Schiller
Le processus de création
Schiller, trouvé par Otto Rank et cité par Freud dans Die Traumdeutung, Chap. II, p. 96
« La méthode d’interprétation • Analyse d’un exemple de rêve »
« Le soubassement de ta plainte réside, me semble-t-il, dans la pression que ton intellect exerce sur ton imaginaire. Laisse-moi te donner ici l’aperçu d’une pensée qui m’est venue, et la représenter par une métaphore. Il n’est sans doute pas bon, ce serait même un désavantage pour l’œuvre de création par l’esprit, que l’intellect passe impitoyablement au crible les idées qui déferlent, déjà presque arrivées à fleur de tête. Une idée peut, considérée isolément, paraître tout à fait anodine et même complètement absurde ; mais peut-être se formera-t-il un chaînon cohérent avec celle qui la suit, elle-même liée d’une façon ou d’une autre aux suivantes, lesquelles sembleront peut-être tout aussi absurdes. De tout cela, l’intellect ne peut se porter juge aussi longtemps qu’il ne se sera pas attardé à pouvoir penser qu’un lien relie les idées les unes aux autres. Il m’a semblé au contraire que, dans un esprit créateur, tout se passe comme si l’intellect avait retiré sa garde du seuil de la porte ; les idées dévalent pêle-mêle [en français dans le texte], et c’est ensuite seulement qu’il en conçoit le sens, mais sous forme de masse compacte. Vous, Messieurs les critiques, ou quel que soit votre intitulé, vous avez honte ou vous redoutez la folie, les non-sens apparents dans l’immédiat, mais qui sont passagers, que connaissent tous les vrais créateurs, et dont la durée plus ou moins longue distingue seule l’artiste inventif du rêveur.
C’est ce qui rend votre manière de juger stérile, puisque vous les avez repoussés d’emblée, et violemment écartés [verwerft]. »
[Lettre du 1er décembre 1788 de Schiller à Körner] |