Trois ans avant l’élection
de Barack Obama, parut aux États-Unis un
livre aussi merveilleux que la lampe d’Aladin,
Ce livre, dont nous aimerions
trouver l’équivalent en France, en vingt
tableaux, avec illustrations et itinéraires,
raconte aux enfants à partir de 6 ans,
mais aussi aux grands enfants de tous âges,
l’histoire de l’immigration aux États-Unis,
de 1631 jusqu’en 1988.
L’histoire de pionniers, d’immigrants,
de réfugiés, mais aussi d’autochtones
solidaires qui, à travers les siècles,
ont contribué à ce que l’Amérique
acquière son indépendance.
Nous avons choisi, parmi ces
vingt récits, l’histoire d’Israël
Veleris, Isi, dont la famille dût fuir l’Allemagne
en 1939 et qui, avant de trouver refuge aux États-Unis,
fut sauvé, en France, grâce à
la Croix-Rouge Suisse relayée par un réseau
français de « Justes
parmi les Nations »,
Voici l’histoire d’Isi, dans
la langue originale, l’anglo-américain,
suivie de sa traduction en français, que
le lecteur intéressé pourra également
écouter, interprétée par
Bernard Vercier en se reportant à,
Saved...
The
Red Cross worker smiled as she handed Israel Veleris
a bottle of milk. But the six year old boy, called
Isi, heard the roar of the German bombers flying
over the Brussels train station. 1
Isi clutched his mother’s hand as his father
tried to keep the family together in the crush
of frightened people. It seemed as though the
whole Jewish community of Brussels was fleeing
the Nazi army that had just invaded Belgium. “The
Nazis took over Germany”, Isi’s parents
explained, “and now they want to conquer
the rest of Europe. They are evil, Isi. They hate
us just because we are Jewish, and they will try
to hurt us.”
And so, Isi’s exodus began.
In Paris 2 the
family soon decided that a country village 3
would be safer as war swept across Europe. For
Isi this was a golden time. Too young to understand
the true dangers, he played in the fields, went
to school, and helped the village baker make his
bread. Then, trouble came like a dark cloud’s
shadow. Isi’s father died. In the summer
of 1940 the Nazis invaded France. And one day,
the French police began to arrest all of the Jews
in the village. Isi and his mother hid in a barn
4 but were soon
caught and sent by truck 5
to Aulus les Bains, a resort town near the Spanish
border.
There they were herded together
with almost 700 other Jews in the town’s
grand hotels. 6
Isi knew there was danger in the air. German soldiers
guarded the road, and there was no way out. But
he was a child still, with a child’s pleasures.
While his mother worked at the grandest hotel
of all, the Majestic, Isi helped the town blacksmith.
He loved to pump the bellows and to hear the music
of the hammer as it struck the anvil. The blacksmith
was kind to the little boy in short pants, and
Isi never forgot him.
By 1942, Isi’s pleasure
would disappear. Early one morning his mother
shook him awake. ‘The police are rounding
up Jews”, she told Isi. While some Jews
fled toward Spain 7
Isi and his mother crept into a hiding place just
outside of town. “It will be safer for us
to hide now”, she said. Days passed, and
still Isi heard the footsteps outside their secret
place. Soon, their food and water were gone. It
seemed that the police were gone, too, so Isi’s
mother thought it would be safe to sent him for
help. “Sneak into the kitchen of the Majestic”,
she told her son. “The cooks are our friends,
and they will give us food.”
Isi slipped quietly into the
hotel. But before he could catch his breath, the
terrified boy was grabbed by a police guard. In
an instant Isi faced the commandant, the chief
of police. “Where have you been hiding,
boy”, he demanded, as the guards slapped
Isi. 8 Moments
later, Isi’s mother was dragged in by another
guard. “Get rid of this garbage”,
the commandant sneered, as the guards shoved the
boy and his mother onto a bus. 9
They drove them to the Camp du Vernet. 10
Its wooden barracks and barbed wire fences enclosed
hundreds of Jews and other “undesirables”
rounded up by the French police.
Isi and his mother knew that
whatever happened next would not be good. Every
day trains took away some prisoners and brought
others. When 45 boys were dragged in together
one day, Isi’s mother discovered that they
had been captured from the Swiss Red Cross in
a nearby castle. When the director of the castle
demanded and got the boy’s return, Isi’s
mother knew what she had to do. Somehow, she got
a word to the castle : “Come quickly. Another
boy awaits you.” Two days later, a man arrived
from the castle, insisting that Isi be turned
over to him. Because it was the Swiss Red Cross,
the commandant of the camp agreed. Sobbing, Isi’s
mother embraced her son for the last time. 11
Isi left for the castle, 12
not realizing that he would never see his mother
again. The next morning, she was sent to the death
camp at Auschwitz.
Isi’s mother had saved
her son. For the rest of the war, Isi was protected,
first at the castle and then in a convent. Drawing
water from the village well one day, Isi looked
up into the sky to see an American soldier floating
down into the village square 13
It was 1944, and the war in France was over. Within
a few years, Isi would find himself in America.
Like thousands of other Jewish children who had
lost their families, their homes, almost their
lives, Isi started all over again.
Isi
Veleris Facts
- Isi’s mother was one
of 6 million Jewish men, women, and children who
died in Nazi concentration camps during World
War II.
- Today, Isi Veleris is
a photographer. After many years in the United
States, he lives again in France.
ø
1939
Sauvé...
L’employée
de la Croix-Rouge souriait en remettant une bouteille
de lait à Israël Veleris. Mais Isi,
le garçonnet de 6 ans, était assourdi
par le hurlement des bombardiers allemands survolant
la gare de Bruxelles. 1
Isi agrippa la main de sa mère tandis que
son père essayait de maintenir la famille
rassemblée dans la bousculade d’une foule
affolée. C’était comme si la communauté
juive de Bruxelles tout entière se sauvait
devant l’armée nazie qui venait juste d’envahir
la Belgique. “Les nazis ont pris le contrôle
de l’Allemagne”, expliquèrent les
parents d’Isi, “et maintenant ils veulent
conquérir le reste de l’Europe. Ils sont
méchants, Isi. Ils nous haïssent,
uniquement parce que nous sommes Juifs, et ils
vont essayer de nous faire du mal.”
Et c’est ainsi que commença l’exode d’Isi.
Paris. Tandis que la guerre déferlait sur
l’Europe, très vite la famille décida
de quitter Paris 2
pour un village 3
perdu dans la campagne où ils seraient
davantage en sécurité. Ce furent
pour Isi des jours en or. Trop jeune pour mesurer
les dangers réels, il jouait dans les champs,
allait à l’école, et aidait le boulanger
du village a confectionner son pain. Or le malheur
survint, tel l’ombre d’un nuage noir. Le père
d’Isi mourut. L’été 1940, les nazis
envahirent la France. Et un jour la police française
se mit à arrêter tous les Juifs du
village. Isi et sa mère se cachèrent
alors dans une grange 4,
mais ils furent bientôt découverts
et expédiés par camion à
Aulus-les-Bains 5,
une station thermale proche de la frontière
espagnole.
Là, il furent regroupés
en troupeau, avec plusieurs centaines d’autres
Juifs - 700 environ, et furent répartis
dans les grands hôtels de la ville. 6
Maintenant, Isi ne pouvait plus ignorer qu’il
y avait du danger dans l’air. Les soldats allemands
montaient la garde sur la route, il n’y avait
plus aucune échappatoire. Cependant, Isi
demeurait un enfant paisible, occupé aux
loisirs de son âge. Pendant que sa mère
travaillait dans le plus grand des hôtels,
le Majestic, Isi aidait le forgeron de la ville.
Il aimait actionner la soufflerie et entendre
résonner la musique du marteau après
qu’il eut heurté l’enclume. Le forgeron
se montrait bienveillant envers le gamin en culottes
courtes, Isi ne l’oublia jamais.
En 1942,
la quiétude d’Isi allait disparaître.
Un matin, tôt, sa mère dût
le secouer pour le réveiller. “La
police rafle les Juifs”, dit-elle à
Isi. Alors que quelques Juifs fuyaient vers l’Espagne,
7 Isi et sa mère
s’insinuèrent en rampant dans une cachette,
juste à la sortie de la ville. “Dorénavant,
nous cacher sera plus sûr”, dit-elle.
Les jours passaient, et Isi entendait toujours
le bruit des pas à l’extérieur de
leur lieu secret. Bientôt, les vivres et
l’eau manquèrent. Il leur sembla que la
police était partie aussi, alors la mère
d’Isi l’envoya chercher du secours. “Faufiles-toi
jusque dans la cuisine du Majestic”, lui
dit-elle. “Les cuisinières sont nos
amies, elle nous donneront de quoi manger.”
Isi se glissa silencieusement
dans l’hôtel. Mais avant même qu’il
ait eu le temps de souffler, le garçonnet,
soudain terrifié, fut empoigné par
un garde-frontière. En un éclair,
Isi se retrouva face au commandant, le chef de
la police. “Alors le garçon, où
étais-tu donc caché ?” interrogea-t-il,
en même temps que les gardes giflaient Isi.
8 Quelques instants
plus tard, la mère d’Isi surgit, traînée
de force par un autre garde. “Débarrassez-moi
de ces ordures”, ricana le commandant, comme
les gardes poussaient le garçonnet et sa
mère dans un bus. 9
Ils furent conduits au Camp du Vernet. 10
Ses baraques en bois et ses barbelés maintenaient
cloîtrés une centaine de Juifs et
autres “Indésirables”, raflés
par la police française. Isi et sa mère
savaient maintenant que tout ce qui arriverait
par la suite serait mauvais. Chaque jour, des
trains emportaient des prisonniers et en apportaient
d’autres. Quand 45 garçons furent amenés
en un seul jour, la mère d’Isi entendit
qu’ils avaient été raflés
à proximité, dans un château
de la Croix-Rouge Suisse. Et quand le directeur
du château exigea et obtint le retour des
garçons, la mère d’Isi sut ce qu’elle
avait à faire. Elle se débrouilla
pour faire parvenir un mot au château :
“Venez vite. Un autre garçon vous
attend.” Deux jours plus tard, un homme
vint du château, insistant pour qu’Isi lui
soit confié. C’était la Croix-Rouge
Suisse, alors le commandant accepta. Et c’est
en larmes que la mère d’Isi embrassa son
fils pour la dernière fois. 11
Isi partit pour le château 12,
sans vraiment réaliser que, jamais, il
ne reverrait sa mère. Le matin suivant,
elle était expédiée au camp
de la mort d’Auschwitz.
La mère d’Isi
avait sauvé son fils. Tant que la guerre
dura, Isi fut protégé, d’abord au
château, puis dans un couvent. Un beau jour,
alors qu’il allait puiser l’eau du village tout
proche, Isi, regardant vers le ciel, vit un soldat
américain en descendre comme s’il planait,
et se poser, pile, sur la place du village. 13
On était en 1944, et en France la guerre
était finie. Peu de temps après,
Isi gagna l’Amérique. Comme mille autres
enfants juifs qui avaient perdu leur famille,
leur “home”, leur “chez-soi”,
et failli perdre la leur, Isi recommença
une nouvelle vie.
Ce qu’il
advint...
- La mère d’Isi Veleris fut parmi les 6 millions
de Juifs, hommes, femmes et enfants, morts dans
les camps nazis pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
- Aujourd’hui, Isi Veleris est photographe.
Après de nombreuses années aux États-Unis, il
vit de nouveau en France.