© Micheline Weinstein
Suite Journal ininterrompu par intermittence 1967-2022
Ich will Zeugnis ablegen bis zum letzten
[Je veux témoigner jusqu’au dernier jour]
Victor Klemperer • Journal 1933-1947
Paris, fin
décembre 2021
Lettre
Ce que je
dois à Anne-Lise Stern [16 juillet 1921 à Berlin - 06 mai 2013 à Paris]= de
m’avoir éclairée sur ceci qu’au sein du phalanstère lacanien, plutôt que mettre
la découverte de Freud au service, à l’épreuve de la praxis auprès de la
disette humaine, tout une horde trouvait jouissance à se faire implicitement,
sans autorisation aucune, psychanalyste brèveté de ses collègues
psychanalystes.
ø
À ***,
Outre les outrages du temps qui passe, me sont tombés
dessus, du jour au lendemain, de sérieux pépins de santé. J’ai donc fait mon
testament, commencé à recenser mes travaux personnels empilés dans un
capharnaüm indescriptible, afin de rédiger mes (ma) mémoire/s qui, comme toutes
resteront inachevées.
Je voudrais juste faire une mise au point auprès de vous,
à propos d’éventuels papotages dont sont friands certains collègues, peu
délicats envers qui n’est pas “des leurs”, de leurs “coteries”, au sein desquels
par choix délibéré, pour préserver ma liberté de penser, de dire et d’écrire,
j’ai de tout temps refusé de m’intégrer.
Vous trouverez ci-dessous des extraits d’une lettre que
j’adresse à l’une de leurs amis, relatifs à Françoise Dolto.
Et en p. j, pour mieux me situer, mon « Portrait », par
Aline Le Bail-Kremer, paru dans un magazine fin août 2021.
Cordialement à vous,
Micheline W.
ø
[…]
La seule raison qui m’a portée à accepter de vivre,
grâce à Françoise Dolto, est celle-ci qui fut, à l’adolescence, un traumatisme
conscient : les suicides à la chaîne dans le temps des enfants de déportés
juifs assassinés. Puis il y eut aussi ceux qui sont devenus fous ou
considérés comme tels et enfermés, il y eut aussi les suicides à la chaîne dans
le temps de déportés revenus…
Et
puis, il y eut aussi ceux qui n’avaient pas d’autre moyen de se maintenir en
vie si c’est par la rébellion agie
face à la perversité humaine = les délinquants. Je me souviens d’une jeune
fille bouclée à la prison de femmes de La
Petite Roquette et qui finit ses jours après trente ans passés en hôpital
psychiatrique.
Plus
tard, lors de la rédaction avec Michèle Dacher [11 fév.1939-12 avr. 2017] d’Histoire
de Louise • Préface de Françoise Dolto, nous étions relativement jeunes
alors, il y eut ma rencontre dans de vastes mouroirs publics avec en nue
déréliction, des anciens déportés. Devant un hospice, l’arrêt
d’autobus s’appelait encore, en 1976, « Les Incurables ».
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/media_2019/Preface_Françoise_Dolto_Histoire_Louise.mp3
Le bébé à sa naissance n’est ni bon, ni mauvais, pas
plus que d’autres foutaises de discours manichéistes : il est confiant. Il est
dans l'incapacité biologique et psychique de savoir que dès son expulsion de
l’utérus sa confiance sera trompée par le monde extérieur.
Les uns et les autres, disons la majorité de
l’espèce humaine, pour continuer à vivre, est obligée de s’en accommoder et si
possible d’y trouver plaisir.
Et puis il en existe qui à l’usage de la vie,
découvrant avec effroi que les conduites de la psyché humaine ont rendu le
cours de leur vie invivable, se suicident.
Que des héritiers de la Shoah - dont des sujets sensés,
parlant et pensant, clament et écrivent qu’elle a incarné un événement sans
précédent dans l’histoire du monde -, se suicident est irrémissible.
Françoise Dolto avait ceci d’unique qu’elle n’a
jamais trahi qui que ce soit, à commencer par elle-même. Quand elle aimait,
sous n’importe quel vocable, elle le disait, quand elle n’aimait pas, elle
laissait tomber, quand elle s’était trompée ou avait été trompée, elle prenait
acte, quand elle donnait sa parole, elle la tenait, peu importe la réussite ou
l’échec de l’action projetée.
[…]
La déloyauté ordinaire, classique, depuis la
mort de Françoise Dolto, de vous je ne l’attendais pas.