© Micheline Weinstein
/ 1er
Juillet 2009
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In Memoriam
Jacqueline Lévy-Geneste
Version
anglaise [ici]
Jacqueline
Lévy-Geneste nous a quittés le samedi
13 juin 2009 à 20 heures, apaisée,
à la Maison Médicale Jeanne Garnier,
20 jours avant son anniversaire
de naissance, le 3 juillet.
C'est
en Dordogne qu'elle a rejoint son mari, Pierre
Geneste, auteur d'un livre somptueux sur,
Le Capitaine-Poète Aragonais JerÓnimo de. Urrea : sa vie et son oeuvre
ou
Chevalerie et Renaissance dans l'Espagne du XVIe SiÈcle
D'abord stagiaire, en contrôle avec
Serge Leibovici, puis avec Françoise Dolto,
Jacqueline fut nommée psychanalyste titulaire
de la Société Psychanalytique de
Paris [SPP / Institut /
http://www.spp.asso.fr/]
dès
la fin des années 50.
C''est
à cette époque qu'elle passe le
relais des fonctions qu'elle assurait à
l'OSE, pour exercer pleinement son métier
de psychanalyste au sein de la SPP, auprès
de sa patientèle privée, ainsi qu'au
Centre d'Information et d'Orientation près
le Tribunal pour Enfants, rue de l'Arbre-Sec à
Paris.
Sur
l'itinéraire de Jacqueline Lévy-Geneste
précédant ces années 50,
voici le bel hommage que lui a rendu Katy Hazan,
historienne, auteur de,
Le sauvetage des enfants juifs par les
maisons de l'OSE 1938-1948
lors de la cérémonie
présidée, à la Maison Jeanne
Garnier, par le Rabbin Fahri, et que le lecteur
trouvera également sur le site de
l'OSE,
http://www.ose-france.org/
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Hommage à Jacqueline Lévy-Geneste
par
Katy
Hazan
J’ai connu Jacqueline en 1994,
le contact avait été pris par Vivette
Samuel. Je venais interroger la directrice de
la première maison d’enfants de l’OSE
ouvrant en 1945 pour les tout-petits. Et voilà
d’emblée, je suis tombée sous
son charme.
De sa voix claire et douce, elle a fait revivre
« Le Petit Monde » de Bellevue
à Meudon dont elle était si fière.
Cette maison dont elle a dessiné jusqu’au
plan du mobilier et des lavabos pour ces enfants
de 3 à 6 ans qui étaient sans parents,
mais qu’elle avait pris sous son aile.
Elle les connaissait tous. Maxime l’enfant
sauvage dont la mère était internée,
Rosette qui fuyait sa maman, René dont
le père était aveugle.
Elle appliquait les méthodes montessoriennes
apprises à l’école de Melle
BRANDT et avait imaginé à son tour
une école de jardinières d’enfants
intégrée à la maison.
Le vendredi soir, pour le shabbat, une très
grande table en fer à cheval réunissait
tout le monde : elle prenait à côté
d’elle, à tour de rôle, pour
la semaine, l’enfant qui le lui demandait.
Ce n’est que l’année dernière
qu’elle m’a raconté son rôle
pendant la guerre, et mon grand regret est de
ne pas l’avoir filmée. Mais, l’aurait-elle
accepté ? Compte tenu de sa grande
modestie, je crains que non. Jeune Éclaireuse
Israélite (EI), originaire de Strasbourg,
elle fut la cheftaine de Lilianne Klein-Lieber
et de bien d’autres jeunes qui joueront
un rôle dans le sauvetage des enfants.
Elle était à Blois en mai 1940
et n’a pu passer son baccalauréat
car les allemands menaçaient de faire sauter
le pont. Comme beaucoup d’autres, elle se
réfugie à Limoges et, comme Niny,
va à l’école de jardinières
d’enfants de Mlle BRANDT, elle-même
réfugiée de Strasbourg à
Limoges puis à Vichy. C’est là
qu’en deuxième année, Mme
FIELD de l’Unitarian Service Committee recruta
quelqu’un pour s’occuper des enfants
espagnols au camp d’internement de Rivesaltes.
Jacqueline accepte et devient une assistante
volontaire. Elle organisa un jardin d’enfants
et certains venaient lui faire la sérénade,
pour elle toute seule, sous les
fenêtres de la baraque où
elle mangeait avec les gens de l’OSE. Elle
a connu Dora Wertzberg, Simone Weil-Lipman et
surtout Andrée Salomon.
En novembre 1942, il ne reste plus d’enfants
au camp, ni espagnols, ni juifs. Elle se met au
service de l’OSE. Andrée Salomon
lui propose de s’occuper d’un groupe
d’adolescents dans un centre de résidence
surveillée à Eaubonne, dans les
Pyrénées Orientales. Le jour de
Noël, la Gestapo arrive pour chercher un
communiste allemand, elle présente ses
papiers avec le tampon juif. Ils promettent de
revenir le lendemain, elle ne les attend pas !
Elle part à Solignac (Dordogne), se procure
de vrais faux papiers au nom de Jacqueline Leroy.
Puis, elle encadre d’autres adolescentes
dans la maison des Lutins à Moutiers-Salins.
Fin 1943, à la demande de l’OSE,
elle remonte à Paris pour convoyer des
enfants juifs au Château
de la Guette, devenu un centre du Secours
national. Dans le groupe, il y a Marcel Mangel,
le mime Marceau.
À la libération, en septembre
1944, elle est de ceux qui, avec les cadres de
l’OSE, retrouvent Georges Garel à Lyon.
Tout est à reconstruire. On lui demande
de faire un rapport sur les besoins de l’enfant.
C’est alors l’aventure de Bellevue.
En 1949, elle devient inspectrice générale
des maisons d’enfants. Son travail à
l’OSE s’arrête dans les années
50 pour une autre vie.
Joseph Weill lui dédicacera un livre
en novembre 1944. Jacqueline, rougissante, me
l’a montré : «
En souvenir de son admirable exposé qui
fait regretter à tout enfant mal élevé
qu’est chaque adulte, de ne pas avoir commencé
sa vie dans son jardin ».
Ce jardin, cet amour de la vie et des enfants,
chère Jacqueline, c’est ce que tu
nous as légués et qui nous fait
plus riches.
Katy
Hazan, historienne
Les
lecteurs peuvent se procurer le livre de Katy
Hazan à l’OSE, en téléphonant
au 01 53 38 20 09.