© Micheline Weinstein / Mars 1992
Livres
Bert Kok
À la bonne adresse
Postface de Max Arian •Traduit du hollandais par Micheline Weinstein
Encres de Dã Vùong
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Avant-propos
À la bonne adresse retrace l'histoire, dans Amsterdam occupée par les nazis, d'un groupe d'hommes et de femmes jeunes, parfois très jeunes, non-Juifs, aujourd'hui Justes parmi les Nations, qui, sous le nom de Société Anonyme, s'est spontanément formé pour sauver 250 enfants Juifs, et parmi eux des bébés, de l'extermination.
Seule une fillette mourut de maladie. Tous les enfants échappèrent à la déportation
Bert Kok est né en 1949.
Auteur de plusieurs livres pour enfants et adolescents ainsi que de pièces de théâtre, il publie également des contes dans des périodiques et écrit la page hebdomadaire destinée aux jeunes lecteurs du journal Het Parool.
Max Arian, qui m'a passé ce récit, auteur de la postface, journaliste et écrivain, était l'un de ces 250 enfants.
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BERT KOK
À LA BONNE ADRESSE
(Extrait)
Et puis c'est arrivé. Ça leur est tombé dessus à l'improviste.
Hannah et Ruth sont dehors, au crépuscule.
- C'est bientôt l'heure du couvre-feu, dit Hannah. Encore un tour et on rentre.
- Bon, alors on court le plus vite qu'on peut.
Elles font, pour la nième fois, le tour du pâté de maisons, longent la Tweede Oosterparkstraat, puis la Beukenplein, traversent la Eerste Oosterparkstraat et le Sparrenweg. Elles atteignent le coin de la rue, pile en même temps qu'un camion. Ruth essaie de le rattraper, mais quoi qu'on fasse, les autos sont plus rapides. Et pourtant celui-là roule assez lentement, comme si le chauffeur cherchait une adresse. La benne, un toit de bâche tendu au-dessus, est ouverte. Sur des bancs tout au fond, contre la cabine, sont tassées quelques personnes.
A l'arrière, près de la trappe de chargement, trois types sont assis.
Hannah sent soudain le froid la gagner, en même temps que le calme.
- Ruth, attention !
Elles voient le véhicule stopper devant la porte de leur maison.
Deux types sautent de la benne et se précipitent sur la maison. Ils cognent à la porte et appuient sur la sonnette comme des cinglés.
- Aufmachen ! Aufmachen ! (Ouvrez ! Ouvrez !)
La porte s'ouvre de l'intérieur.
- Ça y est, c'est eux ? interroge Ruth.
- Oui, ils viennent nous prendre.
- Oui mais nous, on n'y est pas.
Ruth et Hannah restent plantées-là, à une maison de distance du camion. Elles ne savent que faire, dans leurs manteaux d'été bien trop légers pour ce temps d'arrière-saison, mais sur lesquels l'étoile est déjà cousue.