Entr’acte 
                              
 
                              
                               
                              
                              
                              Trois extraits
                              « 
                                ...fuis la compagnie des gens auxquels tu ne veux 
                                point ressembler... »
                              1
                              De 
                                la transmission, de l’éthique, du père 
                                réel, du symbolique. Lettre de Gargantua 
                                à son fils Pantagruel, par François 
                                Rabelais, que Freud affectionnait, tandis que 
                                Lacan déclarait qu’il était dépourvu 
                                de symbolique.
                              Pantagruel
                               
                                
                                Chap. 8
                              Comment Pantagruel, étant à 
                                Paris, reçut lettres de son père 
                                Gargantua, et la copie d’icelles
                              [Extraits]
                              N. 
                                B. • La lectrice / le lecteur, aura tout 
                                loisir de mettre en place de Dieu l’hypothèse 
                                de son choix.
                               
                                
                                  
                                
                                
                              Pantagruel étudiait fort bien, comme assez l’entendez, 
                                et progressait de même, il faisait des progrès 
                                en proportion car il avait l’entendement à 
                                double repli, et capacité de mémoire 
                                de douze outres et tonneaux d’huile (d’olive). 
                                Et comme il était ainsi là demeurant, 
                                reçut un jour lettres de son père 
                                en la manière que s’ensuit :
                               
                                
                                  
                                
                                
                              Très cher fils, 
                               
                                
                                  
                                
                                
                              entre les dons, grâces et prérogatives dont 
                                le souverain créateur Dieu tout-puissant 
                                a doté et orné l’humaine nature 
                                à son commencement, cette grâce me 
                                semble singulière et excellente par laquelle 
                                elle peut, en état mortel, acquérir 
                                une espèce d’immortalité, et, au 
                                cours de sa vie transitoire, perpétuer 
                                son nom et sa semence. Ce qui est fait par lignée 
                                issue de nous en mariage légitime.
                              [...]
                              Ce n’est donc pas sans cause juste et équitable que 
                                je rends grâce à Dieu, mon conservateur, 
                                pour m’avoir donné la possibilité 
                                de voir ma vieillesse chenue refleurir en ta jeunesse 
                                ; car, quand, par le plaisir de celui qui tout 
                                régit et modère, mon âme laissera 
                                cette habitation humaine, je n’estimerai pas que 
                                je ne meurs totalement, mais que je passe d’un 
                                lieu en un autre, attendu que, en toi et par toi, 
                                je demeure en mon image visible en ce monde, vivant, 
                                voyant et conversant entre gens d’honneur et mes 
                                amis, comme de coutume. Laquelle mienne conversation 
                                a été, moyennant la grâce 
                                divine, non sans péché, je le confesse 
                                (car nous péchons tous, et continuellement 
                                requérons à Dieu qu’il efface nos 
                                péchés), mais sans mauvaise foi.
                              C’est pourquoi, tout comme en toi demeure l’image de mon 
                                corps, si en toi ne revenaient pas à la 
                                lumière les mœurs de l’âme, 
                                l’on ne pourrait alors juger que tu es garde et 
                                trésor de l’immortalité de notre 
                                nom ; et, voyant cela, le plaisir que je prendrais 
                                serait petit, considérant que demeurerait 
                                la seule partie de moi qui est mon corps, cependant 
                                que la meilleure, qui est l’âme, et par 
                                laquelle demeure notre nom en bénédiction 
                                entre les hommes, serait dégénérée 
                                et abâtardie. Je ne dis pas cela parce que 
                                je me défie de ta vertu, laquelle m’a déjà 
                                été auparavant prouvée, mais 
                                pour t’encourager plus fort à progresser 
                                de bien en mieux. Et ce que je t’écris 
                                aujourd’hui, n’est pas tant pour que tu vives 
                                en ce train vertueux, mais pour que tu te réjouisses 
                                d’ainsi vivre et avoir vécu, et reprennes 
                                avec courage cœur des forces fraîches, 
                                pour l’avenir. 
                              Pour parfaire et consommer cette entreprise, il te peut 
                                assez souvenir comment je n’ai rien épargné 
                                ; mais ainsi y ai-je contribué comme si 
                                je n’eusse d’autre trésor en ce monde que 
                                de te voir une fois dans ma vie libéré 
                                de toutes contraintes, et parfait, tant en vertu, 
                                honnête et sagesse, qu’en tout savoir libéral 
                                et honnête, et tel te laisser après 
                                ma mort comme un miroir représentant la 
                                personne de moi ton père, aussi excellent 
                                sinon dans les actes, du moins dans tes aspirations. 
                                
                              [...]
                              Maintenant toutes les disciplines sont rétablies, 
                                les langues restaurées : grecque, sans 
                                laquelle c’est une honte qu’on se prétende 
                                savant, hébraïque, chaldaïque, 
                                latine. L’usage de l’imprimerie, qui fournit des 
                                livres si élégants et si corrects, 
                                qui a été inventée de mon 
                                vivant par inspiration divine, alors qu’au rebours, 
                                l’artillerie l’a été par suggestion 
                                diabolique. Le monde entier est plein de gens 
                                savants, de précepteurs très doctes, 
                                de bibliothèques très riches, au 
                                point que, me semble-t-il, ni au temps de Platon, 
                                ni en celui de Cicéron, ni en celui de 
                                Papinien, on ne pouvait étudier aussi aisément 
                                qu’aujourd’hui. Et il ne sera désormais 
                                plus possible de trouver place et compagnie à 
                                celui qui n’aura pas été bien affiné 
                                dans l’atelier de Minerve. Je vois les brigands, 
                                les bourreaux, les mercenaires, les palefreniers 
                                d’aujourd’hui, plus doctes que les docteurs et 
                                les prêcheurs de mon temps. 
                              Que dirais-je ? Des femmes et des filles ont accédé 
                                à cette gloire et manne céleste 
                                que sont de bonne doctrine. C’est au point qu’à 
                                l’âge où je suis, j’ai été 
                                contraint d’apprendre les lettres grecques, que 
                                je n’avais pas méprisées comme Caton, 
                                mais que je n’avais eu le loisir de d’apprendre 
                                en mon jeune âge. Et je me délecte 
                                volontiers à lire les Œuvres 
                                morales de Plutarque, les beaux Dialogues de Platon, les Monuments de Pausanias, et les Antiquités d’Atheneus, attendant l’heure qu’il plaira à 
                                Dieu mon créateur de m’appeler et m’ordonner 
                                de sortir de cette terre. 
                              C’est pourquoi, mon fils, je t’adjure d’employer ta jeunesse 
                                à bien progresser en études et en 
                                vertu. Tu es à Paris où tu seras 
                                instruit par de louables exemples en même 
                                temps que par l’enseignement vif et oral de ton 
                                précepteur Epistémon. J’entends 
                                et veux que tu apprennes parfaitement les langues 
                                : premièrement la grecque, comme le veut 
                                Quintilien ; deuxièmement la latine ; et 
                                puis l’hébraïque pour l’Écriture 
                                sainte, la chaldaïque et l’arabique pour 
                                la même raison ; et que formes ton style, 
                                quant à la grecque, sur celui de Platon, 
                                et, pour la latine, sur celui de Cicéron. 
                                Qu’il n’y ait pas d’histoire que tu ne gardes 
                                présente en ta mémoire, à 
                                quoi t’aidera la cosmographie de ceux qui en ont 
                                écrit. Des arts libéraux, géométrie, 
                                arithmétique et musique, je t’en ai donné 
                                le goût quand tu étais encore petit, 
                                en l’âge de cinq à six ans ; poursuis 
                                le reste, et d’astronomie saches-en toutes les 
                                règles ; par contre laisse-moi l’astrologie 
                                divinatrice, et l’art de Lulle, comme autant d’abus 
                                et vanités.
                              Du droit civil, je veux que tu saches par cœur les 
                                beaux textes, et que tu me les mettes en parallèle 
                                avec la philosophie. 
                              Et quant à la connaissance des faits de nature, je 
                                veux que tu t’y adonnes soigneusement : qu’il 
                                n’y ait mer, rivière, ni fontaine dont 
                                tu ne connaisses les poissons ; tous les oiseaux 
                                du ciel, tous les arbres, arbustes, et buissons 
                                des forêts, toutes les herbes de la terre, 
                                tous les métaux cachés au ventre 
                                des abîmes, les pierreries de tout Orient 
                                et Midi, que rien ne te soit inconnu. 
                              Puis revisite le plus souvent les livres des médecins 
                                grecs, arabes et latins, sans dédaigner 
                                les Talmudistes et les Cabalistes et, par de fréquentes 
                                dissections, acquiers une connaissance parfaite 
                                de cet autre monde qu’est l’homme. Et pendant 
                                quelques heures du jour, va visiter les Saintes 
                                lettres. Premièrement, en grec, le 
                                Nouveau Testament et les Épîtres 
                                des Apôtres, et puis, 
                                en hébreu, le Vieux 
                                Testament. En somme, que je voie en toi un 
                                abîme de science. Car, à partir de 
                                maintenant que tu deviens homme et te fais grand, 
                                il te faudra sortir de cette tranquillité 
                                et du repos d’étude, et apprendre la chevalerie 
                                et les armes, pour défendre ma maison, 
                                et secourir nos amis en toutes leurs affaires, 
                                contre les assauts malfaisants. Et je veux que, bientôt, tu mettes 
                                tes progrès à l’épreuve, 
                                ce que tu ne pourras mieux le faire qu’en soutenant 
                                des thèses en tout savoir, publiquement, 
                                envers tous et contre tous, et hantant les gens 
                                lettrés qui sont tant à Paris qu’ailleurs. 
                                
                              Mais parce que, selon le sage Salomon, Sagesse n’entre pas 
                                en âme portée au mal, et que science 
                                sans conscience n’est que ruine de l’âme, il te convient de servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en 
                                Lui toutes tes pensées et tout ton espoir 
                                ; et par la foi formée de charité, 
                                tu dois être uni à Lui, de sorte 
                                de n’en être jamais séparé 
                                par le péché. Tiens en suspicion 
                                les abus du monde ; ne mets ton cœur à 
                                ce qui est vanité, car cette vie est transitoire, 
                                mais la parole de Dieu demeure éternellement. 
                                Sois serviable à tous tes prochains, et 
                                les aime comme toi-même. Révère 
                                tes précepteurs, fuis la compagnie des 
                                gens auxquels tu ne veux point ressembler, et, es grâces que Dieu t’a données, 
                                ne les reçois pas en vain. Et, quand tu 
                                saura que tu as acquis au loin tout le savoir 
                                humain, reviens vers moi, afin que je te voie 
                                et te donne ma bénédiction avant 
                                de mourir. 
                              Mon fils, que la paix et la grâce de Nôtre-Seigneur 
                                soient avec toi. Amen. 
                              D’Utopie, ce dix-septième jour du mois de mars, 
                                                                                                                       
                                Ton père,
                              Gargantua. 
                               
                                
                                  
                                
                                
                              Ces lettres reçues et vues, Pantagruel puisa nouveau 
                                courage, et brûla du désir de progresser 
                                plus que jamais ; de sorte que, le voyant étudier 
                                et progresser, vous eussiez dit que son esprit 
                                était parmi les livres comme est le feu 
                                parmi les brandes, tant il l’avait infatigable 
                                et acéré.
                               
                                
                                  
                                
                                
                              2 
                              
Actualité récente du langage.
                              Un mot frappe dans le dernier discours du 
                                Général de Gaulle, l’avant-veille 
                                du référendum, au moment de quitter 
                                définitivement l’Élysée : 
                                trahison... par les “siens” politiques, qui confirme 
                                l’adage selon lequel on n’est jamais trahi que 
                                par les siens.
                              ø
                              Usage de l’expression “victimes innocentes”. 
                                En tant que victime, elle est toujours présumée 
                                innocente. Victime “innocente” est 
                                une tautologie.
                              ø
                              Une curieuse idée : faire venir s’exprimer 
                                à la TV l’avocat défenseur d’Éric 
                                Worth, lequel, sur fond de verdure, style Bagatelle, 
                                de cette voix bien connue des stentors de prétoires, 
                                nous a servi, en seule exclusivité de discours, 
                                du et des “fantasmes” durant une grande 
                                minute.
                              Ce juriste, pour emprunter de telle sorte 
                                au langage de la psychiatrie et de la psychanalyse, 
                                connaît-il son fantasme ? Chacune, chacun, le sien, il n’y a pas de 
                                fantasmes collectifs.
                              Proposons quelques traductions de termes 
                                spécifiques aux disciplines mentionnées, 
                                utilisées sans en bien posséder 
                                le sens, par les agora 
                                diverses, et remplaçons,
                              • fantasme, par fable, légende, fiction qui, elles, appartiennent au vocabulaire du collectif. 
                                Pour éviter de s’exposer à des poursuites 
                                pour diffamation, il serait hélas imprudent 
                                de substituer à “fantasme” 
                                le mot “mensonge”qui pourtant aurait semblé plus proche de l’intention 
                                du juriste. À moins que ce soit l’expression 
                                de “maladie mentale”, fort à 
                                la mode dans l’arsenal des insultes que s’entrebalancent, 
                                à tous les étages, les humains en 
                                ces temps.
                              • Paranoïaque, par “atteint de folie des grandeurs” 
                                ou, en terme savant, de“mégalomanie”, laquelle n’est pas forcément associée 
                                à la persécution 
                                et à l’homosexuation. 
                                
                              Un contresens de langage, 
                              • Schizophrène, par “clivage du pervers” ou 
                                “la main droite ignore délibérément 
                                ce que fait la main gauche”, 
                                ce qui distingue radicalement le clivage du pervers 
                                de l’isolement tragique du schizophrène.
                              D’où émanent donc ces emprunts, 
                                ravalés en un jargon pédant, qui 
                                sont à la limite de l’altération 
                                d’un respect exigible par l’humain, de la part 
                                de professionnels du droit et autres “corpos”, 
                                et dans quelles intentions 
                                ?... décrites ainsi par l’irrésistible 
                                Rabelais,
                              Le Tiers Livre 
                                
                                
                              Chap. 44
                              Comment Pantagruel raconte une étrange 
                                histoire des perplexités du jugement humain
                              [Extraits]
                              « Je ne voudrais ni penser ni dire - et d’ailleurs 
                                je ne le crois pas, si monstrueuse est l’iniquité 
                                et si évidente la corruption de ceux qui 
                                sont chargés d’interpréter le droit 
                                en ce parlement myrelingois de Myrelingues - qu’un 
                                procès décidé par jet de 
                                dés, quoi qu’il advînt, serait pire 
                                qu’il ne l’est en passant par leurs mains pleines 
                                de sang et de désirs pervers ; et cela, 
                                surtout, attendu que tout leur directoire chargé 
                                de l’application des règles dans les questions 
                                de droit usuelles, a été nommé 
                                par un certain Tribonien, un mécréant, 
                                homme sans foi, barbare, autant porté au 
                                mal, si pervers, si avare et si inique qu’il vendait 
                                purement et simplement les lois, les édits, 
                                les rescrits, les constitutions et ordonnances, 
                                en purs deniers, à la partie la plus offrante. 
                                Et c’est ainsi qu’il leur a taillé leur 
                                morceaux par ces petits bouts et échantillons 
                                de lois qu’ils ont en usage, supprimant et abolissant 
                                le reste qui faisait que la loi formait un tout, 
                                de peur que, si la loi restait entière 
                                et si l’on avait sous les yeux les livres des 
                                jurisconsultes antiques exposant les douze Tables 
                                et édits des Préteurs, sa perversité 
                                ne fût clairement connue du public. 
                              « C’est pourquoi il serait souvent préférable 
                                (c’est-à-dire moins de mal en adviendrait) 
                                pour chacune des parties en litige, de marcher 
                                sur des chausse-trapes que de s’en remettre, pour 
                                défendre son droit, à leurs interprétations 
                                et jugements, comme le souhaitait Caton qui, en 
                                son temps, conseillait que la cour de justice 
                                fût pavée de chausse-trapes. »
                              
                              
                              Quant au vocabulaire lui-même, choisissons cette rencontre que Pantagruel 
                                fit à Paris avec celui de la Sorbonne, 
                                dont Rabelais fut exclu,
                              Pantagruel
                              Chap. 6
                               
                                
                                Comment Pantagruel 
                                rencontra un Limousin qui contrefaisait le langage 
                                français 
                              Un jour, je ne sais quand, Pantagruel 
                                se promenait après souper avec ses compagnons, 
                                par la porte d’où l’on va à Paris 
                                ; là, il rencontra un écolier tout 
                                joliet, qui venait par icelui chemin, et, après 
                                qu’ils se fussent salués, 
                                lui demanda : « Mon ami, d’où viens-tu 
                                à cette heure ? » 
                              L’écolier lui répondit : « De l’alme, 
                                inclite, et célèbre académie 
                                que l’on vocite Lutèce. 
                              - Qu’est-ce à dire ? dit Pantagruel à un de 
                                ses gens. 
                              - C’est, répondit-il, de Paris.
                              - Tu viens donc de Paris, dit Pantagruel, et à quoi 
                                passez-vous le temps, vous autres messieurs étudiants, 
                                au dit Paris ? » 
                              L’écolier répondit : 
                              [...]
                              À ces mots Pantagruel lui dit : « Quel diable 
                                de langage est-ce là ? Par Dieu, tu es 
                                quelque hérétique. 
                              - Seignor, non, dit l’écolier, car libentissiment 
                                dès ce qu’il illucesce quelque minutule 
                                lèche du jour...
                              [...] 
                              - Eh bren, bren, dit Pantagruel, qu’est-ce que veut dire 
                                ce fol ? Je crois qu’il nous forge ici quelque 
                                langage diabolique, et qu’il nous charme comme 
                                enchanteur. » 
                              À quoi, l’un de ses compagnons lui dit : « 
                                Seigneur, sans nul doute, ce galant veut contrefaire 
                                la langue des Parisiens ; mais il ne fait qu’écorcher 
                                le latin, et croit ainsi pindariser, et il lui 
                                semble bien qu’il est grand orateur en français, 
                                parce qu’il dédaigne l’usage commun de 
                                parler. » 
                              À quoi Pantagruel dit :« Est-ce vrai ? »
                              L’écolier lui répondit : « Signor Missayre 
                                [italianisme], mon génie n’est point apte 
                                naturellement à ce que dit cet infâme 
                                vaurien pour écorcher l’épiderme 
                                de notre langue gauloise [dans le texte original 
                                : vernacule gallique !], 
                                mais au contraire je travaille avec zèle, 
                                et par voiles et par rames je m’efforce de l’enrichir 
                                de la redondance à la chevelure latine. 
                                »
                              - Par Dieu, dit Pantagruel, je vous apprendrai à 
                                parler ; mais auparavant, réponds-moi : 
                                d’où es-tu? » 
                              À quoi dit l’écolier [galimatias]...
                              - J’entends bien, dit Pantagruel ; tu es 
                                Limousin pour tout potage, et tu veux ici contrefaire 
                                le Parisien. Or viens là que je te donne 
                                un coup de peigne. Lors le prit à la gorge, 
                                lui disant : « Tu écorches le latin 
                                ; par saint Jean, je te ferai écorcher 
                                le renard [vomir], car je t’écorcherai tout vif. » 
                              Et le pauvre Limousin de se mettre à dire [en patois 
                                : « Vée dicou ! gentillâtre. 
                                Ho, saint Marsaut, adjouda mi ! Hau, hau, laissas 
                                à quau, au nom de Dious, et ne me touquas 
                                grou. 
                                »] 
                              À ces mots Pantagruel lui dit : « À 
                                cette heure tu parles naturellement. » Et 
                                ainsi le laissa, car le pauvre Limousin conchiait 
                                toutes ses chausses, qui étaient fendues 
                                en queue de morue, et non à plein au fond, 
                                ce qui fit dire à Pantagruel : « 
                                Saint Alipentin, quel civette ! Au diable ce mange-raves, 
                                tant il pue ! » Et il le laissa. 
                              [...]
                              Et après quelques années le Limousin mourut 
                                de la mort Roland [de soif], ce faisant la vengeance 
                                divine, et nous démontrant ce que dit le 
                                Philosophe, et Aulu-Gelle, qu’il nous convient 
                                de parler selon le langage usité, et, comme 
                                disait Octavien Auguste, il faut éviter 
                                les mots épaves en pareille diligence que 
                                les patrons des navires évitent les rochers 
                                de mer.
                              ø
                              
                               
                              En 
                                cours...
                              Variations 
                                autour du livre de 
                              Michel 
                                Schneider
                              « 
                                Lacan, les années fauve »
                              À 
                                la mémoire de François Perrier