© Micheline Weinstein / Juin 2007
Au sujet des “Étables
d’Augias”
L’éthique
Nul n’a le droit de rester silencieux, s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. ni le sexe, ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse
Bertha Pappenheim
Les mythes
Les mythes sont des satisfactions symboliques dans lesquelles le regret de l’inceste s’épanche, ils ne constituent pas la commémoration d’un événement
Freud
L’engagement
Il y a le fait que [...] la logique de l’engagement ne supporte aucune entorse à la vérité
Henri Roth
« L’intelligence humiliée »
Au centre de son texte final, intitulé « L’intelligence humiliée », Heinrich Mann* pose l’alternative qui détermine aujourd’hui encore les débats sur l’exil : « Toute la honte sanglante (...) qui s’est ensuivie pour mon pays était parfaitement évitable, pour peu qu’on eût - du côté des intellectuels, en particulier - sérieusement résisté, au lieu d’obtempérer lâchement et de feindre la compréhension ». Résister ou obtempérer, défendre les droits démocratiques fondamentaux ou assurer son existence matérielle : c’est devant ce dilemme que la majorité des écrivains allemands, « dans la mesure où ils sont restés », a failli. Eux, dont « la tâche imprescriptible est de dénoncer hautement les méfaits des dictateurs », ils « n’étaient pas loin, quand les livres furent brûlés », ils ont appris « ce qui est arrivé à leurs collègues, qui étaient encore peu de temps auparavant les compagnons de leurs travaux et de leurs joies » ; au lieu de protester, la plupart ont pris avec gratitude « la place des disparus ». « On se sent maintenant impliqué dans des crimes qu’on n’a tout de même pas voulus (...) simplement, on évite soigneusement de regarder. On se protège du désespoir par une armure d’ignorance volontaire. » Ces intellectuels ont renoncé - si tant est qu’ils eussent jamais nourri une telle ambition - à être la conscience critique de leur société ; mais ce qui compte, ce n’est pas la reservatio mentalis de chacun, c’est leur silence sur les crimes. La « fausse intelligence (...) s’est laissé rabaisser, jusqu’à ramper à terre ».
Albrecht Betz
Exil et engagement • Les intellectuels allemands et la France 1930-1940
Traduit de l’allemand par Pierre Rusch, Paris, Gallimard, 1986
* Heinrich Mann • Der Hass [La Haine], Das Neue Tagebuch, novembre 1933, pp. 526 sq.
ø
Petit mail à Aix-en-Provence
Le 29 juin 07
Chers amis,
Il ne s’agit pas d’être
“soulagée” ! Il s’agit de l’histoire de la psychanalyse en
France et d’abord de (beaucoup mais tout de même pas tous) “psychanalystes” français ainsi que de
leurs conduites. J’ai la “mémoire”, comme on dit, de mes
aînés à défendre. Si la démarche avait
été personnelle, il y a bien longtemps que je n’aurais plus de
soucis ! Et, cela va de soi, je n’aurais pas rendu public tout ce
déballage.
Ne soyez pas
inquiets, je ne suis pas déprimée (en tous cas pas plus que
d’habitude) par cette vieille affaire, qui traînait depuis des lustres,
je fais mon boulot de “témoin [subjectif] de son temps”,
à partir de son expérience propre de la psychanalyse liée
à l’histoire de la déportation.
J’espère
que l’affaire sera close d’ici à l’hommage que nous rendrons à
Dolto, pour le centenaire de sa naissance. J’adore les naissances ! Donc en
2008.
Ci-dessous,
les dernières mises au point.
D’ici
là, on continue ! Bonne journée, W.
ø
Mercredi
27 juin 2007
Cher
S.
j’ai bien
reçu votre livre. En tous cas, d’emblée, il est très
pédagogique et invite aux commentaires, donc au travail universitaire
philosophique.
La seule chose
qui me soucie un peu, c’est votre dédicace. Non celle à la
mémoire de Perrier naturellement, auquel je me suis adressée pour
mon contrôle en 1971 (ce qui ne nous rajeunit pas !), et j’y reviendrai
plus bas ; mais celle à une F., qui pourrait prêter à
confusion avec une F. célèbre, dont vous vous réclamez par
ailleurs dans certains de vos textes. J’ai eu le malheur de croiser votre F., non analysée et s’en vantant, vingt ans plus tard, en 1991, et la
naïveté de la faire connaître en la publiant à
plusieurs reprises. Puis les choses ont fait que j’ai souhaité qu’elle
ne soit plus partie prenante dans notre association, pour des motifs que je vous avais
d’ailleurs glissés plusieurs fois au passage ces 15 dernières
années, notamment qu’elle était d’une indiscrétion
gênante.
Sur le plan
personnel, je ne reviens pas sur l’usage qu’elle a fait, à son grand
profit, de ces publications, en se servant abondamment de mon répertoire
d’adresses, ni sur ses impayés, il n’ont rien que de très banals
dans le milieu, mais ce fut, là aussi, assez dommageable.
Bien sûr,
à chacun/e son intérêt...
Côté
Perrier, “À la mémoire... ” duquel vous
dédicacez également votre livre, je ne l’ai guère
retrouvé parmi ces pages. Il est mentionné deux fois, la
première portant sur la position du psychanalyste devant la
schizophrénie, la seconde au sujet d’un extrait de texte qu’il cite
lui-même dans l’un de ses séminaires, tiré d’une Théologie
de l’Ancien Testament.
J’ai donc
été surprise que ne soient évoqués ni son travail
théorique, ni son importance clinique, ni son éthique, ni sa
magnifique écriture de psychanalyste. Du reste, le Petit glossaire des concepts freudiens
appliqués à la clinique selon François Perrier, que j’ai conçu et publié en 2000, avec
votre autorisation puisque vous êtes son exécuteur testamentaire,
n’est pas cité non plus.
Pourtant, entre
autre héritage, vous lui empruntez, de façon un peu
périphérique, la traduction d’un concept fondamental en
psychanalyse, celui de Unheimlich, que F. P. traduit par Inquiétante familiarité, que
j’aurais souhaité lui voir restitué de droit.
Dans ce texte, L’inquiétante familiarité, Freud précise que le Un- de Das Unheimliche - au neutre féminin - est la marque du refoulé. Sans doute en est-il de même de la marque du refoulé pour le concept de Das Unbewubt - au neutre bi-sexué -, L’Inconscient, pour ce qui est refoulé en profondeur, écarté du conscient.
De même,
je me souviens du petit mot (il doit encore dormir dans les archives) que vous
m’aviez adressé, à propos de la traduction, pour qualifier la
Mère Originaire Effarante, de l’Autre, où je vous avais indiqué
qu’il portait chez Freud une majuscule, reprise par Lacan. Et aussi, à propos de ce
que vous traduisez par “attente croyante”, je vous avais
modestement glissé qu’il me semblait plus proche de Freud de traduire
le verbe “glauben” allemand par “avoir confiance“, ce
qui aurait donné l’expression, “attente confiante” de la
part de l’analysant/e. Le verbe croire, compte-tenu de la position de Freud par
rapport à la religion, me paraissait inadéquat.
Est-ce que je
vous avais transmis nos derniers échanges avec Perrier ? Une nuit, vers
les 3 h du matin, après s’être assuré que j’étais
quelqu’un de solide, il me parlait au téléphone de ce dont il
souffrait réellement. Le tout dernier, c’est lors de l’ultime
soirée entre Noël et le Jour de l’An, où je suis venue lui
apporter un verre parfaitement “kitsch” jonché de petits
cœurs rouges. On m’a dit qu’il l’avait gardé sur sa table de nuit
jusqu’à la fin. Cette nuit-là, j’avais discuté pendant des
heures avec Irène Roubleff, qui s’était réconciliée
avec S. Faladé... Cette nuit-là, j’ai fichu dehors, avec l’aide
d’un ami artiste qui m’avait accompagnée, de chez Perrier, une
psychanalyste, lacanienne Mata-Hari d’une grossièreté pas
ordinaire...
Quant à
mon allusion à cette “analyste” férue de yoga, de
cinéma et de mondanités, que j’ai évoquée dans l’un
de mes derniers textes, laquelle avait produit il y a treize ans
déjà, via ses relations et l’utilisation des ses analysant/e/s
à des fins bordelaises vomitoires, sous la forme de l’arrivée
chez moi d’un “paquet” nauséabond, distribué
auprès des analystes dans toute la France, et dont vous vous souvenez
très bien, c’est Madame de Merteuil doublée d’une authentique
escroc, ce que n’était pas Mme de Merteuil.
Bref je pense, avec
tout ça, que je vais publier cette fameuse lettre à Madame la
Ministre de la Santé que je vous ai donnée à lire, juste
aménagée pour la circonstance, mais j’attends encore un peu...
avant de décider...
Comme je sais
que vous lisez mes textes, je n’ai pas à revenir en détail sur
les épisodes précédents, vous trouverez ci-dessous le
témoignage que je viens de recevoir du père d’un enfant dont je
me suis occupée et qui apporte un brin de soleil à toute cette
triste mélasse d’histoire d’humains non-analysés amis de psychanalystes, pourvu qu’ils aient une quelconque
influence, via la “communication”, de pouvoir, d’argent, de
relations, sur les personnes et institutions en tous genres.
*** (vous vous
souvenez, elle avait servi de cobaye télévisuel au
“Psy-Show” de Leclaire / Breugnot, dont j’ai écrit ce que
j’en pensais) était venue me rendre visite, en 2004/2005, et me parler des difficultés qu’elle rencontrait pour faire aboutir ses projets
de réalisation d’un documentaire portant sur la déportation et
plus précisément sur le Struthof. C’est alors qu’un peu
affolée, elle a mentionné cette F. à qui vous
dédiez votre dernier livre, qui multipliait les obstacles à cette
réalisation - et a réussit à la faire capoter - d’une
façon plutôt frauduleuse, me disant, stupéfiée : “Cette
F. est partout !”... c’est-à-dire pour ce que j’en connais, ce
n’est donc pas exhaustif, auprès de S., T., U., Strasbourg, Paris,
l’OSE, le Mémorial... et aussi vous, ce qui m’avait effleurée
quand j’ai lu vos articles strasbourgeois juste à cette période.
Mais je ne me représentais pas - ou ne voulais pas entrer dans ce marigot
- la portée de ces conduites nauséabondes.
J’ai
rappelé quelque part dans l’un de mes textes cette lettre très
ancienne de Françoise Dolto à Lacan, où elle
s’étonnait, qu’entre analystes, bien avant la dissolution de l’EFP, il
ne lui parle pas directement, il ne lui parle pas du tout, alors que les ragots
menaient déjà bon train (j’ajoute : sous forme élective
d’injures à sa personne).
J’ai assez vite
compris, lors de “L’affaire de la rue Asseline” que, histoire de se
débarrasser de la question, sinon de la personne, le même type de
ragots - dont le plus remarquable est “Elle est folle” ou
même “C’est une paranoïaque” - circulait à mon
sujet, appuyés fortement au plan public et juridique, sans aucune
autorisation professionnelle de le faire, par ce triste Avocat - que j’ai
intitulé “agent double” lors du Procès Papon.
Cependant, dans l’urgence et en deuil - qui, contrairement à la foutaise
en cours, ne s’“accomplit” jamais, ce serait d’ailleurs un total manque
de respect pour ceux que l’on a aimés et/ou estimés - de mes
solides garants psychanalystes français, F. Dolto, F. Perrier, S.
Faladé, je n’avais aucun moyen
de faire face. C’est d’ailleurs pour cela que je suis partie en Israël, au
cas où je n’aurais plus aucun recours en France. Je ne le regrette pas,
au moins j’aurai entendu l’information sur ce qui s’y passe, sur place, in
situ, et non à travers les divers
filtres médiatiques.
Il est inutile
je pense de rappeler que je suis née à Paris fin 1941, au
début de la déportation des Juifs de France, que toute la
lignée, maternelle et paternelle de la Mitteleuropa a été
exterminée, ce qui fit que, dès bébé,
j’étais complètement seule et le cours de la vie a fait que je le
suis restée.
Ce que je suis
devenue : mes travaux et ma pratique analytique en témoignent.
Alors, merci
pour tout. M. W.
_______________________
Mail
d’un père
Bonsoir
Micheline
Voilà…
j’ai eu bien raison de me fier à l’assistance que
m’ont apporté vos encouragements ainsi que les attestations,
toujours écrites avec beaucoup de conviction, que vous avez bien voulu
me donner.
Quoi
qu’on en dise, j’ai eu raison de me fier à
l’équité de la Justice de mon pays. En effet, le tribunal
des Prud’hommes par décision en date du 12 juin vient de rendre un
jugement en ma faveur. Il me donne satisfaction même si le contentieux de
toutes les heures supplémentaires n’a pas été pris
en compte.
J’ai
tenu par ce petit message à vous présenter mes remerciements pour
votre soutien dans cette période difficile.
Recevez
le témoignage de ma gratitude.
Je
pense ouvrir ma Sté au mois d’octobre, je vous le ferai savoir.
Attention
je suis en vacances tout le mois d’août .
Je
vous souhaite de bonnes vacances micheline.
Cordialement
T.