© Micheline Weinstein
4 • Suite Journal ininterrompu par
intermittence 1967-2020
Extension
des post-it empilés en vrac
Ich will Zeugnis ablegen bis zum letzten
[Je veux témoigner jusqu’au
dernier jour]
Victor Klemperer • Journal 1933-1947
2020
Ma devise ou
vœu pieux d’une agnostique = Antisémites
de tous les pays, désunissez-vous !
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12 janvier 2020
Pour cause d’impedimenta
externes impératifs sans intérêt, excepté quelques incises quand je trouve une
plage de temps libre, mon Journal… est en rade depuis des mois.
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Abus sexuels
Freud 1938, quelques
mois avant sa mort
[…] On a dit de l’enfant qu’il était psychologiquement le père de l’adulte et que les événements de ses premières années
avaient, sur toute
son existence, des retentissements d’une importance
primordiale.
L’expérience analytique confirme cette assertion. C’est pour cette raison que la découverte éventuelle
d’un événement capital survenu dans l’enfance présente pour nous tant d’intérêt. Notre attention
doit être attirée d’abord par les répercussions de certaines influences qui, si elles ne s’exercent pas sur tous les enfants, sont malgré tout assez fréquentes : abus sexuels perpétrés par
des adultes, séduction
par d’autres
enfants
un peu plus
âgés (frères ou sœurs) et, chose à laquelle on ne s’attendrait pas, impression produite par la participation comme
témoin auditif ou visuel à des rapports sexuels entre adultes (entre les parents), cela à une époque de la vie où de semblables scènes sont censées n’éveiller ni intérêt, ni compréhension et ne pas se graver dans la mémoire. Il est facile de montrer combien la réceptivité sexuelle de l’enfant est éveillée par de pareils faits et comment alors ses propres tendances sexuelles peuvent être canalisées dans des voies dont elles ne pourront plus sortir. Comme ces impressions sont soumises au refoulement, soit immédiatement, soit dès que leur souvenir resurgit, elles fournissent une condition propice à l’éclosion d’une compulsion névrotique qui, plus tard, empêchera le moi de contrôler la fonction
sexuelle et le poussera probablement à se
détourner
de celle-ci de façon permanente. Cette dernière réaction engendre une névrose, mais si elle ne se produit pas, il peut y avoir développement de perversions ou bouleversement total de cette fonction dont l’importance est capitale non
seulement pour la reproduction mais pour l’existence tout entière. […]*
* Peut-être
serait-il intéressant de rappeler le chemin parcouru par Freud depuis l’“abandon
de la neurotica” en 1897, à la naissance de la psychanalyse, lequel s’adressait
aux seules hystériques, et dont il écrivait à Fliess : …il n'existe aucun indice de réalité dans
l'inconscient de telle sorte qu'il est impossible de distinguer la vérité et la
fiction investie d'affect. Freud n’avait pas encore rencontré Ferenczi
(1908), rédigé partiellement pour cause de discrétion professionnelle son
observation de l’Homme aux Loups (1914-1915), dans laquelle il relève l’abus
sexuel commis sur lui “encore tout petit” par sa sœur, relate la scène entre
ses parents à laquelle Serguéi Pankejeff avait assisté, du coït anal subi par
sa mère…
De mon
côté, je me suis souvent demandé si Dora ne s’était pas jouée de Freud, si elle
n’était pas davantage perverse qu’hystérique, mais nous savons depuis qu’un
symptôme n’exclut pas l’autre…
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Affaire Matzneff 2019 - 2020
À propos des hymnes actuels et
répétés à Céline
Certains
commentateurs médiatiques TV affirment que Céline, non seulement n’a pas
dénoncé de Juifs, mais aussi qu’il en a soigné quelques naïfs sous l’Occupation
pendant la Deuxième G. M.
Pour aller
au plus bref, sur ce second point : Céline, en tant que médecin
généraliste était tenu de respecter les prescriptions du code CSP (Catégorie
socio-professionnelle), dont l’un des alinéas stipule : Le refus de soins ne pourra
être fondé sur des motifs discriminatoires. Il ne sera pas possible en cas
d’urgence.
Quant aux dénonciations par
contre, Céline ne s’en est pas privé. Le 10 mars 2018, lors d’une mise à jour de notre site qui par manque de moyens
financiers est un capharnaüm, j’y
plaçai les informations suivantes :
Suite à sa candidature au poste de
médecin-chef du dispensaire de Bezons
en remplacement du Dr Joseph Hogarth, interdit d’exercice, le 3 novembre 1940*
Citations
“Je trouve qu’il y a un peu beaucoup
de médecins juifs et maçons à Bezons. En exclusivité par les temps actuels, je
trouve qu’il serait harmonieux qu’un indigène de Courbevoie - médaille
militaire et mutilé de guerre - y trouve sa place naturelle.
Au
conseil de l’ordre de Seine-et-Oise, après sa nomination comme médecin
assermenté le 21 décembre 1940 :
“Je soussigné Destouches
Louis-Ferdinand, docteur en médecine (certifie) :
1° que je ne suis pas juif
2° qu’installé à Bezons
(Seine-et-Oise) déclare avoir pris connaissance du code de déontologie et m’engage
sur l’honneur et par serment à observer les prescriptions du code
3° m’engage à faire crever tous les
juifs et enjuivés de la médecine et d’ailleurs, qui se foutent actuellement de
nous plus que jamais.”
* In Bruno Halioua, Blouses blanches et étoiles jaunes, Éd. Liana Lévi, 2000.
Référence : Commissariat général aux
questions juives [CGQJ] (AN, AJ 38-66)
Sur l’addiction d’intellectuels et de leurs éditeurs
à Céline, à Sade et alii…
À titre
d’indication, je proposerais la lecture de deux textes parus dans nos
éditions-papier et disponibles sur demande :
• Céline,
Sein Kampf, par Georges
Ralli, paru en juin 1989 ;
• Le pervers et son image [dont Sade], par Saïd Bellakhdar, paru en juin 1993
Cf.
ci-dessous les sommaires des deux parutions.
2 • ENTRE L’AVANT ET L’APRÈS
M. Weinstein • Cinquante ans après
M. Dreyfus • Entre l’Avant et l’Après
G. Ralli • Céline, Sein Kampf
17 - 18 • LA PSYCHANALYSE A-T-ELLE
TOUJOURS VINGT ANS ? + CASSETTE
*** Audit du public
S. Bellakhdar • La psychanalyse a-t-elle toujours vingt ans ?
W. Borchert • alors, dis NON !
S. Bellakhdar • Le pervers et son image
T. Peyrard • Venise
B. Brecht • Ballade de Marie Sanders «Putain aux juifs » • Poème en allemand et en français dits par E. Schegel et
R Meigney
M. Weinstein • « Ce serait merveilleux... »
19 janvier 2020
Après son
appropriation par la philosophie de la psychanalyse selon Freud,
sa progressive néantisation en tant que
discipline autonome
Je viens seulement de
trouver un éclairage au sujet de mon interrogation réitérée sur l’emploi à la
mode, pédante en même temps que peu documentée, du vocable schizophrène pour désigner abusivement le clivage de la pensée et
donc des actes qui s’ensuivent, au détriment de celui de pervers, une majorité d’institutions-modèles étant établie sur la
base de la structure perverse.
Les temps, la vitesse
effrénée ne favorisant plus guère la lecture attentive, je me contenterai
aujourd’hui, à l’intention de lectrices et lecteurs éventuellement intéressés, de
reproduire quelques extraits d’un livre qui n’a pas connu l’honneur d’être
invité par « La Grande Librairie », celui de Roger Scruton, L’Erreur et
l’Orgueil • Penseurs de la gauche moderne.
Comme Platon, j’ai
tenté dans ce livre de remettre la responsabilité de la discussion entre les
mains de ceux qui l’ont initiée. Et comme Platon, je sais que ce fardeau ne
sera jamais accepté.
Roger Scruton
Extraits
Plus rien n’a de sens, et c’est cela, la révolution, c’est-à-dire une
machine à anéantir le sens. Cette machine fut construite par Jacques Lacan,
Gilles Deleuze et d’autres, à partir de bribes abandonnées de psychologie
freudienne, de linguistique saussurienne, et rattachée au moulin à paroles
hégélien de Kojève, qui permettaient de la gonfler d’air chaud. Mais elle
survécut à ses créateurs et on peut en trouver une version dans presque tous
les départements de sciences humaines, aujourd’hui.
[…]
Le cadre de la machine à non-sens fut assemblé par Jacques Lacan, le psychiatre excentrique dont
les Écrits publiés en 1966, eurent un impact énorme sur les étudiants en révolte, à la cause desquels il se
rallia publiquement. Lacan fut décrit par Raymond Tallis comme « le psy venu de l’Enfer », des
mots qui définissent bien les pratiques d’un psychanalyste qui pouvait voir dix
clients en une heure, parfois en présence de son coiffeur, de son tailleur ou
de son pédicure, et qui soignait ses patients en leur apprenant à parler, penser et ressentir dans le même langage
paranoïde que leur médecin. Mais mieux vaut ne pas être trop sévère avec Lacan
à cet égard. Les psychanalystes assoient leur renommée grâce à leurs
idées, pas grâce à leurs succès thérapeutiques
[…]. Quant à la renommée d’une idée, elle résulte de son
influence, pas de sa vérité.
[…]
De Badiou à Žižek, les disciples de Lacan se sont réjouis de la découverte
qu’il nous a léguée, et il est facile de comprendre pourquoi, Derrida avait mis
en doute, dans sa théorie de la déconstruction, la possibilité d’un sens
quelconque. Avec Lacan, nous avons la preuve qu’il n’est pas nécessaire d’avoir
un sens quelconque, dans tous les cas. On peut énoncer un discours dénué de
sens page après page, et tant que quelques « mathèmes » sont injectés
dans le texte, tant qu’on conserve une attitude de certitude inébranlable,
qu’on dispose d’une révélation dont on est seul détenteur, on aura fait tout ce
qui est nécessaire en matière de contribution à la « conscience
révolutionnaire » émergente.
[…]
Selon deux praticiens deleuziens
Le
corps sans organes [CsO] est une présupposition de la forme et du sens, et par
conséquent ce qui se rapproche le plus de la
description figurative de l’immanence faite par Deleuze. Un espace lisse de
mouvement et de transition purs qui en tirera sa forme : l’espace lisse du CsO est lui-même irrésistible. Ce qui compte, dès
lors, est son rapport à l’organisation,
que ce soit celle des entités personnelles ou sociales, et le temps est alors
balisé par la création mécanisée d’un corps ou système social.
On peut comprendre par-là pourquoi Deleuze et Guattari
pensent avoir trouvé la véritable explication de la schizophrénie [M. W. = je souligne].
La formule « corps sans
organes » (CsO), que Deleuze et Guattari utilisent pour
désigner le corps dans son état virtuel - le corps qui n’est pas encore « actualisé
» par les relations - est empruntée au dramaturge surréaliste Antonin Artaud.
Ils avancent que la schizophrénie est précisément ce qui doit arriver lorsque
le CsO est touché par le capitalisme c’est de cette façon que nous trouvons
notre humanité quand l’« œdipianisation »
imposée par le système de la consommation vide le réceptacle biologique qui
contient l’être humain. Bien sûr, certains détails restent à éclaircir. Slavoj Žižek fait
référence à la Logique du sens de
Deleuze en ces mots :
Le flux
productif du pur devenir (…) n’est-il pas d’un côté, le CsO,
le corps pas encore structuré ou déterminé en tant qu’organes
fonctionnels ? Et, de l’autre côté, les OsC (organes sans corps) ne sont-ils pas la virtualité du pur affect extrait de
tout enracinement dans le corps ?
À l’évidence, une fois ce langage adopté, on peut poser
mille questions et, même si elles n’ont pas de réponses, cela ne fait
qu’ajouter au sens de leur pertinence et de leur profondeur.
[…]
De la machine à non-sens deleuzienne découle un beau style universitaire, qui
propose une syntaxe sans sémantique. On
ne compte plus les tournures de phrases nécessitant une profonde concentration et un effet à la limite de la pensée
abstraite et mathématique. Quand une
idée réelle fait son apparition, elle est hors contexte, amputée de ses
fondations, réduite à éparpillement
de détails techniques déracinés. Le style permet ainsi à la pensée et à la
non-pensée d’être sur un pied d’égalité, par l’emploi des mêmes tournures de
phrases et des mêmes structures argumentatives. Les bénéfices autrefois
apportés par la vérité, la validité et l’argument rationnel disparaissent
d’un coup, et on vous présente le matériau nécessaire à la construction d’une
impressionnante carrière universitaire bâtie sur le néant. Ceci étant, quelle
que soit la carrière que vous construisez, une chose est certaine : vous êtes « à gauche »
sur le plan politique, blanchi par toutes les causes justes du moment (quelles
qu’elles soient), et donc à l’abri de toute critique
sérieuse. Votre discours universitaire c’est celui de la distraction, de la
libre expression, de la jouissance.