Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

Micheline Weinstein

Introduction à la Lecture / Spectacle

« À la bonne Adresse »

par la Compagnie Le GrandTOU

Français / Anglais

Sanguine

« Mains » • Astrid

ø

Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • « L’Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object.
Samuel Beckett • “The Uspeakable one”

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

Ø

Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

point

ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

ø

© Micheline Weinstein  / 20 mai 2013


 

Introduction à la Lecture / Spectacle

 

 

À la bonne adresse

par

 

La Compagnie Le GrandTOU

 

 

 

 

 

La Compagnie Le GrandTOU est ainsi nommée en hommage à Karl Valentin, inoubliable artiste des cabarets de l’Allemagne des années trente, qui créa le T.O.U., le Théâtre Obligatoire Universel, dans son texte intitulé « Pourquoi les théâtres sont vides ».

Elle présente aujourd’hui « À la bonne adresse », petit livre du journaliste et écrivain hollandais Bert Kok, dont les extraits en cours de réalisation sont interprétés par deux comédiens, Laure Trainini et Thomas Montpellier, un musicien, les violoncellistes Lucien Debon et Hanna Salzenstein. Les lumières sont assurées par Romain Titinsnaider, la vidéo de lancement est réalisée par Philippe Jamet, et son montage / vidéo ciselé par Jean-Marie Roignant.

« À la bonne adresse » retrace l’histoire, dans Amsterdam occupée par les nazis, d’un groupe d’hommes et de femmes jeunes, parfois très jeunes, non-Juifs, nommés à Jérusalem Justes parmi les Nations, qui, sous le nom de Société Anonyme, s’est spontanément formé pour sauver de l’extermination 250 enfants juifs, et parmi eux des bébés.

Seule une fillette mourut de maladie. Tous les enfants échappèrent à la déportation.

Bert Kok est né en 1949.

C’est à l’instigation de son ami Max Arian que Bert Kok écrivit le récit de « Aan het goede adres » en 1985, qui fut traduit en allemand par Mirjam Presser en 1986 et en français par Micheline Weinstein en 1989.

Auteur de plusieurs livres pour enfants et adolescents ainsi que de pièces de théâtre, il publie également des contes dans des périodiques et écrit la page hebdomadaire destinée aux jeunes lecteurs du journal Het Parool [Le Mot de Passe].

Max Arian, qui m’a passé ce récit en 1986, auteur de la postface, journaliste et écrivain, était l’un de ces 250 enfants.

« À la bonne adresse », récit de ce sauvetage pour petits et grands enfants de tous âges, est un exemple de courage et de solidarité à portée universelle, un message d’espoir.

La postface à ce petit livre, par Max Arian, lui-même enfant caché, place en exergue ces paroles de Jacob Presser [1899-1970] :

 

Peut-être y aura-t-il un jour quelqu’un pour écrire ce petit livre sur les enfants juifs en ce temps-là.

Dr. J. Presser • Ondergang [Clandestinité]

En voici un extrait :

 

Dans son ouvrage en deux volumes, Ondergang, J. Presser relate la déportation et l’assassinat de plus de 100 000 Juifs néerlandais par l’Occupant allemand pendant la Seconde Guerre Mondiale. S’il n’a pu consacrer que quelques pages à ces enfants, il estimait pourtant que leurs vies justifiaient tout un petit livre. Ce livre devrait être écrit par quelqu’un qui ne s’attacherait pas à faire de l’esbroufe en accumulant les détails chargés d’émotion, mais à retracer l’ordinaire, la simple vie de tous les jours. [...]

Je me suis rendu compte fort tard que j’avais fait partie d’un groupe d’enfants sauvés d’une mort certaine. Ce qui n’allait pas de soi. Une organisation avait donc été nécessaire au départ pour réaliser ce sauvetage.

Comment se fait-il alors, qu’il ait fallu attendre 1982 pour que l’on parle enfin de la N. V. (Naamloze Vernootschap - Société Anonyme) ?

C’est tout simple. Les membres du groupe s’étaient préservés contre toute manifestation de reconnaissance à leur égard. La guerre finie, ils étaient heureux d’avoir accompli leur tâche et ne désiraient pas qu’on leur en rende hommage.

Ne s’étant jamais identifiés à des résistants, ils évaluaient leur aventure à l’aune d’une simple “aide humaine”.

Pourquoi s’étaient-ils tout spécialement occupés d’enfants ? Eh bien d’abord, parce qu’à cette époque, ils étaient eux-mêmes tellement jeunes qu’on leur prêtait à peine attention...

 

Nous avons francisé certains prénoms et noms propres de « À la bonne adresse », comme ce fut fait en allemand pour l’édition allemande.

Notre association, fondée en 1986, a édité ce petit livre grâce aux cotisations de ses abonnés.

Une première version audio/vidéo (+ DVD) d’extraits de « À la bonne adresse », interprétée par Laure Trainini seule, datée de 2003, figure sur notre site à l’adresse suivante :

 

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/media/a-la-bonne-adresse-.html

 

Nous n’en avons reçu aucun écho, excepté à présenter ce petit livre en 1992 devant le B’nai B’rith Jeunes et, grâce à Marcel Stourdzé, devant la Fédération des Sociétés Juives de France.

Depuis 26 ans, nous n’avons trouvé aucun réalisateur, aucun metteur en scène, aucune subvention, aucun éditeur, français, aucune institution, y compris pédagogique, intéressés par cette aventure exemplaire. Ce n’est pas faute d’avoir arpenté...

Je m’en suis, et en reste, étonnée.

C’est pourquoi nous fûmes particulièrement heureux, en cette année 2014, de recevoir sous forme d’une subvention le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, que nous remercions chaleureusement.

Le 17 janvier 2007, lors de la cérémonie officielle au Panthéon destinée à honorer le sauvetage des Juifs par Les Justes français, je fus surprise d’entendre, lors de l’allocution d’ouverture, taper sans nuances sur la Hollande pour ce qui aurait été sa collaboration globalisée avec les nazis, à coups de comparaisons de chiffres (!?), exclusives, donc à mon sens, abusivement ineptes.

Cela n’a pas cessé depuis.

Et étrangement, de la part de personnalités juives françaises très écoutées, à la tête d’institutions majeures.

Leurs raisons m’en échappent où, pour le moins, me paraîtraient bien légères.

À l’exception du remarquable sauvetage d’enfants, effectué par des Justes (non-Juifs) français, individuels et de villages, grâce à des réseaux privés, juifs, protestants, catholiques, communistes ou sans affiliation particulière, il serait peut-être intéressant d’examiner de plus près ce qu’il en fut de la solidarité envers les adultes, c’est-à-dire la proportion de Juifs autochtones soustraits à la déportation, issus de classes aisées, principalement celle de dits “Israélites français” depuis l’Affaire Dreyfus, comparée à celle des Juifs étrangers épouvantés, souverainement toisés par certains des “leurs” comme piétaille apatride, indésirable, issus de la MittelEuropa, de Russie et d’Allemagne...

Du plus loin que l’on sonde le temps, hier, aujourd’hui (et... demain), perdure le “narcissisme intrinsèque des petites différences” qui anime le « Malaise dans la civilisation » décrit par Freud.

La magnifique aventure contée dans ce petit livre rend d’autant plus grands les un-par-uns courageux de toutes provenances pour leur solidarité silencieuse, au prix de leur vie, et il est arrivé, hélas, que nombre d’entre eux la perdent.

Peut-être, avant de souligner négativement en France le rôle des Pays-Bas pendant la 2e G. M., aurait-on avantage à lire l’étude dense de Jacob Presser* (556 pages), non traduite en français, précise, parfaitement documentée, accompagnée de photos, de cartes, d’affiches, publiée sans succès en 1965, laquelle, je le répète, a valeur universelle. De même pour l’Allemagne, aurait-on avantage à lire le petit livre « La Rose Blanche », dont la traduction en français fut publiée également sans succès par Les Éditons de Minuit en 1955, et rééditée en 2008. Le film de 1982 « Die Weiße Rose » de Michael Verhœven, resté inédit au cinéma, fut diffusé en allemand sur Arte en octobre 2010, et le livre adapté et présenté en allemand sous forme d’opéra à Nantes et Angers en janvier et février 2013.

 

* Jacob Presser, Ondergang [Clandestinité], Amsterdam, 1965 (épuisé depuis près d’un demi-siècle). Traduit en anglais par A. Pomerans sous le titre Ashes in the Wind - The Destruction of Dutch Jewry [Cendres dans le vent - La Destruction des Juifs Néerlandais], Souvenir Press, 1968 (épuisé depuis près d’un demi-siècle). Un exemplaire se trouve, en anglais, au Mémorial, ex-CDJC, Sara Halperyn me l’avait photocopié.

 

Voici un aperçu de la conclusion de Presser :

Nombreux sont ceux pour avoir affirmé que les Néerlandais furent corrompus par leur contact avec les nazis durant la guerre, mais un examen soigneux a montré que les faits sont de loin plus complexes, et que la vérité continue de persister dans le vieil adage proprium ingenii humani est odisse quem læseris - c’est le propre de l’humain de haïr qui il a offensé [Tacite]. Nul doute que le sentiment de culpabilité que tant de non-Juifs ont reconnu est à l’origine de tout cela. Il a souvent été dit que chaque Hollandais digne de ce nom aurait dû s’engager dans la Résistance. Faut-il alors s’étonner que tant de gens qui ne l’ont pas fait se délestent aujourd’hui de leurs sentiments sur ceux dont l’appartenance fut un rappel constant de leurs insuffisances ? “La calomnie massive était la face sale de la médaille, dont l’autre face montra l’or de la véritable compassion. Calomnie et compassion existèrent côte à côte. Les deux relevaient d’une même situation... et peu après l’Occupation, on put trouver les deux chez les mêmes humains”, écrit L. de Jong, « Jews and Non-Jews in Nazi-Occupied Holland » in On The Track of Tyranny (London, 1962), p. 134.

Nous pourrions poursuivre à l’infini... Mais nous en avons assez dit. En même temps que l’histoire, la vie continue, “mais il se peut que, parfois, il y en ait un qui se souvienne”.

                   Celui qui s’est ici souvenu s’est efforcé d’être fidèle.

Requiescant

(Qu’ils reposent en paix)

Jacob Presser

Micheline Weinstein

20 mai 2013 - 16 février 2015

 

Astrid
 


Introduction to the Reading / Performance

 

In the Good Place

 

by

 

The Troupe Le GrandTOU

 

Translated by Carole Lehmacher

      

The Troupe Le GrandTOU is thus named in homage to Karl Valentin, unforgettable artist in the Germany of the Thirties, who created the T.O.U., the Universal Compulsory Theater, in his text entitled « Why the theaters are empty ».

It presents today « In the Good Place », little book of the Dutch journalist and writer Bert Kok, whose under way’s extracts are performed by two actors, Laure Trainini and Thomas Montpellier, a musician, the cellist Thibaut Reznicek. The lights are carried out by Fabrice Bihet, the launch video is produced by Philippe Jamet, and its editing carved by Jean-Marie Roignant.

« In the Good Place » tells the story of a group of non-Jewish, young, sometimes very young men and women, in Nazi-occupied Amsterdam, appointed in Jerusalem « Justes » Amoung the Nations, which, spontaneously came together under the name « Anonymous Society », to save from extermination 250 Jewish children, amoung which were babies.

Only one little girl died of illness. All the children evaded deportation.

Bert Kok was born in 1949.

Author of several books and plays for children and adolescents, he also publishes tales in magazines and writes the weekly page aimed at the young readers in the newspaper Het Parool[The Password].

Max Arian, who gave me that story, author of the postface, journalist and writer, was one of these 250 children.

« In the Good Place », story for small and big children of that rescue, is an example of courage and human solidarity with universal significance.

The postface to this little book, by Max Arian, himself a hidden child, underlines these words of Jacob Presser [1899-1970] :

 

Someday, maybe there will be someone to write this little book of the Jewish children in those days.

Dr. J. PresserOndergang [Downfall]

Here is an extract :

 

In his two-volume work, Ondergang, J. Presser recalls the deportation and assassination of more than 100 000 Dutch Jews by the German occupier during the Second World War. Even though he could only consecrate a few pages to those children, he reckoned nevertheless that their lives deserved a whole little book. This book should be written by somebody who wouldn’t hustle over the details emotionally charged, but would recount the ordinary, the simple everyday life. [...]

I became aware very late that I had belonged to a group of children saved from a certain death. Which wasn’t self-evident. An organization had thus been necessary at the outset to carry out this rescue.

How come then, that it took 1982 for finally talking about the N. V. (Naamloze Vernootschap – Anonymous Society).

It is quite simple. The members of the group had preserved themselves from any demonstration of gratitude to them. After the war, they were happy to have carried out their task and did not want one paying them homage. Not having identified themselves as members of the resistance, they assessed their adventure in terms of a simple “human assistance”.

Why had they especially taken care of children ? Well first because they were themselves so young people in those days that one lent them scarcely attention…

 

We have gallicized some first names and proper nouns of « In the Good Place », as was done in German for the German edition.

I translate it into French in 1989. Our association published this little book at the author’s expense.

A first audio/video version (+ DVD) of extracts from « In the Good Place », interpreted by Laure Trainini alone and dated 2003, appears on our website at the following address :

 

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/media/a-la-bonne-adresse-.html

 

We received no feedback.

Since 24 years, we have found no French director, producer, subsidy, publisher, no institution, including educational, that would be interested in this exemplary adventure. It is not for lack of having searched...

I was and remain astonished.

I was surprised to hear on January 17th, 2007 the opening address of the official ceremony at the Pantheon to pay tribute for the salvage of the Jews by the French « Justes ». Banging without nuance on Holland for what would have been its globalized collaboration with the Nazis, shotting compared numbers, exclusive, this speech was therefore, in my opinion, abusively inane.

This has not stopped since.

and strangely, from very well listened French Jewish personalities, in charge of major institutes.

Their motives escape me, at the very least, or would seem very lightweight.

Except for the remarkable rescue of children carried out by some French non-Jews « Justes », individuals as well as villages, through private Jewish, Protestant, Catholic, Communist networks or without particular affiliation, it might be interesting to take a closer look on what has been the solidarity towards the adults. Since the Dreyfus affair, what has been the proportion of the well-off native Jews shielded from deportation, primarily of the so-called “French Jews”, compared to those terrified foreign Jews, supremely regarded by some of “theirs” as undesirable stateless rank and file, from Mitteleuropa and Germany…

The further we probe time, yesterday today (and… tomorrow), continues the “inherent narcissism of small differences” that animates the “Civilization and Its Discontents” described by Freud.

Each of those courageous individuals from any origin, who risked their life and happened to loose it, are made all the greater by their silent efficient solidarity.

Maybe, before underlining negatively in France the role of the Netherlands during the 2nd G. M., as it would be had advantage to read the dense study of Jacob Presser* (556 pages), not translated into French, specifies, perfectly documented, accompanied with photos, with maps, with posters, published unsuccessfully in 1965, which, I repeat him it, has universal value. Also for Germany, as it would be had advantage to read the small book « La Rose Blanche », the translation of which in French was also unsuccessfully published by the Éditions de Minuit in 1955, and republished in 2008. The movie of 1982 « Die Weiße Rose » of Michael Verhœven, remained unpublished in the cinema, was broadcasted in German on Arte in October 2010, and the adapted book and presented in German in the form of opera in Nantes and Angers in January and February 2013.

* Jacob Presser, Ondergang [Underground], Amsterdam, on 1965 (exhausted since almost half a century). Translated into English by A. Pomerans under the title Ashes in the Wind - The Destruction of Dutch Jewry, Remember Press, on 1968 (exhausted since almost half a century). A copy is, in English, in the Memorial, the ex-CDJC, Sara Halperyn had photocopied it to me.

 

Here is an outline of Presser’s conclusion :

 

Many people nave contended that the Dutch nation was contaminated by contact with the Nazis during the war, but a careful examination has shown that matters are far more complicated than that, and that there is still a great deal of truth in the old saying proprium ingenii human spirit est odisse quem læserisit is in the human spirit to hate whom it has wronged. No doubt, at the root of it all is a feeling of guilt, to which so many non-Jcws have confessed. It has often been said that every Dutchman worth his salt ought to have been in the Resistance.

Is it any wonder, then, that so many who were not, now vented their feelings on those whose very presence was a constant reminder of their shortcomings ?

 

Generalizing vilification was the bad side of the medal which on the other side showed the gold of true compassion. Vilification and compassion were complementary. Both resulted from the same situation and both were to be found in the same human heart shortly after the occupation. And so we could go on. But we have said enough. Like history life continues, “but sometimes there, must be one who remembers[cf. L. de Jong, « Jews and Non-Jews in Nazi-Occupied Holland » in On The Track of Tyranny, London, 1962, p. 134.]

 

The one who has here remembered has striven to be faithful.

Requiescant.

Jacob Presser

 

Micheline Weinstein

 

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
© 1989 / 2015
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