Micheline Weinstein
Suite de mon précédent courrier à Madame Hidalgo, Maire de Paris
Micheline Weinstein
à
Madame
Anne Hidalgo
Maire
de Paris
Objet :
Suite de mon précédent courrier
Paris, le 16 septembre 2015
Chère Madame Hidalgo, Maire de Paris
Quelques jours ont passé depuis la réponse très partielle à ma lettre, que vous avez déléguée à votre Chef de Cabinet. Une triste impression a toutefois perduré.
Je déplore encore ce matin la perte du minimum de considération dont j’avais l’honneur d’être l’objet, ainsi que le vice-président de notre association, alors Secrétaire général du CNC auprès du Ministère de la Culture, lorsque vous étiez 1ère Adjointe au Maire du XVe où je réside.
Il est vrai que jusqu’à votre prise de fonction à la Mairie de Paris en avril 2014, et pour ne prendre qu’un exemple, j’ai manifesté publiquement ma surprise devant votre nomination en 2010 par le roi d’Espagne, de la plus haute distinction espagnole de Commandeur dans l’Ordre d’Isabelle la Catholique, promotrice de l’Inquisition, laquelle décoration, à juste titre puisque vous n’êtes pas juive, complimentait votre “modèle exemplaire d'intégration réussie” en France.
Et puis, en annexe, je me suis élevée contre les étranges et abondantes déclarations au sujet de Freud dans les médias, de votre soutien et amie, Madame Élisabeth Roudinesco, dont j’avais relayé depuis des années sur notre site certains parmi ses articles qui m’avaient parus pertinents.
Notre vice-président n’appartient plus au Ministère de la Culture et Élisabeth Roudinesco, que je remercie d’avoir eu l’élégance de m’informer au préalable qu’elle connaissait tout le monde, s’est chargée de diffuser largement son dédain - peut-être le désigne-t-elle par indifférence - nouveau prédicat de la psychanalyse ( ?) - envers mon insignifiante personne ?
Elle ne serait pas la seule.
Bref, depuis, silence massif général devant nos travaux, culturels, psychanalytiques, pédagogiques, dont celui de notre petite troupe de théâtre, Le GrandTOU, appréciée dans les médias, la presse, lors de sa Lecture / Spectacle « Kolia, le Vif-Argent » d’après les nouvelles de Tchekhov et… négligée par les mêmes, ainsi que par des institutions et personnalités de référence*, devant « À la bonne adresse », chaleureusement applaudie pour sa qualité par les spectateurs, qui retrace le sauvetage, par un groupe autonome que de jeunes non-juifs ont spontanément constitué pendant l’Occupation, de bébés, d’enfants, de préadolescents juifs.
Pis, quand Le GrandTOU s’en est alarmé, nous furent retournées, venant de responsables mémoriaux d’institutions publiques, des demandes de suppression de leurs coordonnées sur nos listes d’adresses. Nous l’avons fait immédiatement, tout en ayant reçu par ailleurs, de la part de correspondant-e-s, des messages consternés.
Quant à ma réflexion de ce matin, je regrette,
• l’évacuation publique du néologisme de « Islamonazisme » comme idéologie, en faveur de tournures prudemment édulcorées ;
• le rejet de la comparaison entre l’époque actuelle et celle des “fameuses années vingt” [Adorno] en Allemagne, pendant lesquelles les partis politiques de gauche, communistes et sociaux-démocrates, s’occupèrent davantage de leurs impitoyables rivalités internes que de l’avènement de l’“Hitlérie” [Freud] ;
• au plan scolaire, l’éloge de la spontanéité chez l’enfant, au détriment du savoir ;
• l’abandon délibéré, par nombre de professionnels, de la thérapeutique psychanalytique depuis que les derniers cliniciens freudiens sont partis visiter l’autre monde (plus d’un quart de siècle), laquelle exige au préalable, pour sa mise en pratique ultérieure, une patiente exégèse (cf. pour les néophytes, CNRTL : “analyse interprétative d’un texte de la pensée d'un auteur”). À ce sujet, m’a laissée perplexe la réponse du chef, psychiatre de formation, d’un important sous-groupe lacanien, après que je me fus étonnée de leur démission, par ses intitulés psychanalystes, de la pratique psychanalytique : “Ça ne marche pas.” J’ai réalisé alors que ces spécialistes, médecins ou non, réconfortés par leurs éditeurs, avaient dû considérer la théorie freudienne comme une recette de cuisine ou la notice explicative de l’utilisation d’un ordinateur. Ce pourquoi notre association transmet régulièrement les programmes d’enseignement de la Société Psychanalytique de Paris.
En guise de signature :
• Héritière directe, parmi d’autres, des déportation et extermination des Juifs de France, d’Allemagne et d’Europe de l’Est, dont la totalité des référents familiaux à la Libération avait disparu, au-delà de mes parcours et diplômes universitaires, des us et coutumes, des affiliations vouées à éteindre parole et pensée vivaces, le seul choix possible fut et demeure de s’identifier à un simple témoin de son temps et d’en rendre compte par sa pratique, ses travaux, exposés, publications**, the rest is silent…
Recevez, Madame Hidalgo, Maire de Paris, l’assurance de mon attentive urbanité,
* À l’exception de La Fondation pour la Mémoire de la Shoah, qui nous a alloué une généreuse subvention. Nous la remercions de nouveau, ainsi que la Mairie du XVe, l’association Le Quatorze, la programmation au Casip-Cojasor, au Musée de la Résistance de Limoges, à la Bibliothèque Marguerite Audoux…
** … sur notre site : http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/