparavant, je voudrais juste donner le
message qui m’a été transmis par
les interlocuteurs, nombreux et très
divers, que j’ai rencontrés. À
travers, dans le temps et l’histoire, il a fait
écho à celui que passaient ceux
et celles d’un autre là-bas...
«
Tu leur diras, quand tu rentreras en France
»
Alors
je dis, je l’ai vu et entendu, je me dis que
les israéliens sont des êtres humains
et parlants, agissant pour le meilleur, pour
le pire et tout le reste, avec un inconscient,
chacun/e, et un corps, comme partout ailleurs,
que les traiter de "nazis", d’"envahisseurs",
apprendre aux enfants du monde entier à
leur lancer des slogans haineux, à commettre
des attentats à leur vie, à les
injurier, les globaliser, en faire méthodiquement
un tas, monter en épingle l’idéologie
fanatique des minorités religieuses comme
si c’était l’idéologie dominante,
ça a un air de déjà connu.
C’est Gbbels, un ministre de la propagande,
qui martelait, "plus un slogan est court
et simplifié, mieux ça marche".
Cela s’appelle aujourd’hui, de l’incitation
à la haine. Tout court et non à
la haine raciale, puisque pour les humains,
il n’y en a qu’une, et encore, non de race,
mais d’espèce, soit,
Espèce
- 1) Ensemble d’individus animaux ou végétaux,
vivant ou fossiles, à la fois semblables
par leurs formes adultes et embryonnaires et
par leur génotype, vivant au contact
les uns des autres, s’accouplant exclusivement
les uns aux autres et demeurant indéfiniment
féconds entre eux.
Grand
Usuel Larousse
Voilà
pour la biologie.
Pour l’aspect religieux, le fanatisme, la plupart
des résidents à Jérusalem
et dans les terres occupées sont une
mine toujours prête à exploser,
leur comportement en "villes conquises"
est détestable, sectaire, fermé,
rejetant, excluant. Inacceptable. Ce sont eux,
et eux seuls, qui attisent le brasier d’un non
processus de paix, au nom de l’"Alya"
l’État ne peut pas encore, mais nous
espérons que cela viendra, les obliger
de force à partir.
Sinon, Israël est une démocratie,
qui fonctionne comme les autres, avec ses réalisations
et ses errements et ses erreurs, à ceci
près que c’est un pays incessamment en
guerre, non de son fait, ce qui est un hapax
dans l’histoire des démocraties.
Les êtres humains avec qui j’ai parlé
là-bas, nombreux et divers, souhaitent
une seule chose, la paix. Pour les générations
à venir d’abord, pour eux ensuite. La
Paix.
Il y a des petits ilôts de paix. Nous
sommes allés déjeuner dans un
restaurant arabe que fréquentait Itsrak
Rabin, dont la photo, juste au dessus de notre
table, les montre, avec le patron arabe, en
chaleureuse compagnie. Nous avons fait le marché
dans des quartiers arabes, nous avons passé
un long moment à Akko (Saint-Jean d’Acre),
sur les routes nous avons côtoyé
de pimpants villages arabes, dont les résidents
n’ont pas l’air de se plaindre, nous avons acheté
des fruits et parlé un peu avec des marchands
ambulants, puisqu’ils sont Israéliens
et échangent en hébreu, nous nous
sommes également arrêtés
dans des musées, privés et publics,
chez des amis artistes, dans les environs de
Tibériade, pris des quantités
de photos dont les premières ont disparu
à cause d’une mauvaise manipulation d’un
nouvel appareil numérique. C’est dommage,
il y avait justement des uvres d’art,
et leurs auteurs, sur cette bobine.
De mon côté, je suis d’abord allée
retrouver les miens, les nôtres, ceux
et celles que nous aurions aimés, ceux
et celles que nous aurions haïs, ceux et
celles qui nous auraient indifféré,
dans les Mémoriaux. Y compris le Mémorial
de l’Armée de Terre, où sont inscrits
sur un long mur ceux et celles, nés dans
le pays depuis la création de l’État,
qui ont eu le temps d’être aimés
avant de mourir vraiment trop tôt.
L’État d’Israël n’a jamais déclaré
de guerre aux Palestiniens, ni à personne.
Il ne pratique pas les attentats, ne met pas
les mômes en paravents des adultes. L’État
n’a jamais fait que répondre, militairement,
c’est encore ce qu’il y a de moins sale. Et
que l’on ne nous dise pas que les Palestiniens
ne sont pas armés, parce qu’il sont pauvres.
Ils sont armés, ne le montrent pas forcément,
ça dépend, et sur ce plan, ne
sont pas pauvres, tout le monde le sait, avec
le pétrole alentour.
Mais hélas, en Israël, il y a comme
partout ailleurs des dérapages idéologiques
et voilà que sous prétexte de
sécurité, on occupe des terres
sans permission pour y établir des colonies
religieuses.
Et la majorité, en Israël, est aujourd’hui
franchement d’accord, quels que soient les horizons
politiques, ces terres il faut les restituer,
s’en débarrasser, cette occupation n’a
aucun sens et coûte beaucoup trop cher,
à tous les niveaux, à commencer
par celui des vies et des férocités
humaines.
Nous, partout dans le monde, personnes à
peu près sensées, Juifs et Pas-Juifs
le disons depuis que cette occupation existe
(1). S’être coincés,
enferrés, engoncés à ce
point-là grâce à la religion,
nous n’imaginions pas que c’était encore
possible. Cet espoir, malgré Freud, après
Freud, qui avait découvert que la religion,
l’idéologie, était l’ennemie la
plus dangereuse de lapsychanalyse, car elle le tue, l’espoir en un monde
un peu plus civilisé.
Mais comment déloger les habitants des
terres occupées, avec leur queue leu
leu d’enfants de tous âges, dont quelques
uns, passé leur bar-mitsva sont accoutrés
comme des petits vieux pieux ? Puis qu’ils refusent
de partir, assez violemment d’ailleurs. Il n’est
pas dans les murs, en Israël, d’user
de la force entre Israéliens, qu’ils
soient Juifs, Arabes, Chrétiens et autres
rites ou rituels.
Et pourtant il y a place dans le pays pour construire
au moins trois petites villes, avec les mêmes
conditions de vie, de pratiques religieuses,
lesquelles excluent depuis toujours toute participation
des gens pieux au monde du travail pour cause
de prières et de lecture mécanique
des textes sacrés. L’État les
prend en charge, sans problème, c’est
là-bas l’un des aspects de la démocratie,
mais la majorité des Israéliens
commence à penser que le mode de vie
des religieux intégristes est un peu
exagéré. Les Israéliens,
pour beaucoup, aimeraient bien cesser de payer
pour favoriser l’obscurantisme véhiculé
et transmis à leurs enfants par les fanatiques.
Suivent maintenant quelques photos de ce dont
j’avais, personnellement, à témoigner,
elles sont, cela ne va pas sans dire, entièrement
subjectives.
(1) Encore
en 2002, réédition, dans M. W., Freud, l’hystérie,
la psychanalyse
et
l’histoire.
Situé
sur le terrain du kibboutz Lohamei Haghetaot,
Musée/Mémorial et centre éducatif
Yad Layeled.
Les enfants, accompagnés d’enseignants,
peuvent venir y accéder à partir
de 9 ans.
Il retrace, je cite "la vie des enfants
juifs, de la montée d’Hitler au pouvoir
jusqu’au lendemain de la guerre".
Il est dédié à la mémoire
des 1,5 million d’enfants juifs
assassinés pendant la Shoah."
Beith
Lohamei Haghetaot, Centre de Séminaires,
Centre de Documentation et d’Archives, Centre
des études humanistes, Amphithéâtre
à ciel ouvert réservé à
la "cérémonie commémorative
de la Révolte du Ghetto de Varsovie et
de la Shoah."
Yad Vashem. Mémorial
des enfants
Korczak et les
enfants du Ghetto. Sculpture de Boris Saktsier
Sculpture
monumentale de Nathan Rapoport dans la Forêt
des Martyrs, route 395. L’un des rouleaux de
la Torah rappelle la marche des Juifs vers l’extermination
et la révolte du Ghetto de Varsovie.
L’autre représente l’espoir, les générations
nées libres, après guerre, dans
le tout nouveau pays.
Stèles
dans Forêts
Population juive
à la veille de la Seconde Guerre Mondiale
Latrun. Mémorial
de l’Armée. Mur des noms
Un
village Arabe sur la route de Tel-Aviv à
Haïfa
Sur
la route. Irrigation
Tiberiade.
Le Golan
Tibériade
M.
W.
Fin septembre 2004
ψ [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
© 1989 / 2016 |