© Micheline Weinstein
Journal ininterrompu 1967-2017
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/journalininterr.html
6 - 16 avril 2017
À l’intention de qui
serait intéressé-e
par la théorie et
l’évolution de la pratique psychanalytiques
Finitude et infinitude de l’analyse
[Lecture -
Traduction en cours]
Freud • 1937
C’est en 1937, deux ans avant sa mort, que Freud
écrivit deux textes testamentaires, Konstruktionen
in der Analyse et Die endliche und unendliche
Analyse. J’aurais volontiers traduit unendliche,
enfin je l’ai entendu comme cela, par le néologisme afinitude, pour sa proximité avec le préfixe un allemand, dont Freud précise, dans Das Unheimliche (1919), qu’il signifie le refoulé, et aussi pour une petite musique homophonique avec
affinité, mais ç’eût été vraiment trop pédant !
Dans plusieurs de ses textes, dont Die endliche…, Freud emploie les termes genetisch et hereditär, lesquels sont traduits machinalement dans les dictionnaires
par génétique et héréditaire.
Depuis l’apparition de la doctrine de l’eugénisme au
XIXe siècle, puis au XXe des tripatouillages sordides du
Dr Mengele sur les humains à Birkenau, ces vocables repris par la
biologie me sont difficiles à l’oreille. Je me suis alors souvenue que Freud, nourri
du patrimoine légué par les Anciens, lisait et traduisait couramment le grec et
le latin. Avant d’évoluer en tant que “science de l’hérédité”, “génétique”
signifiait en grec “qui concerne une genèse”, c’est-à-dire la naissance, l’origine,
la ”formation d’un être” puis par extension “la formation d’une chose, d’une
figure, d’une pensée” et “hérédité” en latin, “héritage, succession, ensemble
des biens laissés à la mort”. Ce n’est qu’au XXe siècle qu’“hérédité”
prit son sens biologique devenu courant de “transmission aux descendants
génétiques”*.
* Entre guillemets, définitions du Dictionnaire
des structures du vocabulaire savant, éd. Les usuels de Robert.
J’espère, dans les extraits ci-dessous de ma lecture de Die endliche und unendliche analyse n’avoir
pas altéré la pensée de Freud.
[Traduction en cours de rédaction]
Incises
intermédiaires sur ce qui passe entre temps par l’esprit…
[Vrac]
• Je ne
comprends toujours pas en avril 2017 pourquoi n’importe qui, fussent certains
de celles et ceux qui s’en réclament, appliquent les termes “psychanalyse”,
“psychanalyste”, à n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment, sans avoir
la moindre idée de ce que ces signifiants impliquent et, pour les
professionnels, sans en pratiquer ni la fonction ni l’exercice. Je ne comprends
toujours pas et ce n’est pas faute d’avoir demandé à être éclairée sur cette
énigme - contre, en réponse, la sèche condescendance d’un épais mutisme -
pourquoi des commentateurs médiatiques, auteurs de documentaires télévisuels,
de films, d’articles dans la presse, invités d’émissions culturelles ou/et
didactiques, sont présentés selon leur auto-nomination comme “psychanalystes”,
alors que la platitude de leurs discours s’apparente à n’importe quelle verbosité
de bon ou mauvais sens.
• Quelqu’un, le même et qui se montre comme l’un parmi
les fameux épigones de Lacan, devant qui je m’étonnais du peu d’appétence, voire
de considération, de psychanalystes (depuis 40 ans) d’une même école pour la
pratique thérapeutique de la psychanalyse, me répondit : “ça (!), [la
psychanalyse ?] ne marche pas”, tout en reprenant doctement dans ses
séminaires, le constat de Freud selon lequel les trois métiers intraitables (“unmöglichen”) sont éduquer, psychanalyser, gouverner. A-t-il
pris le temps, au cours de sa longue carrière de psychiatre, d’expérimenter la
difficile pratique de la psychanalyse, l’analyse de la sexualité, du rêve de
ses analysant-e-s ?
• Au sujet des
déprédations en tous genres, pour ne pas dire pillages. Anne-Lise Stern, dont
nul l’ayant connue ne peut contester les traits de génie, se plaignait avec
justesse de ce qu’elle fut abondamment plagiée, sans que cela émeuve qui que ce
soit. Hélas, il arrivait que cela ne la dispense pas de se conformer au
diapason. Sans doute avait-elle fait sienne la maxime de Lacan, quelle
adulait : “Je prends mon bien où je le trouve”… sans, cela va sans dire,
en citer les références, phénomène que Freud et plus tard François Perrier,
lorsque leur mémoire se dérobait, imputaient honnêtement à une cryptomnésie. Parmi ses illuminations,
Anne-Lise, avait présenté le 16 novembre 1996 à Orléans (http://epsf.fr/wp-content/uploads/2015/12/Anne-lise-Stern_18.pdf) l’une d’entre elles,
intitulée « Sois déportée… et témoigne ! ». De mon côté, sauvée bébé
de la rafle du Vel’ d’Hiv grâce au courage du réseau autonome non juif, et avec
une pensée particulière, reconnaissante, pour le couple Zakin, qui me
cachaient, je désignerais mon fatum par « Sois un miracle mais tais-toi ». Non repérable par l’origine et
par la classe sociale de ma parentèle exterminée, rétive aux pince-fesses et
aux réunions professionnelles du même tonneau où l’on parlote pour ne rien dire
(cf. Raymond Devos, (https://www.youtube.com/watch?v=uO3dXWZQDLY) • « Mon chien c’est
quelqu’un »), ignorante des codes mondains auxquels s’identifiait le
tout-venant de mes chers et estimés collègues dont une partie des “racines”
n’avait pas été arrachée, nés avant ou après et non pendant la déportation des Juifs de France, ne faisant partie
d’aucun cercle (fermé par définition), il semblerait que j’aie été frappée par
le signifiant “silence !”, “tais-toi !”, obligatoires avant même de
naître (cf. plus bas, « Journal ininterrompu » du 27 mars 2017) puis,
née, pour éviter de nous faire rafler, l’entourage ayant été dénoncé à la
police française par la concierge de l’immeuble comme abritant un bébé juif, et
enfin, tacitement ou ouvertement à vie, priée de ne pas me manifester.
• L’essentiel
des potins salaces que j’entendis au cours des “dîners” et croisements dans des
bars plutôt snobs, dans des halls de colloques et de séminaires, portait principalement
sur la vie intime de collègues absents de ces “parties”. Ou alors, plus
inattendu encore, quelqu’un parmi ces tablées tonitrua un débinage sur un
analyste connu, puis avec une obscène hypocrisie lança à l’un-e des
analysant-e-s présent-e-s d’icelle ou d’icelui : “Oh, excuse-moi, j’avais
oublié que tu étais en analyse avec Un-e tel-le !” Quant aux ragots médisants
qui ne m’épargnèrent pas et me furent complaisamment rapportés, j’en fus médusée
venant de psychanalystes, il m’avait été enseigné que l’entité de la
psychanalyse était antinomique à l’exhibition sur un étal public. Je n’avais
alors qu’une réplique à disposition : ma vie sexuelle en particulier, entre
autres sujets relatifs à ma biographie, étant à l’évidence impliquée dans mon analyse,
participait de mon domaine exclusivement privé, elle me regardait seule.
D’autant qu’il n’y avait vraiment rien à savoir sur le sujet. Je ne me suis pas
mariée, d’une part parce que je n’aurais pas pu promettre de satisfaire
régulièrement les besoins érotiques autant que domestiques d’un homme (ou d’une
femme) ; d’autre part, parce que, trompée à la naissance par ce que m’avait
offert en héritage la vie parmi les humains, je n’aurais pas, sans m’effondrer,
pu supporter d’être trompée par qui que ce soit ; enfin, parce que je
n’avais donc pas d’autre choix que celui d’être par mon seul travail, mon mode
de vie, l’un des témoins de mon temps. De telle sorte que la sexualité,
neutralisée par mon analyse, fut la cadette de mes préoccupations et le resta. N’est
demeuré de mon histoire qu’un seul traumatisme résiduel, tenace, quasi tabou. Horrifiée
par ce à quoi j’avais échappé, nommément à l’assassinat dans les chambres à gaz
d’enfants, de bébés, envisager la perspective
de procréer me fut insurmontable.
• L’antisémitisme.
Née sous la terreur de l’Occupation, dans une civilisation écroulée, restée
cependant nourrie des Lumières malgré l’hécatombe de la Première Guerre
Mondiale, qu’un assassinat industriel programmé annulait, je peux affirmer et
témoigner, avec mon entourage familier non-juif, quels que soient les essais nuancés
de la question d’amendements philosophiques, littéraires, politiques, romanesques,
que l’antisémitisme en France ne s’est pas évaporé. Il continue d’agir tout
comme “avant”, avec les mêmes charrois de vocabulaire, les mêmes slogans, les
mêmes éructations, les mêmes délits. Simplement, les autochtones traditionnels de
souche n’ont plus besoin de le revendiquer à découvert, relayés qu’ils sont en
violence par celles et ceux, à commencer par les enfants, dont les exégètes de l’idéologie
des décombres ont lavé le cerveau sur trois générations depuis la fin de la Deuxième G. M. L’idéologie hitlérienne a réussi son coup, ses légataires, de par le
monde, ne manquent pas.
• Je lis dans
un programme de conférences qu’un locuteur psychiatre et psychanalyste pour
commenter le chaos topique des temps présents s’appuie sur des présumées
hypothèses de Freud qui auraient été sociologiques ?! Après la psychiatrie, la philosophie, le journalisme, le vulgum pecus, la multitude, voilà de l’inédit, Freud serait aussi
sociologiste ! D’une part, j’avais sans doute mal compris en quoi était sociologique la théorie de Freud, dans
laquelle il avance une analogie structurelle entre le processus de développement psychique de l’humain singulier (en
biologie = ontogénèse) et celui de l’espèce humaine en son entier (biologie =
phylogénèse, du grec phûlon, tribu). Ni en quoi le point de vue personnel du psychanalyste Freud exposé dans sa prémonitoire 35e des
« Nouvelles Conférences d’introduction à la psychanalyse », intitulée Sur une Weltanschauung (idéologie,
conception du monde), était sociologique.
Enfin, dans son grand âge, Freud, prudent et n’y croyant d’ailleurs guère (cf.
correspondance avec Arnold Zweig), désigne son Moïse par “roman” comme une allégorie d’écrivain.
• Pourquoi qualifie-t-on d’agressives
certaines réactions violentes - qui n’ont absolument rien en commun avec le
stade dit “sadique-anal” -, au cours de la période entre l’infans et l’enfant,
du bébé pris d’angoisse au moment du sevrage par l’abandon du savoureux sein
maternel, puis par la douleur lors de la poussée des premières dents, d’attentes
non satisfaites de sollicitude, d’aide à croître et d’attention … … … ?
Alors que, n’ayant pas encore la possibilité de comprendre les prétextes dont il
reçoit les effets comme autant d’injustices, il est simplement mécontent,
désappointé, et le manifeste à la mesure de ses moyens. Quant à ce que l’on désigne
par “caprice” chez le bébé, il n’est pas sorcier de le distinguer du besoin
réel. À coup sûr ses mimiques trahissent l’enfant, de détresse selon qu’il est
réveillé en sursaut sans savoir pourquoi (il est encore loin de l’accès à la
perception de ses rêves et cauchemars), que le sceau de la solitude dans la
ténèbre l’oppresse, qu’il a faim, qu’il est mal à l’aise dans ses couches
encombrées… … …, ou qu’à son insu, déjà rusé et en toute innocence, il teste
son aptitude à séparer ses parents du lit conjugal, à exiger la présence de
l’un ou de l’autre, ce qu’il réitérera à l’infini s’il obtient gain de cause …
… …
• À propos
de la diffusion de l’information actuelle, après plusieurs essais sans suite
car engorgée par la durée des publicités, j’ai toutefois fini par opter pour
RTL le matin entre 7 heures et 9 h 30. La pensée résolument indépendante du
journaliste responsable de cette tranche comme on dit, Yves Calvi, ne
s’alignant pas sur l’idéologie trop nettement perceptible des animateurs
d’émissions d’autres stations radio, lui-même ne disant pas “euh…” après chaque
mot, invitant des commentateurs affranchis de ce que l’on a coutume de désigner
par “politiquement correct”.
• Si
seulement on voulait bien nous foutre la paix avec l’attachement que nous
cultivons, nous les vieux, pour notre patrimoine culturel séculaire métissé, le
respecter, et cesser de nous considérer comme des cacochymes en raison de notre
âge, de s’adresser à nous comme des devenus débiles… Il serait vain d’attendre
que l’on nous écoute, nous nous accommoderions seulement d’un minimum de ce que
l’on désignait autrefois par savoir-vivre, un par un ou ensemble.