Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

L’identité, une affaire de papiers • Guy Konopnicki

Journal de bord, fin janvier 2010 • Micheline Weinstein

Ø

Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • « L’Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down the worshipped object.
Samuel Beckett • « The Unspeakable one »
Underlined in « Jargon of the Authenticity » by T. W. Adorno • 1964

Ø

Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.
Nobody has the right to remain silent if he knows that something evil is being made somewhere. Neither sex or age, nor religion or political party is an excuse.

Bertha Pappenheim

point
ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

ø

© Guy Konopnicki / Janvier  2010

 

L’identité, une affaire de papiers

par

Guy Konopnicki

Avec l’autorisation de l’auteur

1e publication in l’hebdomadaire « Marianne », semaine du 16 au 22 janvier 2010

Site quotidien Marianne2

Sur le plateau d’Yves Calvi, François Hollande et Jean-François Copé se sont engagés à se pencher sur les tracasseries réservées aux citoyens français dont les parents eurent le tort de naître à l’étranger. Pour obtenir ou juste renouveler une carte d’identité, un passeport, on nous somme d’apporter les preuves de notre nationalité, de fournir des actes et des certificats conservés, en principe, dans l’obscurité d’une tour de Nantes. Ayant évoqué ici même, en août 2009, la situation ubuesque d’une fonctionnaire de l’Éducation nationale, née à Metz de deux parents français, les miens, j’ai reçu, depuis, plus d’une centaine de lettres, de courriers électroniques et d’appels téléphoniques. Comme j’avais évoqué le nom d’Ubu, prenant soin de me référer à un auteur français, Alfred Jarry, plutôt qu’à un Praguois de langue allemande, Kafka, j’ai quelque peu froissé le sous-préfet concerné par le dossier évoqué. En fait, Jarry et Kafka n’avaient rien vu. Les courriers reçus ici, les témoignages récemment publiés par Libération et Le Monde décrivent une variété infinie de situations absurdes. On se croit français, et devant le guichet d’une mairie ou d’une sous-préfecture, on se retrouve apatride.

La consonance du nom suffit parfois à éveiller la suspicion

Ainsi, une femme fraîchement divorcée, née dans le département du Pas-de-Calais, entendait reprendre son nom de jeune fille. Elle disposait d’une carte d’identité et d’un passeport, ce qui laissait supposer que l’administration avait déjà vérifié sa nationalité. Mais son nom de jeune fille commence par un W et comporte un K et même un Z. Ces lettres figurent dans l’alphabet utilisé pour écrire la langue française. W, comme Wallon, député, auteur de l’amendement fondateur de la IIIe République en 1875. K, comme Kléber, général français assassiné au Caire et comme kilo, mesure de poids et de distance, en vigueur depuis l’adoption par la France du système décimal et du système métrique, Z, comme le Zouave du pont de l’Alma et comme Zazie, héroïne d’un roman de Queneau. Seulement, le grand-père de Mme WKZ était un mineur polonais. Il n’avait pas volé sa nationalité française : engagé en 1939 dans la Légion étrangère, il a participé à l’épopée de la France combattante, de Bir Hakeim au Danube. Il n’a obtenu sa naturalisation qu’en 1949 ! Sa petite-fille, pour obtenir une carte d’identité, doit prouver qu’elle n’était pas française par mariage, comme si le divorce était sanctionné par la déchéance de nationalité. Et elle doit, comme moi-même, présenter un certificat de naturalisation remontant à trois générations. Le piquant de l’affaire, c’est que cette dame WKZ passe le plus clair de son temps à contrôler des papiers d’identité. Elle est officier de la police nationale. Pour accéder à cette fonction, il faut être de nationalité française. Mais la carte de flic n’est pas une preuve de nationalité.

Ce n’est rien encore

Un homme répondant à un nom français des plus courants, sans W et sans K, se retrouve suspect de n’être pas français. Il a eu le tort de naître à Baden (Allemagne) d’un père officier français et d’une mère native d’Indochine. Il est né à l’étranger ! Non content d’’être militaire de carrière, stationné en Allemagne, son Tourangeau de père a épousé une Vietnamienne. Un père qui se mettait quotidiennement au garde-à-vous devant le général Massu ne vous dispense pas de répondre de votre mère d’outre-Mer ! Des fois que des étrangers tenteraient de se faire passer pour français ! Et je ne suis pas certain d’avoir exposé ici les témoignages les plus extravagants. On pourra parler de l’identité nationale quand on ne suspectera plus les citoyens nés hors de France ou issus de parents nés à l’étranger.

ø

© Micheline Weinstein / Janvier 2010

Journal de bord, fin janvier 2010

Monsieur a son avenir devant lui et, chaque fois qu’il se retournera, il l’aura dans le dos.

Pierre Dac

Cité par Martine Chosson in « Parlez-vous la langue de bois ? Petit traité de manipulation à l’usage des innocents », Éd. Points, Collection Le goût des mots, Paris, 2007.

 

À propos de l’ouverture des droits sur l’œuvre de Freud - qui, selon Jean Laplanche, si vous additionnez tous les éditeurs, [il] était déjà dans le domaine public - F. RI, dans Libération du 5 janvier 2010, cite ainsi un extrait du livre de Alain de Mijolla,

“Les Français ont toujours été hostiles à Freud à cause de Pierre Janet et des théories qui existaient en France avant lui. La psychanalyse a eu du mal à rentrer et a été éreintée.”

Je ne suis pas très sûre que l’hostilité de la France envers Freud et à son œuvre relève seulement de la prépondérance des travaux et théories de Pierre Janet. Quoiqu’il en soit, la France, Freud le notait dans son histoire du mouvement analytique*, fut, le dernier pays au monde à se résoudre à accepter la psychanalyse et ce, 30 ans après qu’eût été forgé, par son auteur, le nom de Psychoanalyse, grâce à l’influence et à la fortune de Marie Bonaparte, fondatrice en 1926, à titre privé, de l’Institut de Psychanalyse, ouvert au public, lequel assura dès lors officiellement la formation des psychanalystes.

C’était bien après la guerre de 14-18 entre l’Allemagne et la France, quand Freud était identifié, de par la langue dans laquelle il pensait, parlait et écrivait, comme Allemand et comme Juif, bref étranger où qu’il se trouve. Voici ce qu’il en dit lui-même en 1924 dans « Résistances à la psychanalyse »,

Pour terminer, la question peut, sous toutes réserves, être évoquée, de savoir si la personnalité de l’auteur en tant que Juif, qui n’a jamais cherché à dissimuler sa Judéité, n’a pas contribué, de la part du milieu ambiant, à son antipathie pour la psychanalyse. Mais il est rare qu’un tel argument soit publiquement formulé. Nous sommes hélas devenus si défiants que nous ne pouvons nous empêcher de penser à ce fait comme étant demeuré sans aucune influence. De plus, ce n’est peut-être pas simplement un hasard si celui qui, le premier, prit fait et cause pour la psychanalyse, soit un Juif. Avoir foi en cette nouvelle théorie exigeait, dans une large mesure, d’être disposé à accepter la condition d’isolé dans l’opposition - destinée qui, plus qu’à tout autre, est familière à un Juif.

Par chance, récemment, nous avons échappé à l’expression “Identité Nationale Positive” !

Et par hasard personnel, à la différence des fonctionnaires de l’Éducation nationale et de police, évoqués par Guy Konopnicki, écrivain, à la différence d’Anne Sinclair semblerait-il aussi, étant Pupille de la Nation, je n’ai pas à subir la contrainte de prouver ma nationalité française sur 3 générations quand j’ai à faire établir ma carte d’identité. 3 générations ! Aux Juifs, cela rappelle des choses... qui font que la dédicace de l’ensemble de mon travail s’adresse aux bébés juifs, emportés avec leurs mères à Birkenau, assassinés sans État-Civil, puisque nous débattons de l’“Identité Nationale”.

* Les références exactes aux écrits de Freud, autres auteurs, autres documents, figurent dans mes textes, plus ou moins anciens, sur notre site, je n’ai pas encore eu le temps de les regrouper pour les inventorier.

De telle sorte qu’aujourd’hui, en 2010 où persiste, sinon l’hostilité, du moins l’indifférence à l’étude approfondie de l’œuvre de Freud, soit au respect pour son auteur, il est permis de s’interroger sur ce que l’on entend en France par la désignation, le sens, de l’intitulé de la discipline « Psychanalyse ». Quant à ses applications pour une pratique analytique freudienne, sur quelles bases, sur quels principes, sont-elles alors établies ?

Les matraquages éditoriaux fructueux ne changeront rien à cette énigme. Pas plus que l’apport de mots nouveaux en forme de concepts, dont on a l’impression qu’ils apparaissent - et pour certains, disparaissent - tels des accès de mode médiatique à l’avantage de leurs auteurs, non pour maintenir vivace la psychanalyse et le nom de Freud autrement que comme une effigie, un totem, mais, comme au Moyen-Âge lors de la « Fête des Fous », pour les contrer, les brûler à répétition.

Pourtant la psychanalyse n’est pas un dogme. La maintenir vivace implique d’en travailler sans cesse les hypothèses, les principes, de les mettre à l’épreuve, comme le fit, pour ne citer qu’un exemple, Anna Freud, au sujet de la position de son père - qui d’ailleurs reconnaissait modestement n’y pas comprendre grand-chose - à l’égard des femmes.

Est-ce de psychanalyse que l’on s’occupe pour faire vendre des ouvrages déversant, après que chacun des auteurs de ces publications eût regardé son fantasme, comme le font les enfants, par le trou de la serrure, des ragots, voire des calomnies, écœurants : Minna Freud, sœur de Martha, aurait été la maîtresse de Freud, Anna Freud celle de Dorothy Burlingham et réciproquement... Est-ce cela la psychanalyse, confondre la théorie de la sexualité avec une théorie de la pornographie ?

Quant au morceau d’analyse par Freud auprès de sa fille Anna, j’en ai parlé ailleurs. Nous savons maintenant, depuis plus d’un siècle, chaque analyste par expérience, que les résistances, l’hostilité, les transferts négatifs, à la psychanalyse, nous obligent parfois à ne pouvoir faire confiance, pour la transmission de la théorie freudienne, qu’à un analysant ou une analysante, psychanalystes confirmés, sinon familiaux, du moins proches.

De mon côté : on apostrophe - gentiment - quelquefois par cette expression, “Comment va ton site Juif ?” Notre site n’est pas “un site juif”, nous parlons simplement de ce que, par expérience, nous connaissons le mieux, sans omettre, quand un texte est signé de ma main, de préciser que la xénophobie à l’encontre des Juifs est un condensé, un florilège, exemplaires, sans égaux, de toutes les formes existantes de xénophobie, une vérité historique, c’est-à-dire, selon Freud, une vérité vraie.

Et, une fois pour toutes, si je trouve une croix gammée et des inscriptions antisémites sur ma boîte à lettres - cf. mon nom, les références du site -, un grand “JUDEN” peint sur le mur d’à côté, si j’entends les injures à la personne les plus ignobles, les menaces physiques en pleine rue - mes proches non-Juifs également -, le tout accompagné de vandalismes divers, histoire de me faire partir - “on veut vous foutre dehors du quartier !, braillent ouvertement les locataires avalisés par le Cabinet gérant -, sans chercher aucunement à m’adresser à l’une des multiples institutions en place, c’est que, de tout temps, la posture de victime ne me convient pas.

Je m’en remets donc aux spécialistes professionnels, la police, qui fait son boulot, et à la Loi, ce qui par contre est très éprouvant et hors de prix.

Pourquoi éprouvant ?

Dans Le Figaro du 21 janvier 2010, Maître Dupont-Moretti donne son point de vue sur le projet de supprimer le juge d’instruction, qui “n’est pas une vache sacrée”, dont voici un extrait,

Le virus fondamental est tapi dans les entrailles de la machine judiciaire. Personne n’en parle jamais, car le sujet est austère, technique, tabou. Mais il y a quelque chose de cocasse à opposer, dans le projet de réforme, le juge du siège et le magistrat du parquet, puisqu’ils sont cousins, jumeaux, voire siamois. Ils sortent de la même école, font, pour la plupart, carrière en passant du siège au parquet, du parquet au siège. Ils se tutoient, copinent, se marient. Le plus inquiétant, c’est d’observer que la plupart des magistrats qui ont goûté à l’indépendance proclamée du siège ne renâclent nullement quand il s’agit de signer un bail pour le parquet « aux ordres », pourvu que cela accélère leur carrière.

Rayer le magistrat instructeur ? D’accord. Mais aussi - d’abord ? - le lien contre-nature qui unit insolemment, en les parant de la même robe, le juge et le procureur.

Ce ne sont pas seulement les juges et les procureurs qui “sont cousins, jumeaux, voire siamois. [Qui] sortent de la même école [...] [Qui] se tutoient, copinent, se marient... ”. Nombre d’avocats agissent exactement de même, ce qui, du reste, a donné lieu a des considérations très négatives de particuliers, notamment des personnalités dans les milieux les mieux informés, qui refusent catégoriquement, s’ils n’y sont pas contraints, d’avoir à faire avec la corporation. Pour, le tout-venant, vous vous adressez à un avocat, dans l’espoir ingénu qu’il défendra vos intérêts, moraux et matériels, vous lui apportez un dossier bien classé, avec chemises et sous-chemises titrées, dépôts de plaintes, attestations des témoins, papiers officiels... , et voilà qu’instantanément on commence par détruire votre soigneux assemblage en y flanquant la pagaïe, puis on vous déclare qu’on est débordé et qu’on n’a pas le temps de lire votre courrier spécifique, comme si on vous consentait une faveur en se chargeant de votre affaire. Bien innocemment, je demande à “on” pourquoi on l’a acceptée et pourquoi je paye, ce qui indispose le Maître. Ensuite, parce que vous ignoriez qu’un avocat de la défense défend les accusés pénaux, sinon il s’intitule lui-même “conseil”, “médiateur”, vous constatez qu’il s’est mis d’accord avec la partie adverse, j’ai fini par apprendre que c’est la coutume dans la corporation.

Là-dessus - sautons les années d’attente épuisantes et de reports qui, si l’on est solide psychiquement, n’altèrent pas les activités privées et professionnelles, mais usent sérieusement la santé physique, comme cela m’est déjà arrivé ainsi qu’à nombre de contemporains, vous vous retrouvez le bec dans l’eau, dehors et sans le sou, quasiment en position d’accusé pour avoir osé, de par la conjoncture, n’étant pas propriétaire par exemple, vous adresser au barreau.

De quelque côté que l’on se tourne, l’horizon semble bien obturé. Pupille de la Nation, j’ai fait une demande de logement auprès de la Ville de Paris depuis plus de 10 ans, histoire, non d’être privilégiée, mais de pouvoir vivre, travailler et finir mes jours en paix, libre d’une inquiétude taraudante, puisque non propriétaire et sans patrimoine.  En vain, aucun succès.

De plus, le temps passant, voici que l’on se heurte à la discrimination, non seulement par genre, mais par l’âge, je n’avais pas pensé à ça, dès l’approche de la soixantaine, l’attribution semble définitivement grillée.

ø

La question qui se pose depuis l’avènement de la grande vitesse dans le temps par l’informatique, le courrier électronique, qui rend les meilleurs lettrés dyslexiques et dysorthographiques - cf. les fautes de grammaire et d’orthographe, les contresens, dans la presse, les sous-titrages TV etc. -, les “Face”, les ”Twitt.. ”, SMS, MMS, “flash”, “audio”... la mondialisation des pillages, des calques et des “couper-coller”, est : quand, autrement que par automatismes, les utilisateurs de tous âges et toutes conditions pensent-ils, à la verticale, si j’ose dire, au sens économique du terme ?

Vertical/e • Qui suit la direction de la pesanteur du fil à plomb en un lieu ; perpendiculaire à un plan horizontal. Fig. Écon. Tous les stades d’une fabrication, de la matière première au produit fini.

Petit Robert

Face au déferlement de slogans terminologiques assenés par les médias, empruntés à la psychiatrie et à la psychanalyse, et véhiculés comme des insultes aussi bien dans le privé que dans le public, nous serions curieux de savoir ce que les locuteurs entendent par : hystérique, schizophrène, fantasme - rappelons qu’un fantasme est toujours sexuel -, paranoïaque, concept etc. etc. etc.

Serait-ce paraître inculte, par respect pour ceux qui souffrent réellement de pathologies invalidantes, ambulants ou internés, de remettre ces vocables nosographiques à leur place et de dire, par exemple : agité - ou allumé -, ambivalent, pervers - “la main droite ignore ce que fait la main gauche”, “pas vu, pas pris” -, mégalomane - la mégalomanie ou folie des grandeurs, sournoisement tapie, guettant chacun de ceux et celles investis d’un quelconque pouvoir, réel ou  auto-représenté comme tel -, chimère, mirage, illusion, idée, hypothèse ?

Et “décomplexé” qu’est que cela signifie ? Jusqu’à présent, tous les précédents chefs d’État étaient-ils donc complexés ?

Même quand il s’agit de simple technique, le pédantisme veut que l’on parle aujourd’hui de technologie, les épisodes sont devenus des saisons... et autre vocabulaire abscons, ampoulé, obscurantiste, tiré de la linguistique, imposé, sans aucune respect pour les critiques pertinentes des enseignants, aux élèves des écoles primaires qui, n’y comprenant rien, ne pourront acquérir le goût et le plaisir de la langue.

Quant aux comportements, à l’aspect confusion politique des genres, c’est la foire d’empoigne. Besson déclare qu’il a demandé conseil à des intellectuels pour élaborer son “Identité Nationale”. Lesquels ? En tous cas, bravo pour celui qui a sorti de son esprit érudit le “conglomérat” que serait la France, histoire d’en finir avec la diversité, on ne pouvait trouver plus désobligeant, ainsi qu’en témoigne Proust, cité par Le Petit Robert,

Les conglomérats de coteries se défaisaient et se reformaient.

Ce à quoi nous assistons, navrés. Les lieutenants actuels de Martine Aubry la lâcheront tout sec du jour au lendemain si Dominique Strauss-Kahn, présumé homme “de gauche”, postule à la présidentielle de 2012. Ah ! L’argent, l’argent ! Certes, Strauss-Kahn est un bon économiste, mais côté humanisme, intelligence d’autrui et de l’État, ce n’est vraiment pas Pierre Mendès-France !

• La burqa : occupée principalement par ce que j’ai à faire, mon écoute des grandes causes nationales est plus que flottante. J’avais donc pensé que cette polémique relevait de la sécurité face au terrorisme, n’importe qui pouvant dissimuler sa personne, ses intentions, et notamment une bombe, sous cette vêture !

• Le chômage qui menace de devenir endémique : les dégâts qu’il entraîne ne conduisent pas seulement à la misère matérielle, indécente, ils détruisent du même coup le psychisme humain, le repoussent dans une sorte d’innommable quart-monde spirituel. Nous pouvons assister quotidiennement à l’effondrement psychique de nos contemporains, lequel atteint sans discrimination - positive ! - les esprits les plus éminents, dès lors qu’ils sont mis de force à la retraite ou licenciés, qu’on ne leur demande plus rien, que l’on bafoue leur narcissisme vital en les réduisant à la non-existence. On ne peut pas attendre de l’exclu qu’il “fasse le deuil” de lui-même, d’ailleurs on ne l’exige même pas, tout le monde s’en fout !

• “Faire son deuil” : expression assez consternante, reliquat de la contestable psychologie du XIXe siècle. On peut, nous y sommes tenus pour vivre, rester en bonne santé et ne pas chuter dans la mélancolie, “faire le deuil” d’un amour ou d’une amitié écroulés en les authentifiant par une rupture, faire le deuil de sa jeunesse en allée, des illusions perdues - ce qui est une tautologie -, mais aucunement des morts que l’on a aimés, de la parentèle assassinée, pas plus que de soi-même, les seuls qui témoignent du contraire sont les suicidaires. On fait avec, on fait sans.

• Une forme de violence. Dans le livre d’entretien entre Élisabeth Lévy et Robert Ménard, Les Français sont-ils antisémites, Élisabeth Lévy laisse passer sans moufter le propos de Robert Ménard sur ce qu’il reprend avec appétence comme étant “les crimes de guerre israéliens” lors de l’opération “Plomb durci” - quel vocable ! qui semblerait avoir été suivi de celui de “Nuage d’automne” ! Pourquoi pas “Vent Printanier”, pendant que nous y sommes ! - sur Gaza. Il faut se rendre sur place, et y retourner au cours des ans, parler et reparler avec les Israéliens, pour refuser d’entériner une pareille sottise. À ma connaissance, depuis Arafat en tous cas, les terroristes, leurs chefs en tête, se planquent de préférence dans les maisons et édifices privés, civils, dans des écoles et des hôpitaux, plutôt que se poster, courageusement, dans un bastion militaire identifiable par l’armée adverse. Les roquettes Qassam et autres Katioucha ne cessent d’être lancés sur les populations civiles israéliennes, quels que soient les efforts de paix, de trêve, des gouvernements Israélien et du Fatah. Les Israéliens, des générations de mères en premier lieu, en ont marre que ça dure sans que rien ni personne ne puisse arrêter cette haine brute, tueuse, à leur égard depuis un demi-siècle, ils sont excédés, exténués, et chacun sait, pour soi-même d’abord, que la violence d’autrui provoque la violence en soi, même chez les hommes les plus pacifiques. Sauf chez les masochistes, il y en a.

• Il est très étrange de devoir se dire que, comme cela se passe aujourd’hui à la suite du tremblement de terre en Haïti, la solidarité humaine se manifeste massivement quand il s’agit de catastrophes dites naturelles (séismes, tsunami... ). Par contre, devant les massacres entre humains, la solidarité ne semblerait pas concerner grand monde.

On peut d’ores et déjà douter de l’aide suivie, attentive, désintéressée, humaine, solidaire auprès de la population Haïtienne elle-même, qui succèdera à la destruction de l’île car, s’il existe véritablement quelques institutions bénévoles solides, le bénévolat - “vouloir le bien” -, pour le peu que j’aie croisé auprès d’adeptes, s’apparente plutôt à une “amusing therapy” individuelle de source confessionnelle, en vue de garantir sa conscience. Sur ce terrain du bénévolat, dans l’action, se rencontrent surtout des représentants de l’“entre-soi”, genre réunions “Tupperware”, mais sans gains éventuels à l’horizon, autres que l’ajout, sur son carnet d’adresses, de noms de VIP ou d’un peu moins VIP.

Voilà pour la xénophobie, la violence et leurs extensions.

ø

Pour en revenir à l’évolution des concepts freudiens, j’ai essayé, depuis plus de quarante ans, d’approcher, à la lumière, si j’ose dire, de l’Histoire, de mon histoire, la question de la structure œdipienne qui, selon ma réflexion, n’a pas pu prendre forme chez les enfants juifs nés en France dans la terreur pendant l’Occupation - il y en a très peu -, planqués dans des lieux successifs plus ou moins sûrs, trimballés en fuite permanente - je me souviens encore d’heures et d’heures passées dans un wagon de chemin de fer militaire à l’arrêt au beau milieu de nulle part en rase campagne gelée... L’impossibilité pour l’enfant de s’éveiller au monde extérieur par étapes, aux identifications de se construire, au langage de s’apprendre - nous ne sommes naturellement pas allés à l’école maternelle - font que les conséquences de ce phénomène sont difficilement analysables selon des grilles d’interprétations psychologiques pré-formatées au XIXe siècle.

Depuis lors, avec un mépris consensuel pour la psychanalyse que nous avons dû entreprendre pour nous sauver du suicide - pas tous hélas, loin de là -, comprendre ce qu’est un trauma et le dominer, on continue de regarder les vieux enfants de déportés non revenus que nous sommes aujourd’hui, y compris ceux et celles ayant acquitté leur dette envers la psychanalyse en devenant psychanalystes, avec un apitoiement sordide, comme des débiles mentaux et autres délicatesses humaines.

Bref, mon hypothèse sur la faille œdipienne n’a intéressé personne.

M. W.

24 janvier 2010

ø

 

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
© 1989 / 2010