ψ = psi grec, résumé
de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s'adresse à l'idéologie
qui, quand elle prend sa source dans l'ignorance
délibérée,
est l'antonyme de la réflexion, de la raison,
de l'intelligence.
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©
Micheline Weinstein / 09.11.2012
Lettre
à Élisabeth Roudinesco
suite à son invitation, couplée avec celle adressée à Marcel Rufo, par
France-Inter pour sa
«
Journée Freud »
Paris, le 09.11.2012
Chère Élisabeth,
tout d’abord, un grand merci, chère Élisabeth, pour la
qualité de votre introduction, avec Marcel Rufo, à cette - enfin - « Journée Freud », dont je me permets d’avancer, sans risque majeur
de me tromper, que vous en êtes grandement à l’initiative.*
Je n’ai suivi que très partiellement la communication entre Laure Adler
et Élisabeth Badinter, qui m’a semblé s’adresser plutôt aux lectrices de
magazines féminins et était un peu brouillonne.
Au sujet du féminisme, j’ai regretté qu'Élisabeth Badinter n’ait pas eu sous les yeux
les réflexions d’Anna Freud. Elles figurent quelque part sur notre
site mais je ne sais plus, dans le flot des documents, ni la date ni où.
Cependant les lectrices et lecteurs intéressés pourront les trouver dans le « Anna Freud », d’Elisabeth Young-Bruehl.
Il m’a paru étrange et dommageable pour la psychanalyse qu’Élisabeth
Badinter dise, pour ne citer qu’un exemple, que grâce à la vulgarisation, “on
parle [désormais] Freud”, autrement
dit, “on” utilise les concepts freudiens dans la langue du socium.
C’est exact, seulement se servir des concepts freudiens à
tout-va sans en connaître ni le sens ni l’essence, est ce dont je ne cesse
d’être consternée.
Chère Élisabeth, comme je vous l’ai récemment écrit, si la
psychanalyse n’est pas devenue une science, humaine, expérimentale, et non pas exacte, c’est-à-dire accessible
à tous, selon le désir de Freud, ce fait est à imputer à ceux qui se sont
chargés, plus particulièrement depuis un demi-siècle en France, de la
transmission de la psychanalyse.
C’est-à-dire
aux psychanalystes eux-mêmes et, cela va de soi, à leur suite, par
identification, aux tout-venant, à commencer pas les psychiatres, psychologues,
médecins en formation, philosophes, lesquels s’en sont emparés comme d’une propriété
corporatiste. Les analysants de toutes provenances de ces psychanalystes ont
emboîté le pas, dont les enseignements secondaire et supérieur et,
naturellement, avec une goulue appétence, les médias, la mode, le snobisme.
Vous dîtes que Freud, traduit en de multiples langues, est
beaucoup lu. Je ne le pense pas, ou alors en seule superficie, d’où l’emprunt
non maîtrisé des concepts qu’il a patiemment forgés, ne reculant jamais, avec
l’honnête intellectuelle intrinsèque qui le définit, à les enrichir, à les
faire évoluer, à reconnaître ce que l’on désigne en mathématiques par des “erreurs
d’approximation”.
Vous savez très bien, puisque votre œuvre elle-même en
pâtit, que la plupart des psychanalystes “modernes” ne lisent pas. Ce qui
les exonère de mettre à l’épreuve l’application clinique des concepts
freudiens.
Lebovici, Diatkine, Jenny Aubry votre mère, cités par
Marcel Rufo, sont-ils lus ?
Des professionnels de la psychanalyse s’étonnent, avec une
légèreté discutable, que Françoise Dolto, François Perrier n’aient pas “fait
école”. Pourquoi ? C’est très simple, ils attendaient, par leurs séminaires,
que leurs auditeurs travaillent les
textes et les exposés oraux, ceux de Freud, les leurs, ceux d’auteurs dont les
écrits étaient pour eux indispensables.
Cela exige un goût de l’étude et le désir d’une application
clinique patiente de la psychanalyse quasi ascétique, lesquels n’ont pas
rencontré grand monde.
Quelques-unes et quelques-uns étudient très sérieusement
tout de même, Rufo en témoigne.
J’ai souvent remplacé, à ce propos, l’expression “principe
de plaisir”, par “principe de flemme”.
Cela a amené, dans le langage courant, à confondre, pour
n’isoler qu’un concept, celui de “pulsion de mort”, retour vers un état
anorganique mû par ledit principe de plaisir, lequel, pour faire bref, tire
vers le bas des choses, et celui de “pulsion de destruction”, plus communément
appelée agressivité, pulsion ou instinct, meurtriers.
Vous dîtes que l’indigence - le terme est de moi, non de
vous - dans la transmission de la psychanalyse émanerait plutôt de
psychanalystes conservateurs.
Je ne le pense pas non plus, je vous en ai exposé les
motifs, elle a affecté le champ entier des idéologies.
Vous avez, ce matin, en ces temps très actuels de débats
sur l’homosexualité et la parentalité, su fermement restituer à Freud ce qui
lui revient pleinement, en mettant un point que j’espère définitif à la fable,
largement éparpillée auprès du socium, selon laquelle il aurait assigné
l’homosexualité à une pathologie, ce qui est tout bonnement faux.
De mon côté, je ne dirais pas que Freud ne “comprenait” pas
le surréalisme et l’art moderne. Je dirais plutôt qu’il n’appréciait pas le surréalisme - cf. ses
remarques à la suite de la visite d’André Breton.
Avec une exception tout de même, Salvador Dali. Salvador
Dali fut introduit selon son vœu insistant auprès de Freud par Stefan Zweig,
lequel dans sa lettre de recommandation écrit,
Salvador
Dali est, à mon sens, le seul peintre de génie de notre époque, et le seul qui
lui survivra, fanatique de ses propres convictions, disciple des plus fidèles
et des plus doués de vos idées parmi les artistes.
Salvador Dali rencontra Freud le 19 juillet 1938, dans sa
provisoire demeure d’exil à Londres. Freud, souffrant alors énormément de
sa prothèse, son “monstre”, ne pouvait hélas presque plus parler, ce que Dali,
probablement, ignorait.
Le portrait de Freud que dessina Dali au cours de cette
entrevue est magnifique.
Voici un extrait de la réponse de Freud à Stefan Zweig,
suite à cette visite.
39, Elsworthy Road, London, NW.3
20 Juil. 1938
[...]
Il faut
réellement que je vous remercie du mot d’introduction qui m’a amené les
visiteurs d’hier. Car jusqu’alors, semble-t-il, j’étais tenté de tenir les
surréalistes, qui apparemment m’ont choisi pour saint patron, pour des fous
intégraux (disons à quatre-vingt-quinze pour cent, comme pour l’alcool absolu).
Le jeune Espagnol, avec ses candides yeux de fanatique et son indéniable
maîtrise technique, m’a incité à reconsidérer mon opinion. Il serait en effet
très intéressant d’étudier analytiquement la genèse d’un tableau de ce genre.
Du point de vue critique, on pourrait cependant toujours dire que la notion
d’art se refuse à toute extension lorsque le rapport quantitatif, entre le
matériel inconscient et l'élaboration préconsciente, ne se maintient pas dans des limites déterminées. Cela pose, en tout cas, une sérieuse question à la psychologie.
[…]
Chaleureusement,
Votre Freud
Il n’est donc pas surprenant qu’après ces échanges
épistolaires, au-delà de sa célèbre fougue, Salvador Dali se soit intitulé
comme le seul surréaliste digne de
cette appellation.
Et il y a tout lieu de penser que si Freud avait vécu
suffisamment pour prendre connaissance de l’OuLiPo, l’Ouvroir de
Littérature Potentielle et ses extensions, dont l’œuvre poétique fut fondée, à
la différence du surréalisme, à partir de structures mathématiques, il eût apprécié.
Pour terminer, je vous suis particulièrement reconnaissante
d’isoler inlassablement, chaque fois que vous en avez l’opportunité, par écrit
et oralement, en trois concepts, ce qui caractérise l’antisémitisme,
lequel porte sur : le sexe, l’argent, l’intellect.
Voilà pour aujourd’hui, chère Élisabeth.
Je retourne à mes travaux, dont une grande partie figure,
avec de nombreux autres, sur notre site, lesquels s’adressent
presque exclusivement - outre les productions artistiques -, sur ce que je
connais le mieux, c’est-à-dire aux conséquences qu’a entrainé la déportation
des Juifs de France sur la psychanalyse.
Cordialement vôtre,
* Non, m'écrit É. R., l'initiative de cette journée revient à Philippe Val.
P.S. Ce que je n'ai pas développé, au sujet de la lecture des textes fondamentaux de la psychanalyse et de sa transmission : nous entendons, dans pratiquement tous les médias et individuellement par les générations post-68, que “Freud serait dépassé”, que Françoise Dolto aurait magnifié “L'enfant Roi”, ce qui est une simple contre-vérité.
Qui, des enseignants chargés de la transmission de la psychanalyse et, à leur suite, leurs élèves, a réellement lu Freud et Dolto ainsi qu'étudié leurs textes ?
Bien cordialement,
M. W.