Psychanalyse et idéologie

Yona Dureau • La forêt en marche

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Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • L'innommable

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object

Samuel Beckett  « The Unspeakable one »

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

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Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

point

ψ  = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

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  © Yona Dureau / 15 août 2006

« La forêt en marche »

Macbeth ne pouvait s’imaginer des arbres en marche, ceux dont la sorcière lui avait prédit qu'ils annonceraient sa chute. Il en déduisit que son règne serait éternel. Lorsque les soldats de son ennemi encerclèrent sa forteresse, camouflés derrière des branchages, ses hommes de garde virent la forêt avancer, et Macbeth comprit, trop tard, que la métaphore désignait en fait une réalité et non un symbole.
Croire aux discours de Assad, explicitant ses raisons pour recréer une union arabe contre Israël, aux discours de Nasralah, qu'ils justifient par une prétendue agression de la part d'Israël, est une façon de voiler son propre manque d’imagination, mais surtout sa propre absence de mémoire, face aux traités d’agression signés depuis 1996 par le monde arabe.

Les arbres en marche auraient dû nous rappeler la prophétie de ces accords : Nasralah attaque Israël. Trois jours plus tard, alors que le front de Gaza fait rage, les Palestiniens percent la frontière avec l’Egypte, et les troupes d’Al Qæda basées dans le Sinaï, font pénétrer des jeeps et des chars dans la bande de Gaza. Les camions syriens, à la frontière libano-syrienne, transportent tous les jours de nouvelles munitions au Hezbollah [Sic : Parti de Dieu].

À présent, le 15 août 2006, jour de la Syrie, en Syrie, fête de la Vierge dans la moitié de l’Europe, Assad déclare que le temps est venu de refuser tous les accords de paix proposés par les Américains, et de s’allier contre Israël.
Tout semblerait n’être le fruit que des circonstances, sans les accords que les medias arabes discutaient ouvertement en 1996 :


• Le 10 décembre 1996, le député américain Jim Saxton, représentant du New Jersey au Congrès américain, membre de la Commission des Affaires étrangères et Président du Groupe d'études sur le terrorime et la guerre non conventionnelle, présente un rapport, connu depuis sous le nom de « Rapport Saxton » [1]. Dans ce rapport, fondé entièrement sur des sources arabes, le député décrit l'évolution des accords militaires de la région. Au printemps 1996, Hafez-el-Assad et Saddam Hussein signèrent un accord s'associant à d'autres puissances régionales pour l'établissement d'une politique régionale commune.

• Fin mai 1996 et dans le cadre de cet accord réunissant l'Iran, l'Irak et la Syrie contre Israël, l'Iran procéda à un gigantesque exercice militaire, Velayat, devant démontrer sa capacité à attaquer Israël en reproduisant sur place, à l'échelle, les distances séparant l'Iran de ses cibles.

• Après ces exercices, et l'établissement de plans stratégiques communs, l'Iran et la Syrie signèrent un accord à la mi-juin concernant la codification de leur coopération militaire contre Israël.

• À la mi-août, l'Irak était introduit dans cet accord de façon effective, avec la mise en place d'un commandement conjoint contre Israël. Des exercices étaient prévus au Nord de l'Iran pour anticiper le soutien des troupes iraniennes à la rescousse de la Syrie sur le plateau du Golan, et la coordination des forces SSM de missiles iraniennes, irakiennes, et syriennes, contre Israël.

• À la fin du mois de septembre 1996, l'Autorité Palestinienne signa un accord militaire offensif avec la Syrie, contre Israël. L'essentiel de cet accord stipulait que les forces de “police” palestiniennes et les forces terroristes à la disposition de l'Autorité Palestinienne - le Hamas ayant intégré l'armée palestinienne depuis avril 1994 - devaient obliger l'armée israëlienne à scinder ses forces pour un front intérieur pendant que les forces extérieures l'attaqueraient sur ses frontières.

• À la fin du mois de septembre, l'armée égyptienne procéda à un exercice impliquant toute son armée de réserve, l'exercice Badr, qui simulait une attaque offensive, contre Israël, suggérant que l'Egypte s'était, elle aussi jointe, à l'accord offensif.

• Simultanément, et à l'exemple de tous ces pays, l'Autorité palestinienne faisait la démonstration de sa capacité à remplir sa fonction dans l'accord multi-partite, en lançant une série d'émeutes dans tout le pays, au prétexte que le tunnel archéologique dont on venait d'ouvrir une entrée dans la vieille ville, passait soudain sous les fondations de la mosquée.

• Encore une fois, les media européens, et l'AFP en tête, soutînrent la thèse d'une politique israélienne provocatrice et incitant un peu plus à l'émeute sa clientèle [2]. En fait, ces émeutes éclataient dans un but stratégique, et furent effectivement la démonstration claire de la capacité palestinienne à concentrer les forces israéliennes à l'intérieur du pays.

• Le Rapport Saxton fut dédaigné par le Congrès américain parce qu’il se fondait uniquement sur des sources arabes, et qu’en particulier une grande partie de ces sources émanaient des journaux, lesquels annonçaient ouvertement ces accords dans le monde arabe.

• À présent, il semble bien que ces accords étaient fondateurs. Les Palestiniens remplissent leur contrat. Les Egyptiens laissent Al Qæda, basée dans le Sinaï, agir. La Syrie menace d’attaquer. Le Hezbollah est loin d’être vaincu. Assad explique calmement à nouveau la distinction entre une vraie paix et une paix stratégique en suggèrant que les autres pays arabes également n’avaient signé qu’une paix stratégique.

Les arbres sont en marche, et nous nous refusons encore à vouloir les voir avancer.


[1] Task Force on Terrorism and Unconventional Warfare; US House of Representatives, D.C. 20515; Approaching the New Cycle of Arab-Israeli Fighting. December 10, 1996.

[2] Voir l'analyse de M. Tornéro dans son film, Décryptage, 2003.



                             
ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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