Journal
ininterrompu
1967-2017
04-06 avril
2017
Vrac
Pourquoi
reprends-je, inlassable, mêmes thèmes depuis 50 ans ? Pour ceci :
l’intox logorrhéique, psittaciste, que
répandent certains médias d’information, films, documentaires - rappelons-nous Gœbbels : plus
le mensonge [le slogan] est gros,
plus il passe - la censure idéologique, n’affectent pas seulement les
domaines de la politique, de l’éducation, du journalisme, de la littérature, de
l’édition, des sciences et des arts, etc., en cinquante ans, quelle que soit la
prise de conscience des lecteurs, auditeurs, spectateurs, voire fureteurs,
ciblés, elle a infiltré sans le moindre discernement celui de la psychanalyse,
de préférence dans le but de déconsidérer son promoteur, nommément Freud. D’où
dans le langage courant, les emprunts et l’usage affligeants de pédantes
ignorances, aux vocables propres à la psychiatrie et à la psychanalyse.
Grâce à
qui, si ce n’est à des navigateurs solitaires ou groupés, charmés par les
vagues ambiantes, personnages professionnels ou postulants dérivés de cercles
épars agencés au nom de la psychanalyse, au mépris de sa nature singulière, son
essence si l’on préfère, qui la vident de sa substance.
Actuellement,
nous pouvons suivre sur France Culture une série d’entretiens accordée à un psychiatre
et psychothérapeute assez renommé, dont l’un s’intitule “La psychanalyse n’est
pas pour moi”. Fort bien, mais alors pourquoi, comme tant d’autres,
éprouve-t-il la nécessité d’en parler ? Pour un aperçu rapide, je n’en ai
écouté que le début, lequel en effet témoigne de sa déception à la suite d’une
tentative de psychanalyse personnelle - je n’ai pas poursuivi pour savoir
auprès de qui, Lacan ou l’un de ses élèves -, en même temps que de sa présence
aux séminaires de Lacan, c’était la mode.
De la théorie
de Freud, ce locuteur semblerait qu’il n’ait guère fait connaissance.
La question
reste entière : en quoi la pratique (expéditive) de Lacan, non analysé -
l’analyse personnelle préalable à l’exercice de la psychanalyse par les
nouveaux candidats leur ayant été imposée grâce à Ferenczi à partir de 1913 -,
adoptée par les élèves d’icelui et les élèves d’iceux, absolument disjointe de
son œuvre philosophique et ce, aux dires mêmes de quelques parmi ses plus
proches analysants-orants, dont tel ou telle fut un temps un-e collègue que
j’estimais*, de même qu’aux trois visites que je lui ai
littéralement “rendues”, se réfère-t-elle, se prêtait-elle, à l’exercice
rigoureux de la psychanalyse ?
* Toutefois, niaise à jamais, j’ai été déconcertée par les
types de comportement dans la réalité des analystes lacaniens, particulièrement
les pires, comme cela peut arriver à tout
le monde. Ce n’est toujours pas la conception que j’ai de l’éthique censée
animer des psychanalystes.
De l’œuvre
philosophique de Lacan, il n’y a rien à objecter, elle est remarquable.
Lacan, peu
avant de quitter le monde des vivants, pronostiquait la mort de la
psychanalyse. Était-ce après lui le déluge ? Était-ce, comme il en est du
rêve, un vœu de réalisation de désir ?
La
thérapeutique n’intéressait pas Lacan. Il est possible qu’il s’en soit justifié au nom de Freud qui, à 74 ans,
épuisé physiquement aussi bien que par les violentes dissensions ayant jalonné
ce qu’il nommait le mouvement analytique, n’étant plus intéressé par la thérapie, confiait à Ferenczi le 11 janvier
1930 :
Il est fort
possible qu’avec les deux patients, voire avec tous, vous pratiquiez l’analyse
mieux que moi. Je suis saturé par l’analyse en tant que thérapie, “fed up”, et qui donc alors devrait le faire
mieux que moi, sinon vous ?
Réponse de
Ferenczi, le 17 janvier 1930 :
Ainsi, par
exemple, je ne partage pas votre point de vue selon lequel la démarche
thérapeutique serait un processus négligeable ou sans importance, dont il ne
faudrait pas s’occuper, pour la seule raison qu’il ne nous semble pas
intéressant. Moi aussi, je me suis souvent senti “fed up” à cet égard, mais j’ai surmonté cette tendance, et je suis
heureux de pouvoir vous dire que c’est précisément là que toute une série de
questions se sont replacées sous un autre éclairage, plus vif, peut-être même
le problème du refoulement.
Freud, le
20 janvier 1930 :
D’un autre
côté, je vous accorderais volontiers que ma patience avec les névrosés s’épuise
dans l’analyse et que, dans la vie, j’ai une tendance à l’intolérance vis-à-vis
d’eux. Autrefois, en particulier - il y a donc une quinzaine d’années -, je
vivais dans l’espoir qu’on pouvait compter sur une sorte d’entraînement des
réactions hors normes qui n’avaient pas été élaborées directement. Je me suis certainement
comporté à cet égard comme un homme peu puissant qui, après le premier coït de
la nuit de noces, dit à sa jeune femme : voilà, maintenant tu l’as connu ; le reste* c’est
toujours la même chose.
* Les lendemains ? Je n’ai pas le texte original en allemand.
Le 3 avril
au soir, j’ai visionné le documentaire intitulé Élysée, la solitude du pouvoir sur
France 3. Parmi les invités à s’exprimer, une relation probablement
proche de la production ou de quelque commentateur, se présentait comme
sous-intitulée “Psychanalyste” (avec majuscule). Il est permis de s’interroger
sur sa formation reçue à la psychanalyse et sur quoi porte son auto-attribution
au titre de psychanalyste (qui, cela va
sans dire, silicet en latin, selon Lacan, ne s’autorise que de lui-même…). En effet,
qu’analysait-elle de la solitude du pouvoir ? Rien. Rien que des
platitudes telles qu’on les lit dans certains magazines à l’usage de celles et
ceux que leurs rédacteurs toisent, du haut de leur suffisance, comme du servum pecus (troupeau en latin).
Par contre, ces derniers temps, Le Figaro-Santé ouvre régulièrement ses
colonnes à des psychanalystes confirmés qui, pour enrichir leur pratique,
travaillent les textes de leurs prédécesseurs. Ainsi le 1er avril,
Jean-Michel Fourcade se réfère à Hélène Deutsch, Donald Winnicott…
De mon côté, sur le sujet précis de
l’autisme, je n’ai cessé, à peu près en vain, d’inciter les collègues à lire
les travaux sans équivalents de Mira Rothenberg, dernière analysante encore en
vie de Paul Ferdern, jusqu’à sa mort à 93 ans en avril 2016, que j’avais
rencontrée à Paris en 1979 lors de la publication au Seuil des Enfants au regard de pierre (retraduit,
ainsi que de larges passages, par mes soins, sous le titre Enfants aux yeux d’émeraude • Histoire de mômes prodigieux).
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/courrier/2009.mira.html
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/media/ITVMiraRothenberg.html
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/enfantsdeplaces.html
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/mirarothenberg.html
Et alii… En 2009,
j’ai passé un bel après-midi d’automne, chez elle à Brooklyn. Et suis repartie
avec l’ensemble de ses archives relatant son parcours, à usage exclusif pour
leur traduction française.
Extraits du New York Times pour qui
s’intéresse aux enfants juifs et à leurs parents issus de la déportation et
plus largement aux orphelins de tous horizons abîmés par l’histoire des
humains :
Mira Rothenberg, survivante de l’holocauste et
psychologue infantile de premier plan qui s’occupait des orphelins des camps de
concentration et des enfants atteints d’autisme, est décédée à l’âge de 93 ans
le 16 avril, a rapporté hier le New York Times. Rothenberg est née à
Vilnius, en Lituanie en 1922. Son père, Jacob Kowarski, a péri à la Seconde
Guerre mondiale, et sa mère, Rose Joffe, dentiste, a
émigré pendant la guerre en Amérique avec les deux frères et sœurs plus jeunes
de Rothenberg. En 1939, Rothenberg déménagea à New York où elle a entrepris le
travail de sa vie. Elle s’est portée volontaire dans une synagogue locale pour
s’occuper des orphelins sauvés des camps de concentration européens. Rothenberg
a étudié la psychologie et l’éducation au Brooklyn College et à l’Université de Columbia, puis a obtenu un diplôme en psychologie de
l’Université Yeshiva. Au cours de l’été 1958,
Rothenberg et deux collègues-thérapeutes Zev Spanier
et Tev Goldsman, qu’elle
épousera plus tard, ont décidé d’amener 11 malades autistes et schizophrènes
camper au lac Raquette dans la région d’Adirondack au nord de New York. Été qui
influença leur carrière pour les décennies à venir. Leur expérience avec ces
enfants, considérés comme des “cas incurables” par la communauté médicale de
New York, a incité Rothenberg et Goldsman à ouvrir Blueberry Treatment Centers, un centre thérapeutique pour le traitement des
enfants autistes et schizophrènes à Brooklyn. Selon le New York Times,
dans les années 1990, le centre fournissait des services à plus de 200 enfants
et adolescents de la région.
Dans son livre de 2012, The Children of Raquette
Lake : un été qui aida à changer le cours du traitement de l’autisme, Rothenberg a écrit :
“C’était le début de la reconnaissance que ces enfants existent et ont droit à
la vie [...] et un changement de la perception et de l’attitude envers ces types
d’enfants autistes (ou souvent mal diagnostiqués schizophrènes) et ceux
souffrant de schizophrénie.”
En France, de Françoise Dolto, Le Cas Dominique, garçonnet autiste,
semblerait avoir échoué depuis 30 ans dans les archives… La modernité, sans
naturellement avoir jamais ouvert le premier de ses livres, le moindre article,
a choisi de propager le racontar le plus médisant, sur une théorie, avec ses
méfaits, du “Tout-Enfant-Roi”, à laquelle F. D. n’a jamais pensé, je ne suis
pas la seule à pouvoir en témoigner.
Lu Révoltée,
récit précédant son exécution, de Evguénia Iaroslavskaïa-Markon, dont le vocabulaire m’a évoqué, mais
d’assez loin, Jean Genet, quoique sans la puissance, la splendeur d’une écriture à
couper le souffle. Au cours de cette lecture, m’est passée par l’esprit la
parité maritale des noms propres en russe (Iaroslavski - Iaroslavskaïa).
Ayant lu
tout ce qui me tombait sous les yeux dès mon enfance, depuis une trentaine
d’années hélas je trouve rarement, quelle que soit leur classification, à lire
des œuvres passibles de capter mon intérêt. Cela me contrarie. Or, j’étais
passée à côté d’un chef-d’œuvre de Saul Bellow, La Bellarosa connection,
153 pages.
Depuis une
trentaine d’années donc, ma perception des choses, je veux l’espérer, n’étant
pas encore sédentaire, je relis d’une nouvelle oreille les chefs-d’œuvre
d’antan, Freud et les travaux qui firent évoluer la psychanalyse.
L’unique
point, depuis 30 ans également, que je ne parviens pas à apprivoiser, est que
le perfectionnement pourtant fort ingénieux des outils informatiques et la
vitesse effrénée qu’il impose dans tous les domaines, ont complètement détraqué
mon rythme naturel biologique, moteur de la pensée.
C’est tout
pour aujourd’hui.