Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

In Memoriam Jacqueline Lévy-Geneste

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Il est plus facile d'élever un temple que d'y faire descendre l'objet du culte

Samuel Beckett • « L'Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down the worshipped object.
Samuel Beckett • « The Unspeakable one »
Underlined in « Jargon of the Authenticity » by T. W. Adorno • 1964

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Personne n'a le droit de rester silencieux s'il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l'âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.
Nobody has the right to remain silent if he knows that something evil is being made somewhere. Neither sex or age, nor religion or political party is an excuse.

Bertha Pappenheim

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© Micheline Weinstein / 1er Juillet 2009

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In Memoriam Jacqueline Lévy-Geneste

Version anglaise [ici]

Jacqueline Lévy-Geneste nous a quittés le samedi 13 juin 2009 à 20 heures, apaisée, à la Maison Médicale Jeanne Garnier,

20 jours avant son anniversaire de naissance, le 3 juillet.

C'est en Dordogne qu'elle a rejoint son mari, Pierre Geneste, auteur d'un livre somptueux sur,

Le Capitaine-Poète Aragonais JerÓnimo  de. Urrea  : sa vie et son oeuvre
ou
Chevalerie et Renaissance dans l'Espagne du XVIe SiÈcle

 D'abord stagiaire, en contrôle avec Serge Leibovici, puis avec Françoise Dolto, Jacqueline fut nommée psychanalyste titulaire de la Société Psychanalytique de Paris [SPP / Institut / http://www.spp.asso.fr/] dès la fin des années 50.

C''est à cette époque qu'elle passe le relais des fonctions qu'elle assurait à l'OSE, pour exercer pleinement son métier de psychanalyste au sein de la SPP, auprès de sa patientèle privée, ainsi qu'au Centre d'Information et d'Orientation près le Tribunal pour Enfants, rue de l'Arbre-Sec à Paris.

Sur l'itinéraire de Jacqueline Lévy-Geneste précédant ces années 50, voici le bel hommage que lui a rendu Katy Hazan, historienne, auteur de,

Le sauvetage des enfants juifs par les maisons de l'OSE 1938-1948

lors de la cérémonie présidée, à la Maison Jeanne Garnier, par le Rabbin Fahri, et que le lecteur  trouvera également sur le site de l'OSE,

http://www.ose-france.org/

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Hommage à Jacqueline Lévy-Geneste

par

Katy Hazan

J’ai connu Jacqueline en 1994, le contact avait été pris par Vivette Samuel. Je venais interroger la directrice de la première maison d’enfants de l’OSE ouvrant en 1945 pour les tout-petits. Et voilà d’emblée, je suis tombée sous son charme.

De sa voix claire et douce, elle a fait revivre « Le Petit Monde » de Bellevue à Meudon dont elle était si fière. Cette maison dont elle a dessiné jusqu’au plan du mobilier et des lavabos pour ces enfants de 3 à 6 ans qui étaient sans parents, mais qu’elle avait pris sous son aile.

Elle les connaissait tous. Maxime l’enfant sauvage dont la mère était internée, Rosette qui fuyait sa maman, René dont le père était aveugle.

Elle appliquait les méthodes montessoriennes apprises à l’école de Melle BRANDT et avait imaginé à son tour une école de jardinières d’enfants intégrée à la maison.

Le vendredi soir, pour le shabbat, une très grande table en fer à cheval réunissait tout le monde : elle prenait à côté d’elle, à tour de rôle, pour la semaine, l’enfant qui le lui demandait.

Ce n’est que l’année dernière qu’elle m’a raconté son rôle pendant la guerre, et mon grand regret est de ne pas l’avoir filmée. Mais, l’aurait-elle accepté ? Compte tenu de sa grande modestie, je crains que non. Jeune Éclaireuse Israélite (EI), originaire de Strasbourg, elle fut la cheftaine de Lilianne Klein-Lieber et de bien d’autres jeunes qui joueront un rôle dans le sauvetage des enfants.

Elle était à Blois en mai 1940 et n’a pu passer son baccalauréat car les allemands menaçaient de faire sauter le pont. Comme beaucoup d’autres, elle se réfugie à Limoges et, comme Niny, va à l’école de jardinières d’enfants de Mlle BRANDT, elle-même réfugiée de Strasbourg à Limoges puis à Vichy. C’est là qu’en deuxième année, Mme FIELD de l’Unitarian Service Committee recruta quelqu’un pour s’occuper des enfants espagnols au camp d’internement de Rivesaltes.

Jacqueline accepte et devient une assistante volontaire. Elle organisa un jardin d’enfants et certains venaient lui faire la sérénade, pour elle toute seule, sous les  fenêtres de la baraque où elle mangeait avec les gens de l’OSE. Elle a connu Dora Wertzberg, Simone Weil-Lipman et surtout Andrée Salomon.

En novembre 1942, il ne reste plus d’enfants au camp, ni espagnols, ni juifs. Elle se met au service de l’OSE. Andrée Salomon lui propose de s’occuper d’un groupe d’adolescents dans un centre de résidence surveillée à Eaubonne, dans les Pyrénées Orientales. Le jour de Noël, la Gestapo arrive pour chercher un communiste allemand, elle présente ses papiers avec le tampon juif. Ils promettent de revenir le lendemain, elle ne les attend pas ! Elle part à Solignac (Dordogne), se procure de vrais faux papiers au nom de Jacqueline Leroy. Puis, elle encadre d’autres adolescentes dans la maison des Lutins à Moutiers-Salins.

Fin 1943, à la demande de l’OSE, elle remonte à Paris pour convoyer des enfants juifs au Château  de la Guette, devenu un centre du Secours national. Dans le groupe, il y a Marcel Mangel, le mime Marceau.

À la libération, en septembre 1944, elle est de ceux qui, avec les cadres de l’OSE,  retrouvent Georges Garel à Lyon.

Tout est à reconstruire. On lui demande de faire un rapport sur les besoins de l’enfant. C’est alors l’aventure de Bellevue. En 1949, elle devient inspectrice générale des maisons d’enfants. Son travail à l’OSE s’arrête dans les années 50 pour une autre vie.

Joseph Weill lui dédicacera un livre en novembre 1944. Jacqueline, rougissante, me l’a montré : «  En souvenir de son admirable exposé qui fait regretter à tout enfant mal élevé qu’est chaque adulte, de ne pas avoir commencé sa vie dans son jardin ».

Ce jardin, cet amour de la vie et des enfants, chère Jacqueline, c’est ce que tu nous as légués et qui nous fait plus riches.

Katy Hazan, historienne

Les lecteurs peuvent se procurer le livre de Katy Hazan à l’OSE, en téléphonant au 01 53 38 20 09.

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