© Tania Bloom
[Micheline Weinstein]
Suite Journal ininterrompu 1967-2018
Ce Journal ininterrompu sera mon testament-témoin. J’ignore encore aujourd’hui si le temps qui m’est compté me permettra de recenser l’ensemble de mes travaux depuis 1967, dont une volumineuse partie figure sur notre site. J’essaierai ici d’en résumer le contenu.* |
M. W. |
* N. B. Après mon départ pour un autre monde. Saïd Bellakhdar, sans lequel, ni l’association ψ [Psi] LE
TEMPS DU NON, ses publications-papier, ni son site et ses publications, n’auraient été créés depuis 1989 sous leur forme encore actuelle, a bien voulu accepter de se charger de recueillir l’ensemble de mes travaux et de veiller à leur devenir.
Extension des post-it
• Juin 2016 à 2018
En vrac
07-08 avril 2018
Lettre à Saïd
Bellakhdar
Cher Saïd
Au cours de mes lectures ce matin, j’ai relevé un concept qui me sauve en cas de pertinence de celui à sens variable, parfois contraire,
d’“intérêt” : benevolence.
Un exemple de mon espérance d’autrefois de béotienne ès nature humaine.
Vous souvenez-vous, lorsque dans les débuts de notre association et
hélas pendant des années j’avais foi, sans même y penser, en l’honnêteté intellectuelle
des auto-intitulés - ou simplement cooptés en interne - “psychanalystes” dans l’école
de Lacan, avec lesquels je croisais ? Ils n’étaient en réalité, confirmée jusqu’aujourd’hui, que mondains, privilégiés,
snobs, nantis ou gandins nouveaux riches, votant à gauche, s’exonérant avec hauteur
de se pencher sur le sort de la roture. Plutôt que faire évoluer la
psychanalyse, la régénérer aux plans théorique et thérapeutique, ils la
laissèrent perdurer en l’état devenu déliquescent depuis plus d’un siècle. Ils n’en
fichaient pas une rame, sinon ressasser à l’identique tels des psittacidés les
leçons, les calembours du maître, dans les réunions de travail ne parlaient
chacun-e que de leur “MOI” privé (dont par exemple leurs problèmes de couples),
causeries décrites une ultime fois par François Perrier en 1985 dans la Translacanie.
Sans qu’aucun écho ne lui en revienne évidemment, tout comme il fut du silence
dédaigneux devant le Lacan se trompe de Françoise Dolto en 1983… S’identifiant avec condescendance à la classe dominante
à laquelle ils aspiraient devant qui s’avançait à développer une réflexion
autonome, ils se prosternaient devant le chef de secte, lequel se dédouanait de
toute responsabilité quant à la nomination de “psychanalyste” avec son l’analyste ne s’autorise que de lui-même,
s’arrogeant la place du Dieu chrétien où seul Dieu est affranchi de la perversité
humaine en attribuant à chacun la liberté
totale d’être lui-même, avec le risque donc d’agir en conséquence.
Lacan, par l’intermédiaire de Solange Faladé, avait néanmoins
sollicité une reconnaissance d’utilité publique pour son école auprès de Simone
Veil, alors ministre de la Santé au sein du gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing. Ce lui fut refusé, fort heureusement*.
Car sa tentative d’OPA sur la psychanalyse aurait ainsi été publiquement entérinée
et, en fait d’hégémonie, n’auraient alors été nommés au titre de psychanalyste
que les candidats émanant de son EFP. Depuis 40 ans en France, aucune
institution psychanalytique en appelant à une telle responsabilité ne s’est
plus aventurée à une titularisation nominale. Bien que la SPP soit reconnue d’utilité
publique, elle ne nomme pas et ne délivre son aval qu’au terme d’un cursus
approfondi seulement en qualité de membre de l’institution.
* J’ai, dans mes
archives privées, une lettre de Simone Veil, dans laquelle en 1979 elle
qualifie, entre autres observations, le discours de Lacan de abscons.
CRIF : un correspondant s’est exprimé en faveur de la légitimité du
CRIF à user de son influence pour empêcher des élus de participer à la « Marche
blanche pour Mireille Knoll ». Je lui ai répondu que l’ambition d’autorité
du CRIF sur les esprits, quelles que soient leurs orientations, était contraire
aux principes fondamentaux d’une démocratie et que le CRIF, dont témoigne la
particule “des” de son sigle, enclavante :
Conseil représentatif des institutions juives de France, était
similaire à celle récente des Frères musulmans : Mouvement des Musulmans
de France, lequel a rassemblé une foule considérable de fanatisés le 30 mars au
Bourget en l’honneur de Tariq Ramadan.
De plus, l’argumentation de ce correspondant étant émaillée du terme
de “confession juive”, j’ai complété en soulignant ceci que la plupart des
Juifs, du moins à ma connaissance, n’étaient pas “de confession” et que je n’aurai
plus le temps de lui répondre.
Je retourne à ma traduction…
Bonne fin de w. e., Saïd !
Micheline
1er avril 2018
Le 23 mars 2018, Mireille Knoll fut assassinée 4 jours avant le 76e anniversaire du 1er convoi au départ de Drancy pour Auschwitz-Birkenau, le 27 mars 1942.
Échange de courrier avec Laure Trainini au sujet de désinscriptions
De : laureassoc@orange.fr
Objet : Rép : Marche pour Mireille Knoll
Date : 1 avril 2018 11:42:43 HAEC
À : psychanalyse-et-ideologie04@orange.fr
À la suite de la demande de désinscription des “listes de diffusion” de l’Association que nous a adressée Judith Cytrynowicz, chargée de mission - Mémoire et transmission à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, je me pose la question de savoir si nous devons garder ou pas l’adresse nominale de son assistante Régine Socquet. Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez ?
Bon dimanche,
Laure
Ma réponse
De : psychanalyse-et-ideologie04@orange.fr
Objet : Rép : Marche pour Mireille Knoll
Date : 1 avril 2018 13:42:43 HAEC
À : laureassoc@orange.fr
Chère Laure,
Pour la suppression ou non de l’adresse nominale de Régine Socquet, il me semble que le mieux est de demander directement à sa responsable, Judith Cytrynowicz.
Je ne reviendrai que brièvement sur ce que je pense de certaines désinscriptions.
Je me suis jusqu’à présent suffisamment étonnée, à maintes reprises, dans mon Journal 1967-2018… (à suivre…) de l’absence de considération minimale à l’égard de mes travaux depuis 50 ans, dans lesquels je témoigne que la mémoire en occupe la place centrale (cf. objectif de l’association sous notre logo), de mon CV professionnel, ainsi que du manque de retenue devant l’itinéraire d’une survivante (à l'époque bébé, ce qui reste rare) de la déportation des Juifs de France, des médisances stupéfiantes, écœurantes disséminées à mon endroit de la part d’échantillons de la nature humaine, expressément quand celle-ci est juive, dont l’exemple parachevé, c’est-à-dire pathologique, fut représenté dans le cadre des institutions juives médiatiques par Claudine Douillet sous la bannière de Judaïques FM.
Il est vrai que je ne me suis jamais pliée à quelque hégémonie d’où qu’elle émane, ce qui ne me semble pas un motif sérieux pour m’expédier au camp de la mort mémorielle, auquel j’ai réchappé grâce à des êtres humains remarquables, des particuliers, un à un, de toute condition hiérarchique, de provenances géographiques diverses.
Une reconnaissance bienvenue face à cette calamité me fut pourtant adressée avant-hier, à la suite du courrier ci-dessous (29-03-18, Marche pour Mireille Knoll), venant d’un représentant de l'Église catholique, lequel a salué mon, je cite : courage.
Demandez, je vous prie, à Judith Cytrynowicz, de vous transmettre sa réponse à propos de Régine Socquet, le temps me manque - mais la mémoire, malgré mon grand âge, est intacte - pour m’occuper de ces choses.
Merci, Laure,
Micheline Weinstein
29 mars 2018
Hier. Ne m’étant pas pliée à la mainmise idéologique du CRIF sur la marche blanche pour Mireille Knoll, je n’y suis pas allée. Ne respectant pas la parole publique du fils de Mireille Knoll, le mot d’ordre du CRIF a poussé les jeunes générations vers ce qu’il est censé condamner, c’est-à-dire à la haine, aux insultes, aux passages à l’acte envers deux élus de la République, nommément Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. C’est pourquoi, j’aurais souhaité que les Juifs d’en bas* choisissent plutôt d’accompagner en silence Mireille Knoll jusqu’au cimetière de Bagneux.
Depuis hier, de toutes “sensibilités”, la presse, les médias quasi unanimes, avec justesse, l’ont désapprouvée.
Nouvel antisémitisme ? Renouveau de l’antisémitisme me semble plus juste.
* Juifs d’en bas : lire l’entretien entre Vincent Trémolet de Villiers et Barbara Lefebvre [parution de Génération « J’ai le droit », aux éd. Albin Michel] dans Le Figaro du 28 mars 2018, intitulé Le destin des Français juifs est lié à la nation entière.
26 mars 2018
Ce jour : à Laure Trainini
pour diffusion
De : psychanalyse-et-ideologie04@orange.fr
Objet : Commentaire suite à l’info du C.J.F.AI .info@cjfai.com
Date : 26
mars 2018 11:49:51
À : laureassoc@orange.fr
Communiqué : Le BNVCA demande que la lumière soit faite sur l’assassinat d’une femme juive de 85 ans
trouvée morte brûlée dans son appartement et poignardée de 11 coups de couteau,
avenue Philippe Auguste à Paris le 23/3/18.
Mon commentaire
Tania
Bloom (Micheline Weinstein) 26 mars 2018
Pas lu ni entendu grand-chose ce
matin dans les médias (radio-presse…). À quand
l’abandon de l’expression “confession juive” qu’heureusement Le Figaro numérique a mis entre
guillemets ? Sur ce même quotidien, il semblerait que, d’après les
commentaires, je ne sois pas seule à ne pas me reconnaître dans cette pudique
(!) expression. Pendant la 2e G. M., sur
l’étoile jaune et les passeports figuraient en clair,
sans fioriture, “Juif” et “Juive”, et les enfants étaient fichés comme futurs
terroristes.
Tania Bloom
Autre survivante, bébé, de la rafle
du Vel’ d’Hiv’.
Courrier de Saïd Bellakhdar
De : Saïd Bellakhdar said.bellakhdar@gmail.com
Objet : RE: Commentaire suite à l’info du C.J.F.A.I info@cjfai.com
Date : 26 mars
2018 21:43
À : psychanalyse-et-ideologie04@orange.fr
Bonjour Micheline
Il y a dans l’expression « confession
juive » le terme confession qui renvoie, entre autre, à des
expressions qui concerne le christianisme.
Il a été question de la Confession de Torgau puis de
la Confession d’Augsbourg rédigées par Luther, textes qui
« fondent » le luthérianisme. On a parlé depuis cette époque de
diverses « confessions ».
Puis projeté sur d’autres religions : confession
juive, confession musulmane, etc.
Il y a d’autres « projections » comme
« fondamentalisme » qui vient des « fondamentaux », textes
de base, fondamentaux dont la lecture est recommandée aux protestants.
À l’opposé, il y a eu face aux protestants, les
catholiques « intègres » qui désignaient ceux qui s’opposaient
fermement aux protestants. Le sens s’est élargi aux autres religions et plus
particulièrement aux « Levantins ».
Je pense qu’effectivement ces termes, dont
« confession », ne concernent que les chrétiens et n’ont aucun sens
pour les autres. Cela induit beaucoup de confusion…
Amitiés,
Saïd
ø
Remplacé,
dans 19 mars 2018, “je ne suis pas gardienne du temple, je n’adore pas Freud,
ni personne d’autre d’ailleurs.” par “je ne suis gardienne d’aucun temple,
n’adore ni Freud ni personne d’autre d’ailleurs.”
Excellente
analyse de Nancy Huston dans Le Figaro du 24 mars 2018 sur la différence entre les sexes, intitulé « Il n’y a
absolument rien de symétrique dans le désir ».
Sur Europe 1,
le 23 mars 2018, Patrick Rotman et Daniel Cohn-Bendit,
invités à donner leur avis sur 1968. Patrick Rotman en a plus que marre des célébrations des “événements” de 1968 car “Le monde a
changé” grâce aux nouvelles générations. Qui sont ces nouvelles générations sans
pères ni mères, sans grands-pères ni grands-mères ? Se seraient-elles autoengendrées ? Quant à Daniel Cohn-Bendit, dont un
livre sur le football est en cours de parution, il s’émeut du dit-il “plus
beau” slogan surgi sur une affiche d’époque, “Nous sommes tous des Juifs
allemands”. Si ma mémoire ne me trompe, Cohn-Bendit avait fait savoir publiquement
qu’il n’appréciait guère être qualifié de juif.
Oui, le monde
a changé, la nature humaine, pas. Après les abattoirs de la Première Guerre mondiale :
“Plus jamais ça.” Après l’antisémitisme de la Seconde Guerre mondiale :
“Plus jamais ça.” S’ensuivit l’inadéquat slogan “Devoir de mémoire”, emprunté à
Primo Levi (la mémoire ne se décrète pas, ne se soumet pas un doigt sur la
couture du pantalon). Depuis, en toutes occasions et de toutes parts, des giries :
“Plus jamais ça”… Sauf appliqué au terrorisme, alors que des têtes pensantes
(parmi elles, celle de Françoise Dolto) furent dédaignées, ignorées quand, il y
a 40 ans, elles présageaient son surgissement.
Si l’exercice
de sa mémoire était une caractéristique inhérente à l’espèce humaine, cela se
saurait. Qui l’a mis en pratique ? Qui, pour se donner avec complaisante bonne
conscience, a laissé se déployer le terrorisme, a attisé l’antisémitisme rampant
en sourdine sous prétexte d’antisionisme, refleurissant comme des lendemains
qui chantent enfin depuis la Guerre des Six Jours en 1967 ?
S’il y a une
idéologie dans le terrorisme, elle s’est transmise via des slogans basés sur le religieux, dont la teneur, le sens,
furent astucieusement dénaturés et transplantés par des doctrinaires
spécialistes conscients du déni de la
mémoire. C’est une idéologie de la lâcheté, de l’ignorance qui, à coups de
drogues mentales aussi bien que pharmaceutiques (ces dernières ne sont pas
mises suffisamment en relief), mine les esprits tout neufs des jeunes en leur
insufflant la sainteté de la mort sacrificielle et dont les effets toxiques font
délirer, passer à l’acte les psychopathes déclarés ou en devenir. De quoi, côté
courage, donner le bon Dieu sans confession à la fidélité envers “la famille” chez
Al Capone (cf. aussi les films, Le
Parrain, Il était une fois en
Amérique, et dans un autre style, celui des lendemains qui ne chantèrent
pas, Il était une fois la révolution, Le Guépard…).
Oui, le monde
a changé, je dirais plutôt que s’est opérée une hideuse régression. Christine Angot, paraît-il, qui va jusqu’à se réclamer de la
psychanalyse, menace de se suicider si Ruquier la
remercie de ses quérulentes, stupides et méchantes prestations dans ONPC. Elle serait, je pense, capable d’en faire la
tentative.
Pour avoir
traversé la seconde moitié du XXe siècle et
connu les dix-huit années du XXIe, les infantilismes de tous bords ont
fini par épuiser mon instinct de vie. Je commence à espérer partir bientôt, en
pleine possession de mes moyens, dont la mémoire.
Étant archinulle dans tout ce qui relève des domaines
financiers, je ne perçois de ce nouveau monde qu’une certaine idéologie répartie
en quelques signifiants : suprématie de l’argent, engouement de l’égotisme,
rivalités, apprentis-sorciers, par exemple : recherche médicale et
pharmaceutique, neurosciences, ruine de l’esprit humain par frénésie de
robotisation.
Revenons donc
à la psychanalyse et à ma niaiserie. J’attendais de l’après-guerre que
l’histoire de la psychanalyse mette un terme aux étripages du temps de Freud,
aux faire-valoir individuels et entre institutions, aux attaques à la personne,
aux réfutations systématiques la plupart du temps en toute ignorance des
textes, aux spéculations oiseuses, bref, que les psychanalystes aient pour seul
objectif de s’arrimer à l’évolution théorique et pratique de la psychanalyse. Déjà,
en mai 1926, le New York Times notait : “Il est fort regrettable pour la réputation de Freud que ses
théories se prêtent si aisément aux manipulations des ignorants et des
charlatans.” [in Peter Gay]
Je viens de
relire les Minutes de la Société
psychanalytique de Vienne, lorsque la psychanalyse était en cours
d’élaboration. J’ai passé quelques moments hilares à la lecture des hypothèses
ou affirmations de cet essaim d’hommes pourtant probes, immobilisés dans la Neurotica de Freud, de même que dans les
présupposés du XIXe siècle sur la sexualité féminine. Il fallut
attendre le Congrès de psychanalystes de Berlin en 1922 pour que Karen Horney,
soutenue par Jones, fasse part de ses recherches, je cite Peter Gay : “… sur
la nature spécifiquement féminine, se refusant à admettre le point de vue de
Freud selon lequel la féminité s’acquière par le renoncement successif à des
traits masculins.” Peter Gay poursuit : “Quelles que soient les raisons,
affirme Karen Horney, les conclusions dont fait état la psychanalyse au sujet
des femmes sont franchement inacceptables, non seulement au regard du
narcissisme féminin, mais plus généralement au regard de la science
biologique.”
J’ai métaphorisé
ainsi la menace de castration qui terrorise l’enfant, élargissant à son
intellect le concept strictement sexuel : interdiction de penser et de dire,
sous peine d’être pénalisé. Ce qui peut être désigné par dictature.
Relecture de Dostoïevski et le parricide, que Freud
présente en contre exemple dans sa contribution au procès Halsmann.
21 mars 2018
À Jacques Sédat
De : psychanalyse-et-ideologie04@orange.fr
Objet : Épilogue
Date : 21 mars 2018
Cher Jacques Sédat,
Passer une seconde fois, ici après une longue parenthèse, par une déconvenue permet d’authentifier la première.
Je ne reviendrai donc pas sur mes maintes remarques attristées à propos des postures infantiles adoptées par la plupart des collègues lacanisés et leurs émules de toutes extraces depuis 50 ans (Lacan : “Je prends mon bien où je le trouve” - et contrairement à Freud, avec grand soin, ne cite pas ses sources, sinon quand elles servent les intérêts de sa renommée).
J’ai lu dans je ne me rappelle plus quelle presse, que vous vous étiez récemment associé à une pétition contre la GPA adressée à Louise Lambrichs, initiée entre autres par Catherine Dolto.
Je viens d’ajouter un affectueux passage à l’intention de sa mère, Françoise Dolto, dans mon Journal ininterrompu*, que Laure, chargée de la diffusion de notre courrier, vous a sans doute fait parvenir. Si vous estimez pertinent le lui transmettre…
* Dans lequel, si j’y parle quelquefois, outre en tant que témoin de mon temps, en freinant des quatre fers, de ce “moi” secret, écussonné dès l’enfance par F. D., vous aurez compris je pense, face à qui se promeut depuis un demi siècle comme spécialiste des harangues sur la psyché des anciens déportés juifs pendant la 2e Guerre mondiale et celle de leurs héritiers, généralement mis en tas selon des critères psychologiques rebattus, issus du XIXe siècle, que je me demande si un témoignage singulier pourrait être un agent de transmission utile aux professionnels pour se montrer plus attentifs, notamment à la psyché des orphelins.
Cordialement à vous,
Micheline Weinstein
19 mars 2018
Les moulins à
vent de Don Quichotte
La Ronde de
Schnitzler
Les éternelles
dissidences
Identifications
infantiles
Évidences tardives. Avec la
distance qu’octroie le privilège du temps qui passe, je viens de relire divers
ouvrages relevant de l’histoire des mouvements analytiques, dans lesquels force
est de convenir que dès sa genèse, dissensions, déloyautés, dissidences,
postures serviles se sont répétées à l’identique.
La pratique du métier m’a amenée à faire le point - subjectif - sur
les issues, une à une, que révèle chaque psychanalyse individuelle. Jusqu’à
présent, j’en ai isolé deux significatives.
a - La plus courante : le premier “non” à presque tout de l’enfant
âgé de 2-3 ans témoigne de sa volonté que soit reconnue sa singularité en tant
que sujet souverain ; le deuxième “non” ne se déclare, mais pas aussi ouvertement,
à la suite de ce que l’on désignait autrefois par la “période de latence”, il
mitonne en catimini avec la progression de la puberté, se déclare à l’adolescence.
C’est alors, dans cette période troublée, pénible d’angoisse diffuse, que le
besoin, pour s’émanciper, se défaire du pouvoir réel ou fantasmé des adultes se
traduit, non par une interjection négative directe, mais sous une forme ambivalente,
artificieuse, de pensées, d’agissements, de vocables d’opposition.
Le plus souvent, ce parcours se rejouant sur l’“autre scène”, celle de
l’analyse, se produit une régression, qui se fixe à un seuil où se dresse une
résistance tenace à dépasser le transfert, laquelle s’avère infranchissable. Elle
autorise alors - selon ma conception - l’analyste à décider de mettre un terme
à l’analyse. L’analysant-e s’en ira alors vivre sa vie… Il est vraisemblable
que si l’Œdipe gros de ses jalousies infantiles, de haine, de vœux de meurtre, n’a
pas été dissous, ce processus se répètera à l’infini dans tous les domaines
personnels et d’activités, y compris hélas jusque chez nombre d’intitulés “psychanalystes”,
analysés ou plutôt pas. Ex. :
Le
Figaro Magazine - vendredi 16 mars 2018
QUARTIERS LIBRES
LE SPARADRAP DU PAF
STÉPHANE HOFFMANN

Gérard Miller est un des personnages
les plus attachants du paysage audiovisuel français ; attachant dans le sens de
collant. À part Michel Drucker, personne n’arrive à s’en défaire.
Cet homme se mêle de tout pour faire
tenter d’oublier qu’il n’est rien. Comme on est mieux à son avantage dans
l’opposition que dans la position, il joue perdant à chaque coup : c’est
tellement plus confortable.
Chroniqueur depuis près de trente ans
dans toutes les émissions, on se demande auprès de qui il a encore du crédit. Il
y a bien cette brave Dana Hastier (France 3), à qui il livre des documentaires
mondains, légers et plats. Le meilleur, sur Ségolène Royal, La Femme qui n’était pas un homme (sic).
Certes, Dana Hastier a désormais un supérieur, Takis Candilis. Aucun problème :
Miller saura apprendre la télé à cet ancien de TF1.
D’ailleurs, l’auteur de Minoritaire est désormais aux commandes
d’une chaîne de télévision pro-Mélenchon.
Le
Média (c’est son nom) est plein de
fraîcheur, d’enthousiasme, de désordre et de partis pris. Une sorte de Radio
Courtoisie d’extrême gauche. C’est très amusant. Ça part dans tous les sens,
faute d’en avoir un. Pensant combattre le système industriel et financier, ils
le renforcent par leurs outrances. On se croirait dans une radio libre en 1981.
Au fond, Gérard Miller n’a pas changé depuis ce temps où il n’était déjà plus
très jeune. Il n’a jamais mûri, juste moisi. Et c’est cette moisissure qui le
rend collant.
b - L’analysant-e, intrigué-e (j’arrête là avec l’inclusive !)
par l’évolution que lui offre l’analyse, engage avec patience son désir d’accès
à la maturité dans un long et courageux “chemin de croix”. Il en fera à terme
bénéficier dans le quotidien ses actes, sa pensée et ses dires, quels que
soient les domaines d’activités qu’il choisira, les circonstances, ses
relations privées autant que publiques, ou encore se portera candidat à la
transmission de la psychanalyse, c’est-à-dire à une formation de psychanalyste
praticien dans un institut spécifique, non universitaire, agréé.
Côté identifications initiales, j’ai déjà développé ailleurs comment
elles furent tuées dans l’œuf par la 2e Guerre mondiale. Pendant et
après-guerre, elles furent glanées ici et là au fil des errances. Je fus sauvée
à mon insu d’une mort programmée grâce à la solidarité d’adultes non encartés
puis, toujours à mon insu, je fus à l’âge de 7 ans le premier sujet de contrôle
par Françoise Dolto d’une jeune candidate à l’habilitation du titre de
psychanalyste auprès de la SPP.
Je n’ai rencontré en personne Françoise Dolto qu’à l’adolescence, c’est
ainsi qu’en guise de baptême, je fus immergée dans la psychanalyse, tandis que
les occurrences successives favorisaient ma quête d’un sens à donner à la vie.
Inadaptable au collectif, je n’ai alors pu approcher ou croiser que des
individualités remarquables* de diverses provenances géographiques, parmi
lesquelles, pour faire très bref ici, des élèves de Freud ayant fui l’Autriche,
des savants, intellectuels et artistes berlinois, suisses, français…, tous
passés par une psychanalyse ou amis de la… des femmes et des hommes honnêtes de
toutes conditions hiérarchiques…
* J’entends par remarquable l’être
humain selon l’appréciation relevée dans l’Introduction de Rudolf Ekstein à De la formation
analytique de Siegfried Bernfeld, que
les intéressés trouveront à l’adresse suivante :
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/sbernfeld.html
De Freud, Bernfeld écrivait que la singularité et de sa personne et
de son œuvre témoignaient d’un rapport intime entre son travail scientifique et
sa vie, au passé comme au présent, similitude que l’on rencontre seulement chez
le poète.
Durant près de 50 ans, dans le monde analytique français aussi bien
qu’au cours de mon analyse et de ma formation à la pratique, Françoise Dolto
fut la seule femme à témoigner d’un respect absolu envers ma singularité d’être
humain. Même auprès d’analystes qui, au prétexte d’“attention flottante”, n’écoutaient
rien, mais je ne le savais pas encore. Après guerre, l’assassinat de ses
proches [toutes mes lignées] œuvrait alors quasiment comme un tabou, un
interdit de désapprouver l’une ou l’autre de leurs attitudes privées.
Françoise Dolto, qui n’était pas mon analyste, fut la seule à qui j’ai
pu confier, parce qu’elle seule entendait et m’aida à sortir d’un grave conflit
interne, la dent que je vouais en secret contre mon héros de père - crédule en “les
lendemains qui chantent” - qui, avant de rejoindre son régiment, se souciant
comme d’une guigne des lois d’octobre 1940 sur le statut des Juifs, sans le
moindre égard pour ma mère ou pensant peut-être lui faire plaisir, m’avait
conçue en mars de cette même année. Je suis donc née en novembre 1941 à Paris,
4 mois avant que s’ébranle de Drancy le premier convoi pour Birkenau, et où ma
mère disparut.
Forte de ce que F. D. m’avait transmis, je suis restée pourtant niaise
jusqu’à un âge avancé, complètement en dehors des prêts à penser, des
spéculations, des interprétations sauvages, des bagarres infantiles féroces de
priorité et de pouvoir, du psittacisme, des cohortes et des clans. Selon
l’enseignement reçu, je pris pour modèle la structure de la psychanalyse que Freud avait construite, notamment après avoir analysé et
livré, avec une honnêteté intellectuelle sans faille, le plus intime de
lui-même dans L’Analyse du rêve [Die Traumdeutung,
lecture-interprétation] dont la lecture m’avait époustouflée.
Freud me fut le modèle exemplaire de ce qui représentait le psychisme
d’un être humain au singulier qui,
outre les invariants biologiques et sociologiques, était distinct du mien.
Je considérai donc que, pour accéder à la fonction d’analyste, libre
de toute identification non choisie issue de l’infantile à la personne de Freud
comme à celle de quiconque (cf. plus haut), il me fallait pour pouvoir mettre
en application cette structure, commencer par reprendre dès son début le chemin
suivi par Freud, travailler les concepts jusqu’alors inédits, les exposer à
l’épreuve selon ma contexture psychique, bref, mon style propre.
Ce qui n’était aucunement un frein à la prise de connaissance des foisonnants
travaux de psychanalystes élèves de Freud et de ceux de mes contemporains, orthodoxes,
artisans ciseleurs d’hypothèses nouvelles [Ferenczi, femmes analystes dont
Mélanie Klein, “civilisateurs” de
toutes extraces…], tièdes, dissidents, courants divers inclus. Et ainsi, chaque
analysant étant par son originalité l’agent privilégié de la pratique
analytique, d’examiner mes doutes et donner forme à mes propres hypothèses.
Mon cursus fut classique : longue analyse personnelle,
apprentissage, supervision, pratique.
Ne m’était pas inconnue l’histoire des mouvements psychanalytiques, peuplés
de psychanalystes qui avaient agi comme des adolescents en joutes incessantes,
ou comme des adultes clivés entre leurs dires et leurs actings, mettant en
avant leurs théories sans avoir la patience de respecter l’héritage, encore
moins d’avoir la curiosité d’en connaître le contenu. De la relire ces temps-ci,
je fus consternée, en près de 40 ans, l’état des choses est devenu pire que
kif-kif bourricot, l’aplatissement américanisé de la psychanalyse, sa mise en
pièces, est un succès.
C’est pourquoi je m’étonne encore aujourd’hui d’une tradition
culturelle de l’ignorance qui consiste à gloser, dénigrer, jaser, potiner,
spéculer avec suffisance sur tout et n’importe quoi, sans que l’on eut pris
soin au préalable d’étudier de près le sujet que, dans le fond, on se contente
de braconner.
Alors non, comme me
l’imputait il y a peu encore Élisabeth Roudinesco et qui, comme d’autres, avant
de porter un jugement, ne s’est jamais intéressée à mes travaux, je ne suis gardienne d’aucun temple, n’adore ni Freud ni personne d’autre d’ailleurs. Simplement,
après avoir réfléchi selon les limites de mes moyens, je dis ce que je pense
quand je bute sur l’une de ses hypothèses.
Ci-dessous, début de mon travail en cours :
Ma
relecture-traduction en cours de
1931
Contribution
de Freud lors du procès de réhabilitation de Philipp Halsmann
par
la Faculté d’expertise médicale d’Innsbruck
1
Philipp
Halsmann
Bref historique glané sur Internet, dont certains passages reproduits
ici in-extenso
•
1906 - Naissance à Riga.
•
10 septembre 1928 - Randonnée dans le Tyrol autrichien
avec son père Morduch, Juif letton. Chute de Morduch.
• Nombreux meurtres non élucidés dans
la région. Entre les deux guerres mondiales, l’Autriche rurale connaît alors un
antisémitisme croissant.
• 11
septembre 1928 - Arrestation sans preuves de Philipp pour
assassinat. Transfert à Innsbruck.
•
13 décembre 1928 - Début du procès par la Cour d’État
d’Innsbruck. Un groupe pro-nazi témoigne avoir trouvé suspect le comportement
de Philipp Halsmann.
•
17 décembre 1928 - Les jurés votent à 9 contre 3 la
culpabilité de Philipp, condamné à 10 ans de prison.
• Appel. Les observateurs au procès ont
relevé un antisémitisme inquiétant au Tyrol. Contestation du jugement par la
famille, les amis, la presse, les spécialistes du droit autrichien et allemand.
La Cour suprême d’Autriche casse le jugement, renvoie l’affaire devant la Cour
d’Innsbruck.
• 19
octobre 1929 - Ouverture du second procès. Philipp reconnu coupable
d’homicide involontaire, condamné à 4 ans de prison.
• Mobilisation publique d’intellectuels,
dont Freud, Einstein, Thomas Mann…, convaincus de l’innocence de Philipp.
• 1er octobre 1930 - Le président autrichien, Wilhelm Miklas gracie Halsmann.
• 26
janvier 1931 - Philipp quitte l’Autriche pour Paris où résident sa mère et
sa sœur. Commence sa carrière de photographe sous un nom à peine modifié, Philippe Halsman.
• 1931-1934 - Portraits d’André Malraux, Chagall, Gide, Cocteau..., gens de la rue…
• 1940 - Juif, Halsmann fuit Paris pour New York où il rejoint sa famille, déjà partie
6 mois plus tôt.
• New
York - Grâce au magazine Life (101 couvertures), photos de stars, dont
Marilyn Monroe, Rita Hayworth, Duke Ellington, Louis Armstrong…, de personnages
inoubliables dans tous les domaines tels Einstein, Hitchcock, Cassius Clay…, voire
célébrissimes tels le duc et la duchesse de Windsor…
• 1941 - Rencontre à New York avec Salvador Dali, féru comme Philippe de
psychanalyse. 37 ans d’amitié et de coopération artistique étroite. Cf. par
ex., Dali Atomicus 1948, Dali’s Mustache 1954, dont Dali
déclarait : Plantées comme deux
sentinelles, mes moustaches défendent l’entrée de ma personne.
•
25 juin 1979 - Mort de Philippe Halsman à New York.
• 20 octobre 2015-24 janvier 2016 - Exposition au Jeu de Paume à
Paris, « Philippe Halsman.
Étonnez-moi ! ». Application officielle bilingue français /
anglais entièrement gratuite à l’adresse suivante :
http://www.jeudepaume.org/?page=article&idArt=2463
2
1931
Freud
C’est sur l’instigation du professeur de droit de l’Université de
Vienne, Dr Josef Hupka, que Freud a accepté de contribuer à la
réhabilitation de l’étudiant Philipp Halsmann lors de l’expertise de la Faculté
de médecine d’Innsbruck. L’observation suivante, remise par l’auteur au Professeur
Hupka, est parue initialement dans Psychoanalytische
Bewegung, Bd. III, 1931.
Le complexe d’Œdipe, pour autant que nous le sachions, est manifeste
en chaque être humain pendant l’enfance. Il a connu de notables variantes…
[…]
12 mars 2018
Corrélations
Documentaire TV le 6 mars, intitulé Sexe sans
consentement,
portant sur l’ambiguïté de la “zone grise”, expression commerciale élargie au
domaine des mœurs. Était invité à donner son avis, Marie Darrieussecq,
dont j’appris qu’elle est psychanalyste.
À
l’adresse de professeurs philosophes à succès éditoriaux et médiatiques qui
déclarent haut et fort avoir tout lu, savent tout sur tout et sur tout le
monde, l’un d’entre eux, dont je ne citerai ni le nom ni le titre de la somme
de ragots vomitoires avec lesquels sa jouissance engraisssa son ouvrage, a sans doute oublié le contenu d’un recueil d’alors d’inédits de
Freud, publié par les PUF en 1985, intitulé en français Résultats, idées, problèmes, tome 2.
Dans
la mesure où je suis occupée à retraduire - ainsi est ma coutume de lire et de relire - les observations de Freud de 1921 à 1938 sur la
théorie et la pratique psychanalytiques, l’histoire de la psychanalyse, leur
évolution, en guise de florilège, je ne reviendrai provisoirement ici que sur
quelques passages épars directement empruntés au volume précité.
Complexe d’Œdipe
Ses
caractéristiques essentielles, sa généralité, son contenu, son destin ont été
reconnus, bien avant l’époque de la psychanalyse, par un penseur aussi
perspicace que Diderot*, comme le prouve un passage de son célèbre dialogue Le Neveu de Rameau. Dans la traduction
par Goethe de cet écrit (t. 45 de l’édition Sophie), on peut lire à la page 136
: Si le petit sauvage était abandonné à
lui-même, qu’il conservât toute sa faiblesse (imbécillité) et qu’il réunît au peu
de raison de l’enfant au berceau la violence des passions de l’homme de trente
ans, il tordrait le cou à son père et déshonorerait sa mère.
* Diderot a
écrit toute son imbécillité. Goethe,
après sa traduction seine ganzeSchwäche, mot à mot toute
sa faiblesse, a repris le moi “imbécillité” en français entre parenthèses. Diderot
a écrit coucherait avec sa mère.
Goethe a traduit par entehrte qui signifie déshonorerait.
Procès Halsmann[accusé
d’avoir tué son père, en cours de retraduction + bref historique]
S’il était
objectivement démontré que Philipp Halsmann a frappé à mort son père, on pourrait alors légitimement
prétendre faire appel au complexe d’Œdipe pour motiver un crime qui, à défaut,
resterait incompris. Comme une telle preuve n’a pas été apportée, la mention du
complexe d’Œdipe induit en erreur ; elle est pour le moins oiseuse. Ce que l’enquête
a dégagé en fait de dissensions entre le père el le fils au sein de la famille Halsmann est tout à fait insuffisant pour fonder l’hypothèse
d’un mauvais rapport au père chez le fils. Quand bien même il en serait
autrement, il nous faudrait dire que, de là à être la cause d’un tel crime, il
y a loin. En raison même de son omniprésence, le complexe d’Œdipe ne saurait
permettre de conclure à la paternité du crime.
Cryptomnésie
Je sacrifie
volontiers le prestige de l’originalité, d’autant plus que, vu l’ampleur de mes
lectures de jeunesse, je ne puis jamais savoir avec certitude si ma prétendue
invention n’a pas été une production de la cryptomnésie [Freud a toujours pris
soin de citer ses sources].
Lapsus linguæ = langue qui fourche.
Acte manqué = raté d’une action [métaphore réussie].
Vérité historique = vérité vraie, absolue [de quoi rester sceptique…].
Sublimation = neutraliser, maîtriser les pulsions de sorte de les transmuer en valeurs
civilisatrices.
Pulsion de mort - Pulsion de destruction ou d’agression
Pulsion de mort = tournée vers l’intérieur, a pour but de conduire l’être vivant à la mort
[liée au “principe de plaisir” et à l’“instinct de conservation”].
Pulsion d’agression, de destruction = tournée vers l’extérieur.
L’Inconscient
Il ne faut pas croire d’ailleurs que cette nouvelle conception du psychique
soit une innovation due à la psychanalyse. Un philosophe allemand, Théodore Lipps, a proclamé très nettement que le psychique était
inconscient en soi, que l’inconscient était le psychique proprement dit. Le
concept de l’inconscient attendait déjà depuis longtemps son admission, aux
portes de la psychologie. La philosophie et la littérature ont très souvent
joué avec lui, mais la science ne savait pas s’en servir. La psychanalyse s’est
emparée de ce concept, l’a pris au sérieux, lui a donné un contenu nouveau. Ses
recherches ont abouti à la connaissance de caractères jusqu’ici insoupçonnés du
psychique inconscient, ont découvert quelques-unes des lois qui le régissent.
Résistances
[Résistance à la psychanalyse = quasi tautologie]
Résistances des médecins et des philosophes
Pour le moment, nous n’avons
donné que la forme symptomatique de la névrose, qui, dans le cas de l’hystérie,
par exemple, est constituée par des troubles physiologiques et psychiques. Or les expériences de Charcot, comme les observations
cliniques de Breuer, montrent que même les symptômes physiologiques de l’hystérie sont psychogènes ; c’est-à-dire qu’ils sont des précipités de processus
psychiques écoulés.
[…] …le sens de ces recherches n’était pas au goût des médecins
de cette génération, formés à n’attacher d’importance qu’à l’ordre anatomique,
physique ou chimique. Et c’est parce qu’ils n’étaient pas préparés à
reconnaître l’ordre psychique qu’ils l’accueillirent avec indifférence ou
hostilité. Ils doutaient évidemment que le fait psychique soit susceptible d’un traitement scientifique
exact. Réagissant trop violemment contre une médecine dominée pour un temps par
ce que l’on appelait Naturphilosophie, ils
taxèrent de nébuleuses, fantasques et mystiques les abstractions nécessaires au
fonctionnement de la psychologie ; ils refusèrent, en outre, d’ajouter foi
aux phénomènes étranges dont auraient pu partir les recherches scientifiques.
Pour eux, les symptômes des névroses hystériques n’étaient que feintes, les
phénomènes hypnotiques, charlatanisme. Les psychiatres eux-mêmes dont l’observation
s’enrichissait pourtant de phénomènes psychiques les plus extraordinaires et
les plus étonnants ne furent pas tentés de les analyser en détail ou d’en
examiner les rapports.
[…] …on pouvait croire que cette nouvelle doctrine se gagnerait d’autant
mieux l’approbation des philosophes. N’étaient-ils pas rompus à poser des
concepts abstraits - les malintentionnés diraient : des mots mal définis - au
premier plan de leur conception du monde ? Ils ne pouvaient donc pas s’offusquer
de cet effort de la psychanalyse qui visait à étendre le domaine de la
psychologie. Mais là s’éleva un obstacle d’un autre ordre. Par vie mentale, les
philosophes n’entendaient pas ce qu’entend la psychanalyse. La grande majorité
des philosophes ne qualifie de mental que ce qui est phénomène
conscient. Le monde du conscient coïncide, pour eux, avec le domaine du mental.
Et ils relèguent tout ce qu’il y a d’obscur dans l’âme au rang des conditions
organiques et des processus parallèles au plan psychique. En d’autres termes,
et plus rigoureusement, l’âme n’a de contenu que le conscient. La science de l’âme
n’a donc pas d’autre objet. Le profane ne pense pas autrement. Aussi, que peut
répondre le philosophe à une science qui, comme la psychanalyse, soutient que
le mental en soi est inconscient et que la conscience n’est qu’une
qualité qui peut venir s’ajouter à des actes psychiques isolés. Il répond
naturellement qu’un phénomène mental inconscient est un non-sens, une
contradiction in adjecto,
et néglige de noter que ce jugement ne fait que répéter sa définition,
peut-être trop étroite, de l’état mental. Cette assurance facile, le philosophe la doit à son ignorance de la matière dont l’étude a
conduit l’analyste à postuler l’existence d’actes psychiques inconscients.
[…] Le philosophe,
pour qui n’existe de méthode d’observation que l’introspection, ne saurait le [l’analyste] suivre jusque-là. D’où la fausse position de la psychanalyse, à mi-chemin
entre la médecine et la philosophie. Le médecin la tient pour un système spéculatif
et se refuse à croire qu’elle repose, comme toutes les sciences naturelles, sur
l’élaboration patiente et assidue des données de l’observation sensible ; le
philosophe, qui l’apprécie selon la norme des systèmes ingénieux qu’il s’est
construits lui-même, lui reproche de partir de postulats impossibles ; et à ses
conceptions premières - qui commencent à peine à se développer - de manquer de
clarté et de précision. Tout cela suffit à expliquer que, dans les cercles
scientifiques, on accueille la psychanalyse avec malveillance ou avec des
hésitations. Mais cela ne nous fait pas comprendre les éclats d’indignation, de
raillerie et de mépris, l’oubli de toutes les règles de la logique et du goût
dans la polémique. Pareille réaction nous fait supposer que la psychanalyse n’a
pas mis en jeu que des résistances intellectuelles, mais aussi des forces affectives.
Et à vrai dire, le contenu de cette science justifie semblable effet sur les
passions de tous les êtres humains, et non seulement des savants.
La psychanalyse en tant que science empirique
La psychanalyse n’est
pas un système à la manière de ceux de la philosophie, qui part de quelques
concepts de base rigoureusement définis, avec lesquels il tente de saisir l’univers
puis, une fois achevé, n’a plus de place pour de nouvelles découvertes et de
meilleurs éléments de compréhension. Elle s’attache bien plutôt aux faits de
son domaine d’activité, tente de résoudre les problèmes immédiats de l’observation,
s’avance en tâtonnant sur le chemin de l’expérience, est toujours inachevée,
toujours prête à aménager ou modifier ses doctrines. Elle supporte, aussi bien
que la physique ou la chimie, que ses concepts majeurs ne soient pas clairs,
que ses présupposés soient provisoires, et elle attend de son activité future
une détermination plus rigoureuse de ceux-ci.
5-6 mars 2018
Échanges chronologiques
Avec Le Figaro
5 mars 2018
Cher Monsieur Nothias
Objet : Votre commentaire élogieux du
livre d’Armelle Oger dans Le Figaro d’aujourd’hui
Plutôt que suivre la mode qui consiste chez les médias à démolir la
psychanalyse, donc Freud son promoteur, et de continuer ainsi à répandre l’herméneutique
qu’en a popularisée Lacan pour la plus grande satisfaction du commun des
mortels, avez-vous lu Freud et, ici, Dolto ?*
L’“addiction collective” invoquée par Armelle Oger s’est développée
depuis une cinquantaine d’années à la suite de la prescription de Lacan : L’analyste ne s’autorise que de lui-même,
qui est une transgression manifeste du protocole exigé par Freud, sur l’instigation
de Sándor Ferenczi en 1913, selon lequel l’intitulé Psychanalyste ne saurait s’appliquer
à qui ne s’est pas tout d’abord soumis à une psychanalyse personnelle et pour
exercer, suivie d’une supervision par un ou plusieurs psychanalyste-s expérimenté-s et confirmé-s.
Les “psychanalystes”, issus du courant (trust) lacanien, que les
médias à longueur d’articles et de déclarations prennent grand plaisir à
évoquer, sont des gens non-analysés, a fortiori ne le sont pas leurs
“analysants” et affidés de toutes extraces.
La seule institution habilitée, silencieuse, apte à authentifier les
intitulé et statut de Psychanalyste est la SPP
(Société de Psychanalyse de Paris et ses antennes régionales), reconnue d’utilité
publique (consulter son programme de formation et d’enseignement sur Internet).
Nous, quelques rares égarés français, ne cessons d’essayer de le
faire entendre, en vain.
Bien cordialement,
Tania Bloom (qui ne pratique sciemment pas les réseaux sociaux)
* N. B. Suite ci-dessus en date du 12
mars 2018
Avec
P. L. de B.
[Copie à Fabrice Luchini]
6 mars 2018
Cher PL,
Il y a déjà plusieurs semaines (ou mois !) j’ai suivi une émission TV
où les invités Fabrice Luchini et Alain Finkielkraut échangeaient leurs points
de vue. Céline, comme il fallait s’y attendre, y
fut évoqué ainsi que, très rapidement par Fabrice Luchini, Léon Bloy.
En guise de récréation je relis 3 ouvrages un peu anciens mais qui n’ont
rien perdu de leur fraîcheur, critiques et désopilants, sur les écrivains à la
mode au XXIe siècle… (thèmes : langue
de bois, plagiaires, littérature dite “sans estomac”).
De mon côté, les imprécations de Léon Bloy, son style, me semblent
distinctes des éructations antisémites pathologiques de Céline, dont les
conséquences furent gravissimes car in
situ en leur temps de collaboration pendant la 2e G. M.
Pour ma part, comme Raphaël Enthoven et
quelques autres penseurs, je suis favorable, indépendamment d’un profit
financier, à la publication des écrits antisémites de Céline par Gallimard (certaines
sont déjà sur notre site depuis 30 ans !), de préférence sans
commentaires : pourquoi prendre les lecteurs pour des gobe-mouches, ne
sont-ils pas suffisamment intelligents pour apprécier.
Quant à cet argument incongru qu’une influence serait dommageable sur
les esprits, le travail est déjà fait et continue d’aller son chemin, les
réseaux dits sociaux se chargent depuis des lunes de déverser les poncifs du
genre…
Voici donc un passage portant sur Léon Bloy, auquel, en première
lecture, je ne m’étais alors pas attardée :
In Pierre
Jourde, La Littérature sans estomac, éd. L’Esprit des péninsules,
2002 (déjà Angot and Cies au pluriel en prenaient pour leur grade !).
[…] Un bon pamphlet est un bon texte, voilà tout. Il engendre une
jouissance, qu’il soit juste ou non. Il est libérateur. Bloy était souvent
injuste. Mais son injustice, qui est celle d’un grand polémiste, nous permet de
mieux comprendre ceux qu’il a attaqués. Et lorsqu’il est juste, ses clameurs
témoignent d’une résistance au vacarme du succès immérité qui, si on l’avait
laissé triompher sans réagir, eût couvert encore plus la voix discrète de
quelques vrais écrivains. […]
À très bientôt, PL !
Micheline W.
Avec Saïd
Bellakhdar
Psychologue clinicien
Psychanalyste
6 mars 2018
Cher Saïd,
Ma position envers le conflit
israélo-palestinien a toujours été claire, et inchangée la nécessité de reconnaître
deux États séparés. En 1967, lors de la Guerre des Six Jours, j’ai écrit : Qu’Israël rende leurs territoires aux
Palestiniens et qu’on n’en parle plus. En mai 2009, suites aux échecs
successifs, j’ai publié en français et en anglais la contribution, peu avant sa
mort, d’Elena Bonner, veuve d’Andreï Sakharov,
extraite d’un Forum sur la Liberté,
intitulée Lamentation à Oslo, que l’on
trouvera sur notre site.
Par contre, au cours des décades, comme nombre
de mes contemporains, collègues ou divers autres, lassée par la surdité, l’ignorance délibérée, l’infatuation, j’ai au fur
à mesure fini par prendre une distance irrévocable avec les idéologies
aberrantes de toutes extraces, antisémites
indéracinables, obscurantistes, au prétexte d’antisionisme.
La cause de cette rupture procède probablement
du contexte de ma naissance dans les entrailles de l’inédite, monstrueuse
nécropole du XXe siècle dont le Dr René Wolfin, que vous avez bien connu, est revenu et dont notre
association a publié en janvier 1997 ses Nouvelles, petit livre que vous avez préfacé…
À propos de ce passage récent de mon Journal…
Quand,
depuis que nous l’espérons, les responsables musulmans dits modérés ou non affiliés à une idéologie
totalitaire, inviteront-ils les citoyens non “radicalisés” à descendre
manifester leur refus du fanatisme dans la rue ? Craignent-ils, excepté l’imam Chalghoumi, des
représailles ?
Saïd - Le problème est que de telles initiatives ont déjà eu lieu et
ont été très rarement relayées par les médias. L’une d’entre elles était très
spectaculaire et avait réuni à Versailles de nombreux travailleurs immigrés
venus par milliers. Voir aussi les prises de positions sur les sites des
principales mosquées de France. Mais aucun relais. Quant à Chalghoumi,
je vous ai déjà dit ce que j’en pense. Que Chalghoumi change ou pas d’opinion n’a aucune importance pour moi.
Pour qui roule-t-il
? Il ressemble plutôt à une
marionnette qu’on siffle lorsque l’on en a besoin “en haut-lieu”. Alors il y
va…
7 mars
Oui, Saïd, mais si la marionnette peut servir à faire entendre quelque
chose à de rares égarés de la pensée, pourquoi pas…
À propos des plagiaires [in Roland de Chaudenay] :
une définition de 1845 par Michelet s’adressait en ces termes aux jésuites qui
avait copié l’œuvre d’un abbé de N.-D.-de Montserrat : Ceux qui détournent les enfants !
Et de la langue de bois [in Martine Chosson]
: l’expression vétérinaire retenue dans le Larousse de 1931 portait sur
les bovidés affectés d’un état pathologique dû à un champignon parasite sur la
langue, dont l’évolution menait l’animal à la mort…
Saïd - Nous sommes d’accord, bien sûr.
Mon regret porte davantage sur le fait
que des personnes remarquables, musulmans de très
grande qualité comme feu Mohammed Arkoun (grand ami
de Jean Daniel et de bien d’autres), ont très rarement eu la possibilité de s’exprimer
dans les médias. Dans le domaine de l’islam, les médias n’interviewent le plus
souvent que des gens du niveau du bistrotier. C. tire plutôt vers le bas…
1er mars 2018
Récréation, tourisme. Relecture de :
• Parlez-vous la langue de bois ?
Petit Traitéde manipulation à l’usage des innocents Martine Chosson,
Points, 2007
• Les Plagiaires. Le Nouveau Dictionnaire Roland de Chaudenay, Perrin, 2001
• La Littérature sans estomac Pierre
Jourde, L’Esprit des péninsules
Histoire salutaire de prendre du champ avec Arendt, Lévinas, Heidegger, Céline et alii de la même extrace, plus la véhémence et le forçage de la voix, lesquels ne sont guère convaincants.
De même qu’avec les intercesseurs outrés de salons et autres marquis-es, généralement modiques, plutôt sophistiqués, cossus, en faveur des “frotteurs”, “harceleurs”, éructeurs d’obscénités des rues, dans les transports en commun… Soit en bref, discours d’un courant moderne qui ne s’est pas attardé à penser à la gravité irrémissible que constitue, pour une femme et un enfant, l’atteinte physique autant que verbale au corps.
Ainsi, peut-être étourdiment, ce courant oppose à la misère sexuelle de la plèbe le privilège de pratiquer la futilité du libertinage chez de beaux esprits, des “parties fines” (en clair : partouzes) où l’on exploite sans vergogne l’humaine poisse dans l’échelle sociale.
C’est parfois ce même courant qui disserte sur un “nouvel antisémitisme”. Récemment enfin, d’authentiques penseurs, pour n’en citer qu’une, Natacha Polony, s’insurgent contre cette locution incongrue. “Nouvel” ? En quoi, sinon importé, exporté, attisé mine de rien par une filiation antisémite de longue date autochtone ? À quelles fins ?
Article dans un quotidien : La loi de 1905 est-elle “sacrée” ? Réponse, la mienne : oui.
Projet d’instances liées à la finance de généraliser le paiement par CB chez les commerçants et autres secteurs : au plan privé, nous sommes déjà suffisamment, indiscrètement fichés, ça commence à suffire.
Augmentation réitérée du paquet de cigarettes : opération capitaliste au prétexte bienveillant de la santé, destinée à punir les pauvres en les privant de leur objet partiel.
Cancer : d’après un certain trust américain médical, l’alcool, vin inclus, même en très petite quantité (un verre par jour) serait susceptible d’entraîner un cancer. Sont-ce maléfiques ces breuvages ou les pesticides qui leur sont adjoints ? Un ami, d’origines métissées écossais-suisse-allemand, généreux buveur, est mort à 97 ans. Seulement, privilégié, diplomate, grand voyageur, rompu au “duty-free” des aéroports internationaux, il bourrait son inévitable bouffarde, ne buvait que de la haute qualité.
Séries TV + certains films actuels : ton systématiquement quérulent des acteurs, inconsommable. Publicité : à l’inverse, ton de bons élèves appliqués, bien sages ou alors messages balancés à toutes voiles, inaudibles. Par chance, excepté la diffusion des infos, de vieux films épatants, de bons documentaires, ma télé est masquée sous sa burqa.
Expression souvent entendue : “l’irénisme de la gauche”. Pour avoir traversé trois quarts d’inter-siècle et croisé quelques nomenklaturas usant d’influence pour modeler à leur botte des esprits encore pétillants d’illusions, je n’en crois pas le mot.
Déchets nucléaires. N’utilisant pas les réseaux sociaux, je présume que je pousse des portes ouvertes : quid des conséquences de leur enfouissement en cas de séisme majeur ? Quand les enfants font pipi au lit et le recouvrent à la hâte pour ne pas encourir des reproches qui ajouteraient à leur honte imméritée, ce n’est pas grave, les draps finissent dans la machine à laver.
Progrès de la science médicale = allongement de la vie biologique tandis que la détérioration inexorable de la psyché fait œuvre. D’où espoir qu’enfin sera observé le respect dû envers qui a choisi l’heure de sa mort.
Verticalité de l’examen scientifique de la psyché. Psychoanalyse ou, francisée par Jung et adoptée en France et en Suisse francophone, Psychanalyse = nom propre créé par Freud en 1896, année de la mort de son père, pour désigner une psychologie des profondeurs.
Où est passée la profondeur d’une analyse (voir ce mot) ?
“Normalité” : concept sans aucun contour, sauf à s’appliquer aux pulsions invariantes chez l’humain.
Le Moi
Dans la masse des écrits psychanalytiques de mes plus ou moins contemporains, par les collègues, dans mon analyse personnelle, je n’ai jamais relevé un intérêt sensible portant sur la construction du Moi chez les enfants survivants de la déportation des Juifs de France, en ce qui me concerne, née à Paris pendant l’Occupation, chez les orphelins intégraux nés de lignages diasporiques d’Allemagne, d’Europe centrale, de Russie… Pour des raisons faciles à comprendre, que j’ai décrites ailleurs - notamment, pas d’apprentissage de la langue, obligation de se taire, de faire silence, pour les petits, de ne pas même pleurer -, la construction d’un “moi” structurant, les identifications initiales, furent matériellement rendues impossibles.
À l’origine, trop de réel donc déficit d’imaginaire, de possibilités de représentations. Le premier travail auquel s’arrimer : y suppléer.
Quelles que soient les circonstances, l’enfant ne peut pas comprendre pourquoi il est exigé qu’il se taise aussitôt qu’il a, de nature, accès, de nature à la parole, sauf pour énoncer ce à quoi le monde des adultes, selon leurs codes respectifs, l’autoriseront. Et n’intéresse pas forcément l’enfant. De quoi devenir schizophrène, bégayeur ou même délinquant [relire Françoise Dolto].
Je ne sais toujours pas pourquoi se taire s’inscrit chez des orphelins comme un signifiant tenace.
C’est ainsi, que je fus et suis jusqu’à ce jour, restée exposée jusqu’ à des apostrophes telles que : “Qui es-tu ?” puis “Qui êtes-vous ?” = traduire : “D’où viens-tu, de quelle caste ou coterie émanes-tu pour t’autoriser à prendre parole ?” ; ou alors, carrément vulgaire : “Tais-toi, taisez-vous” ; ou encore, plus raffiné tout de même : silence épais d’exclusion.
Je viens, rescapée, de la plus monstrueuse nécropole, en qualité et en volume, que l’ingéniosité humaine ait inventée au XXe siècle. Voilà.
Solution : devenir graphomane.
Après-guerre, en discontinu permanent, on dut tant bien que mal caler son instinct de vie sur des figures intermittentes, plus tard sur des situations et personnages d’accueil, de rencontre, de lectures si, comme je le fus, l’on avait la chance d’être bibliophage, et puis, à 7 ans, d’être confiée à Françoise Dolto.
Freud témoignait sans équivoque de son appartenance juive, mais, n’étant pas sartrien, reconnaissait avoir des difficultés à en particulariser l’embasement.
Il me semble que dans leur pratique les analystes du XXe siècle ont oublié d’isoler la singularité de la transmission culturelle parentale des sujets orphelins, c’est-à-dire amputés de références tangibles, de langue source. Dès in utero, nous sommes bercés par la voix de la mère, du père, de l’environnement immédiat, nous les entendons parler avec l’accent propre à leur langue source, aux langues acquises, chanter, écouter, voire jouer de la musique, échanger après d’encore mystérieuses plages de silence, les impressions de lectures, les commentaires de manifestations usuelles, parfois artistiques que dispense le monde extérieur, tout en vivant à leur rythme.
Chez nous, là-bas, que je n’ai pas connu, les grands-parents avaient transmis à nos parents leur amour des langues, la source et les autres, de la multiple littérature, des arts plastiques, musicaux, populaires et savants, prodigués dans le vastissime et disparate ex-empire austro-hongrois, et j’en oublie à coup sûr… Cet héritage constitua le socle et l’évolution de mes goûts ultérieurs.
Passons sur les arts plastiques, la Renaissance italienne, l’École hollandaise, Claude Monet… … … … … … …
C’est pourquoi et pour m’en tenir à la musique instrumentale dite classique, jouée de nos jours à la cadence d’un marathon, avec un brio technique époustouflant, souvent, selon l’appréciation de Schnitzler, “sans âme”, sans respirations - plus rien n’a ni ne peut prendre le temps de respirer aujourd’hui -, j’écoute en paix, à mon rythme, Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Ravel … … … … … … … interprétés par (exemple) le Quatuor Amadeus, Clara Haskil, Wanda Landowska, Sviatoslav Richter, David Oïstrakh (dont je me suis demandé s’il n’avait pas été obligé de rester “artiste du peuple” de l’URSS - et en est mort d’épuisement - pour éviter de risquer la vie de son fils au cas où il aurait cherché à émigrer), Hermann Scherchen … … … … … … … les opéras par Maria Callas … … … … … … … le jazz par Nina Simone, Louis Armstrong … … … … … … … les tziganes par le groupe Nomad’s Land … … … … … …
Laissons tomber le théâtre, je suis de la génération fidèle au TNP, c’est tout dire, les pions du lycée dans lequel je faisais mes études y étaient acteurs, le cinéma, génération fidèle à Melville, Kubrick, Losey, Frears … … … … … … …
Bref, comme on dit, seul l’art n’a pas de frontières.
Et à ce jour, suis demeurée bibliophage.
Ma République acquise : la langue française.
Cela ne gêne et n’intéresse plus personne, mon répertoire d’adresses étant devenu un cimetière.
Cette fois, résolument, je me remets à la relecture pour rafraîchissement du Petit Glossaire des concepts freudiens appliqués à la clinique par François Perrier, de mes travaux depuis 1967, y intégrer le Journal ininterrompu, augmenté de récents commentaires de Saïd Bellakhdar.
Sine die fin février 2018
• Je sais, j’insiste à répétition sur ce qui
me désole depuis 50 ans. Par bonheur, je ne suis pas la seule. Aucune
importance, cela n’a aucun poids, ne sert à rien,
seulement aux archives.
• Expression affirmative : Je suis votre chef. Scout (17-21
ans) ?
Ministre de l’Intérieur : MoiJe à chaque
réplique, adressée aux gens : désocialisante, les gens, les citoyens, ce n’est pas Moi, c’est vous, c’est eux.
• Quand,
depuis que nous l’espérons, les responsables musulmans dits modérés ou non affiliés à une idéologie totalitaire,
inviteront-ils les citoyens non “radicalisés” à descendre manifester leur refus
du fanatisme dans la rue ? Craignent-ils, excepté l’imam Chalghoumi, des représailles ?
•
Sur la condition animale, désignation par Brigitte Bardot du mouvement présidentiel : En marche arrière !
En ces mornes temps, l’humour vivifiant de
Brigitte Bardot remonte le moral. Brigitte Bardot a coutume de répondre, lorsqu’elle
est vilipendée par les médias pour ses faveurs lepénistes : Que voulez-vous, c’est ce que je pense.
En effet, BB a toujours dit sans fard ce qu’elle
pense, sans jamais éructer d’insultes, ce en quoi elle impose l’estime.
À la différence de Jean-Marie Le Pen, dont l’entité
de son idéologie peut se résumer à ses calembours vomitoires portant sur le
physique de l’une ou l’autre de ses cibles, au féminin comme au masculin. Ex.,
du 11 février 1958 : malgré le prudent “presque”, … vous
savez bien, monsieur Mendès France, quel est votre réel pouvoir sur le pays.
Vous n’ignorez pas que vous cristallisez sur votre personnage un certain nombre
de répulsions patriotiques et presque physiques.
Le “presque” ou autres précautions devant des
risques ultérieurs : l’usage que fait Woody de sa supposée psychanalyse qu’en
la chantant dans chacun de ses films pour se garantir de poursuites
judiciaires, il la tourne en dérision. La chose, pas drôle, fut d’abord
favorisée par son compère psychiatre supposé psychanalyste qui s’est gardé de
moufter devant les acting-out de son supposé analysant.
• Les amalgames délibérés des traditions
occidentales à visées électoralistes :
- Excision-circoncision.
Garçon : la circoncision consiste en l’exérèse d’un bout de peau à l’extrémité du prépuce, ne serait-ce
pour qui n’est pas croyant que pour éviter le phimosis fréquent déjà chez le
bébé. Lorsqu’elle est pratiquée chirurgicalement sur le tard, elle est très
douloureuse. Coutumière non seulement chez les Juifs, mais aussi, bien que
contestée, chez les musulmans (hélas, souvent vers l’âge de 8 ans, cf.
ci-dessus) et à titre hygiénique dans nombre de pays à dominante protestante.
À propos des protestants : n’en ont-ils
pas marre aujourd’hui d’entendre le qualificatif de “puritain”, généralisé à
toute attitude, toute pensée, tout mode de vie, de qui n’est pas dans la ligne
intellectuelle des baronnets de la culture.
- Excision chez la fille : mutilation abominablement douloureuse du clitoris destinée, au
prétexte d’autant d’arguments fallacieux, à la priver d’une jouissance sexuelle
au profit exclusif de la perpétration de l’espèce.
• Comparaison des massacres de populations
entières avec la singularité sans
précédent de la volonté de destruction des Juifs : hormis Marceline Loridan-Ivens et Claude Lanzmann, il est rarissime que soit
souligné ce hapax aussi bien dans les
médias que dans la vox populi : pour
parvenir avec efficacité aux fins désirées et grâce aux progrès de la science,
on édifia des usines de mort.
Pour rafraîchir, si j’ose dire, les esprits, qu’est-ce
qu’une usine ? C’est, je citte le CNRTL, un établissement de la grande
industrie où s’effectue tout ou partie d’un processus de fabrication en série d’objets
ou de produits, ou bien la transformation ou la conservation de matières
premières, ou bien la production d’énergie, à l’aide de machines consommant une
grande quantité d’énergie de diverses sources.
Cette singularité est le seul “plus jamais ça” obéi jusqu’à ce jour.
• Mes relectures actuelles. Sigmund Freud et l’âme du XXe siècle, d’Hermann Gloser, traduit
en français en 1995, 19 ans après sa publication en 1976 à Munich, avec celui de Franz Neumann en exil, Béhémoth • Structure et pratique du
national-socialisme 1933-1944, Payot, 1987, traduit en français 45 ans après
sa publication en 1942 aux USA, proposent une étude approfondie des traditions,
mœurs, résistances à l’évolution des courants de pensée au XXe siècle à Vienne pour le premier ; Franz Neumann, lui, passe au scanner, in situ, la structuration systématique,
froide, perverse, de l’appareil national-socialiste, comme le fit à Berlin
Viktor Klemperer dans son Journal 1919-1945 clandestin, dont la période 1933-1945 parut en 1947 sous le titre LTI - Lingua Tertii Imperii : Notizbuch eines Philologen (Langue du Troisième
Reich : carnet d’un philologue).
Édifice
en deux tomes de 1 700 pages, seules 592 pages furent traduites en français une
première fois en 1996, une seconde, de 384 pages, en 2003.
Son sous-titre est, Ich
will Zeugnis ablegen bis zum letzten (Je veux témoigner jusqu’au dernier jour).
Nous
croisons Freud le 12 juillet 1938 dans la version originale en allemand :
Lors d’une réunion de la Société des
psychologues, Jaentsch* anathémise la psychologie matérialiste
des Juifs, tout particulièrement celle de Freud, qui nuit à la spiritualité de
la nouvelle doctrine.
* Erich Rudolph Jaentsch,
alors président de la Société de psychologie allemande.
Revenons
à Gloser. Son ouvrage mérite le plus grand intérêt en tant qu’étude du courant
initié par l’École de Francfort, laquelle inspira durablement les mouvements
des gauches de 1968 en Europe et aux Amériques. Le résultat en fut que la
psychanalyse en perdit sa substance et, ravalée à une unité philosophique de
valeur dans les universités, au mépris de son promoteur réduit à une effigie vide de sens,
devint un procédé commode, un vidoir public.
Gloser,
à la différence de nombre d’auteurs et de commentateurs occupés comme le font
les enfants à regarder par le trou de la serrure pour nourrir leurs fantasmes
et ensuite bricoler à foison des commérages sur ce que serait une prétendue vie
privée de Freud, ne ménage pas ses critiques. L’une d’elles porte sur le
fondement de sa position théorique (cf. précédent courrier) qu’il étiquette
dans la rubrique biologie (?), une autre insiste sur un prétendu
déterminisme (il semblerait que l’on n’ait pas lu la correspondance de Freud
avec ses élèves et amis), etc. Plus loin dans son ouvrage, Gloser
désapprouve Freud pour n’avoir pas élargi ses investigations sur le symptôme de
l’angoisse aux domaines de la sociologie de la philosophie, de la politique.
Ainsi :
Sigmund
Freud dit que le problème de l’angoisse est un point nodal où convergent les
questions les plus diverses et les plus cruciales. Mais il prit quant à lui
pour point de départ un concept d’angoisse strictement limité à la
physiologie ; là où Freud traite expressis verbisde l’angoisse, il argumente souvent d’un point
de vue exclusivement psychanalytique - même si lui revient le mérite d’avoir
mis nettement en évidence l’importance de la sexualité, en particulier des
inhibitions sexuelles dans le syndrome de l’angoisse (par exemple sous la forme
de l’angoisse de castration qui revêt pour lui une importance centrale). Mais,
en s’enfermant dans ce contexte, il restait largement imperméable à la
dimension de la pensée philosophique. Et pourtant, les découvertes de Freud
quant à l’essence et aux origines de l’angoisse se prêtent tout à fait à une
transposition sur le plan existentiel.
Or
Freud n’a à aucun moment manqué de soutenir qu’il argumentait d’un point de vue exclusivement
psychanalytique !*
Pourtant
Gloser ne peut en douter, puisqu’il prend soin d’ajouter
en note, précédée de son professoral arrêt, cette précision de Freud :
Freud
essaie de “rationaliser” ce déficit philosophique en constatant par exemple
ceci dans Hemmung, Symptom und Angst :
“Je ne suis
absolument pas pour la fabrication de visions du monde. Qu’on les laisse aux
philosophes qui de leur propre aveu trouvent que le voyage de la vie ne peut s’effectuer
sans un tel Baedeker, qui donne des
renseignements sur tout. Acceptons avec humilité le mépris avec lequel les
philosophes nous toisent du haut de leur sublime indigence. Comme nous ne
pouvons nous non plus dénier notre orgueil narcissique, nous chercherons à nous
consoler en considérant que tous ces “guides de vie” vieillissent rapidement,
que c’est justement notre travail méticuleux, limité par notre myopie, qui rend
nécessaires les nouvelles éditions de ces guides, et que même les plus modernes
de ces Baedeker sont des tentatives
pour remplacer le vieux catéchisme si commode et si complet. Nous savons
précisément le peu de lumière que la science a pu diffuser jusqu’à présent sur
les énigmes de ce monde ; tout le vacarme des philosophes n’y peut rien
changer, seule une continuation patiente du travail qui subordonne tout à la
seule exigence de certitude peut lentement créer un changement. Quand celui qui
chemine chante dans l’obscurité, il dénie son anxiété, mais il n’en voit pas
plus clair pour autant.”
* Relevant de la politique, un autre passage du livre de Gloser fait
une allusion au président Wilson. Il est plus que probable, vu la médiocrité
d’un style bâclé, itératif, que le livre de Bullitt publié bien après la mort
de Freud soit apocryphe, excepté sa préface authentifiée notamment par Anna et
Max Schur. Je me suis demandé si, mais sans garantie, outre pour des raisons personnelles
que j’ignore, Freud n’avait pas accepté la collaboration de ce procrastinateur de Bullitt, alors ambassadeur des USA et
dans l’hypothèse d’une sage incitation de Marie Bonaparte, pour sauver de la
souricière nazie quelques proches de sa famille. Quelques proches seulement,
personne, malgré les démarches diplomatiques successives de Marie Bonaparte n’a
pu faire mieux.
Je maintiens une seule utopie : Ne pas nuire.
T. B.
12 février - mars 2018
Cher Jacques
Sédat
Voici ce que
j’ai écrit ce matin en hâte. Je fais une pause pendant la trêve de février pour écoper le monceau de post-it entassés sur mon bureau.
Mail à ***
Un article très facile à lire page 14 du Figaro d’aujourd’hui : Il faut accéder à un regard authentique
sur soi par Sarah Serievic.
Essayez de bien comprendre : le seul domaine dans lequel je reste
isolée est la psychanalyse et ce à quoi elle est reliée, dont le théâtre, l’autre scène. Le spectre est large.
Ce pourquoi publier Jacques
Sédat, quelles que soient parfois certaines de nos différences de points de
vue, m’a semblé nécessaire :
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/indif_emp_sedat.html
Rien d’autre de ce qui concerne le monde extérieur, non privé, ne
m’intéresse comme vous savez.
Après tant de décades, Jacques Sédat continue de m’être un partenaire
fiable, qui ne parle, n’écrit, ne commente, qu’après avoir lu, travaillé les textes.
J’ai essayé
ce w. e. d’ignorer les choses domestiques et administratives qui gaspillent gravement
l’esprit (comme je vous l’ai indiqué à ce sujet, lisez les lettres de Zweig à
sa première femme Friderike). Elles sont le seul objet,
depuis que je suis en âge de les assumer, de mon exaspération permanente. De
nouveau aujourd’hui, je ne peux les différer et, vu l’état des lieux divers,
dois m’en occuper.
Pour moi c’est encore une journée de
fichue.
Voilà, c'est tout simple.
W.
Suite du courrier à Jacques Sédat
Quand me repasse par l’esprit le
“viatique” que Muriel Djéribi-Valentin a ajouté en
note au texte de Françoise Dolto (1983) sur le Miroir... lors de la
publication du deuxième tome de sa Correspondance…, sans m’en informer,
je redeviens accablée. Connaissant le point de vue de F. D., divergeant de
celui de Lacan sur le Stade du miroir, que personne dans le milieu
analytique lacanien n’a jamais pris en compte, je le lui avais demandé en
supplément de mon exposé (Autour du miroir…, adresse ci-dessous) et l’avais
apporté en cadeau aux Groupes Balint du sud de la France…
Bon, j’y retourne !
Micheline W.
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/dembryonahomme.html
ø
Sine
die au quotidien
Madame Hidalgo
D’après Madame Hidalgo, que je ne peux
parvenir à nommer “La maire” en raison de l’homophonie-homonymie avec ma mère,
le Bouquet de Tulipes, cadeau de Jeff Koons à la Ville de Paris, à condition qu’il soit
installé entre la place de Tokyo et le Musée d’Art moderne, ce projet contesté
serait “autant diplomatique qu’artistique”.
Je proposerais plutôt à Madame Hidalgo de
faire œuvre citoyenne, laquelle consisterait à promouvoir le salaire minimum en CDI à des marcheurs ambulants dont chacun
arpenterait un quartier différent de Paris pour la plus grande joie des
enfants.

[Capture d'écran]
Madame
Hidalgo concevrait-elle l’espoir de voir Paris (et Tel-Aviv) devenir des
sous-New York ?
ø
À l’intention des psychanalystes, des philosophes,
de leurs affidés et de leurs épigones médiatiques…
Le signifiant Culture
En allemand (épuisé, mais accessible par Internet ou photocopie sur
demande ici) :
1965
Prof.
Heinrich Meng
Psychoanalyse
und Kultur
Wilhelm Goldmann, Munich, 1965
Fournisseur Taixtarchiv Johannes Krings,
(Aix-la-Chapelle, Allemagne)
ISBN :
9783314009044
Fournisseur pour
l’obtenir GmbH, (Bad Camberg,
HE, Deutschland)
Sommaire non exhaustif
• L’Humanisme chez
Freud Thomas
Mann (†)
•
Point de vue Paul
Federn (†)
• Sur
le rêve Hermann Nunberg
• Lapsus
dans la vie quotidienne Ludwig Jekels
• Le
Mot d’esprit Hanns
Sachs
•
Intelligence et stupidité Karl Landauer (†)
•
Psychanalyse et poésie Hanns
Sachs
•
Psychanalyse et religions Ernest
Jones
• Psychanalyse
et moralité Oskar
Pfister
•
Contes - Mythes - Historique Paul
Federn (†)
Traduit en français :
1995
Hermann
Glaser
Sigmund Freud et l’âme du XXe siècle
PUF/Perspectives critiques
Extrait
[…] C’est pourquoi Herbert
Marcuse a pris expressément ses
distances avec les écoles
néofreudiennes, attendu que celles-ci auraient induit
un affadissement inadmissible de ce qu’il est convenu d’appeler le biologisme
freudien et qui est en réalité une théorie de la phylogenèse
sociale. La critique néopsychanalytique est de nature idéologique, au sens
strict du terme : elle ne dispose pas de bases conceptuelles en dehors
du système dominant ; la plupart de ses idées ct valeurs critiques sont empruntées à ce système lui-même. Une
morale et une religion idéalistes se voient
miraculeusement ressuscitées : “Leur entrée en scène, même si elles sont rajeunies par le vernis terminologique de cette psychologie même qui, à l’origine, combattit leurs prétentions, ne saurait que piètrement masquer leur identité avec la pratique officiellement souhaitée et propagée.”
Le scepticisme freudien, sa conception du
bonheur et de la liberté, conception éminemment critique, est une protestation contre la spiritualisation
de la détresse. Les néofreudiens renversent cette logique
interne de la théorie freudienne en déplaçant son centre de gravité de l’organisme
vers la personnalité, des fondements matériels vers les valeurs abstraites. Et
pourtant, seule une allégeance à la conception matérialiste qu’avait Freud de l’univers permet une transformation réelle de ce monde.
ø
Le
suffixe …isme
Je
n’ai trouvé nulle part encore le concept de régressisme. Pourtant, il semblerait que par
intermittence au cours des siècles, les humains parlent et agissent comme si
leur psyché s’était fixée au stade de ce que l’on désignait autrefois par
sadique-anal (2-4 ans), époque à laquelle les petits cassent leurs jouets, les
ont cassés, déchirent, découpent, puis pleurent devant les funestes dégâts… Du
côté des adultes, des décades ayant passé, c’est alors bien tard, après avoir
laissé détruire, ils commencent à se mobiliser pour essayer de réparer les
leurs ou d’en reconstruire de nouveaux.
Qu’est-ce
que la régression ? D’après le Vocabulaire
de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis,
extrait :
[…]
• Dans un processus
psychique comportant un sens de parcours ou de développement, on désigne par
régression un retour en sens inverse à partir d’un point déjà atteint jusqu’à
un point situé avant lui.
ø
Le cochon
Article excellent de Gilles-William
Goldnadel, fiché à droite, dans Le FigaroVox du 19-02-18, intitulé La Gauche morale la plus bête du monde.
J’apporterai une nuance sur
l’appellation bête que j’évite
d’employer quand il s’agit de l’humain. Non que je sois une obsédée de la cause
animale, mais j’aime bien la plupart des bêtes, notamment le cochon. Dans la
culture occidentale, il est tenu pour grossier, brutal, sale, moche… Alors que
l’occidental le confine dans des soues, des batteries industrielles surpeuplées
où il ne peut exister en liberté, qui le contraignent à vivre dans ses
excréments (il paraît qu’il en est de même dans la salmoniculture) et à devenir
fou. Or, le cochon en liberté est un animal particulièrement propre contrairement
au chien, d’une mémoire et d’un entendement bien supérieurs à ce dernier, très
sociable parmi les humains et avec eux, s’ils prennent le temps de jouer
ensemble, humoriste. Autre prise de contrôle arbitraire des humains sur
l’animal : l’âne dont on ne
respecte pas la liberté d’être selon sa nature, etc.
ø
La mort de la psychanalyse
Lacan ayant prophétisé qu’après lui ce
serait la mort de la psychanalyse, ses affidés s’empressèrent d’obtempérer. Plus
de thérapeutique, plus d’analyse de la sexualité, plus d’analyse des rêves,
plus d’analyse du refoulement ni des mots d’esprits ravalés à de vulgaires
calembours (Le calembour est la fiente de l'esprit qui vole • Hugo, Les
Misérables), etc. On gagna du temps et de l’argent tout en se
réclamant à l’américaine des dires, en les isolant systématiquement de leur
contexte, d’un Freud déçu par les successives trahisons ayant jalonné sa découverte
et ce, sans avoir lu ni étudié les écrits théoriques majeurs de la dernière
étape de sa vie, pas plus cela va de soi qu’avoir essayé de les mettre en
application. Ces gens-là, plutôt que s’employer à l’évolution de la
psychanalyse, à faire en sorte qu’elle soit reconnue comme une discipline à
part entière, indépendante de toute autre, se soucièrent d’arracher chacun pour son seul profit un lambeau du “Saint-Suaire”.
Pour ne retenir que deux
exemples de ce que pressentait déjà Freud lui-même en 1932 et que décrivait Stefan
Zweig en 1941, relisons quelques extraits de leurs constats :
1932
Freud
[Lumières*]
Précisions, applications, orientations
XXXIVe Conférence
sur la psychanalyse
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/freudlumieres.html
[Des extraits plus
complets de ma traduction figurent déjà dans le Journal du 24 juillet 2016, mais au cas où ils auraient échappé à d’éventuels lecteurs…]
Mesdames, Messieurs ! Puis-je
exceptionnellement, pour adoucir le ton un peu aride de ces conférences, vous
parler de choses qui ont très peu de portée théorique, mais qui cependant vous
concernent de près, pour autant que vous soyez favorablement disposés envers la
psychanalyse ? Supposons, par exemple, qu’à vos heures de loisir, vous
attrapiez un roman allemand, anglais ou américain, dans lequel vous vous
attendez à trouver une description de l’être humain de même qu’un état des
conditions de vie propres à notre temps. À peine quelques pages, et vous tombez
comme par hasard sur une première critique de la psychanalyse, suivie d’une
kyrielle d’autres, alors que le contexte ne semble pas les rendre
indispensables.
N’allez pas imaginer qu’il s’agit là d’applications
de la psychologie des profondeurs destinées à mieux comprendre les personnages
du texte, ou leurs actes - soit dit en passant, quantité
d’ouvrages autrement plus sérieux s’y emploient incontestablement. Non, ce sont
pour la plupart des réflexions destinées à tourner la psychanalyse en dérision,
par lesquelles l’auteur du roman se propose d’étaler l’étendue de ses lectures
autant que sa supériorité intellectuelle. Dès lors, vous avez rarement l’impression
qu’il sait réellement de quoi il parle.
Ou encore, pour vous détendre, vous allez
passer une agréable soirée en société, pas nécessairement dans Vienne. En un
tournemain, la psychanalyse surgit de la conversation, vous entendez alors les
gens les plus dissemblables proférer leur jugement avec, le plus souvent, un
aplomb imperturbable. Ce jugement est très régulièrement des plus péjoratif,
méprisant, injurieux, et pour le moins, toujours caricatural. Si vous êtes
assez imprudents pour laisser filtrer que vous savez un petit quelque chose sur
ce sujet, d’un commun accord tout le monde vous tombe dessus, réclame
renseignements et explications, et vous donne très vite la ferme certitude que tous
ces jugements édictés à l’emporte-pièce n’ont été étayés d’aucune information
préalable, que pratiquement aucun de ces contradicteurs n’a une seule fois pris
en main un livre de psychanalyse ou, s’il l’a fait, qu’il n’a pas surmonté la
toute première résistance, suscitée par sa rencontre avec ce nouveau matériau.
Peut-être attendez-vous d’une introduction à
la psychanalyse qu’elle vous fournisse aussi des pistes quant aux arguments à
utiliser pour rectifier les erreurs manifestes portant sur l’analyse, ainsi qu’aux
livres à recommander pour acquérir une information plus juste ; ou même, quels
exemples, émanant de vos lectures ou de votre expérience, faire valoir dans une
discussion susceptible de modifier la place que la société lui confère. De
grâce, ne faites rien de tout cela. Ce serait inutile ; le mieux pour vous
serait de taire votre savoir en la matière. Mais au cas où cela ne s’avèrerait
plus possible, limitez-vous alors à dire autant que vous y parveniez, que la
psychanalyse est une branche particulière du savoir, très difficile à
appréhender et à décomposer**. Dites qu’elle s’occupe de choses autrement
sérieuses, que ce n’est pas à coups de galéjades dérisoires qu’on y aura accès,
et enfin qu’en guise de divertissement social, il serait préférable de se
trouver un autre hochet à agiter. Naturellement, gardez-vous de vous commettre
avec tout exercice d’interprétation, pour peu que des gens malavisés vous
exposent leurs rêves, et ne vous laissez pas aller à
la tentation de faire de la propagande pour l’analyse, en rapportant des cas de
guérison.
Vous pouvez néanmoins vous demander pourquoi
ces gens, ceux-là mêmes qui écrivent des livres ou qui font conversation, se
comportent avec autant d’inélégance, et vous serez portés à attribuer cela, non
seulement aux gens, mais également à la psychanalyse. C’est d’ailleurs ce que
je pense ; ce que vous avez perçu, dans la littérature et le social, comme
étant un jugement hâtif et préfabriqué, n’est que l’écho d’un verdict plus
ancien - celui-là même que les représentants de la science officielle ont rendu
devant la psychanalyse naissante. Je l’ai déjà déploré dans une description historique[1] et ne vais pas
recommencer - peut-être cette fois-là était-elle déjà de trop -, mais
franchement, il n’y a pas atteinte à toute logique, à la décence et au bon
goût, que les adversaires de la psychanalyse, au nom de la science, ne se
soient alors permis.
Ce fut une conjoncture qui rappelait le Moyen Âge,
quand l’on assistait à la mise au pilori et aux brutalités infligées à un
malfaiteur ou plus simplement à un adversaire politique, jetés en pâture à la
plèbe. Il vous est sans doute difficile de vous représenter le degré de
vulgarité que le peuple peut atteindre, les manquements que les humains s’autorisent
dans cette société, quand ils se perçoivent comme partie intégrante d’une masse
compacte, et de ce fait, dispensés de toute responsabilité individuelle. À l’aube
de ces temps-là de la psychanalyse où j’étais passablement seul, je réalisai
assez vite que toute forme de controverse n’aurait aucun avenir, pas plus que n’aurait
de sens se lamenter et en appeler à des esprits meilleurs, puisqu’il n’existait
alors aucune instance auprès de laquelle la plainte aurait pu être déposée. J’empruntai
donc une autre voie ; je commençai à appliquer la psychanalyse à la lumière du
comportement des masses, en tant que phénomène de cette même résistance à
laquelle je devais me mesurer auprès de chacun des patients pris isolément ; je
réfrénai toute controverse personnelle et engageai à procéder ainsi ceux qui, à
mesure qu’ils me rejoignaient, voulurent bien me faire confiance. Le procédé
était bon, l’anathème dont l’analyse avait fait l’objet jusqu’alors s’est
dissipé depuis, mais de même qu’une croyance délaissée persévère sous forme de
superstition, qu’une théorie abandonnée par la science se maintient, vivace,
dans l’opinion publique populaire, de même ce bannissement initial de la
psychanalyse par les milieux scientifiques se perpétue aujourd’hui, dans la
dérision méprisante d’écriveurs de livres et d’échangeurs
de conversations, incompétents en la matière. Cet état de fait n’aura donc plus
lieu de vous surprendre.
Mais n’espérez surtout pas maintenant entendre
cette bonne nouvelle, selon laquelle la lutte pour l’existence de la psychanalyse
serait achevée, qu’elle aurait pris fin par une homologation de la psychanalyse
en tant que science autorisée à figurer parmi les matières d’enseignement à l’Université.
Il n’en est rien, la lutte se poursuit, simplement elle prend des formes plus policées.
Nouvelle également dans le monde des sciences, l’apparition d’une sorte de zone
tampon entre l’analyse et ses adversaires, composée de gens qui accordent une
certaine crédibilité à quelque chose de l’analyse et le confessent pour autant
que leurs clauses de style sur le sujet les divertissent ; par contre, ils en
récusent d’autres aspects, ceux-là mêmes qu’ils ne peuvent avouer ouvertement
et publiquement. Ce qui les détermine dans ce tri sélectif n’est pas facile à
déceler. Cela semble relever d’affinités personnelles. Une personne sera
heurtée par la sexualité, une autre par l’inconscient ; particulièrement
impopulaire semblerait être le fait réel du symbolique.
Que l’édifice de la psychanalyse, bien qu’imparfait,
constitue néanmoins aujourd’hui un ensemble homogène, que l’on ne saurait,
selon son bon plaisir, amputer de l’un de ses éléments, semble n’avoir aucune
valeur pour ces éclectiques. À aucun moment, je n’ai eu l’impression qu’un seul
parmi ces demi ou quart d’adeptes n’ait établi sa récusation sur un examen des
faits. Plusieurs personnalités éminentes appartiennent également à cette
catégorie. À vrai dire, elles sont disculpées du fait que leur temps et leur
intérêt se portent sur d’autres choses, celles-là mêmes dans l’accomplissement
desquelles elles ont obtenu de si remarquables résultats.
Mais alors n’auraient-elles pas avantage à
réserver leur jugement plutôt que de prendre parti de façon aussi péremptoire ?
Il m’est arrivé une fois tout de même de réussir à convaincre en un tournemain
l’une de ces éminences. Il s’agissait d’un critique, célèbre dans le monde
entier, qui avait suivi les courants intellectuels de ce temps avec une oreille
bienveillante et une perspicacité prophétique. Je fus amené à le rencontrer
alors qu’il comptait déjà 80 ans passés, mais dialoguer avec lui était toujours
aussi captivant. [...]
* Il n’était
pas possible de restituer la clarté lumineuse de L’Aufklärung en français.
**
Décomposer • Au sens chimique du terme, analyser, élément par élément.
[1] Sur l’histoire du mouvement analytique (1914 d).
1941
Stefan
Zweig
Le
Monde d’hier
Souvenirs d’un
Européen
[…] dès qu’il
s’agissait de son enseignement et de la vérité, il restait intransigeant ; plus
ferme était la résistance, plus il s’affermissait dans sa résolution. Quand je
cherche un symbole du courage moral - le seul héroïsme au monde qui ne réclame
pas de victimes -, je vois toujours devant moi le beau visage de Freud, à la
clarté virile, avec ses yeux sombres au regard droit et tranquille.
L’homme qui, fuyant sa patrie dont il
avait rehaussé la gloire sur la terre entière et pour tous les temps, s’était
réfugié à Londres, était, à ne considérer que son âge, depuis longtemps un
vieillard, en outre gravement malade. Mais il n’était nullement fatigué ni
accablé. Secrètement, je craignais un peu de le retrouver aigri ou troublé
après toutes les heures torturantes qu’il avait dû connaître à Vienne et je le
vis plus libre et même plus heureux que jamais. Il me mena dans le jardin de sa
maison des faubourgs : “Ai-je jamais été mieux logé ?” demanda-t-il avec
un gai sourire de ses lèvres autrefois si sévères. Il me montra ses chères
statuettes égyptiennes, que Marie Bonaparte avait sauvées pour lui. “Ne suis-je
pas de nouveau à la maison ?” Sur son bureau s’étalaient les grandes pages
in-folio de son manuscrit et il écrivait quotidiennement, à quatre-vingt-trois
ans, de sa même écriture nette et arrondie, aussi clair d’esprit que dans ses
meilleurs jours et aussi infatigable ; sa forte volonté avait tout surmonté, la
maladie, l’âge, l’exil, et pour la première fois, la bonté de son être,
refoulée durant les longues années de lutte, émanait librement de lui. L’âge ne
l’avait rendu que plus indulgent, l’épreuve subie que plus tolérant. À présent,
il trouvait parfois des gestes de tendresse, que je n’avais jamais observés
auparavant chez cet homme si réservé, il passait son bras autour de vos
épaules, et derrière les verres brillants de ses lunettes, ses yeux vous
regardaient avec plus de chaleur. Au cours des ans, une conversation avec Freud
m’avait toujours procuré la plus haute jouissance intellectuelle. On s’instruisait
et on admirait en même temps, on se sentait compris dans chaque mot par cet
homme prodigieusement libre de préjugés, qu’aucune confession n’effrayait, qu’aucune
affirmation n’irritait, et pour qui la volonté d’éduquer autrui à la clarté de
la pensée et des sentiments était venue depuis longtemps une volonté
instinctive guidant son existence. Mais jamais je n’ai éprouvé avec plus de
reconnaissance ce que ces longues conversations avaient d’irremplaçable que
dans cette sombre année, la dernière de sa vie. Dès l’instant où l’on pénétrait
dans sa chambre, la folie du monde extérieur était comme abolie. Les choses les
plus cruelles devenaient abstraites, les plus embrouillées se faisaient
limpides, les plus liées à l’actualité s’ordonnaient humblement dans les
grandes phases cycliques. Pour la première fois je découvrais un vrai sage, qui
s’est élevé au-dessus de sa situation propre, par qui même la souffrance et la
mort ne sont plus perçues comme une expérience personnelle, mais comme des objets
de considération dépassant sa personne ; sa mort ne fut pas moins que sa vie un
exploit moral. Freud était déjà gravement atteint par le mal qui devait bientôt
l’emporter. Avec son palais artificiel, il avait visiblement de la peine à
parler, et l’on était en fait honteux de chaque mot qu’il vous accordait, en
raison des efforts que l’articulation demandait de lui. Mais il ne lâchait pas
ses interlocuteurs, son âme d’acier mettait une ambition particulière à prouver
à ses amis que sa volonté était demeurée plus forte que les tourments mesquins
que lui infligeait son corps. La bouche crispée de douleur, il écrivit à sa
table de travail jusqu’à ses derniers jours, et même quand, la nuit, la
souffrance martyrisait son sommeil - son sommeil merveilleusement profond et
sain, qui était la source de sa force, à quatre-vingts ans - il refusait de
prendre des somnifères et toute injection de stupéfiants. Il ne consentait pas
à laisser étourdir par de tels calmants, fût-ce pour une seule heure, la
lucidité de son esprit ; plutôt souffrir et demeurer éveillé, plutôt
penser dans les tourments que ne pas penser, en héros de l’esprit jusqu’au dernier,
jusqu’au tout dernier instant. C’était un terrible combat, et toujours plus
sublime à mesure qu’il durait. Chaque fois que je le revoyais, la mort avait
plus distinctement jeté son ombre sur son visage. Elle lui creusait les joues,
elle lui ciselait les tempes, elle lui tordait la bouche, elle empêchait ses
lèvres d’articuler ; contre ses yeux seuls, cet imprenable beffroi d’où son
esprit héroïque contemplait le monde, le sombre bourreau ne pouvait rien ; l’œil
et l’esprit restèrent clairs jusqu’au dernier instant. Un jour, lors d’une de
mes dernières visites, j’amenai avec moi Salvador Dali, selon moi le peintre le
plus doué de la jeune génération, qui vouait à Freud une vénération
extraordinaire, et pendant que je parlais avec Freud il fit une esquisse. Je n’ai
jamais eu le courage de la montrer à Freud, car Dali, avec sa clairvoyance,
avait déjà figuré la mort à l’œuvre.
Cette lutte que menait contre la
destruction la plus forte volonté, l’esprit le plus pénétrant de notre époque,
devint de plus en plus cruelle. Quand il reconnut lui-même clairement, lui pour
qui la clarté avait toujours été la plus haute vertu de la pensée, qu’il ne
pourrait continuer à écrire et à agir, il donna au médecin l’autorisation de
mettre fin à ses souffrances comme un héros romain. Ce fut la sublime
conclusion d’une vie sublime, une mort mémorable au milieu de l’hécatombe de
cette époque meurtrière. Et quand nous, ses amis, fîmes descendre son cercueil,
nous savions que nous abandonnions à la terre anglaise ce que notre patrie
avait de meilleur.
Journal d’un génie

L’unique différence
entre un fou et moi, c’est que moi je ne suis pas fou.
[In Le
Figaro • 23 janvier 2018]
[À suivre…]
Au sujet de l’emploi immodéré par les médias, à la hauteur de leur
pédantisme, du terme “empathie”, on en trouvera la signifiance exacte en se
reportant aux coordonnées suivantes :
Jacques Sédat
« Indifferenz et Einfühlung » dans la
pratique analytique, de Freud à nos jours
[« Indifférence
et empathie » dans la pratique analytique, de Freud à nos jours]
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/indif_emp_sedat.html
Et
aussi, en annexe, ne serait-il pas agréable de remplacer l’usage de
l’expression à l’américaine “les gens” [people], par citoyens, électeurs,
contemporains, spectateurs, auditeurs, liseurs… … … ?
ø
Une vieille rengaine
Lettre
à Laure Trainini, comédienne, secrétaire de l’association
Merci, Laure,
de m’avoir transmis les documents en réponse à mon message du 01 février 2018
ci-dessous :
De : Sitassoc <sitassoc@orange.fr>
Date : jeudi 1er février 2018 12:54
À : Laure Trainini <laureassoc@orange.fr>
Objet : Me G.-F.,
le culot !
Hier soir, tandis que j’étais occupée à relire un chapitre de sa thèse
avec une jeune personne, Me G.-F.* m’a appelée sur ma ligne fixe à 3
reprises successives [l’annonce sur mon répondeur étant de vous a dû la tromper
ou je ne sais quoi].
Et ce, pour me notifier sa cessation d’activité et me demander, avec
des “Madame” à tout bout de champ, de venir récupérer à son bureau [Bobigny !]
le dossier - énorme, lourd, a-t-elle précisé ! - du site ayant porté sur
l’affaire Delcruzel.
Ouf - pour elle - !, j’étais indisponible et n’ai pas décroché !
À la suite de quoi, je lui envoie plus tard un SMS pour lui proposer
d’en faire ce qu’elle en veut [avec mes
excuses aux éventuels lecteurs pour les coquilles, relevant de mon exaspération
de devoir utiliser le téléphone cellulaire] :
Là-dessus, elle me retourne le suivant :
Excédée par la perte de mon temps, je lui réplique :
Et ferme mon portable habitué à gésir
en silence.
Étrangement, Me G.-F. n’a pas songé à faire allusion au
second dossier que je lui avais confié, autrement plus grave que l’affaire du
site. Il concernait alors le litige qui m’opposait au syndic de l’immeuble où
je réside, dont quelques de ses responsables activement assistés par la
contribution inspirée de locataires et de leurs amis du quartier m’avaient
manifesté oralement et par écrit leur intention de me “foutre dehors” [sic], le
tout agrémenté de noms d’oiseaux, de graffitis, de menaces, d’actes antisémites
à mon endroit et à celui de proches, d’ailleurs non-Juifs. Non seulement Me G.-F. avait laissé s’enliser cette affaire pendant près de 4 ans mais, sans
aucune nouvelle, après que je lui eus fait part de mon inquiétude devant la
perspective de perdre ce procès, elle s’était subitement désistée du dossier,
arguant auprès du bâtonnier d’une incompatibilité de caractère entre elle et
moi [?!]. Lequel bâtonnier, consciencieux, m’avait informée en urgence que je
devais m’adresser à un autre avocat. Ne manquant pas de lui détailler le cours
des choses et ce que je pensais de l’incompétence de Me G.-F.,
je lui avais aussitôt répondu que c’était déjà fait. En deux mois le procès fut
gagné [il est possible d’obtenir les
références de l’excellent-e avocat-e qui résolut le pataquès sur simple
demande]. Tout en n’ayant pas négligé d’être jusqu’alors confortablement
défrayée, loin de Me G.-F. l’idée de reconnaître l’impasse dans
laquelle elle avait failli me pousser avec ses conséquences catastrophiques.
Il va de soi que les activités publiques du site, mes travaux
personnels, les vôtres Laure, ceux des amis et membres actifs de l’association,
la diffusion auprès de ses correspondants, recoupent ces déconvenues.
Ainsi, votre médecin traitant avait assisté en compagnie d’une sienne
amie, représentante de Judaïques FM, à une représentation par Le GrandTOU de Kolia, le Vif-Argent, et autres nouvelles d’Anton Tchekhov
que j’avais adaptées pour la scène. Elle avait chaleureusement applaudi
votre trio [elle ne fut pas la seule], l’assurant de son soutien et de son
projet de faire connaître autour d’elle cette belle réalisation. Puis plus
rien. Lorsque vous reprîtes un rendez-vous médical personnel avec elle, vous
fûtes plus que fraîchement accueillie.
Cette délicate urbanité ne m’a pas vraiment surprise. En effet, Claudine
Douillet, webmaster de Judaïques FM, depuis 2004 me traînait publiquement
dans sa boue, prodiguant ses
médisances par tous les moyens dont elle disposait, dont celui d’un important
réseau, portant atteinte à ma et à notre réputation auprès des institutions
juives, des attachés divers extérieurs aux “communautés” en charge de la
culture et de l’histoire de la déportation, notamment ceux de la Mairie de
Paris, et j’en passe.
J’ai alors rédigé un courrier à Judaïques FM et à titre individuel,
nommément à d’autres répondants médiatiques d’institutions juives, dans lequel
figurait cet extrait : “Nous commençons à être las et surtout écœurés
des propos personnels diffamatoires que répand Claudine Douillet depuis 8 ans à
notre sujet…”, et invitais ces gens [people] à consulter la page
d’Accueil ainsi que l’en-tête de chaque page du site où figure ceci :
ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie.
Le Non de ψ [Psi] • LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui,
quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la
réflexion, de la raison, de l’intelligence.
Vous avez simplement changé de médecin traitant. Lorsque vous avez
brièvement signifié votre décision à la précédente docteur, elle s’en est
étonnée, justifiant l’élégance de son attitude par la survenue récente de
“problèmes personnels” [?!].
Et puis un jour de brocante Place des
Fêtes, vous croisâtes celle-ci en compagnie d’une autre sienne amie… Me G.-F. !
Laure, je pense que la boucle étant aujourd’hui bouclée sur elle-même,
nous parlerons ensemble de la nécessité de faire place nette, c’est-à-dire pour
vous de conserver ou non cet amas indigeste d’archives empilées, relatif à ces navrants impedimenta…
À vendredi ici !
W.
* Bien que survivante de la déportation des Juifs de France, ayant de tout temps refusé sans appel de me situer en victime, sans chercher d’assistance auprès d’une institution spécialisée dans l’antisémitisme, je me suis contentée, pour dénouer cette affaire de droits juridiques, obligée que j’étais d’engager une procédure, démarche que j’ai en aversion, de la mener à titre privé.
24-29 janvier 2018 [en cours]
27 janvier
2018
Comment
Freud et ses plus proches en vinrent à tant aimer Mark Twain…
ø
Mark Twain
Cette maudite
race humaine • 1909
[Posthume, inédit en France jusqu’en 1962 • Actes Sud, janvier 2018, 9.50
€]
V • L’animal
inférieur
Extraits
[…]
De tout
temps, pour les sauvages de toutes les contrées, les tueries contre leurs
frères et voisins, et la réduction en esclavage de leurs femmes et de leurs
enfants, étaient monnaie courante.
[…]
L’hypocrisie,
la jalousie, la malice, la cruauté, la soif de vengeance, la séduction, le
viol, le vol, l’escroquerie, l’incendie volontaire, la bigamie, l’adultère, l’oppression
et l’humiliation des pauvres et des démunis en tous genres faisaient partie de
l’ordinaire, et en font plus ou moins encore partie, autant chez les peuples
civilisés que chez les non civilisés.
[…]
Pendant des
siècles, “la fraternité entre les hommes” a été encouragée - le dimanche. Et
“le patriotisme” tous les jours de la semaine. Mais le patriotisme envisage l’inverse
même de la fraternité.
[…]
L’égalité
entre les hommes et les femmes n’a jamais été reconnue par aucun peuple, ancien
ou moderne, civilisé ou sauvage.
[…]
J’ai étudié
les traits caractéristiques des animaux prétendument “inférieurs” et je les ai
comparés à ceux de l’homme. Le résultat est pour moi humiliant. Car il m’oblige
à renoncer à mon allégeance à la théorie darwinienne*
qui soutient l’ascendant de l’homme
sur les animaux inférieurs ; en effet, il me paraît désormais évident que l’on
doit abandonner cette théorie en faveur d’une nouvelle, plus vraie ; laquelle
devrait être appelée la descendance de l’homme des animaux supérieurs.
* Twain joue avec le titre de l’ouvrage
de Darwin La Descendance de l’homme et la
Sélection sexuelle (The Descent of Man, and the Selection in Relation to Sex, 1874).
[…]
Pour en venir
à cette déplaisante conclusion, je n’ai pas eu recours à des devinettes, des
spéculations ou des conjectures, mais j’ai fait usage de ce qui est communément
appelé la méthode scientifique. C’est-à-dire que j’ai soumis chaque postulat
qui s’est présenté à l’examen décisif de l’expérience et, selon le résultat, je
l’ai adopté ou rejeté. Ainsi j’ai vérifié et étayé ma démarche pas à pas,
chaque étape à son tour, avant de passer à la suivante. Ces expériences ont été
conduites dans les jardins zoologiques de Londres et m’ont coûté plusieurs mois
d’un travail méticuleux et fatigant.
[…]
J’avais
conscience que bien des hommes ayant amassé plus de millions qu’ils ne
pourraient jamais en dépenser montraient un appétit féroce pour plus d’argent
encore et n’avaient aucun scrupule à tromper les ignorants et les démunis en
piochant dans leurs maigres rations pour assouvir un peu cette faim. J’ai
procuré à une centaine d’espèces d’animaux sauvages et domestiqués la
possibilité d’accumuler des réserves de nourriture, mais aucune d’entre elles
ne l’a fait. Les écureuils, les abeilles et certains oiseaux ont fait des
réserves, mais ils se sont arrêtés lorsqu’ils ont réuni leurs provisions pour
l’hiver et n’ont pu être persuadés d’en rajouter, ni ouvertement, ni par ruse.
Pour soutenir leur réputation mal assurée, les fourmis prétendaient faire des
réserves, mais je n’ai pas été dupe. Je connais bien la fourmi. Ces expériences
m’ont convaincu qu’entre l’homme et les animaux supérieurs il y a une
différence : lui est avare et pingre, eux ne le sont pas.
[…]
Mes
expériences m’ont persuadé que parmi les animaux, l’homme est le seul qui
ravale insultes et injures, qui les couve, qui guette une occasion et prend sa
revanche. La passion de la revanche est inconnue des animaux supérieurs.
[…]
Les coqs
ont leurs harems, mais avec le consentement de leurs concubines ; il n’y a
donc aucun mal à cela. Les hommes ont leurs harems, mais imposés par la force,
privilégiés qu’ils sont par des lois atroces établies sans la moindre
concertation avec l’autre sexe. En l’espèce, l’homme occupe une place largement
inférieure à celle du coq.
[…]
L’indécence,
la vulgarité, l’obscénité sont l’apanage de l’homme ; il les a inventées.
Chez les animaux supérieurs, on n’en trouve aucune trace. Ils ne cachent rien,
n’ont honte de rien. L’homme, avec son esprit souillé, se cache. […] L’homme
est “l’animal qui rit”. Mais les singes en font de même, ainsi que l’a montré
M. Darwin ; tout comme le martin-pêcheur géant de la Nouvelle-Guinée**.
Non, l’homme est un animal qui rougit.
C’est le seul animal qui fasse cela ou qui ait des raisons de le faire.
** En anglais, l’oiseau est appelé le laughingjackass ou laughing kookaburra.
[…]
[…] ; au temps de Christophe Colomb, [l’homme] s’empare d’une
famille de juifs espagnols et… mais cela,
on ne peut pas le publier ; […] De tous les animaux, l’homme est le seul à
être cruel. Il est le seul à infliger de la douleur pour le plaisir. C’est un
trait que l’on ne rencontre pas chez les animaux supérieurs.
[…] L’homme
est le seul animal à recourir à la plus atroce des atrocités : la guerre.
Il est le seul à rassembler ses frères autour de lui et, de sang froid et le
cœur tranquille, à monter au front pour exterminer son espèce. Il est le seul
animal qui pour un salaire misérable partira d’un pas décidé, comme l’ont fait
les Hessois pendant notre révolution et comme l’a fait le jeune prince Napoléon***
pendant la guerre contre les Zoulous pour aider à massacrer des étrangers de sa
propre espèce qui ne lui ont fait aucun mal et auxquels rien ne l’oppose.
L’homme est
le seul animal qui dérobe à son semblable sans défense son pays, en prend
possession et l’en expulse ou le détruit. L’homme fait cela depuis la nuit des
temps. Il n’y a pas un arpent de terre sur le globe qui soit en possession de
son propriétaire légitime, ou que son propriétaire n’ait arraché des mains du
précédent, de façon récurrente par la force et le sang.
*** Prince impérial, fils de Napoléon
III.
[…]
Les chats
ont des mœurs relâchées, mais pas de manière consciente. L’homme, descendant du
chat, s’est emparé du relâchement de celui-ci mais a oublié l’inconscient, cette
grâce qui excuse le chat.
[…]
L’homme est
le seul esclave. Et il est le seul animal qui réduise en esclavage. Il a
toujours été un esclave d’une manière ou d’une autre, et a toujours asservi d’autres
esclaves d’une manière ou d’une autre. De nos jours, il est encore l’esclave de
quelqu’un moyennant salaire, et fait le travail de cet homme ; et cet esclave a
d’autres esclaves à son service pour un salaire plus bas et ils font son travail. Les animaux supérieurs sont
les seuls qui ne font que leur propre travail et qui satisfont leurs propres besoins.
L’homme est
le seul patriote. Il se retranche dans son propre pays, sous son drapeau, et
regarde de haut les autres nations, et entretient sur pied une multitude d’assassins
en uniforme, à prix d’or pour croquer quelques morceaux des pays voisins et
empêcher les autres de lui en
croquer. Entre deux campagnes, il se lave le sang des mains et œuvre pour “la
fraternité universelle entre les hommes” - selon ses dires.
L’homme est
l’animal religieux. Il est le seul
animal religieux. Il est le seul animal à détenir la vraie religion, même
plusieurs. Il est le seul animal qui aime son prochain comme lui-même et qui
lui tranche la gorge si sa théologie n’est pas correcte. Il a fait du monde un
cimetière en voulant œuvrer de son mieux pour adoucir le chemin de son frère
vers le bonheur et vers le ciel. Il s’y est employé à l’époque des César, à
celle de Mahomet, à l’époque de l’Inquisition, il s’y est employé en France
pendant plusieurs siècles, en Angleterre à l’époque de Marie Tudor, il n’a
jamais cessé depuis qu’il a vu le jour, il s’y emploie aujourd’hui en Crète […],
il s’y emploiera ailleurs demain. Les animaux supérieurs n’ont pas de religion.
Et on nous dit qu’ils ne seront pas admis dans l’au-delà. Je me demande
pourquoi. Une faute de goût, semble-t-il ?
L’homme est l’animal raisonnable. Voilà ce que l’on
affirme. Je pense que le débat reste ouvert. En effet, mes expériences me
prouvent qu’il est l’animal déraisonnable.
[…] Son histoire est l’histoire d’un maniaque. Je considère que la meilleure preuve
à charge contre son intelligence est qu’avec un tel passif l’homme n’hésite pas
à se considérer comme l’animal en tête de peloton, alors même que selon ses
propres critères, il est tout à fait en queue.
En vérité,
l’homme est d’une bêtise incurable. Il est incapable d’apprendre des choses
simples que les autres animaux apprennent.
[…]
Force est
de constater qu’en matière de noblesse de caractère, l’homme ne peut prétendre
arriver à la cheville du plus vil animal supérieur. À l’évidence, sa constitution
ne lui permet pas d’approcher cette altitude ; elle l’afflige d’un défaut qui
lui rend une telle conquête à jamais impossible puisque ce défaut est
manifestement chez lui immuable, indestructible, invincible.
Ce défaut
dont je parle est le sens moral. Il
est le seul animal à en être doté. C’est le secret de sa déchéance. C’est la
qualité qui lui permet de faire le mal.
Le sens moral n’a pas d’autre rôle. Il ne peut remplir aucune autre fonction.
Il n’a pu être destiné à quoi que ce soit d’autre. Sans lui, l’homme ne
pourrait rien faire de mal. Il s’élèverait brusquement au niveau des
animaux supérieurs.
Comme le
sens moral n’a que cette seule fonction, cette capacité unique - donner à l’homme
la possibilité de faire le mal -, il est absolument sans valeur pour lui, il a
aussi peu de valeur que la maladie. De fait, il est une maladie. La rage est
mauvaise, mais elle ne l’est pas autant que cette maladie-là. La rage permet à
l’homme de faire ce qu’il ne pourrait faire en bonne santé : tuer son prochain
d’une morsure venimeuse. La rage ne fait de personne un homme meilleur. Le sens
moral permet à l’homme de faire le mal. Il lui permet de faire le mal de mille
façons. La rage est une maladie bénigne comparée au sens moral. Le sens moral
ne fait donc de personne un homme meilleur, Finalement, quelle aura été la
malédiction première ? Ce qu’elle a été depuis l’origine : l’imposition à l’homme
du sens moral ; sa capacité à distinguer le bien du mal ; et avec elle,
nécessairement, sa capacité à faire le mal ; puisqu’il ne peut y avoir de mauvaise action sans la conscience du
mal chez celui qui la commet. Le mal permet de faire le mal de mille façons. La
rage est une maladie bénigne comparée au sens moral. Le sens moral ne fait donc
de personne un homme meilleur. Finalement, quelle aura été la malédiction
première ? Ce qu’elle a été depuis l’origine : l’imposition à l’homme
du sens moral ; sa capacité à distinguer le bien du mal ; et avec elle, nécessairement,
sa capacité à faire le mal ; puisqu’il ne peut y avoir de mauvaise action sans
la conscience du mal chez celui qui la commet.
Ainsi, j’en
conclus que nous sommes descendus et avons dégénéré depuis quelque ancêtre
lointain - quelque atome microscopique baguenaudant, qui sait, sur la gigantesque
surface d’une goutte d’eau -, cascadant d’insecte en insecte, d’animal en
animal, de reptile en reptile, ou le long de la grand-route de la pure
innocence, jusqu’à atteindre le fin fond de l’évolution, que l’on nommera
l’être humain. Plus bas que nous, rien.
[…]
L’homme
semble n’être qu’une pauvre chose un peu bancale, par quelque bout que vous le
preniez ; une sorte de British Museum des tares et des infirmités.
[…]
Pour le style,
regardez le tigre du Bengale : cet idéal de grâce, de beauté, de perfection
physique, de majesté. Et ensuite regardez l’homme : cette pauvre chose. Il
est l’animal de la perruque, du crâne trépané, du cornet acoustique, de l’œil
de verre, du nez en carton, des dents en porcelaine, de la trachée en argent,
de la jambe de bois : une créature raccommodée et rafistolée de partout, de la
tête aux pieds. S’il ne lui est pas fourni un réassort de son bric-à-brac dans
l’autre monde, de quoi aura-t-il l’air ?
Il n’a
qu’une supériorité éclatante. Dans le domaine de l’intellect, il règne. Les animaux
supérieurs ne peuvent pas l’atteindre à cet endroit-là. Il est singulier, il
est remarquable que jamais ne lui fut promis de ciel où il eût pu jouir de
cette seule et unique supériorité. Même quand il a lui-même imaginé un ciel, il
n’y a jamais mis de provisions pour des joies intellectuelles. C’est une
omission frappante. Cela semble tacitement confesser que les cieux ne sont destinés
qu’aux animaux supérieurs. Voilà qui donne à penser, à penser sérieusement. Et
nous suggère une bien sombre hypothèse : nous ne sommes pas aussi
importants, peut-être, que nous n’avons cessé de le supposer.
20 janvier 2018
Prélude
Je ne vais pas m’étendre sur le fait qu’exégètes, épistémologues,
idéologues, philosophes, philologues, linguistes s’exercent à une lecture qui
recouperait Freud ; tentative de récupération qui définit très exactement ce
que les psychanalystes souhaitent préserver, c’est-à-dire une position d’extraterritorialité.
Reste l’étranger, pas forcément celui de Camus, mais peut-être celui dont
parlaient Aristote et Socrate. Un autre étranger qui nous vient de fort loin et
dont l’analyste a à soutenir la position, en un temps d’inflation des lectures,
des écritures, des psychothérapies, de la médicalisation de la psychanalyse et
de la psychanalysation de la médecine à travers cette
interrogation que pose toujours la psychiatrie. Chacun y trouve son compte,
mais au crédit ou au débit, on ne le sait pas, et, d’une certaine façon, ça
continue de nous poser question, voire de soulever notre inquiétude et même
notre angoisse à chacun ou à tous, dans la morosité, le suicide parfois ou, au
contraire, dans la surcompensation des choses ; rions-en... et gardons de l’humour
!
Ceux qui ne sont pas psychanalystes, je les ai
appelés dans un séminaire, il y a deux ou trois ans, des Efnarques,
- c’est-à-dire des Épistémologues Freudiens non Analystes -, ceux en somme qui
parlent le mieux de Freud parce qu’ils peuvent l’articuler à Marx, Nietzsche,
Socrate, etc. Rien à voir avec la discipline clinique de l’analyste qui
travaille en secteur, en dispensaire ou dans son cabinet sur le plan et dans le
champ de la tradition libérale de la médecine du temps de Freud. Rien à voir
avec les questions qui se posent aux psychanalystes in situ, hic et nunc, à
chaque séance, à partir d’un contrat qui définit la méthodologie freudienne,
telle que Freud l’a inventée, et non pas telle que nous allons la réinventer ;
on ne peut jamais réinventer. Freud l’ayant élaborée, trouvée, expérimentée,
écrite, décrite, soutenue à sa façon, et à sa seule façon (voir la bande
dessinée pleine d’humour dont je parlais tout à l’heure, qui souffle un peu d’air
frais dans le mauvais freudisme orthodoxe), il ne s’agit pas de réinventer la
psychanalyse, mais de savoir que la tâche du psychanalyste, après Freud, est de
supporter d’être chaque fois réinventé par tel ou tel sujet, telle ou telle
demande, tel homme, telle femme, telle névrose, telle perversion, telle
psychose. Autrement dit, lui qui a pu lire les livres, avoir une formation
analytique, une analyse dite didactique, lui qui a pu se servir de son analyse
didactique pour éventuellement régler ou ne pas régler les problèmes
économiques de sa libido, comment va-t-il se faire réinventer comme analyste
par la demande qui viendra l’interroger, le concerner, voire le cerner au
niveau de son non-savoir ?
François Perrier
Le Mont Saint-Michel
Naissance
d’une perversion
Éditions Arcanes, Paris, 1994
[Publié post-mortem F. P. par Jacques Sédat]
ø
Samedi
dernier, ce samedi, je n’eus pas le loisir d’écouter jusqu’à sa fin Répliques, l’émission produite par Alain
Finkielkraut sur France Culture. En cours d’émission, j’ai coupé la radio.
Dans quel dessein Alain Finkielkraut
a-t-il invité Michel Serres ce matin ?
Cet éminent penseur, s’identifiant à un
nouveau Cervantes, un nouveau Montaigne, un nouveau
Rabelais des temps actuels, estimant au passage certains de ses propres
ouvrages “puissants”, auxquels il comparait à l’horizontale, en comptable, la
subversion inédite que lui-même crée grâce à l’évolution des sciences et des
outils techniques, plus particulièrement dans l’éducation et sa
transmission ? Pourtant, il semblerait qu’une partie non négligeable du
monde pensant et parlant se dise en nos temps consternée par leurs effets
délétères et s’interroge sur la production de trois générations d’ignorants
involontaires connectés ?
Quel
bénéfice réel de leur analyse en retirent les êtres de tous âges, auprès d’un vaste courant de
psychanalystes, censés dans leur pratique les aider, en toute autonomie individuelle de penser et
d’agir, à prendre conscience des symptômes qui plombent leur pernicieux
mal-être, à le neutraliser, lesquels conditionnent leurs pensées et leurs
agissements, voire leur retrait total du monde extérieur, parasitent leurs
relations à l’autre (avec un petit “a” pour commencer).
Comment
se fait-il qu’il ne soit pas venu à l’esprit du psychanalyste de Woody
Allen (pour exemple), lequel répand à coup de “bons mots” son éloge depuis
cinquante ans, d’engager ce dernier à réfléchir au concept psychanalytique de
sublimation des pulsions, ici pédophiles ? Ou,
si impossible de le lui faire entendre, au su de ses actes répétitifs, lui
déclarer honnêtement que la poursuite de sa psychanalyse y était incompatible
et devait s’arrêter là.
De même, pour les conjoints
psychanalystes, l’entourage proche et autres amateurs du savoir, comment leur
bienveillante attention n’a-t-elle pas songé à alerter leurs maris, femmes,
amis, auteurs et acteurs de conduites délictueuses ancrées, compulsives, sur
leur antagonisme avec le recours à une psychanalyse individuelle ou/et leurs
discours sur la psychanalyse ?
11-15 janvier
2018
Actualité
Souvent, par intermittence,
me fredonne en tête ce gospel :
Go down, Moses…
Paroles
[anglais-français], chant par Louis Armstrong
https://www.lacoccinelle.net/268848.html
“C’était mieux avant…, etc.” : je n’aime pas la condescendance de certains intellectuels qui ont accueilli cette
ritournelle.
Elle est
souvent une façon populaire de se
plaindre. Oui, c’était mieux avant, mais quand ?
Avec un minimum d’écoute de cette plainte, il suffirait de le demander à celles
et ceux qui l’énoncent.
Et si l’on consentait à remplacer les
qualifications irréfléchies de réac., tradi., rétrograde… par rétrospectives ?
Georges Ralli conclut Céline : Sein Kampf, écrit en avril
[sic] 1989 ainsi :
Quand même, cette canonisation est en
cours. Ces dernières années, d’innombrables écrits célèbrent les mérites de “la
grande victime”. Suprême consécration, Céline est admis dans le “Paradis de la
Pléiade”. Et aujourd’hui, critiques, écrivains, dessinateurs, chantent en chœur
: GLORIA IN EXCELSIS CELIO !*
* Celio : aveugle.
http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/celineralli.html
Publication des écrits
antisémites de Céline : avec la foultitude pulsionnelle débridée des
éructations antisémites qui circulent sur les réseaux sociaux, je ne vois pas
en quoi elle devrait être censurée. Pour peu que l’on estime la capacité
mentale de vigilants représentatifs à autopsier l’idéologie, voire la
pathologie du clivage d’un auteur entre son œuvre et ses actes, quelle serait
la nécessité pédagogique de la commenter ? Les vocables, les discours, les
actes, parlent d’eux-mêmes. En annexe : Gallimard pourrait-il envisager
une édition intégrale des œuvres de Céline omettant ces écrits en leur
temps publiés ?
Lu quelques félicitations pour la (re-)publication que j’estimais urgente de ce texte de
Georges Ralli. Parmi ces courriers figuraient des abonnés depuis 1989, lesquels
l’avaient reçu alors en format cahier-papier [n° 2], intitulé Entre l’avant et l’après, dont voici le
sommaire :
Micheline Weinstein • Cinquante ans après
Martine Dreyfus • Entre l’Avant et l’Après
Georges Ralli • Céline, Sein Kampf
Juin 1989
Ils ne l’avaient donc pas lu.
Et toujours pas jusqu’en 2018. Il en est
manifestement de même depuis des lunes chez les fervents intellectuels
germanopratins (style littéraire, pour aller vite, de la revue L’Infini), dont quelques Juifs, de la
lecture de nos publications sur les idéologies délétères, qui témoignent de
leur incidence sur les esprits, les pratiques privées et professionnelles,
propagées par Heidegger, Céline, Lacan et autres sommités de la
littérature…
Question
récurrente : d’un point de vue éthique, qu’en est-il, depuis près d’un
demi-siècle, de la responsabilité due à la transmission que l’immensurable
courant de penseurs lacanisés et en tout premier lieu
de psychanalystes - pour acquitter leur dette envers Freud - qui auraient,
plutôt que de se faire élire au nom de la psychanalyse* dans les médias selon
la coutume de journalistes, de philosophes, d’écrivains, leurs théories, en
regard de leurs pratiques professionnelles, de leur idéologie, ne serait-ce
qu’ébauché une mise en garde, une prise de position, quand bien même
eurent-elles été illusoires, aspirant à essayer d’endiguer le démantèlement que
nous connaissons du sens et de la valeur de la transmission, concept remplacé
par l’impropre “devoir de mémoire”, dans tous les domaines ?
* Le nom de psychanalyse et son promoteur furent tant foulés que l’on n’emploie
plus l’expression “psychologie de comptoir”, telle un médicament procuré sans
ordonnance, mais “psychanalyse de…”. La pédance authentifierait-elle les clichés ?
Le
magazine Causeur. En 2013,
j’avais été intriguée par son chapeau : Surtout si vous n’êtes pas d’accord ! Il m’avait paru
démocratique. Récemment, j’ai adressé via
Causeur un courrier à l’intention d’Alain Finkielkraut, lequel avait été
l’objet de réactions violentes à propos de sa mention (non-)“sous-chiens” dans son hommage à Johnny Hallyday. Pour éviter les baroufs
indigestes, je l’y invitais une prochaine fois à ne pas omettre de citer ses
sources, en l’occurrence le nom de l’auteur et les circonstances de cette
locution vomitoire.
Réponse : néant.
Je sais mon penchant pédagogique. Fut-ce
indifférence, condescendance ? N’étant pas actionnaire de Causeur, ma parole n’a sans doute pas sa
place dans ce gotha.
Autre barouf : à propos des atteintes
au corps donc à leur grave retentissement sur la psyché. L’entre-soi d’astres de toutes extraces, de par leurs privilèges
à l’abri des agressions sexuelles, s’est élevé devant la quasi insurrection
légitime des plébéiennes, fut toisé et globalisé sous l’appellation de
“féministe” (oui, “metoo”, non, “balance…”),
notamment par Finkielkraut. Et ce, dans un alarmant embrouillamini sémantique,
où les prédateurs qui devraient tomber sous le coup de la loi, par défaut de
clarté d’analyse et de style rédactionnel, ont fini dans nombre d’esprits par
s’amalgamer aux pince-fesses mondains de tous les pays “unissez-vous”.
Du côté des saltimbanques nés dans la
plèbe, j’ai repensé à Patrick Dewaere, à Marilyn Monroe, qui servit d’objet
d’abattage sexuel où se rejoignirent Hollywood, les
politiques, la mafia de la génération Kennedy. Et me suis demandé pourquoi la
France rechignait à balayer devant sa porte (à ma charge : je n’utilise
pas les réseaux sociaux).
Or, heureuse surprise, Charline Vanhoenacker y a pourvu sur France Inter. Sa parodie est
désopilante :
VIDEO.
“Faites pas vos mijaurées, réhabilitons DSK !” :
Charline Vanhoenacker répond à Élisabeth Lévy sur France
Inter
Alors
qu’une tribune parue dans Le Monde a défendu, mercredi, la “liberté
d’être importunée”, Charline Vanhoenacker, dans sa
chronique quotidienne sur France Inter, a entendu y répondre en prenant les
atours de l’une de ses signataires, Élisabeth Lévy,
rédactrice en chef de Causeur, dans une imitation hilarante, rouge à
lèvres barbouillé en sus.
https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-charline-vanhoenacker/le-billet-de-charline-vanhoenacker-11-janvier-2018
|
Alain Finkielkraut est un vif défenseur de la virile galanterie, de même que de la séduction, qu’il semblerait confondre avec salacité, mais j’ai renoncé à essayer de le contacter via Causeur ou RCJ. Aussi, selon mon irrépressible marotte, je suis allée consulter le CNRTL. En voici quelques définitions choisies :
Galanterie
• Art de plaire en société, par une allure élégante, une politesse raffinée, des procédés obligeants, etc.
• Disposition à se montrer courtois envers les femmes, à les traiter avec déférence, à les entourer d’hommages respectueux, d’aimables prévenances.
• Procédé, présent, propos qui dénote une certaine élégance, obligeance, etc., et où se marque l’intention d’être agréable.
• [À propos d’un mode d’expr. littér. ou artistique] Caractère d’une œuvre qui traite avec grâce de sujets amoureux.
• Au sing., péjoratif. [À propos de femmes uniquement] Prostitution pratiquée dans des milieux généralement élégants ; p. méton., monde des courtisanes et des prostituées.
Séduction. Dans mes traductions, particulièrement celle de sa théorie de la séduction et son supposé abandon* par Freud, ainsi que dans mes travaux personnels, j’ai chaque fois veillé à traduire séduction [Verführung, également : détournement de mineur] par abus.
* Cf. Abandon par Freud dans sa lettre à Fliess du 21 septembre 1897, de sa Neurotica : fable des tous débuts, destinée à ne pas affaiblir publiquement le crédit envers la psychanalyse naissante, non plus que d’incommoder à la fois une possible patientèle combourgeoise et les notables des académies des sciences, dont certains membres illustres n’hésitaient pas à le qualifier de pornographe (juif ?). Des psychanalystes auraient-ils fait montre d’une négligence de lecture des textes freudiens, dont celle de L’Homme aux Loups n’est qu’un exemple ? Précaution publique de la part de Freud, qui valut à Ferenczi, par le monde psychanalytique de l’époque, un vigoureux rejet de ses observations sur la fréquence indéniable des abus sexuels dans tous les milieux.
Pour une meilleure approche de l’évolution et des conséquences toujours traumatiques des abus sexuels, se reporter à :
http://psycha.ru/fr/dictionnaires/laplanche_et_pontalis/voc284.html
Mozart. Proximité sublime entre musique sacrée et musique profane. Ce qu’en effet, nous nommons sublimation…
T. B.
28 décembre 2017- 02 janvier 2018
De mon seul point de vue…
De mon point de vue, c’est-à-dire de par mon héritage culturel et pour aller au plus bref, la déconstruction audible de la pensée a commencé dans “les fameuses années vingt” (Adorno) du XXe siècle, en Allemagne par la musique dodécaphonique*, en France par l’ombrageux surréalisme, concurrent du Dada de langue d’origine allemande. À l’exception de Salvador Dali, non français, auto-déclaré, conscient d’être un génie international, le seul surréaliste digne de représenter cette appellation.
L’écriture musicale devint horizontale, suivie par l’abandon en peinture de la troisième dimension, celle de la profondeur.
* Le 18 février 1923, Arthur Schnitzler écrit à Olga Schnitzler, au retour de l’audition chez Alma Mahler du Pierrot lunaire de Schönberg, que cette œuvre lui a inspiré un franc malaise, entremêlé d’une froide admiration. Esprit, saillies, bizarrerie - mais point d’âme.
Sur le climat à Vienne, dans son Journal, le 7 février de la même année : … propos sur les affiches à pogrome des nationaux-socialistes. Sur l’antisémitisme en général. Je le nomme trouvaille que la bassesse humaine n’avait jamais connue [N. B. = dans la Vienne de François-Joseph].
Schnitzler et Freud s’étaient, à l’initiative de Freud, rencontrés en 1922 et, outre la correspondance qui s’ensuivit, se croisèrent quelquefois au cours de différentes manifestations de la vie culturelle animée par la bourgeoisie juive viennoise. Sur ce qui les différenciait (théorie du rêve, Dora…, La Ronde, l’écriture de la psychanalyse et l’écriture littéraire, … … …), lire l’étude de fond de Michel Schneider, Lu et entendu : Freud, James, Nabokov, Pessoa, Proust, Rancé, Schnitzler, PUF, 2013. Sur les diagrammes de Schnitzler et les mathèmes de Lacan, cf. éventuellement Chapitre I de mes Travaux 1967-1997.
Par ailleurs, 10 ans avant que Stekel fût exclu en 1933 à la fois du Parti communiste allemand et de la Société psychanalytique de Vienne, Schnitzler, inflexible, le qualifiait d’“escroc”.
Au surréalisme, s’opposèrent avec moins de succès mondain, toutefois tenus en grande estime par leurs pairs éminents, des écrivains, des artistes au savoir mathématique, littéraire, musical, pictural, les pataphysiciens, les oulipiens…
Du côté de la psychanalyse, après la Deuxième Guerre mondiale, de plus ou moins jeunes candidats psychanalystes, à la différence de l’Angleterre et de l’Allemagne, fascinés tout en le dénigrant par le « Way of life » américain - et possiblement par inclination pour l’argent, le « Roi dollar » de Freud -, désertèrent en masse le respectable Institut de formation à la psychanalyse de la rue Saint-Jacques à Paris, considéré avec hauteur comme démodé, pour se précipiter dans la nouvelle École de Lacan, lequel ne demandait rien si ce n’est mobiliser des recrues de préférence susceptibles d’assurer sa renommée, pour établir sa prééminence cosmique sur la théorie psychanalytique, l’usage thérapeutique ne l’intéressant pas.
Les déportés juifs revenus des camps et les rescapés de tous âges, psychanalystes confirmés, demeurèrent fidèles à l’Institut.
Seule à ma connaissance parmi cette génération de psychanalystes, Anne-Lise Stern se rallia à ce qui devint un vaste corps, que pour ma part je comparais à « La Grande Muette » ou au choix à « l’Église de scientologie ».
Sinon le fait d’être Juive, femme non mariée et sans enfant, psychanalyste, en héritière directe sauvée bébé du désastre, notamment de la rafle du Vel’ d’Hiv’, Pupille de la Nation, je n’eus rien en commun avec Anne-Lise Stern. Je l’aimais pourtant, comme j’aimais sans distinction avec un quasi recueillement celles et ceux dont la vie au retour des camps de la mort incarnait le miracle. Ses traits lumineux de génie me coupaient le souffle. Hélas, restée encore niaisement crédule lors de nos premières rencontres, je ne comprenais pas pourquoi elle était interdite par les siens de parole psychanalytique publique, censurée et abondamment plagiée, ce dont elle se plaignait, bien que son adoration pour Lacan persistât et, comme font les enfants, s’étant identifiée aux principes occultes de son parti, elle rompit à la longue ouvertement notre amitié.
Contre quoi, le temps faisant son œuvre, patiemment la psychanalyse, qui est à mon sens une éthique, m’apprit à déchiffrer les palimpsestes.
Dans la pratique des institutions lacaniennes, l’analyse du rêve, celle de la sexualité, son influence décisive sur la structuration ultérieure du psychisme, disparurent. Séances ultra-courtes, calembours intitulés “mots d’esprit”, persiflages, allégeance servile à l’enseignement du Maître, les cabinets d’analystes avec leurs divans, fauteuils, chaises éjectables, devinrent des bureaux de renseignements à sa seule gloire.
La résistance liminaire à la psychanalyse, dont l’originalité consiste en un travail de fond partagé à juste équité entre l’analyste et l’analysant-e à la découverte, de et par chacun de sa vérité*, toujours inachevée, toujours à advenir, continue de demeurer et de se manifester, imperturbable comme au temps de Freud, précisément par une tenace résistance à la psychanalyse.
* Vérité, cf. ci-dessous dans ce journal, passage entier de Trois poètes de leur vie par Stefan Zweig : Exiger d’un être humain la véracité absolue dans son autoportrait - et de façon générale - n’aurait pas plus de sens que d’en appeler à la justice, à la liberté et à la perfection absolues en ce bas-monde.
Les héritiers directs de la déportation furent et sont encore, au prétexte de traumas, mis en tas, considérés en malades à vie*, sans que ces gens, dans leur grande mansuétude, ne s’intéressent à la biographie* de chacun-e dont aucune, singulière au-delà des analogies invariantes, n’équivaut à une autre. Y compris celle de qui avait procédé à une psychanalyse freudienne approfondie, et quelquefois, était devenu-e psychanalyste. L’une de mes analystes, célèbre lacanienne, lorsqu’à la première séance je lui fis part de ce qui m’amenait, par ces mots me laissa coite : “Je sais, je suis au courant.”
Mon point de vue sur l’utilisation médiatique de la déportation des Juifs par nombre de ces gens qui se réclament de son héritage, figure depuis 50 ans par intermittence dans mes travaux.
* Les orphelins de Juifs d’origine étrangère assassinés, nés pendant la guerre, furent dépossédés de toute espèce de racines, d’identifications à un sol, à une langue, à une culture, qu’il leur fallut adopter et assimiler pour pouvoir s’inventer et vivre normalement.
31 décembre 2017, suite de la lettre à Jean-Luc Mélanchon
Comme je l’ai écrit, la politique ne m’intéresse plus, je suis trop près de l’étape ultime pour essayer de me contrefaire et me conformer au style employée d’une entreprise américaine.
Puisque c’était mieux avant déplaît aux néo-modernistes, je souhaiterais entendre ce qui est mieux maintenant après que l’éducation des enfants dès le bas âge fut consciencieusement, durablement détruite, alors qu’elle est au fondement de la structuration psychique et citoyenne, de l’élaboration de la pensée, plus tard du libre choix d’avenir. Après qu’in utero déjà, les enfants naissent amputés de la perception du mot inconscient, donc de la chose même, de la soif naturelle de savoir. Espérons.
À la limite de l’infatuation fut d’emblée la référence initiale saugrenue à Jupiter, laquelle ne semble pas gêner grand monde tant il s’empresse de comparer à Bonaparte le président de la République, fantasme par un jeune homme qui n’a pas encore fait ses preuves d’une identification au Général de Gaulle, voire à la Royauté - mon peuple, Je veux… ! - et à d’autres personnalités de stature. Mais soyons magnanimes, revenons à Clemenceau :
Tout le monde peut faire des erreurs et les imputer à autrui : c’est faire de la politique.
• De la trivialité : envoi d’une pub à la TV pour l’exposition Monet Collectionneur au Musée Marmottan, inféodé semblerait-il à l’heure des communicants : Moi Claude Monet…, etc. ! Imagine-t-on Claude Monet qui n’a fait que regarder ce que [lui a] montré l’univers, déclarer Moi Claude Monet ? De même que son affectueux ami, Georges Clemenceau - Moi Clemenceau ! -, qui n’était certes pas un praticien du Moi, excepté l’une des rares fois, en minuscule, non en apposition - autrement dit étisie du Je, sujet : Pour mes obsèques, je ne veux que le strict nécessaire, c’est-à-dire moi. Il est difficile de résister à une autre pointe de Clemenceau : La vanité humaine est si grande que le plus ignorant croit avoir besoin d’idées.
• Locuteurs médiatiques communicants (comme des vases ?) de toutes professions, principalement journalistiques, mais aussi bien émanant de certains professeurs éminents, conférenciers invités du Collège de France, ayant pris des cours, non pas de rhétorique, mais d’expression orale, lesquels nous assènent en force un accent tonique sur la première syllabe de chaque mot. Serait-ce pour nous convaincre et si oui, de quoi ?
• À puritain, aujourd’hui lancé avec mépris par les dites “élites” (j’opterais plutôt pour les “élu-es”), qui classe “celles et ceux” (!) ne pensant et ne parlant pas comme l’entre-soi des coteries de bourgeois popotes tout de même plutôt nantis (cf. chansons de Brel et de Brassens), je préfèrerais compassé, rigoriste, qui me semblent plus justes en ce qu’ils s’adressent au commun des mortels, sans être connotés aux protestants ou, selon Simone de Beauvoir dans Les Mandarins, aux gens de gauche :
Vous êtes tous les deux des puritains, comme tous les gens de gauche, dit Volange en se tournant vers Henri ; le luxe vous choque, parce que vous ne supportez pas d’avoir mauvaise conscience.
En quoi l’idéologie sectaire de ces zélites se distingue-t-elle de celle des Quakers-et-Quakeresses, sinon sur un point sensible, l’austérité des mœurs que l’on ne saurait leur attribuer ? La philanthropie, leur pacifisme, leur charité - laquelle consent à faire “des gestes” en faveur des “démunis”, des pauvres, des migrants et j’en passe, mais pas des Juifs -, leur indulgence hypocrite, étant dérivés sans qu’ils songent à l’admettre des préceptes des Ancien et Nouveau testaments…
Suite Journal ininterrompu 1967-2018