ψ =
psi grec, résumé
de Ps ychanalyse
et i déologie.
Le NON
de ψ
[Psi]
LE TEMPS DU NON
s'adresse à l'idéologie
qui, quand elle prend sa source dans l'ignorance
délibérée,
est l'antonyme de la réflexion, de la raison,
de l'intelligence.
ø
© Guy Coq / 1er Février 2013
Sortir de l’impasse démocratique
Un véritable débat démocratique implique
l’échange des arguments, le développement des positions diverses AVANT que soit
posée la décision finale. Or dans cette affaire du « mariage pour
tous » c’est d’emblée que le gouvernement a annoncé sa décision et sans
même qu’il y ait eu un libre débat entre les parlementaires qui l’appuient. La
décision étant annoncée, on nous a dit que le débat pouvait avoir lieu. C’est
une telle situation qui justifie ceux qui accusent la gauche d’avoir refusé le
débat.
Comment en est-on arrivé là ?
Il y a eu une erreur dans la pratique
démocratique. En effet, euphorisés par la victoire présidentielle pourtant
relativement étroite et par des sondages favorables, le Président et le
Gouvernement ont estimé immédiatement que sur le principe du mariage pour tous,
le peuple venait de se prononcer clairement. Du coup prévalut l’idée qu’il
était temps de rédiger le projet de loi car le peuple avait parlé.
L’erreur porte sur l’esprit de la
démocratie. On a cru qu’un scrutin politique gagné et des sondages favorables
étaient suffisants pour marquer la volonté populaire. Quand on connaît les
méthodes des sondeurs et la réponse quasi instantanée exigée par leurs
questions, on constate que ce n’est pas un moyen sûr d’obtenir un avis raisonné
et réfléchi. De plus le vote pour un candidat à la présidence ne signifie
jamais l’approbation définitive à tous les projets qu’il énonce. S’il fallait
qu’il en fût ainsi aucun candidat jamais n’obtiendrait une majorité. Au
demeurant François Hollande lui-même a trié dans ses « engagements ».
Cette erreur a eu une conséquence grave
sur la stratégie démocratique du gouvernement. Le regret est d’autant plus vif
que cette bonne méthode a été appliquée antérieurement, notamment à propos de
la loi sur la bioéthique. Elle consiste non pas à tout attendre d’un
affrontement majorité opposition, mais à mettre en place des dispositions
permettant de rechercher un consensus dépassant les limites de la majorité
parlementaire. Cette méthode a été utilisée pour la loi bioéthique précisément
parce que celle-ci touche à des enjeux éthiques et anthropologiques
fondamentaux. Or qui peut nier que de tels enjeux sont présents dans le
« mariage pour tous » ?
La question que peut se poser un citoyen
sérieux est maintenant : à quoi peuvent bien servir ces semaines de débat,
ces milliers d’amendements promis à l’inutilité puisque l’on a de plus refusé
aux députés d’avoir une conscience et d’être libérés sur cette loi de la discipline
de parti ?
Dans la confusion et la tension nerveuse
que font monter les débats parlementaires, une voix raisonnable s’est élevée,
celle du président du Comité national d’éthique, Jean-Claude Ameisen déclarant : « À titre personnel, je pense
qu’il aurait été plus logique de réfléchir d’abord au sujet dans sa
globalité. » (Déclaration dans La
Croix 28 janvier). Et le Comité national d’éthique annonce en même temps
qu’il peut envisager une réflexion de fond sur la procréation. Or ce sont bien
ces problèmes globaux : procréation, droit des enfants, filiation,
différence des sexes… qu’il serait en effet bien raisonnable d’approfondir
avant de voter une loi qui les suppose résolus. Et, circonstance aggravante
cette loi repousse les problèmes éthiques quelle pose à une loi ultérieure sur
la famille et dont le contenu semble déjà fixé pour le gouvernement, du moins
en ce qui concerne la PMA. Voilà donc un débat encore une fois conclu avant de
commencer !
Peut-on encore espérer que, dans les deux
camps qui s’affrontent dans l’hémicycle, il y aura assez d’élus pour imposer
enfin un retour à la méthode de réflexion utilisée dans le débat de la loi
bioéthique ?
En définitive, n’appartient-il pas
maintenant au Président de la République d’arrêter le vain affrontement et
d’élaborer une méthode pour la recherche d’un consensus durable, permettant aux
élus de sortir d’un débat où ils perdent chaque jour un peu plus de
crédit ? Est-ce vraiment perdre la face que de corriger une erreur de
méthode ?
ø
Avoir conscience de la cohérence d’une loi
Fin 2012, il y avait eu une ouverture du
Président Hollande sur le droit des maires à une forme d’objection de
conscience dans le cas de mariages homos. On se souvient que quelques jours
plus tard le Président rentrait dans les clous.
Ensuite, une question analogue fut posée au sein du groupe
socialiste, à l’Assemblée. Il s’agissait du débat sur l’extension de la P.M.A.
comme droit ouvert aux couples homosexuels, dans le cadre du mariage pour tous.
Voulant imposer la discipline de groupe lors du vote, le président du groupe
socialiste n’obtint que 126 voix sur 296 membres du groupe majoritairement
absents ! 61 députés votèrent pour la liberté de conscience du
parlementaire.
En fait, « mariage pour tous »,
adoption, filiation, extension de la P.M.A. font problème aussi dans la gauche,
ce sont des sujets dont les implications anthropologiques sont immenses et
encore mal mesurées. La contradiction est dans toutes les familles politiques.
Pour de tels problèmes, à défaut de convoquer directement le corps électoral
pour un référendum, ne devrait-on pas adopter le principe d’une suspension
exceptionnelle de la discipline de parti ? Chaque député devrait ainsi
être amené à prendre position en conscience, en assumant ce choix directement
en dialogue avec les électeurs de sa circonscription. Car dans notre système,
le député n’est pas seulement membre d’un parti, il représente directement une
circonscription. Les électeurs l’ont élu, lui. Il a l’obligation d’un dialogue
avec eux. Mieux que les sondages, des élus attachés à leur circonscription sont
en mesure de représenter vraiment le peuple.
Sauront-ils être assez forts auprès des
directions des partis pour obtenir le droit de voter en conscience ? Ou
bien sauront-ils violer une discipline illégitime ? Ou même, compte tenu
des problèmes considérables qu’implique cette loi sur le « mariage pour
tous », sauront-ils imposer une prise en compte dans un débat mieux
organisé, toutes les conséquences de ce bouleversement du mariage
républicain ?
Une des leçons à tirer de la discussion
sur l’amendement socialiste, aura été une clarification des enjeux véritables
du « mariage pour tous ». L’amendement a un effet de révélateur sur
le sens même du « mariage pour tous ». Ce qui a pu rendre légitime d’ajouter
la P.M.A., c’est que la loi se justifie comme stricte application du principe
d’égalité. Elle se fonde exclusivement sur le principe que faire une différence
entre un couple hétéro et un couple homo est une entorse grave à l’égalité.
C’est pourquoi on a d’emblée exclu l’idée d’un PACS amélioré. C’eût été
légitimer une différence en droit entre les couples homos et les autres, donc
mettre en cause le principe d’égalité.
Une conclusion s’impose
immédiatement : le refus d’une extension de la P.M.A. aux couples homos
est contraire au principe même qui fonde le projet de loi. C’est le principe du
« mariage pour tous » qui valide d’avance cette extension, et pas
seulement aux couples de lesbiennes.
Ceux qui refusent cette extension tout en
se disant prêts à voter la loi Taubira sont dans la
contradiction. Leur accord avec la loi implique le consentement au principe qui
gouverne la loi… ce qui rend pratiquement infondé leur refus d’une extension de
la P.M.A. À partir du moment où, en droit, on gomme l’inévitable différence
entre un couple homme/femme et un couple homo, au nom d’une prétendue égalité,
on a tout cédé sur les principes à ceux qui prétendent établir un
« mariage pour tous ».
Pour ceux qui refusent l’extension de la
P.M.A., la seule position logique et cohérente serait de refuser le
« mariage pour tous » et d’y opposer un projet de loi améliorant le
pacs.
Quant à l’idée de repousser la prise de
position sur l’extension de la P.M.A. à une discussion ultérieure de la loi
bioéthique et donc pour l’instant de voter quand même le projet du gouvernement
tel qu’il est, elle affaiblit à l’avance le débat sur la bioéthique. Celui-ci
sera hypothéqué par la légitimité du principe fondamental validé par la loi. Ce
principe dit que l’égalité implique la disparition en droit du rôle fondateur
de la différence des sexes. C’est en définitive un vote sur ce rôle fondateur auquel
contraint la loi Taubira.
Espérons que cela pose vraiment un
problème de conscience à des représentants dont la fonction de représentation n’est
pas sans limites.
Guy Coq
Philosophe