© Micheline Weinstein / 5-6 septembre 2015
Un été dans Paris
1 • Qu’est-elle devenue ?
2 • Fin de l’été
3 • Rentrée
ø
1
Qu’est-elle devenue ?
Une nouvelle propriétaire
enménage fin juin dans un quartier “bobof”.
L’immeuble est composé de 2
bâtiments en vis-à-vis.
L’appartement de la
propriétaire donne sur une cour fermée.
L’été est très chaud cette année, toutes les
fenêtres des résidents parisiens sont ouvertes, les bruits se répercutent d’un bâtiment à l’autre,
de jour comme de nuit, dont ceux d’un voisin du bâtiment face au sien, même
étage, le 1er.
Entrent chez elle les conversations par
Internet de ce voisin, haut-parleur actionné. Elle ne peut qu’entendre par le
menu la teneur des échanges entre le voisin et ses correspondant-e-s.
Ces longues conversations se révèlent d’ordre
privé, les correspondant-e-s exposent leurs problèmes de divorce, d’enfants, de
parents, de partenaires, etc., bref leur mal-être.
Il lui semble alors comprendre que ces
dialogues ne sont pas simplement amicaux, mais évoquent des consultations
professionnelles. Elle se dit que le voisin, prolixe en interprétations,
conseils, questions, etc., est un gourou, un parapsy,
un coach…
Tout d’abord elle ne se manifeste qu’en
produisant elle-même des bruits. Elle espère ainsi que le voisin réalisera l’incongruité
des conversations publiques. En vain, ça perdure.
Le voisin s’absente vers la mi-juillet. Elle-même
part en vacances le 2 août.
À son retour, le 18 août, silence en face, le
voisin n’est pas là.
Revenu aux alentours des 22-24 août, les longs
échanges téléphoniques, toutes fenêtres ouvertes, reprennent.
Elle attend qu’une causerie se termine, va
frapper à la porte du voisin, se présente et lui indique, à titre informatif,
qu’elle en entend la totalité, qui lui fait penser à des consultations professionnelles.
La scène
Lui
– Je m’en fiche.
Elle
– Ça ne me semble pas très déontologique.
Lui
– Déontologique ? Je ne crois pas qu’il y ait un problème de
déontologie, et puis vous ne connaissez pas mes patients, je travaille par
Internet.
Elle
– J’insiste sur la déontologie. Je pense que cela ne plairait pas trop à
vos patients de savoir que leur vie privée est publiquement entendue.
Personnellement, cela me gêne.
Lui
– Ce n’est pas mon problème.
Elle
– Ah bon ? Quel est votre métier ?
Lui
– (silence)
Elle
– Il s’avère que je connais un peu le domaine…
Lui
– Quel domaine ?
Elle
– La psychanalyse [Sa propre
psychanalyse a duré un peu moins longtemps que celle de Fabrice Luchini, mais 20 ans tout de même].
Lui
– (silence)
Elle
– Le respect de la discrétion de la vie privée, cela ne vous importe
pas ?
Lui
– Non, je m’en fiche.
Elle
– Et votre sono à fond à 23 heures ?
Lui
– Je m’en fiche, ça fait 12 ans que je vis ici comme ça et je ne changerai
pas. Je vous invite à vous calmer et à adapter votre mode de vie en
conséquence, ainsi qu’à fermer vos fenêtres.
Elle
– Donc vous ne changerez rien ?
Lui
– Non.
Elle
– Il y a pourtant des lois élémentaires qui régissent la vie en
copropriété.
Lui
– Vous n’avez qu’à appeler la police.
Elle
– Je venais justement pour entretenir des relations de bon voisinage,
mais si c’est le seul recours…
Lui
– (silence)
Elle
– Je suis sidérée.
(Elle sort)
Nouvelle dans l’immeuble, elle essaie de
trouver le nom du voisin sur les boîtes à lettres mais n’y parvient pas.
Cependant les causeries “professionnelles” et
la sono ont cessé.
À la faveur d’une affaire de plomberie, elle
contacte la présidente de la copropriété, lui fait part de cet intermède,
obtient ainsi le nom du voisin et apprend que d’autres personnes ont manifesté
leur malaise.
À la suite de quoi, notre nouvelle arrivée
tape le nom du voisin sur Internet, elle tombe sur l’intitulé :
C.*** Psychanalyste.
Dans Le
Point du 3 septembre 2015, les intéressé-e-s pourront se reporter à un
article intitulé « L’hypnotique François Roustang », fort élogieux.
En 1977, nous étions nombreux à avoir lu Un
destin si funeste.
Voilà qui a sans doute conforté Michel Onfray, ardent détracteur de Freud, auteur fréquent de l’hebdomadaire.
Le signataire de l’article, peut-être mal
informé, commet quelques erreurs. De sa lecture d’Un destin si funeste, il relève un “réquisitoire contre la dévote
« secte freudienne », dans lequel l’apostat reproche à Freud de
dissocier psyché et corps […] au profit du seul langage […]”. Il cite également
une amie journaliste de François Roustang qui aurait déclaré : “Ce qu’il
[F. R.] propose révolutionne complètement la
psychanalyse, car il refuse la causalité.”
Il serait hors-sujet de revenir ici sur l’histoire
de l’élaboration et de l’évolution des concepts freudiens, des écueils
rencontrés, des dissidences, des drames inhérents à toute découverte in statu nascendi (ex. la bombe atomique).
Remarquons simplement que celui ou celle qui
refuse la causalité, autrement dit une “relation constante et nécessaire entre
deux phénomènes [CNRTL]”, ne saurait se référer à ce
que Freud a nommé psychanalyse.
Déjà en 1977, l’expression “secte freudienne”
avait paru malencontreuse car si secte il y avait, elle était lacanienne, ce
pourquoi François Roustang - et ses motifs nous échappent - l’avait
attribuée à Freud plutôt qu’à Lacan dont il s’était affranchi. De même
substituait-il le maintien du transfert chez Lacan, qui en usait avec force
séduction, à la non perpétuité du transfert chez Freud (cf. un ex., Correspondance Freud / Jung).
38 ans ont passé depuis la première édition d’Un destin si funeste, l’ouvrage fut
réédité tel quel en poche en 2009. Puisque la correspondance de Lacan, s’il y
a, n’est pas accessible, il se peut que François Roustang se soit un moment
attardé sur la transcription initiale par la sténotypiste des séminaires d’icelui,
dans lesquels affleurent, parsemés, des propos vipérins envers Freud et
quelques autres, perçus comme rivaux par le maître. Mais manifestement, François
Roustang n’a pas estimé instructif d’étudier avec attention la volumineuse
correspondance de Freud, les témoignages de ses élèves, de ses amis, édités
dans un intervalle de 32 ans. Aurait-il préféré la lecture des contempteurs de
Freud, que l’honnêteté intellectuelle impose pour garantir la liberté de développer
une pensée singulière ?
L’auteur de l’article attribue à F. Roustang la traduction de unheimlich par étrange familiarité, qui est celle, dans la première édition française, de Anne Berman ; François Perrier, lui, traduit unheimlich par inquiétante familiarité, qu’il définit comme étant “toujours rapport à l’identique et au même” ; Freud, dans cet écrit, précise que le un- de unheimlich atteste du refoulé ; une traduction possible serait aussi familié refoulé... en ce que les manifestations névrotiques du refoulement produisent chez le sujet une impression inquiétante d’étrangeté.
Quant au vocable de “secte” appliqué à l’entourage
de Freud, voici ce qu’énonçait le promoteur de la psychanalyse en 1930,
“Aussi, je renonce à prendre le risque de m’ériger en prophète face à
mes semblables, et m’incline devant leur reproche selon lequel je ne suis pas à
même de leur apporter quelque réconfort, puisque c’est cela que tous
requièrent, des plus sauvages révolutionnaires aux plus fervents religieux.”
À noter incidemment que Freud n’occupait pas
son temps à ériger en théorie le goût de dénigrer quiconque.
2
Fin de l’été
À la suite de deux récents courriers que nous
avons largement transmis :
• rediffusion sur
France Culture le 29 août 2015 de l’entretien entre Alain Finkielkraut et
Marceline Loridan-Ivens, intitulé Auschwitz pour mémoire, au sujet du
livre de Marceline Et tu n’es pas revenu ;
• chronique de Luc
Ferry dans Le Figaro
« Opinions » du 2 septembre 2015, intitulé L’édu
cation
doit précéder l’enseignement,
nous avons reçu plusieurs demandes de désinscription de notre liste de
correspondants.
Alain Finkielkraut et Luc Ferry sont
considérés comme des citoyens de droite.
Voici la réponse que j’ai adressée à l’une de
ces correspondants par mail :
Nous remercions Mme L*** d’avoir
programmé « À la bonne adresse » le jour d’une cérémonie officielle
au Mémorial, garantie qu’il n’y aurait personne à la représentation de la Lecture-Spectacle à la Mairie.
Ce fut fort élégant.
Quant à la chronique ci-dessous, elle
fait sans doute l’objet d’une des nombreuses ukases politiques actuelles, dont
celle de n’avoir pas le droit de faire état de ce que l’on pense, sans
ostracisme, ainsi qu’en témoignent nos travaux et documents sur le site,
auxquels Mme L*** (chargée des Culture, Mémoire, Égalité
femmes-hommes, Lutte contre les discriminations ! ?), comme bien d’autres,
ne s’intéresse pas, ce qui est son droit incontestable.
Pour ma part, je n’ai cessé d’écrire et
de répéter depuis des lunes un point de vue sur l’éducation et l’enseignement
identique à celui de Luc Ferry. Sur d’autres thèmes, je ne me rallie pas à l’ensemble
de sa pensée, pas plus qu’à celui de son ami Onfray, d’où
ma phrase d’avertissement préalable à la diffusion du texte de Ferry,
Que l’on apprécie ou
moins l’auteur, ci-dessous une chronique sensée.
Bref, quant à l’idéologie, la diversité
des auteurs que nous diffusons n’augure en rien nos intentions de vote lors des
élections.
Là-dessus, souhaitons à Mme L***
une bonne continuation.
Micheline Weinstein
Nous supprimâmes aussitôt l’adresse de la dame
qui, ne l’ayant pas compris, me retourna une réponse tant enfantine que j’en
épargne ici la copie.*
*
Quelle était la définition d’“andouille” par Rabelais ? : “qui n’a point d’oreilles”.
3
La rentrée
M.
W.
6 septembre 2015