Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

L’antisémitisme “honorable” • Chronique de Michel Garroté

Ø

Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • « L‘Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than leto bring down the worshipped object
Samuel Beckett • “The Uspeakable one”
Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adomo • 1964

Ø

Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.
Nobody has the right to remain silent if he knows that something evil is being made somewhere. Neither sex or age, nor religion or political party is an excuse.

Bertha Pappenheim

point

 

Chronique de Miguel Garroté

publiée par Israël Infos le 20 mars 2009

L’antisémitisme “honorable”



Jean Amery (alias Hans Mayer) a publié cet article le 25 juillet 1969 dans le journal Die Zeit. Cet article est maintenant publié sur Primo et il surprend tant par son actualité que par le style de ce grand écrivain que fut l’auteur de « Par delà le crime et le châtiment ». Jean Amery, un des plus grands écrivains autrichiens, plus connu sous son vrai nom, Hans Mayer, est né à Vienne le 31 octobre 1912. Il fut opposant au régime nazi et rescapé d’Auschwitz.


« Le phénomène classique de l’antisémitisme revêt un manteau neuf. L’ancien reste en place, une forme de coexistence dirons-nous. Ce qui a été reste et restera : le Juif au nez crochu et aux jambes torses qui devant n’importe quoi – que dis-je ? – qui devant tout prend ses jambes à son cou. Et c’est ainsi que le montrent les affiches et les tracts de la propagande arabe, matériel auquel doivent bien contribuer des hommes bruns autrefois de langue maternelle allemande, dissimulés aujourd’hui sous des noms arabes.
Quant aux nouvelles représentations du Juif, c’est juste après la guerre des six jours qu’elles ont fait leur apparition sur la scène où elles s’installent peu à peu : c’est l’image de l’oppresseur israélien qui, du pas triomphant des légions romaines, s’empare de la terre de palestiniens pacifiques.
L’anti-Israël, l’anti-sionisme, dans la plus pure continuité avec l’antisémitisme d’antan : aucune contradiction entre l’oppresseur-légionnaire au pas fier et le poltron aux jambes torses. Comme ces images se ressemblent ! Ce qui est nouveau, c’est la colonisation de la gauche par l’antisémitisme sous le masque de l’anti-Israël.
Autrefois c’était le socialisme des imbéciles. Aujourd’hui, il s’agit d’en faire une partie intégrante du socialisme, si bien que tout socialiste se fait imbécile de son plein gré. Le processus se donne déjà à lire dans l’ouvrage de Givet paru il y a déjà plus d’un an chez Pauvert, La Gauche contre Israël. Mais il suffit pour trouver des précédents de lire par exemple l’un des reportages paru dans le journal Konkret sous le titre "Le troisième front" avec cet intertitre : Israël est-il un état policier ? Question bien évidemment purement rhétorique puisque c’est ce qu’il est.
Et le napalm sur les maisons de paisibles paysans arabes, et les pogromes d’arabes dans les rues de Jérusalem. Et on s’y connaît ! C’est comme au Vietnam ou comme ce fut le cas en Algérie. Le trouillard aux jambes torses se présente maintenant comme un Goliath qui répand la terreur. Après les partis communistes plus ou moins orthodoxes de l’Occident et après les pays du camp socialiste, pour qui, sur fond de l’antisémitisme traditionnel des peuples slaves, l’anti-Israël entre dans la stratégie et la tactique d’une certaine constellation politique, ce discours est devenu le discours de toute la gauche. Les étoiles ne mentent pas ; les Gomulka savent sur quoi ils peuvent tabler : C’est de bonne guerre!
Et là-dessus, pas un mot à retirer. Le pire, c’est que la gauche intellectuelle, qui se veut libre de tout appartenance au Parti, reprend l’image à son compte. Pendant des années – pour parler de l’Allemagne – on a célébré les constructeurs de digues israéliens et les vaillantes jeunes filles en uniforme. Le sentiment de culpabilité cédait la place à de la fausse monnaie. Ça devait devenir ennuyeux. Une chance que pour une fois le Juif n’ait pas été brûlé mais qu’il apparaisse comme un vainqueur viril, comme lanceur de napalm, etc. Un soupir de soulagement traversa le pays. Tout un chacun pouvait parler comme le Deutsche National- und Soldatenzeitung ; et tout homme ou femme de gauche de se trouver contraint à suivre la routine du jargon de l’engagement. Une chose est sûre : l’anti-Israël comme l’antisionisme portent l’antisémitisme comme la nuée porte l’orage.
Il peut parler une langue crue dans laquelle l’état d’Israël est « un état criminel ». Il peut aussi mettre des gants et évoquer une "tête de pont de l’Impérialisme" pour s’en prendre, avec l’intonation appropriée, à la solidarité mal comprise qui, à part quelques exceptions louables, lie pratiquement tous les Juifs à cet état minuscule ; et il peut encore s’indigner de ce que, à Paris, le baron Rothschild fasse supporter à la population française l’aide à Israël comme un véritable impôt.
L’antisémitisme fait flèche de tout bois. L’infrastructure émotionnelle est là, loin de se limiter à la Pologne ou à la Hongrie. L’antisémite "démystifie" l’état pionnier en toute bonne conscience. Il découvre que la création de cet état a toujours eu l’appui du capitalisme, sous la forme de la ploutocratie juive : mais cela, il ne peut l’exprimer aussi clairement ; ce serait un véritable lapsus idéologique. Pourtant - c’est l’or juif! – personne ne va se tromper quant au bien fondé d’un pays qui est né d’une mauvaise idée, s’est établi là où il ne fallait pas, et qui a mené une ou plusieurs mauvaises guerres dont il est sorti vainqueur.
Les malentendus deviennent des vraisemblances. Je sais aussi bien que tout un chacun qu’Israël a objectivement le rôle malheureux de l’occupant. Je ne cherche pas à justifier tout ce qu’ont pu entreprendre les divers gouvernements israéliens. Mes relations à ce pays que Thomas Mann décrivait comme un "pays méditerranéen, pas vraiment accueillant, désert de poussière et de pierres ", sont pratiquement nulles : je n’y suis jamais allé, je ne parle pas sa langue, sa culture m’est dans une très large mesure étrangère, sa religion n’est pas la mienne. Et pourtant, le maintien de cet état m’importe bien plus que celui de n’importe quel autre.

[...]

Lire la suite

http://www.israel-infos.net/article.php?id=3404

ø

 

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire

© 1989 / 2009