Psychanalyse et idéologie

Les 11 400 enfants juifs déportés de France

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Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • L’innommable

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object

Samuel Beckett  « The Unspeakable one »

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

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Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

point

ψ  = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

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© Micheline Weinstein / 11 mars 2007

 


Journal de bord...
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Les 11 400 enfants Juifs déportés de France

Éditorial de Serge Klarsfeld

Président de l’association « Les Fils et Filles des Déportés Juifs de France (FFDJF) »

En France, en 1940, il y avait environ 70 000 Juifs de moins de 18 ans. Sur ce nombre, 11 400 ont été arrêtés - la plupart par la police de Vichy -, déportés à Auschwitz et assassinés, à l’exception d’environ 200 d’entre eux; presque tous des adolescents. Parmi les communautés juives importantes en Europe, celle de France a connu le pourcentage le plus important d’enfants sauvés : 84 %, c’est exceptionnel. On le doit essentiellement à la sympathie agissante de la population non juive qui a soutenu les efforts des familles et des organisations juives qui essayaient de sauver les enfants en priorité. Laïcs et religieux ont su tendre la main à la fois par compassion et pour que la France ne perde pas son âme.
Les photos que nous présentons sont extraites du Mémorial des enfants juifs déportés de France (Éditions Fayard). Notre association des “Fils et filles des déportés juifs de France” recherche et rassemble de pareilles photos depuis plus de dix ans. Nous avons retrouvé ainsi près de 4 000 visages sur les 11 400 disparus et notre association continue à publier des additifs (nous en sommes au huitième) à ce Mémorial. Ces milliers de photos sont présentées en permanence au Mémorial de la Shoah à Paris, au Pavillon français à Auschwitz et au musée de l’Héritage juif à New York. Nous n’avons pas oublié les enfants juifs déportés de France : nos recherches à travers toutes les archives disponibles ont permis, pour chacun, de restituer son état civil complet, l’adresse de son arrestation et d’ouvrir un dossier parfois très détaillé. Ce travail de mémoire accompli en France est unique ; il n’y a pas d’équivalent dans un autre pays. Il a permis, depuis la publication de notre Mémorial en 1994, la pose de centaines de plaques commémoratives à Paris et en province, surtout dans les établissements scolaires, en hommage à ces enfants dont la vie a été tranchée par la haine anti-juive et qui auraient pu sombrer dans l’oubli sans la volonté de notre association.

Serge Klarsfeld


Annette ZaidmanMémoire d’une enfance volée

Préface de Serge Klarsfeld • Réédidtion 2006, Ramsay

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Micheline Weinstein

Tout d’abord, l’impression générale reçue sur le parvis de l’Hôtel de Ville, le matin du vendredi 9 mars 2007, devant l’entrée principale menant à l’inauguration de l’exposition retraçant le magnifique travail, pour restituer leur nom et leur visage aux 11 400 enfants Juifs déportés de France, avec le soutien des FFDJF, de Serge et Beate Klarsfeld, de Annette Zaidman, de Sara Halperyn - elle n’est plus - qui, 20 ans avant l’informatique, a recopié à la main, puis à la machine à écrire, les noms, les dates, les numéros de convois qui figurent dans le Mémorial de la Déportation des Juifs de France.
Il y avait un vacarme épouvantable sur ce parvis de cette commémoration ce matin-là. Des pompiers faisaient corner leurs véhicules rouges, s’affairaient et gesticulaient en tous genres, armés de leurs matériels lourds, vous bousculaient devant l’entrée avec ces mots : “Attention, poussez-vous... etc.” Ce à quoi je n’ai pu me retenir de répondre : “Ce ne serait pas plutôt à vous de faire attention ?” Il y avait également des camions-bennes et grues à moteur diesel bruyant et malodorant, sur lesquels des employés municipaux hissaient en s’interpellant des piliers en bronze ou en faux-bronze. Il y avait une poignée de nouveaux cégétistes de l’APHP, dont les hauts-parleurs gueulaient des rythmes à deux temps (boum-boum ! boum-boum !) et des meneurs qui hurlaient des choses dans les micros.
Voilà pour le décor et la sono.
Pour le texte du Maire de Paris, introduisant à cette exposition, j’ai été assez consternée de lire que le Maire de Paris se comptait parmi les survivants de la Shoah, je ne pensais tout de même pas qu’il irait jusque-là.
On peut trouver de magnifiques extraits de l’album de cette exposition sur le site de la Mairie de Paris, et se procurer l’album lui-même ainsi qu’auprès des,

FFDJF
32, rue de la Boétie • 75008 Paris

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Micheline Weinstein

Journal de bord...


Le génie est, dans un certain sens, infaillible, et n’a rien à apprendre ; mais l’art s’apprend et doit s’acquérir par la pratique.
A. W. Schlegel, cité par P. Acroyd dans sa biographie de Shakespeare.

Petites réflexions sur les langages de cette campagne électorale. Non sur leur vulgarité, le thème est déjà traité, mais sur le lynchage verbal qu’ils véhiculent, attisé et reproduit par les médias, mais aussi tagué sur les murs par exemple.
Par association, il m’est revenu que laisser se déployer un tel lynchage, porté à son acmé, sans y riposter, peut mener au tragique quand le sort de l’Europe et des populations qui y vivent se décide à certains moments précis de son histoire.
Ce sont des moments où la parole d’un homme est, non seulement ignorée, mais sciemment dégradée. Il y eut un cas tragique de lynchage porté à son acmé, celui d’Alfred Dreyfus, que les gauches de l’époque, Bernard Lazare en tête des intellectuels, n’ont pas soutenu sous prétexte qu’on le classait “à droite”, et peut-être s’y situait-il réellement, mais cela ne nous regarde pas au plan public, puisqu’il s’agit-là d’une sensibilité personnelle. La conséquence du silence de ces intellectuels fut, pour le Capitaine Dreyfus, l’Île du Diable et le temps qu’il lui restait à vivre, cassé.
La suite, nous la savons. Une “réhabilitation” après-coup, grâce à Zola avec l’appui de Clémenceau si, et ce sont ses effets pervers, elle donne bonne conscience aux uns, est d’abord une marque de reconnaissance honnête et civilisée de la part de ceux et celles qui se sont élevés sans concession contre l’injustice, ici la xénophobie. Mais elle n’efface rien.
Les “gens”* généreux, aussi bien politiquement, on les reconnaît, non pas parce qu’ils sont “bons”, qu’ils ont un “bon cœur”, mais à ce qu’ils font pour autrui comme pour eux-mêmes, ils ne thésaurisent pas leurs efforts, il engagent leur parole, quitte à devoir avec courage reconnaître parfois s’être trompés, et tout cela simplement pour éviter de perdre du temps, ce temps qui peut être celui de l’avarice, de la duplicité, de la mesquinerie intellectuelle.
Une rumeur assez sonore, extrêmement préoccupante, circule aujourd’hui tout au long de cette campagne. Des économistes, des sociologues et autres spécialistes répandent le bruit que s’y l’on considère l’avenir de leurs domaines respectifs, un métissage abondant de la population est inéluctable en France. Perspective destinée à faire peur, qui serait presque identifiable à une incitation à la “haine raciale”, alors qu’il n’y a biologiquement qu’une espèce humaine, pas deux et encore moins cinq comme on nous l’apprenait à l’école primaire autrefois, et pourrait entraîner une radicalisation dangereuse de la xénophobie...

à suivre...


* “Les gens” - Autrefois on les désignait ainsi comme étant les “domestiques du Seigneur”. De nos jours, on pourrait les renommer “Les épicènes”, c’est-à-dire dont la forme ne varie pas selon le genre : ex. le mot “enfant”.

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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