Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

Freud

Résistances à [l'encontre de] la Psychanalyse

Ø

Il est plus facile d'élever un temple que d'y faire descendre l'objet du culte

Samuel Beckett • « L'Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down the worshipped object.
Samuel Beckett • « The Unspeakable one »
Underlined in « Jargon of the Authenticity » by T. W. Adorno • 1964

Ø

Personne n'a le droit de rester silencieux s'il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l'âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.


Nobody has the right to remain silent if he knows that something evil is being made somewhere. Neither sex or age, nor religion or political party is an excuse.

Bertha Pappenheim

point
ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s'adresse à l'idéologie qui, quand elle prend sa source dans l'ignorance délibérée, est l'antonyme de la réflexion, de la raison, de l'intelligence.

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© Micheline Weinstein

Juin 2010

Freud

« Les résistances à (l'encontre de) la Psychanalyse »

Extraits • 1925

[...]

Un accueil particulièrement désagréable fut octroyé à la psychanalyse, à laquelle l'auteur avait commencé à donner corps près d'une trentaine d'années auparavant, à partir des découvertes de Joseph Breuer, de Vienne, sur l'origine des symptômes névrotiques.

[...]

Après avoir été pendant une dizaine d'années l'objet d'une non-reconnaissance absolue, voilà qu'elle devint soudain le sujet d'un intérêt unanime, déchaînant du même coup une tempête de récusations indignées.

[...]

Sous quelles formes la résistance à la psychanalyse a-t-elle trouvé à se manifester, nous ne nous y attarderons pas ici.

[...]

Or, les expériences de Charcot aussi bien que les observations cliniques de Breuer, nous apprirent que les symptômes somatiques dans l'hystérie étaient psychogènes, autrement dit, qu'ils étaient des précipités (des dépôts) de processus psychiques parvenus à leur terme.

[...]

La psychanalyse s'appropria alors ce nouveau savoir et s'occupa de considérer le problème de la nature de ces processus psychiques qui donnaient suite à des séquelles aussi insolites.

Mais en ce temps-là la voie prise par ces recherches n'allait pas dans le sens de cette génération de médecins. Les médecins avaient été formés à ne respecter, exclusivement, que les facteurs anatomiques, physiques et chimiques.

Les médecins n'étant pas préparés à tenir compte de ce qui concerne la psyché n'ont alors montré à son égard qu'indifférence ou aversion. Ils mettaient visiblement en doute ceci, que les choses du psychisme puissent relever d'une thérapeutique appartenant au domaine d'une science rigoureuse.

En réaction démesurée contre une période triomphante où la médecine était dominée par ce que l'on appelait “Naturphilosophie”, de telles abstractions, conçues à partir de phénomènes manifestes sur lesquels auraient pu s'arrimer la recherche scientifique, leur semblèrent nébuleuses, fantaisistes, mystiques, et ils en dénièrent toute créance.

[...]

Il n'est donc pas étonnant qu'une telle approche de la psyché n'ait pas été du goût des médecins, ne les ait pas incités à témoigner de la sympathie pour la psychanalyse, qu'ils n'aient pas voulu s'engager à réévaluer nombre de leurs idées et à reconsidérer plus d'une chose sous un angle différent.

Contre quoi, l'on aurait alors pu penser que cette toute nouvelle théorie rencontrerait davantage d'attrait chez les philosophes.

[...]

Les philosophes n'étaient-ils pas, en effet, habitués à accorder, selon leur explication du monde, une importance primordiale aux concepts abstraits - il est vrai que les mauvaises langues diraient : à un discours fumeux - si bien qu'il n'était guère pensable qu'ils soient scandalisés par la voie que frayait la psychanalyse, laquelle visait à élargir le champ conceptuel de la psychologie.

Or voilà que se dressa, là aussi, une résistance. L'idée que les philosophes se faisaient de la psyché n'était pas celle de la psychanalyse. Les philosophes, dans leur quasi majorité, appellent psychique, exclusivement, un phénomène de conscience de soi. Pour eux, ce qui relève du domaine de la psyché se limite au périmètre de ce qui est conscient. De sorte que ce qui peut procéder de l'appréhension des profondeurs complexes de l'“âme” est ravalé par eux à des données organiques et à leurs processus parallèles dans la psyché. Autrement dit plus explicitement, la psyché n'a aucun autre contenu que le phénomène de conscience de soi ; de ce fait, la science de la psyché n'a pas d'autre objet. Sur ce point, un béotien ne pense pas autrement.

[...]

Ces motifs de discussions contribuent à rendre compte de l'accueil réticent et réprobateur de l'analyse dans les cercles savants. Pourtant cela ne suffit pas à expliquer comment le déclenchement d'indignation, de sarcasmes et de mépris, ont pu en venir jusqu'à bafouer les règles de la logique et de l'élégance dans la polémique. De telles réactions nous laissent pressentir que d'autres facteurs qu'une résistance purement intellectuelle sont intervenus, et que des forces émotionnelles puissantes furent soulevées ; il est vrai qu'il y a suffisamment de contenu à trouver dans la théorie analytique, qui produise un tel effet sur les passions humaines, et pas seulement chez les hommes de science.

[...]

Enfin - et sous toutes réserves - l'auteur se permet de soulever la question selon laquelle sa personnalité en tant que Juif, qu'il n'a jamais songé à dissimuler, n'a pas participé à l'antipathie de son environnement à l'encontre de la psychanalyse. Un tel argument n'a que rarement été évoqué à haute voix ; cependant - et c'est regrettable -  le déroulement des choses nous ayant hélas rendus assez circonspects, nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'une telle éventualité demeure complètement anodine. Que le premier représentant de la psychanalyse soit Juif n'est peut-être pas dû à un banal coup du sort. Se reconnaître en elle nécessitait un degré suffisant de tolérance, pour accepter de faire sien le destin d'isolé dans l'opposition - destin qui, plus que tout autre, est familier au Juif.

À suivre... OPA 1 bis et OPA 2...

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ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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