Dans une analyse, il y a l’acting out tout simple, privé. L’analysant/e met en acte, dans sa vie personnelle, professionnelle, sociale, ce qui ne peut ou ne veut pas se dire sur le divan. L’acting, avec beaucoup de patience de la part de l’analysant et de l’analyste, s’analyse, s’articule, se dissout.
Mais, pour peu que la psychanalyse circule dans le public, par le biais d’un/e analysant/e évoluant parmi le monde intellectuel de l’édition, de la culture, il peut exister également une autre forme d’acting, celui qui se met en représentation sur la place publique.
L’actant n’est pas forcément en analyse. Il peut s’y dire “candidat”. Quelqu’un de son entour, plutôt proche, de l’enfance au grand âge, a à faire, à titre individuel, avec l’analyse.
L’acting public est destiné, de la part de l’actant censé être candidat à l’analyse, à viser et à atteindre, plus ou moins sciemment, la psychanalyse, au mieux la démolir, via un transfert négatif puissant, une sorte de fixation, sur un/e analyste disponible à ce moment-là. C’est, pour cet analyste, une expérience passionnante bien que très difficile à supporter. La nature propre à l’être humain, à chaque humain d’où qu’il vienne, s’y révèle sous toutes les formes que Freud a décrites, de l’infans au grand âge.
Mais, contrairement à l’acting privé, l’acting public, ne peut se produire sans le concours d’un entourage, parfois une seule personne, pour lesquels l’analyse n’est pas une inconnue. L’entour perçoit que quelque chose ressortissant à l’analyse va se produire, il n’en dit rien, ne le manifeste pas, mais par une sorte d’influence occulte, contribue à fournir les outils conceptuels, qui faciliteront la mise en acte publique et/ou en assureront les conditions.
Un acting de ce genre pourrait s’intituler un « acting sous influence ».
Un acting, privé aussi bien que public, peut se traduire par le passage d’un long ressassement psychique à une mise en acte dans la réalité. Il ne surgit pas soudainement, impromptu. L’analyste le voit venir, par petits soubresauts réguliers, à-coups répétitifs, menues malfaisances. Il s’étonne de l’étrange discours du locuteur, absolument coupé de ses actes les plus quotidiens, assez souvent même les contredisant. L’analyste essaie alors de prévenir l’acting, de l’endiguer, de mettre en évidence ce que cette posture a de pervers. Après tout, pourquoi agir contre l’analyse si, de l’analyse, on ne veut pas. Pourquoi ne pas plutôt s’occuper ailleurs, puisque l’analyse elle, ne demande rien à personne, pas même que l’on s’intéresse à elle ?
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Que serait, dans une perspective, disons, civilisatrice, le projet de finalité d’une analyse personnelle ? Après des années de patience et d’impatience obligatoirement contenue, après avoir enfin pu accepter le sens du mot “confiance”, après avoir accédé au “tout dire”, dire ce qui traverse l’esprit, in situ, sans résistance ni censure, après avoir reconnu les formations de son inconscient et leur syntaxe compliquée, l’esprit de l’analysant/e sera alors disponible pour entendre ce que Freud définissait par le mot Sublimierung. Soit, selon François Perrier, la neutralisation de ses pulsions. Freud employait plutôt le mot de “maîtrise” des pulsions, qui est plus dur, plus radical, qui évoque le “matage”, le cassage, par les matons et les casseurs. La neutralisation des pulsions passe plutôt d’abord par la négociation - le compromis - avant, s’il y a mésentente, non-entente, pas d’écoute, que l’on décide d’envoyer les projectiles.
C’est alors seulement que l’analysant/e se reconnaîtra comme sujet en accord avec sa parole dont il choisira d’en assumer la responsabilité. Je dira ce que je fais et fera ce je dis, selon ce que j’estime être en cohérence avec ce que je pense - et non selon mon plaisir bon, mauvais ou mitigé, tout en restant disponible pour constater honnêtement parfois me tromper.
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Un argument commode pour utiliser la psychanalyse contre elle et en faire du cinéma, est de couper de son contexte la remarque de Freud selon laquelle il n’y aurait pas de “secret professionnel” pour la psychanalyse.
C’est ne pas tenir compte que cette remarque s’adressait alors exclusivement aux professionnels de la psychanalyse, en séance de travail fermée. Le monde analytique était alors en pleine turbulence, les acting de certains analystes en formation, assez fréquents et bruyants et aux conséquences parfois regrettables. Cette remarque portait précisément sur des acting publics - écrits principalement mais même le suicide en est un - commis par des analystes lors d’un “transfert négatif” infantile violent à Freud, après un amour de transfert passionné et imaginairement “déçu”. Cela favorisait la tendance publique à discréditer l’analyse. D’autres de ces analystes, Freud les qualifiait, au même titre que messieurs et mesdames toutlemonde de base, l’humain aux pulsions incontrôlées, de Gesindel, qu’en français l’on a traduit par racaille, mais qui est beaucoup plus proche de fripouilles. Le mot racaille peut être perçu, dans certaines circonstances, comme désobligeant, tandis que celui de fripouilles, d’abord n’est pas global, n’est pas un tas, il s’applique à un acteur après l’autre quelle que soit sa condition sociale, pas forcément issu de la plèbe. Les fripouilles, dans ou hors l’analyse, ont une étrange capacité intellectuelle, plus ou moins fine, à manier les concepts de l’analyse pour la discréditer en laissant agir leur forte inclination pour l’escroquerie, la malfaisance, le déni.
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Car qui, dans le cadre d’une analyse individuelle en cours ou récemment terminée, disons depuis quinze/vingt ans, et encore sous forme d’écrits où le nom de l’analysant/e ne saurait apparaître, a jamais entendu, depuis Freud, un/e analyste évoquer publiquement un seul mot de la sexualité de ses analysant/e/s ? La vie sexuelle de chacun/e rappelait maintes fois Freud, est “l’affaire exclusivement privée de l’humain”, et sur laquelle il garde le secret absolu, comme étant au principe fondamental que l’analyste doit respecter pour valoir porter ce nom. C’est, pour l’analyste, son Serment d’Hippocrate.
Par ailleurs, mais nous y reviendrons plus tard, contrairement aux diagnostics d’anormalités de la psychiatrie, la névrose n’est pas une “maladie mentale”. La névrose individuelleest un mal être, mal de vivre, dans le monde tel qu’il est.
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C’est donc le récit d’un acting public, sous influence, que je ne décrirai pas ici. Il somnolera dans les archives, sous forme d’une suite d’extraits de lettres, que j’ai adressées aux différents personnages d’une exécrable mise en scène, dont le dernier acte s’échelonne de février à juillet 2006.
Comment la prévention, la contention de cet acting public, ici, ont-t-elles échoué, comme c’est souvent le cas ?
Un bel enfant encore tout neuf aujourd’hui en est la cause, privée.
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Les rôles principaux
A. L’Actante
I. L’Influence
E. L’Entour
FIN