Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

De la loyauté et de son manque

par

Micheline Weinstein

Ø

Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • « L’Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object.

Samuel Beckett • “The Uspeakable one”

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

Ø

Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

point


ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

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© Micheline Weinstein / 17-21 juin 2013

De la loyauté et de son manque

 

 

Ça n’est pas en mon nom que je réponds mais au nom de celui qui a manqué. C’est en cela que le désir de l’analyste est l’expression même de la fonction de la sublimation.

François Perrier

L'Amour • 1970/1971

À ce point, je peux me permettre de clôturer mes révélations autobiographiques. Quant à mes données personnelles, mes affrontements, mes désillusions et mes succès, le public n’a ainsi aucun droit d’en savoir davantage.

Freud

Autoportrait • 1935

ø

17-21 juin 2013

 

Cher *** 

 

    J’ai été sensible à ta mention sur ton site de mon nom et de mon travail dans ta publication de l’entretien de 1987 avec Dolto, « La psychanalyse nous enseigne qu’il n’y a ni bien ni mal pour l’inconscient », encore que je regrette cette façon de laisser planer l’idée que ce qui relèverait d’une éthique serait de citer ses collègues, mais comme s’ils étaient des larbins.

J’aurais cependant été davantage émue si tu avais pris la peine de préciser que le livret - outre, précédemment édité sous forme de revue ISSN en 1992 -, déclaré en ISBN à la BN et au Ministère de l’Intérieur en 1999, avait été publié par les soins de notre association en 1999, avec ma préface, comme cela se fait.

De même que d’autres de mes travaux, ceux reliés ponctuellement à ton association depuis 1986.

Je n’aime pas non plus, au cas où cela ne serait pas encore clair, à moins que ce soit simplement digne de ton mépris, que des psychanalystes manifestent leur dédain en négligeant de prendre en compte les travaux de leurs collègues, tout particulièrement quand il s’agit de la déportation des Juifs avec son incidence sur la psychanalyse, tout en déléguant à leurs affidés (des larbins ?) la mission d’“emprunter” les réflexions, les analyses, les hypothèses théoriques de psychanalystes, pour les reproduire texto sans en référer à leurs auteurs. Les lectrices et lecteurs intéressés qui, avec consternation, s’étonnent de ces postures, pourront se reporter aux textes figurant à ce sujet sur notre site.

Quant aux médisances écœurantes, le “dumping” dont tu as affublé mon travail, terminologie qui s’apparenterait fort à une projection du tien propre ; aux grossièretés obscènes, à la méchanceté sidérante et sans aucun fondement, délibérément ignorante, d’une célèbre cadre psychanalyste (! ?) de ton association (sans omettre l’entourage de Anne-Lise Stern, laquelle tout en voulant surtout ne rien en savoir, me disait “tu ne te rends pas compte des signifiants que tu portes”, qu’elle se gardait savamment de respecter*) et alii..., j’espère beaucoup que la jouissance vous en a passé, et que, plutôt que de tout acheter à coup d’argent comme le font les mafiosi, le respect dû à l’être humain parlant et pensant, fut-il psychanalyste ou/et analysant/e, reprendra sa place de principe fondamental dans la théorie et votre pratique psychanalytiques.

Bref, pour le dire autrement, s’asseoir ainsi sur la pensée freudienne et sur celles et ceux qui s’en nourrissent, d’une part ; d’une autre, ne pas vouloir entendre celle d’une (ex-)enfant de déportés non revenus, née à Paris à l’hôpital Rothschild pendant l’Occupation, pupille de la nation - mon père s’étant engagé en 1939 dès la déclaration de guerre dans l’armée française, section “régiments étrangers”, mais c’est comme Juif qu’il fut, lui aussi, déporté -, dont toutes les lignées maternelle et paternelle, de Russie, de Roumanie, d’Allemagne... et d’où j’ignore..., ont été, entre les pogroms de l’Est, la Shoah et la déportation des Juifs de France, intégralement assassinées, sans aucun patrimoine - et pour cause, ah ! tare majeure ! -, intellectuellement honnête, intéressée seulement, puisque n’ayant aucun autre capital que sa tête, par le travail de transmission qui aura occupé toute sa vie (Vous avez dit “dumping” ?).

Voilà pour les signifiants, que je n’avais pas jusqu’à présent estimé utile d’exposer publiquement.

Brutaliser la pensée de Freud et de qui la soutient, la dénier, la piétiner, faire comme si elle n’existait pas ou ne valait pas la peine que l’on s’y attarde, qu’elle ne fut qu’utopie, sous prétexte qu’elle n’est ni dans votre ligne ni dans vos manières, laisse percevoir le mépris devant ce qu’espérait Freud : procéder de sorte que la psychanalyse soit une œuvre civilisatrice. Tout cela fait mourir deux fois la théorie freudienne et bafoue celles et ceux qui ont admis sans réserve que l’inconscient existe.

Bien à toi,

Micheline W.

 

* Éléments de correspondance

 

D’une correspondante / collègue charitable, dont l’argument est “Toute vérité n’est pas bonne à dire” - par un/e psychanalyste ? -, s’est montrée choquée que je mentionne A.-L. Stern post mortem. Sans doute eût-elle voulu que je l’embaumasse... Je lui ai alors expliqué que ce que j’ai à dire, ce que je pense, je le dis immanquablement d’abord, directement, oralement, aux intéressés ; ensuite, ce que je dis et écris figure depuis quelques dizaines de lunes tout au long de notre site, dont elle ne lit pas les textes.

 Quand j’ai connu personnellement Anne-Lise en 1983, c’est-à-dire outre les croisements dans les colloques et autres réunions, j’ai été stupéfiée par cette aberration qu’elle énonçait en forme de frontispice, autant publiquement que dans son séminaire : “Peut-on être psychanalyste quand on est passée par Auschwitz ? La réponse est non. Peut-on être psychanalyste quand on n’y est pas passé ? La réponse est non.” Il n’y avait donc plus de psychanalystes après Auschwitz - de fait, en toute innocence, elle incluait le sien dans le désastre -, plus de psychanalyse. Freud, son fondateur, était ainsi rayé, évacué de la transmission. En conclusion, après Auschwitz, s’il n’y avait qu’une seule psychanalyste, ce ne pouvait être qu’elle. Je n’ai jamais entendu quiconque moufter. Au contraire, beaucoup ont fait de cette sentence un mot d’ordre, lequel figure d’ailleurs dans les hommages rendus à la mémoire d’Anne-Lise Stern.

 

• D’une collègue amie, dont la pensée, les publications, sont unanimement reconnues :

“Je n’ai pas été choquée que vous évoquiez Anne-Lise, au contraire cela la fait « résider » parmi nous, et ce qu’elle vous a dit a de la justesse.

En effet, quand Anne-Lise ne théorisait pas, qu’il lui arrivait soudain et fréquemment en privé d’exprimer sa spontanéité, sa parole était lumineuse.

À la réaction courroucée de *** :

“Cynisme comme refuge... psychanalyse comme outil de pouvoir ou de piétinement... et condescendance comme éthique. Que cela se dise ainsi, ce dont d’aucuns s’intitulant analystes n’ont pas la conscience... (Le mot cynisme est d’ailleurs infâmant pour les chiens qui sont sensibles et vulnérables).”

Cf. Se reporter à l’étymologie de “cynisme”.

 

ø

 

Je remercie chaleureusement les personnes qui furent sensibles à l’élaboration de ce texte et ont bien voulu, oralement ou par écrit, me faire part, quelles qu’elles soient, de leur lecture / interprétation.

ø

 

Voici maintenant ma réponse à, suite à ma lettre, un long message téléphonique de ***

 

***,

 

Quand l’on a quelque chose à me dire, l’on m’écrit - les écrits restent - l’on me parle, l’on ne réitère pas ses dénigrements au téléphone en faisant son petit maître à penser.

Je viens de trouver ton coup de fil, datant de plusieurs jours, par hasard. Comme tu le sais, je fus toujours en difficulté avec le virtuel, je me sers très peu du téléphone cellulaire - propos échangés ni vus ni connus -, pourtant up-to-date, excepté pour prendre des r. v.

Et voilà que tu recommences...

Mais non, ***, tu ne veux décidément pas l’entendre, je ne t’aime pas, je ne t’aime pas, précisément parce que je déteste tes façons d’agir et de dire et, en outre, de faire ton psychiatre par téléphone, dans le seul but de pervertir, de détourner, sans évidemment l’avoir écoutée, la parole d’autrui, de détruire en le tenant pour rien le désir d’autrui.

Comme-tout-le-monde !

Et que signifie ici, en la circonstance, cette platitude d’appel à de supposés “sentiments” ?

Il me fallut des années de malentendu dont je suis responsable, notamment depuis 1991, d’imbécillité candide, après avoir passé des heures, des jours, des nuits, à réécrire les colloques organisés par ton association, à réécrire l’un de tes livres, à réécrire les communications individuelles illisibles de tes proches, et à les publier, à diffuser quelques-unes de tes productions, pour réaliser et enfin me résoudre à admettre cette réalité qui consistait à ce que ton intention exclusive était de mettre sur le devant ta propre personne. Or, de mon côté, l’objet de cette énorme charge, comme l’ensemble de mes travaux et ceux de notre association / site, était et demeure la transmission de l’incidence et des retombées de la Deuxième G. M. sur la psychanalyse, sa théorie, sa pratique, son évolution, sa vivacité. Après qu’au prétexte d’un élan d’enthousiasme international, un déterminisme d’anéantissement définitif des Juifs - dont le Juif Freud -, eut mobilisé l’ensemble de ses forces pour l'annihiler. Ce travail n’engage que mes hypothèses, mes recherches et ma conception de l’honnêteté intellectuelle, conception plus que volontiers proposée à la critique, au cas où cela intéresserait. D’où le malentendu précité.

Que des collègues soient méchants, ou / et inscrits dans une confrérie (!) d’obédience plus ou moins fraîche, quand ils se targuent d’être psychanalystes (et donc, analysés / analysants) ne m’a jamais convenu. Méchanceté foncière, sans aucun fondement adulte, issue des féroces jalousies, des haines infantiles, rivées dans le jeune âge, non analysées, dont tu légitimes la jouissance avec sa rentabilité.

Cela nous éclaire sur ton éthique.

Tu trouves que les agissements verbaux ou opérés par des psychanalystes n’ont aucune importance. Venant d’un analyste - et donc analysé / analysant -, cela témoigne en effet que tu n’écoutes pas ce qui t’est dit. Et que, comme tu me l’annonces, tu ne lis pas le contenu du courrier qui t’est adressé, pas le mien en tous cas. Je n’ai cessé de m’en ahurir. Par ailleurs, il semblerait que tu ne lises rien de ce qui ne se rapporte pas à toi, à ton Moi, te satisfaisant de prélever les hypothèses avancées par la pensée d’autrui et accessoirement de dérober son carnet d’adresses pour en intégrer les noms dans ton réseau. Envers ici, rien de plus facile, je n’appartiens à aucun réseau établi, ne me suis pas souciée d’en constituer, n’ai rencontré sur mon chemin et ne rencontre que des êtres parlant et pensant, d’origines très diverses, un par un, avec lesquels nous partageons nos points de vue, qui m’estiment et que j’estime.

Et qu’est-ce que ton allusion téléphonique dépréciative à nos collègues, censés avoir tous 80 ans ? Outre la malveillance de ta remarque, je suis encore assez loin de cet âge, toi aussi me semble-t-il...

Immédiatement après avoir coupé le cellulaire, l’association d’idées m’a évoqué le travail constellé d’observations remarquables de Marie-France Hirigoyen...

Je me permettrai enfin cet interrogatif : la parole de l’analysant/e serait-elle donc vouée à remplir tes poubelles ?

Contre ta prescription (“arrête, arrête !”), je publierai ma lettre, que tu ne liras pas m’as-tu affirmé, mais sans ton nom.

 

 Micheline W.

 

 

ψ  [Psi • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
© 1989 / 2013