L'association
ψ
[Psi]
LE TEMPS
DU NON a pour but de favoriser la réflexion
pluridisciplinaire par les différents moyens
existant, la publication et la diffusion de matériaux
écrits, graphiques, sonores, textes originaux,
uvres d'art, archives inédites, sur
les thèmes en relation à la
psychanalyse, l'histoire et l'idéologie.
ψ = psi grec, résumé
de Ps ychanalyse
et i déologie.
Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS
DU NON s'adresse à l'idéologie
qui, quand elle prend sa source dans l'ignorance
délibérée,
est l'antonyme de la réflexion, de la raison,
de l'intelligence.
ø
© Micheline Weinstein / 08 décembre 2013
Encore du nouveau… Heidegger… ?
De mémoire, celles et ceux, aînés, qui m’aimaient bien, jusqu’à ce qu’ils aient quitté
ce monde, avec l’émotion due aux circonstances, comme si mon existence réelle
était un miracle, m’ont appelée “gamine” (Le Lionnais, Stourdzé…) ou accueillie par “Voilà la petite née à
Rothschild sous l’Occupation !” (Sara Halperyn…).
Depuis 1967, j’étais donc encore assez
jeune, j’indique aux psychanalystes de toutes extraces,
aux philosophes, intellectuels, historiens… rencontrés ou croisés - cela fait
tout de même un peu de monde -, intéressés par la psychanalyse, plus
particulièrement celles et ceux soucieux de s’occuper de la déportation des
Juifs, cette révélation de Heidegger que, à titre
exclusivement subjectif, j’ai toujours considéré comme un penseur sciemment
obscurantiste.
Depuis 1967, cette révélation, je n’ai
cessé de la transmettre par écrits, publications, en paroles, je l’ai, sans
pour autant m’épuiser puisque je continue, répétée, encore très récemment.
Elle figure dans l’édition allemande de « Was ist Metaphysik ? » (1943,
1949, 1969, 1986) par Martin Heidegger.
La voici de nouveau, où son “Introduction”
de 1949 est dédiée à Hans Carossa pour son 70e anniversaire,
dédicace omise dans la traduction française, Carossa ayant présidé une fois la
Chambre Internationale des Écrivains, créée et contrôlée par Goebbels, in “Questions I” :
S’il
en était ainsi de l’Oubli de l’Être, ne serait-ce pas une raison suffisante
pour qu’une Pensée qui pense l’Être soit prise d’Effroi, car rien d’autre ne
lui est possible que soutenir dans l’Angoisse ce Destin de l’Être afin de
porter d’abord la Pensée en présence de l’Oubli de l’Être ? Mais une Pensée en
serait-elle capable tant l’Angoisse ainsi destinée n’est pour elle qu’un État d’Âme
pénible ? Qu’a donc à faire le Destin Ontologique de cette Angoisse avec la
Psychologie et la Psychanalyse ?
Et
dans la langue, à l’intention des germanistes, qui sauront y mettre le son :
Wäre wenn es mit der Seinsvergessenheit so stünde, nicht Veranlassung genug, dass ein Denken, das an das Sein denkt, in den Schrecken gerät, demgemäss, es nichts anderes vermag, als dieses Geschick des Seins in der Angst aus zuhalten, um erst das Denken an die Seins vergessen heit zum Austrag zubringen ? Ob jedoch ein Denken dies vermöchte, solange ihm die so zugeschickte Angst nur eine gedrückte Stimmung wäre ? Was hat das Seins geschick dieser Angst mit Psychologie und Psychoanalyse zu tun ?
Depuis 1967, il en est de même, je suis
stupéfaite que personne ne moufte devant les écarts de langage de Lacan - les
lectrices et lecteurs apprécieront le style célinien - dont voici un nouvel
exemple, extrait de son séminaire du 23 avril 1974, l’année où il injurie Anna
Freud, la qualifiant de “chiure de mouche” :
[…] Moi,
la Bible, ça me fout pas la trouille. Et je dirai même
plus, j’ai pour ça une raison. C’est que y a des gens comme ça qui, qui en ont
été formés, hein, les Juifs qu’on les appelle généralement. On peut pas dire qu’ils aient pas cogité sur le machin, la Bible. Je dirai
même plus : tout prouve dans leur histoire (à Madame Gloria Gonzalès : donnez-moi un cigare), tout prouve dans leur histoire qu’ils ne
se sont pas occupés de la nature, qu’ils ont talmudisé,
comme on dit, c’te Bible. Eh bien, je dois
reconnaître que ça leur a réussi. Et à quoi est-ce que je le touche ? Je le
touche à ceci, oui, qu’ils ont vraiment bien contribué, quoi que ce ne soit pas
le mien - le mien au sens de domaine de l’analyse - qu’ils ont vraiment
contribué, avec une particulière astuce, au domaine de la science. Qu’est-ce
que ça veut dire ? C’est pas eux qui l’ont inventée.
[…] si la science a réussi, a réussi, a réussi à surgir, il
semble pas, d’ailleurs, que les Juifs y aient au départ mis beaucoup d’eux-mêmes.
C’est après coup, dans la timbale une fois décrochée, qu’ils sont venus mettre
leur grain de sel, hein, et qu’on s’est aperçu que, que c’est clair, enfin
quoi, l’Einstein, à en remettre au grand machin de Newton, c’est lui qui tient
le bon bout. Et puis, il est pas le seul, il y en a d’autres
- que je vous nommerai à l’occasion, mais je peux pas parler de tous à la fois,
parce qu’ils pullulent, et puis qu’ils sont pas dans tous les coins…
Mais il est vrai que la pensée
française, sur ces sujets de la psychanalyse liée à la déportation des Juifs
est véhiculée essentiellement par nos amis les hommes, dont parmi eux, ceux qui
vouent une grande admiration à Hannah Arendt - et je partage le point de vue de
Claude Lanzmann sur la dame - et évoquent Simone
(Adolphine) Weill, avec un “W”, philosophe française (1909-1943) et quelques
rares autres…
Les femmes n’eurent guère meilleure
providence au cours de l’histoire de la psychanalyse en France. En témoignent
ces deux extraits de lettres de Max Eitingon à Freud,
au sujet d’Eugénie Sokolnicka, première femme
psychanalyste en France dès 1916 :
Paris, le
26 octobre 1922
Sokolnicka n’a eu ici [en France] qu’un
succès superficiel et vraisemblablement éphémère. C’est une femme intelligente,
il est vrai que vous la connaissez bien. Mais sensible, capricieuse et sans
endurance ; ce qui est d’ailleurs le pire : elle est seule ici, sans aucun
soutien masculin et médical et sans perspective de voir venir bientôt prêter
secours à elle-même et à l’analyse. Il me paraît tout à fait invraisemblable
que cela puisse, dans une période prévisible, se produire sur la terre
française, les Juifs polonais et russes implantés ici deviennent très français
aussi dans leur mentalité.
Puis-je exprimer une idée : en France, la psychanalyse
doit se frayer ses chemins, il faudrait envoyer l’un des analystes que vous
avez formés, un médecin absolument et sans doute pas un Anglais non plus, mais
un Suisse. Il faudrait pouvoir parler avec les Français.
[…]
Le 3
décembre 1922
Certains préjugés contre Sokolnicka,
qui prennent leurs racines principales dans le narcissisme des hommes français,
devraient s’atténuer si elle parvient dans sa collaboration avec eux, à
acquérir l’autorité avec tact.
J’ai en outre incité le plus actif, le Dr Laforgue,
à faire une analyse auprès de Sokolnicka. Si elle
parvient à le faire persister longtemps dans cette idée, nous aurons une fois
de plus gagné quelque chose. Par ailleurs, Laforgue va et doit apporter cette
couverture médicale sans laquelle nous n’avancerons pas ici.
Eugénie Sokolnicka est ridiculisée par Gide dans Les Faux-Monnayeurs en 1926. La même année se créée la SPP, sous la présidence de
la Princesse Marie Bonaparte qui, avec Eugénie Sokolnicka et Laforgue, en sont les fondateurs. Eugénie Sokolnicka en sera évincée en 1929, ces messieurs préférant sans doute se prosterner
devant les titres, fortune et gotha de “notre chère Princesse”, plutôt qu’apprécier
le travail considérable d’une juive polonaise à l’accent prononcé et au nom,
comme on dit encore aujourd’hui dans les médias, avec l’élégance qui les
caractérise, “imprononçable”.
Eugénie Sokolnicka se suicide en 1934, à l’âge de 50 ans.
Étrangère, Juive, non-médecin,
écartée grossièrement de la “Communauté”, avait-elle encore seulement de quoi
vivre… et une raison de vivre… ?
En France, la seule femme non-juive qui manifestera sa reconnaissance à une femme psychanalyste
juive installée à Paris, sera, en 1939 et
1940 (je souligne), Françoise Dolto.
Dans la première édition, de « Psychanalyse
et Pédiatrie » chez Amédée Legrand, datée de 1940,
préfacée pour “Mademoiselle Françoise Marette” par
Édouard Pichon, dont la première de couverture est ainsi libellée :
Docteur Françoise Marette
Psychanalyse et pÉdiatrie
Le complexe de castration
Études générales • Cas cliniques
Dans sa thèse, Françoise Dolto rend
hommage à Freud à plusieurs reprises et d’abord :
On ne sait pas assez que Freud, loin d’être un philosophe aux vues originales et
révolutionnaires, était un homme de laboratoire. Il s’était formé à la
discipline rigoureuse des expériences scientifiques et de l’exploration à l’œil
du microscope. Avec une objectivité rare, que cette première à développer,
Freud s’est appliqué à l’étude des phénomènes psychologiques. Ses théories
élaborées à partir des observations de Charcot, puis de Bernheim [F. D. n’avait pas encore connaissance de Breuer], n’étaient à ses yeux qu’hypothèses de
travail aussi longtemps que la suite de ses études cliniques n’en avait point
apporté confirmation. C’est la raison pour laquelle on assiste à l’évolution de
ses conceptions théoriques, au fur à mesure de la parution de ses travaux.
Devant les problèmes nouveaux dont il ne trouvait pas l’explication avec le jeu
des postulats, il se remettait à l’étude jusqu’à en trouver une solution
temporairement satisfaisante, quitte à discuter encore, selon que la
thérapeutique corollaire, appliquée à des cas semblables, confirmerait ou
infirmerait la justesse de ses vues.
Ensuite au long de son témoignage
essentiellement clinique, Françoise Dolto revient sur sa dette envers Sophie
Morgenstern. De nouveau, en 1987, elle l’intitule ainsi :
Ma reconnaissance à Sophie Morgenstern
J’ai vu Sophie Morgenstern pour la dernière fois à la
veille de l’entrée des Allemands à Paris en juin 1940. Elle avait près de
quatre-vingts ans. Je voulais la décider à partir avec moi en voiture ; on
évacuait Paris et tous ses hôpitaux. Elle n’avait apparemment aucune raison de
rester ; toute sa famille d’Autriche et de Pologne avait disparu depuis 1934,
victime du nazisme, et Laure son unique fille, très aimée, agrégée de Lettres,
était morte quelques années auparavant des suites d’une opération chirurgicale
pour des calculs biliaires, opération encore dangereuse à l’époque. Pourtant
elle refusa ; elle me dit vouloir rester chez elle. Je la quittai alors avec
beaucoup de peine de n’avoir pu la convaincre de venir avec moi dans une
famille amie qui m’attendait dans le Midi et du Nord. À mon retour en septembre
de la même année, j’appris que Sophie Morgenstern s’était suicidée le lendemain
de l’arrivée d’Hitler dans Paris.