Psychanalyse et idéologie

Micheline Weinstein • Suite journal • 02 juin 2021 

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Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • L’innommable

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object

Samuel Beckett  « The Unspeakable one »

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

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Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

point

ψ  = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

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© Micheline Weinstein

 

Suite Journal ininterrompu par intermittence 2021

Extension des post-it en vrac

 

Ich will Zeugnis ablegen bis zum letzten

[Je veux témoigner jusqu’au dernier jour]

Victor Klemperer • Journal 1933-1947

 

 

31 mai - 02 juin 2021

 

Les mythes sont des satisfactions symboliques dans lesquelles le regret de l’inceste s’épanche, ils ne constituent pas la commémoration d’un événement • Freud

 

La mythologie est un dictionnaire d’hiéroglyphes vivants • Baudelaire

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Gérard Haddad

Ingénieur agronome, médecin psychiatre, psychanalyste français, essayiste

 

Le dimanche 30 mai 2021, Marc-Alain Ouaknin, lors de son émission régulière sur France Culture, Talmudiques, recevait Gérard Haddad, auteur de :

 

À l’origine de la violence

D’Œdipe à Caïn, une erreur de Freud ?

 

paru en janvier 2021.

Sur Internet, sa présentation par certains libraires est la suivante :

 

Et si Freud s’était trompé ? En faisant du meurtre du Père, dans son essai Totem et tabou, l’acte fondateur des civilisations, n’est-il pas passé à côté d’un fait majeur ? Pour Gérard Haddad, qui développe ici les intuitions de ses recherches précédentes, c’est bien la haine fratricide, le “complexe de Caïn” qui explique l’origine de la violence, plutôt que le seul complexe d’Œdipe. Frappé par la dimension fraternelle présente chez les auteurs des actes terroristes et les conflits entre les trois religions monothéistes, Gérard Haddad invite à replonger aux sources des mythes et des grands récits bibliques pour mieux questionner en profondeur la pensée psychanalytique. Avec au passage cette interpellation vigoureuse lancée à nos sociétés : ne sont-elles pas malades aujourd’hui d’avoir tant mis en avant le thème de la mort du Père néfaste pour l’éducation et la transmission d’un esprit de fraternité ?

Et celle de l’éditeur, Salvator :

Du trouble dans la fraternité

Après chaque explosion de violence terroriste, des voix s’élèvent : le remède à la barbarie se trouverait dans le sentiment fraternel qui doit unir tous les hommes. Mais la fraternité est-elle vraiment la solution ? Travaillé par cette question brûlante, Gérard Haddad s’est replongé dans les textes fondateurs, bibliques et littéraires. Il y a vu l’évidence : bien plus que le complexe d’Œdipe, c’est le complexe de Caïn, cette rivalité fraternelle à l’origine des plus grandes tragédies, qui mène le monde. Poursuivant la réflexion entamée avec Dans la main droite de Dieu, Le Complexe de Caïn permet de mieux comprendre le phénomène à l’œuvre dans la barbarie contemporaine.

 

Extrait de la présentation écrite sur le site de France Culture :

 

Ces dernières lignes du livre de Freud intitulé Malaise dans la civilisation ont gardé toute leur actualité. Le combat entre éros et thanatos, entre l’« amour » et la « mort », entre la « pulsion de vie » et la « pulsion de destruction », est chaque jour renouvelé, ainsi que la question des sources de la violence et des chemins qui permettraient de l’endiguer, voire de la surmonter. 

 

Mais pour cela il faut faire le bon diagnostic [sic !].

 

Sur cette question de la violence, et de ce qui est à la base de toute société, Freud avait proposé en son temps quelques hypothèses fortes qui sont devenues le socle de sa pensée et ont fondé la théorie et la pratique psychanalytique pour lui-même et les générations de psychanalystes qui le suivirent. Mais ces hypothèses sont-elles encore valides théoriquement et efficientes dans la pratique ? La question mérite d’être posée ! Et dans tous les cas, on peut se demander, si, aujourd’hui il n’y aurait pas une place pour de nouvelles hypothèses ? 

 

Dans son argumentation, Gérard Haddad cite ses références : Adler, Jung, Le Président Wilson de Bullitt, dont la plupart des psychanalystes savent que seule la préface de cet ouvrage au style phraséologique poussif, authentifiée par Anna Freud et Max Schur, est de Freud*.

Voici ce que j’ai écrit après audition à une collègue de renom, lue et écoutée de par le monde :

 

« Bonjour ⌘⌘⌘

 

 À part ce qu’avec indulgence vous désignez par “conneries” - je n’ai à coup sûr  pas manqué d’en émettre aussi dans ma vie -, au su de l’audience que connaît l’émission Talmudiques», j’aurais souhaité qu’une personnalité influente dans le milieu analytique se charge d’enduire d’un baume la mégalomanie de Gérard Haddad.

En ouverture de sa prestation, Gérard Haddad exalte ses dix ans d’analyse personnelle chez Lacan. Il est permis de se demander ce que Lacan aurait pensé de l’utilisation de son nom, quel eut été son accueil devant, semblerait-il, ce qu’au résultat il n’a pas vu venir.

Invité par Marc-Alain Ouaknin ce matin, ce ne sont pas nos modiques “conneries” humaines qu’il nous a servi = réfutant publiquement dans son nouveau livre la théorie du meurtre du père par Freud, sa fatuité délirante est, comment cela pourrait-il en être autrement, inepte à réaliser qu’il vient pour son propre compte, de tuer Freud, père de la psychanalyse.

Du coup, tacite, Haddad démolit le remarquable travail de fond (+ traduction) de Michel Fagard et Thomas Gindele, L’Homme Moïse un roman historique, que je vous avais signalé, indépendamment des critiques que nous pourrions objecter**.

⌘⌘⌘, vous-même déplorez le soutien qu’apportent certains psychanalystes aux thèses d’Haddad.

De mon côté, pour ce monde-là, je n’existe pas - Untel [bien qu’empruntant à mon tronc quand ça lui sied] n’a pas hésité à me le dire ouvertement -, toute intercession de ma part serait vaine***. »

Micheline W.

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Notes

 

* Pour un approfondissement de l’analyse par Freud de la psyché de Wilson, se reporter à la présentation par Élisabeth Roudinesco de la traduction du livre de Jean-Pierre Levebvre, Sigmund Freud. Un chapitre inédit, Portrait psychologique du Président T. W. Wilson [cf. image en fin de texte].

Pour ma part, j’avais présenté mes Travaux d’école deux communications successives aux Journées organisées par Liliane Fainsilberg à Mantes-la-Jolie :

 • l’une en juin 1985, à la « Journée du Boulimos », Philon Juif, auteur très éloquent et philosophe très grave, ou Des Thérapeutes et de la voie mystique ;

• la seconde en juin 1986, à la « Journée du fil de l’eau », William Bullitt, Le Président Wilson, selon la théorie des « Mathèmes » de Lacan, sous le contrôle critique de François Le Lionnais.

En 1997, dans mon Petit glossaire des concepts freudiens appliqués à la clinique selon François Perrier, au signifiant Psychotique, j’avais ajouté la note suivante : « Notons que le Journal de l’Homme aux loups est une intéressante illustration de cette remarque de F. P., de même que le style de Bullitt, dans Le Président Wilson. » [Réédition amendée en 2020].

 

** Je m’y exerce par ailleurs. Un seul exemple = dans Das Unheimlich », « L’inquiétant familier », Freud précise que le “Un-” pour la psychanalyse est la marque du refoulé, tel le Unbewusst, l’inconscient, le savoir embusqué à l’insu du locuteur. Dans Der Witz und seine Beziehung zum Unbewussten, Freud relate une blague scatologique, qui à mon goût n’est pas un mot d’esprit, mais une sorte de calembour que de préférence les hommes se racontent entre copains lors d’un repas arrosé.

Beurk ! La scatologie me flanque la nausée.

Par contre, dans ce même ouvrage, l’authentique mot d’esprit à mon sens s’apparente à l’humour, dont Freud écrit :

 

L’humour a non seulement quelque chose de libérateur, proche en cela de l’esprit et du comique, mais encore quelque chose de magnifique et d’émouvant, traits qui ne se retrouvent pas dans ces deux autres modes, issus de l’activité intellectuelle, d’acquisition d’un surcroît de plaisir. Le magnifique tient évidemment au triomphe du narcissisme, à l’immunité du Moi victorieusement affirmé. Le Moi se refuse à se laisser entamer par les contraintes de la réalité, à se laisser imposer la souffrance, il résiste fermement aux atteintes des traumas causés par le monde extérieur, dont il montre, bien plus, qu’ils peuvent devenir des agents d’un surcroît de plaisir. Ce dernier trait est la qualité essentielle de l’humour.” Der Witz...

 

Et Perrier d’ajouter :

 

Humour • Rien de plus désintéressé. Ne va pas sans une critique libre de soi-même. L’humour est aussi un dévoilement de l’objet sous un autre jour, mais dans une pudeur, une réserve, une contention qui n’est pas celle du comique avec ses effets de cirque, ses chutes répétées. L’éthique de l’analyste est de ce côté-là.

 

***4e de Couv. de « L’Homme Moïse un roman historique »

de Michel Fagard et Thomas Gindele

 

En septembre 1934, Freud achève un ouvrage qu’il intitule L’Homme Moïse, un roman historique, mais il ne le publie pas. Un mois plus tard, il écrit à Max Eitingon : « Une partie du texte inflige de graves offenses au sentiment juif, une autre au sentiment chrétien, deux choses qu’il vaut mieux éviter à notre époque. » Puis en 1935, il confie à Lou Andreas-Salomé à propos de la figure de Moïse : « Ce problème m’a poursuivi toute ma vie. » C’est dire l’importance de cette réflexion sur la Bible, le judaïsme, et le christianisme pour le père de la psychanalyse.   En conservant — contrairement à son habitude — ce manuscrit autographe, Freud a probablement souhaité laisser des traces sur l’élaboration complexe de son travail sur le monothéisme. Cette version initiale, transcrite ici pour la première fois, nous permet de comprendre pourquoi et comment, alors que le nazisme se répand partout en Europe, Freud a infléchi, voire crypté, sa pensée au fil des années, jusqu’à la publication de son livre testamentaire sur Moïse, paru en 1939.

 

 

 

 


[Tania Bloom est un pseudo]

 

 

 

 

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
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