Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

Micheline Weinstein • Tu leur diras, quand tu rentreras en France...

Ø

Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • « L’Innommable »

Cité en exergue au « Jargon de l’authenticité » par T. W. Adorno • 1964

Ø

Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Bertha Pappenheim

© Micheline Weinstein / Septembre 2004

« Tu leur diras, quand tu rentreras en France »

Je venais juste de prendre mon billet d’avion pour Israël quand advint le Colloque qui entraîna la lettre qui suit.


Lettre ouverte

Après une « Journée... » du 9 mai 2004 dans les Flandres

Réponse d’un père à son fils

Le fils - Qu’est-ce qu’être Juif ?
Le père - C’est se poser la question.

Paris, le 10 mai 2004

Cher... ,

vous ayant eu pour seul interlocuteur depuis mon abonnement à..., mensuel, édité par... , c’est à vous que je m’adresse, après cette journée, Colloque auquel je m’étais inscrite pour la première fois.
Par bonheur, au petit matin en partant, nous nous sommes trouvées sur le quai de la Gare du Nord, avec une amie de très longue date - quarante ans. Sans quoi, au Colloque, je me serait sentie bien seule. Pas le moindre petit mot d’accueil pour les nouveaux venus, dont un ami de la région. J’ai bien essayé de nouer un semblant de dialogue avec une ou deux personnes, plutôt deux, mais sans aucun succès. Je n’ai pu rester l’après-midi, mais lirai avec intérêt le compte-rendu de cette journée.
Auparavant, lors de mon abonnement, et puis encore un peu plus tard, j’avais proposé que nous établissions un lien entre notre site
et le vôtre, dans la mesure où, respectivement, nous abordons, chacun à partir de ses préoccupations professionnelles, personnelles, politiques, des questions connexes. Je n’ai reçu aucune réponse, pas même oui, pas même non.
Je joins donc à ce courrier des petits billets qui figurent sur notre site, à propos de quelques notions et concepts auxquels nous avons sérieusement à nous mesurer ces temps-ci : "race", "ostracisme", "antisémitisme", "injure", "paranoïa"... et puis un poème retrouvé, que j’ai traduit il y a 18 ans, écrit par un petit enfant en transit à Theresienstadt, déporté et assassiné à Birkenau.
Au terme de la session matinale, qui s’est prolongée assez tard dans la mi-journée, la question du petit nombre de sympathisants, une centaine, a été évoquée. Or, les noms des fondateurs et des amis qui les ont soutenus dès la création de l’association, témoignent de la présence d’intellectuels éminents et publiquement estimés.
Après une pratique assez longue et répétée des colloques, congrès, journées, afférents à mon métier, le temps passant j’y ai renoncé, car j’avais chaque fois l’impression de côtoyer des initiés à un code interne qui ne m’avait pas été transmis. J’ai éprouvé hier matin la même sensation d’étrangéïté qu’autrefois, de lieu clos, où les locuteurs s’entreparlent et s’entrerépondent, sans beaucoup d’ouverture sur un éventuel apport extérieur. Un peu comme dans les sectes.
Alors, revenons au Colloque.

  • Qu’est-ce qu’être Juif ? Au masculin et au féminin.
  • Qu’est-ce que la laïcité ?
  • Qu’est-ce qu’être "de gauche" et, corollairement, "de droite" ?
À la première question, il est répondu en exergue de cette lettre. Elle engage la vie de celui ou celle qui se la pose en même temps que sa liberté de penser, infléchit, qu’il le veuille ou pas ses agissements, marque ses choix, l’oblige un jour ou l’autre, tôt ou tard.
La réponse de ce père à son fils, est la seule réponse laïque, me semble-t-il, qui ne cadavérise pas la question.
À la deuxième, celle de la laïcité proprement dite, nous n’avons guère d’autre possibilité que de lui opposer son antagoniste, le religieux, de même que tout système "profane" déjà établi et fermé, disons "professionnel", quelles que soient les professions. Par exemple, dans notre métier, laïque signifie que les psychanalystes sont seulement psychanalystes, qu’ils soient médecins ou non médecins, notamment psychiatres, autrement dit, qu’ils n’appartiennent pas à quelque corps déjà constitué. Ils sont, non pas "initiés", vocable qui renvoie au religieux, mais dûment formés à l’apprentissage de leur métier. Pour être brève, cet apprentissage commence par l’obligation d’une analyse personnelle ; suivent conjointement étude de la théorie freudienne, dans une structure institutionnelle indépendante bien précise, et début de la pratique, avec l’appui bienveillant d’analystes expérimentés et confirmés.
Dans ce domaine, comme dans d’autres, la laïcité implique le respect de la liberté de penser des futurs praticiens, les aider à l’acquérir, à la développer, leur donner le goût de s’instruire. Tout comme dans l’éducation des enfants, c’est une tâche assez délicate qui, si elle est remplie de travers, conduit, sous prétexte de la moderniser, de la rendre "up to date", au négationnisme, via un révisionnisme de la psychanalyse.
Au plan individuel, laïque, dans le fond, se rapprocherait de ce que l’on nommait jadis le "libre penseur", le "free thinker" anglais, doué de son "libre arbitre", de sa faculté de choix, d’en mesurer librement la portée, d’en peser, autant que faire se puisse, les conséquences.
J’ai été surprise en cette matinée, qu’au sujet des penseurs et théoriciens juifs des Lumières, puis des Juifs, intellectuels, prolétaires, artistes, politiques, dont la vie s’est épuisée à essayer de faire entendre le langage de la Raison, un terme pour qualifier leur œuvre, se soit trouvé être celui de "messianique". Le Messie est annoncé par les Prophètes, nous voici là en plein vocabulaire sacré, un peu antipathique me semble-t-il à celui de l’espoir qu’ont tenté d’insuffler nos rêveurs combattants, animés par le désir tenace, généreux, sans réserve, d’une possible "Aufklärung" de l’humanité.
Pour ce qui est de la notion de "gauche", de l’engagement à gauche, autre que topographique - situé d’un côté plutôt que l’autre de la tribune de l’Assemblée Nationale -, la question ne serait-elle pas à reprendre, a-minima, à partir de l’évolution des idéologies entre les deux guerres mondiales ? Les divers mouvements de gauche en France, leurs théoriciens, feront-il un jour l’"autocritique" quant à l’antijudaïsme, banal, latent, qui a permis, malgré - et parfois avec - le Front Populaire, au nazisme de se déployer et à la collaboration, active ou passive, de s’installer et de prospérer ?
Ce qui m’a aussi surprise, en cette demi-journée, c’est d’entendre, une fois de plus la nécessité récurrente, sous un prétexte ou un autre, par certains, d’établir un parallèle langagier de comportement entre les Israéliens et les nazis. Et si, faute de savoir ce qu’il en est exactement, réellement, des "identifications", on laissait tomber ce réflexe en miroir, à partir d’une opinion largement diffusée - et infusée - par le P. C. français après 1945 ? Non, les gosses des banlieues ne s’"identifient" pas aux Palestiniens, ils ne s’identifient, au sens propre du verbe, à personne, s’ils s’identifient, c’est aux discours, aux slogans, dans lesquels ils sont nés et ont été (mal) élevés, avec lesquels ils sont mis en demeure de se construire tous seuls. Et ce n’est pas possible. Et c’est peut-être là l’écueil le plus grave, les échecs des attitudes parentales et des systèmes éducatifs sous leurs multiples formes.
Actuellement et depuis des années, avec le conflit du Proche-Orient, quand en Occident un enfant juif est maltraité, injurié, dans la rue ou à l’école, quand les graffiti xénophobes antijudaïques essaiment, jusque sur les tombes, c’est là, leur cerveau lavé à coups de slogans haineux, que réside, pour les jeunes, l’amalgame "Juif/Israélien". Tout enfant juif pour eux, par filiation culturelle, est pro-Israélien, au nom de la libération du peuple palestinien dont les adultes n’ont pas pris la peine de leur transmettre l’histoire. Et puis, les enfants grandissent et à leur tour... répètent ce qu’on leur a assené à leurs enfants et ainsi de suite... Le drame, disons intellectuel, des temps modernes, c’est l’inculture, de plus, largement véhiculée par les médias.
Enfin, ce qui m’inquiète et ne semble étonner personne, c’est cette attitude que nombre de Juifs, maintiennent envers la question israélo-palestinienne et qui s’apparente à une conduite involontaire de culpabilité. Des débats sont organisés, des colloques, des films projetés, toutes sortes de documentations produites, de médiatisations, pour témoigner de la compréhension, de la solidarité, on s’excuse, on invite à débattre, face à des interlocuteurs qui posent le problème palestinien en termes de victimisation unilatérale. En réponse, on reçoit des injures. À quand un colloque organisé par des intellectuels palestiniens et pro-palestiniens sur la question de l’antijudaïsme et de ses haineuses chicanes ?

M. W.

Et puis je suis partie pour Israël.
J’y ai, là-bas, de la famille, établie depuis 1924. Les immigrants, à cette époque, les "pionniers", intellectuels, artistes, savants, étaient tous des ouvriers et des agricoles. Ils travaillaient comme des ouvriers travaillent, sur le tas, tout en mettant leurs connaissances spécifiques au service de la construction du pays. Chassés par les pogroms d’Europe de l’Est, bien que communistes, sociaux-démocrates, libéraux, au sens indépendant du terme libéral, que l’on n’entend plus ainsi aujourd’hui, ils étaient naïfs aussi puisqu’il croyaient toujours aux "lendemains qui chantent", alors que l’Europe entière se préparait à exterminer les Juifs.
Trois générations, bientôt quatre, sont nées depuis, en Israël.
Toutes sous les tirs, les attentats, la guerre.
Les mères en ont marre. Beaucoup d’enfants petits ou tous petits, ont dû être évacués d’un hôpital ou d’une maternité, en cours d’opération, plaie ouverte, ou en cours de leur naissance. Les femmes, aussi, quand elles sont obligatoirement, par sécurité, sans nouvelle de ceux et celles, militaires à partir de 18 ans, réservistes, mobilisés dans le Golan, la bande de Gaza, les frontières, les villages de religieux implantés qui refusent de partir des terres occupées, alors qu’il y a largement la place dans le pays pour leur offrir tout ce dont ils ont besoin, sans démanteler leur communauté respective. Et puis il y a les bus, les rues, les cafés, les commerces, n’importe où, d’où explosent les bombes portées par des fanatisés depuis l’enfance, parfois même ces bombes vivantes sont des enfants poussés au front par des adultes, alors ne les appelons pas des révolutionnaires, à moins que la révolution ne fasse pas partie de l’histoire de la civilisation.
On évoque maintenant un fait nouveau en Israël, réel, la pauvreté matérielle. Mais quand on apprend qu’il faut 12 000 soldats pour assurer la sécurité de 7 000 colons religieux d’une terre occupée, on se dit qu’à l’espoir, la pauvreté coûte cher, à l’État aussi bien qu’à chacun/e, qui dresse des Juifs contre des Juifs, fissure les humains, les fait étrangers à eux-mêmes. Nous apprenons ces jours-ci que des agents de sécurité, en assez grand nombre, sont embauchés pour encadrer les bus, les rues, les cafés, les commerces, n’importe où. Et ce n’est qu’un exemple, concret.
Mais, j’en resterai là avec l’actualité qui va beaucoup trop vite pour le ton d’un récit, et qui apparaît presque minute par minute dans le quotidien de chacun/e.
Les femmes, les hommes, les mères, les pères, les jeunes, ceux, celles, que j’ai rencontré/e/s en Israël et avec qui j’ai parlé, en ont tous marre de la guerre, pas d’autre chose. Alors quand ils le peuvent financièrement, ou quand il exercent un métier lié aux affaires ou au tourisme, ils vont souvent prendre quelques jours l’air ailleurs, l’air des villes et des campagnes, l’air de la mer et des montagnes, assez loin, ils passent toujours au moins un océan.
Malgré la guerre incessante depuis la création de l’État, Israël reste une démocratie, qui est un bien vilain terme au son plein de crasse, mais nous n’en avons pas d’autre à disposition partageable. La question de la parité entre hommes et femmes ne se pose pas plus actuellement qu’elle ne s’est posée dès les années vingt. De la parité aussi entre les générations, les apparences physiques, tous les âges, toutes les provenances, dansent et chantent dans les boîtes de nuit pour se distraire de la guerre, chacun se débrouille comme il est, se voit, se représente. Je n’ai jamais rencontré cela ailleurs. La question de la chaîne de solidarité morale, matérielle, artistique, entre les âges dans les familles ne se pose pas non plus, elle paraît "naturelle".
Sur le plan intellectuel, universitaire, il en est de même. Une "Intelligenzia branchée" et médiatique n’y est guère possible, semblerait-il, dans les expositions de peinture, chez les uns les autres, on croise vraiment tous les métiers, quelqu’un d’une famille y est toujours manuel, quelqu’autre, artiste intellectuel, artisan, agricole, soldat, vraiment tous les métiers, au masculin et au féminin. Ce n’est sans doute pas "bon" pour le narcisse, de ne pas trouver sa photo dans un journal, comme cela se fait en Occident. Et voilà que le vieux Freud, qui avait la publicité en horreur, ainsi que l’exhibition de sa photo sur la couverture d’un livre, d’un journal ou d’un magazine, apparaît, se détache de la neige dans Vienne et du printemps à Londres, au détour d’une promenade parmi les narcisses. Un vrai Juif. Laïque, résolument, en arrière petit-fils et petit-fils de rabbis, érudits éclairés, et fils de Jakob, qu’il était.
C’est peut-être ce manque d’exhibition individuelle publique qui porte certains écrivains, artistes, israéliens, vers l’Europe. Ceux et celles qui, de narcisse fragile, ou par arrivisme, ne supportent pas de n’être pas individués.
Une autre observation subjective touche à mon métier, à partir des échanges vraiment très divers que j’ai eus là-bas. J’ai eu l’impression que, sauf à être intéressé/e par la psyché, la sienne et éventuellement celle d’autrui, la psyché en soi, les psychanalystes n’avaient pas leur place en Israël. Et pourtant il y en a ! Il y a même des essais d’implantations d’analystes français qui aimeraient bien occuper ce territoire, donner des cours, des conférences, recevoir, être publié/e/s...
Les soldats, ceux et celles que la chose intéresse, sont formés, équipés, pour faire avec les délinquants, les diriger ailleurs ou les aider à pouvoir s’intégrer dans l’armée, le temps de leur service, ils ne sont pas forcément médecins, éducateurs, assistants sociaux, à l’origine. Souvent de futurs profs. Dans les écoles, les universités, les professeurs, à tous les niveaux, sont formés et équipés de la même façon pour les mêmes objectifs, civils cette fois.
Peut-être également, dans d’autres domaines, ce même facteur de "non reconnaissance" publique ou médiatique agit-il dans les "alyas", les "montées en terre sainte" ratées, avec retour en Europe au bout d’un an de prise en charge matérielle et financière par Israël. Mais alors il faut avoir pensé à mettre pas mal d’argent de côté avant de conclure cette opération, par précaution très anticipée. Bref, c’est un champ que je n’arpenterai pas, de peur de me tromper, car il frôle la plupart du temps le religieux. J’en laisse l’exploration à mieux informés que je ne le suis car, sur cette question-là encore, de l’"alya", peut-être y croise-t-on tout le monde...
Avec l’arrivée de populations "déplacées" d’autres continents, un phénomène nouveau s’est matérialisé ces dernières décades, celui de l’alcoolisme des très jeunes, inconnu jusqu’alors par les précédentes et successives générations, nées en Israël de l’émigration des années vingt d’Europe Centrale. La santé publique est hors de prix pour l’État, avec la guerre, les attentats, l’aide à l’immigration, activement incitée, les soins publiques, la récente pauvreté qui gagne. Alors, pour les particuliers israéliens, qui ont encore parfois à charge un ou des parents assez âgés, les pionniers des années vingt souvent devenus dépendants, les soins médicaux, médico-dentaires, les hospitalisations, excellents, sont d’un coût énorme. Les "bonnes" maisons dites de retraite, où l’on peut mourir d’"Alzheimer" tranquille, en tous cas celle dont j’ai franchi les portes et les jardins, sont superbes mais inabordables.
En Israël il y a des gens bien, des petits et des grands d’en-bas et d’en-haut, des qui se situent dans des étapes intermédiaires, des escrocs aussi, des êtres humains, parlant et agissant à cru ou en silence.
C’est comme ça.
Je vais continuer mon périple là-bas, mais auparavant, je voudrais juste donner le message qui m’a été transmis par les interlocuteurs, nombreux et très divers, que j’ai rencontrés. À travers, dans le temps et l’histoire, il a fait écho à celui que passaient ceux et celles d’un autre là-bas...

« Tu leur diras, quand tu rentreras en France »

Alors je dis, je l’ai vu et entendu, je me dis que les israéliens sont des êtres humains et parlants, agissant pour le meilleur, pour le pire et tout le reste, avec un inconscient, chacun/e, et un corps, comme partout ailleurs, que les traiter de "nazis", d’"envahisseurs", apprendre aux enfants du monde entier à leur lancer des slogans haineux, à commettre des attentats à leur vie, à les injurier, les globaliser, en faire méthodiquement un tas, monter en épingle l’idéologie fanatique des minorités religieuses comme si c’était l’idéologie dominante, ça a un air de déjà connu. C’est Gœbbels, un ministre de la propagande, qui martelait, "plus un slogan est court et simplifié, mieux ça marche". Cela s’appelle aujourd’hui, de l’incitation à la haine. Tout court et non à la haine raciale, puisque pour les humains, il n’y en a qu’une, et encore, non de race, mais d’espèce, soit,

Espèce - 1) Ensemble d’individus animaux ou végétaux, vivant ou fossiles, à la fois semblables par leurs formes adultes et embryonnaires et par leur génotype, vivant au contact les uns des autres, s’accouplant exclusivement les uns aux autres et demeurant indéfiniment féconds entre eux.

Grand Usuel Larousse

Voilà pour la biologie.
Pour l’aspect religieux, le fanatisme, la plupart des résidents à Jérusalem et dans les terres occupées sont une mine toujours prête à exploser, leur comportement en "villes conquises" est détestable, sectaire, fermé, rejetant, excluant. Inacceptable. Ce sont eux, et eux seuls, qui attisent le brasier d’un non processus de paix, au nom de l’"Alya" l’État ne peut pas encore, mais nous espérons que cela viendra, les obliger de force à partir.
Sinon, Israël est une démocratie, qui fonctionne comme les autres, avec ses réalisations et ses errements et ses erreurs, à ceci près que c’est un pays incessamment en guerre, non de son fait, ce qui est un hapax dans l’histoire des démocraties.
Les êtres humains avec qui j’ai parlé là-bas, nombreux et divers, souhaitent une seule chose, la paix. Pour les générations à venir d’abord, pour eux ensuite. La Paix.
Il y a des petits ilôts de paix. Nous sommes allés déjeuner dans un restaurant arabe que fréquentait Itsrak Rabin, dont la photo, juste au dessus de notre table, les montre, avec le patron arabe, en chaleureuse compagnie. Nous avons fait le marché dans des quartiers arabes, nous avons passé un long moment à Akko (Saint-Jean d’Acre), sur les routes nous avons côtoyé de pimpants villages arabes, dont les résidents n’ont pas l’air de se plaindre, nous avons acheté des fruits et parlé un peu avec des marchands ambulants, puisqu’ils sont Israéliens et échangent en hébreu, nous nous sommes également arrêtés dans des musées, privés et publics, chez des amis artistes, dans les environs de Tibériade, pris des quantités de photos dont les premières ont disparu à cause d’une mauvaise manipulation d’un nouvel appareil numérique. C’est dommage, il y avait justement des œuvres d’art, et leurs auteurs, sur cette bobine.
De mon côté, je suis d’abord allée retrouver les miens, les nôtres, ceux et celles que nous aurions aimés, ceux et celles que nous aurions haïs, ceux et celles qui nous auraient indifféré, dans les Mémoriaux. Y compris le Mémorial de l’Armée de Terre, où sont inscrits sur un long mur ceux et celles, nés dans le pays depuis la création de l’État, qui ont eu le temps d’être aimés avant de mourir vraiment trop tôt.
L’État d’Israël n’a jamais déclaré de guerre aux Palestiniens, ni à personne. Il ne pratique pas les attentats, ne met pas les mômes en paravents des adultes. L’État n’a jamais fait que répondre, militairement, c’est encore ce qu’il y a de moins sale. Et que l’on ne nous dise pas que les Palestiniens ne sont pas armés, parce qu’il sont pauvres. Ils sont armés, ne le montrent pas forcément, ça dépend, et sur ce plan, ne sont pas pauvres, tout le monde le sait, avec le pétrole alentour.
Mais hélas, en Israël, il y a comme partout ailleurs des dérapages idéologiques et voilà que sous prétexte de sécurité, on occupe des terres sans permission pour y établir des colonies religieuses.
Et la majorité, en Israël, est aujourd’hui franchement d’accord, quels que soient les horizons politiques, ces terres il faut les restituer, s’en débarrasser, cette occupation n’a aucun sens et coûte beaucoup trop cher, à tous les niveaux, à commencer par celui des vies et des férocités humaines.
Nous, partout dans le monde, personnes à peu près sensées, Juifs et Pas-Juifs le disons depuis que cette occupation existe (1). S’être coincés, enferrés, engoncés à ce point-là grâce à la religion, nous n’imaginions pas que c’était encore possible. Cet espoir, malgré Freud, après Freud, qui avait découvert que la religion, l’idéologie, était l’ennemie la plus dangereuse de lapsychanalyse, car elle le tue, l’espoir en un monde un peu plus civilisé.
Mais comment déloger les habitants des terres occupées, avec leur queue leu leu d’enfants de tous âges, dont quelques uns, passé leur bar-mitsva sont accoutrés comme des petits vieux pieux ? Puis qu’ils refusent de partir, assez violemment d’ailleurs. Il n’est pas dans les mœurs, en Israël, d’user de la force entre Israéliens, qu’ils soient Juifs, Arabes, Chrétiens et autres rites ou rituels.
Et pourtant il y a place dans le pays pour construire au moins trois petites villes, avec les mêmes conditions de vie, de pratiques religieuses, lesquelles excluent depuis toujours toute participation des gens pieux au monde du travail pour cause de prières et de lecture mécanique des textes sacrés. L’État les prend en charge, sans problème, c’est là-bas l’un des aspects de la démocratie, mais la majorité des Israéliens commence à penser que le mode de vie des religieux intégristes est un peu exagéré. Les Israéliens, pour beaucoup, aimeraient bien cesser de payer pour favoriser l’obscurantisme véhiculé et transmis à leurs enfants par les fanatiques.
Suivent maintenant quelques photos de ce dont j’avais, personnellement, à témoigner, elles sont, cela ne va pas sans dire, entièrement subjectives.

(1) Encore en 2002, réédition, dans M. W., Freud, l’hystérie, la psychanalyse et l’histoire.


Situé sur le terrain du kibboutz Lohamei Haghetaot,
Musée/Mémorial et centre éducatif Yad Layeled.
Les enfants, accompagnés d’enseignants, peuvent venir y accéder à partir de 9 ans.
Il retrace, je cite "la vie des enfants juifs, de la montée d’Hitler au pouvoir jusqu’au lendemain de la guerre".
Il est dédié à la mémoire des 1,5 million d’enfants juifs
assassinés pendant la Shoah."


 

 

 

 

Beith Lohamei Haghetaot, Centre de Séminaires, Centre de Documentation et d’Archives, Centre des études humanistes, Amphithéâtre à ciel ouvert réservé à la "cérémonie commémorative de la Révolte du Ghetto de Varsovie et de la Shoah."

 

 

Yad Vashem. Mémorial des enfants

Korczak et les enfants du Ghetto. Sculpture de Boris Saktsier

Sculpture monumentale de Nathan Rapoport dans la Forêt des Martyrs, route 395. L’un des rouleaux de la Torah rappelle la marche des Juifs vers l’extermination et la révolte du Ghetto de Varsovie. L’autre représente l’espoir, les générations nées libres, après guerre, dans le tout nouveau pays.

 

Stèles dans Forêts

Population juive à la veille de la Seconde Guerre Mondiale

Latrun. Mémorial de l’Armée. Mur des noms

Un village Arabe sur la route de Tel-Aviv à Haïfa


Sur la route. Irrigation

Tiberiade. Le Golan Tibériade

M. W.
Fin septembre 2004

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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