© Dora
Marrache • 13 / 22 février 2011
Dora
Marrache
http://radio-shalom.ca/mp3/doramarr...
Lettre
ouverte à Monsieur Stéphane Hessel
« Pour
persuader, souvent la parole a plus de poids que
l’or. »
Démocrite
I
Monsieur Hessel,
Il
y a quelques jours, j’ai appris au bulletin
d’information de Radio-Canada, l’arrivée
dans les librairies de votre opuscule intitulé
« Indignez-vous ! »,
titre qui revient sans cesse comme un leitmotiv
pour convaincre les lecteurs de la nécessité
de se trouver un « motif d’indignation ».
Et pour les réveiller de leur torpeur sans
doute, car ce titre n’est pas sans rappeler
le « Réveillez-vous ! »
des Témoins de Jéhovah. Les médias
français nous en avaient suffisamment rebattu
les oreilles pour que nous ne soyons pas le moins
du monde surpris de l’arrivée de
votre « livre » au Canada.
Ce succès de librairie, disait-on, n’a
d’égal que celui du Petit Prince.
À une différence près, devrait-on
ajouter, c’est que la comparaison s’arrête
là. Toute comparaison avec ce chef-d’œuvre
de Saint-Exupéry serait, à mes yeux,
un sacrilège.
À quoi
le succès de votre mini - pamphlet est-il
dû ? C’est la question qu’on
se pose et à laquelle je vais tenter de
répondre. Est-ce au titre percutant que
vous avez choisi et qui se répète
comme une litanie à l’intérieur
du texte ? À son prix très
bas ? À la longueur du texte qui répondrait
aux attentes des lecteurs ? Au sujet qui
y est traité ? À moins que
ce ne soit à son auteur ?
De toutes ces
hypothèses, il n’en est qu’une
seule que je retiendrai. Le titre ? Non,
parce qu’on n’achète pas un
livre simplement parce que le titre nous plaît,
tout comme le prix d’un livre ne justifie
pas qu’on l’achète. D’ailleurs,
les titres à 3 euros fourmillent, mais
ne fracassent pas pour autant des records de vente.
On n’achète pas un livre en fonction
de ce critère, du moins pas dans mon esprit.
Encore moins parce qu’il s’agit d’un
texte court, sinon les recueils de nouvelles
connaîtraient le même succès.
En fait, on achète
généralement un livre parce que
le sujet qu’il traite nous intéresse
ou encore parce que son auteur est un auteur connu.
Dans le cas de votre « livre »,
certains diront que le sujet est la vraie raison
de son succès. Franchement, Monsieur Hessel,
en quoi votre article est-il révolutionnaire comme
je l’ai entendu dire ? Avait-on besoin
que vous énumériez pour nous des
sujets d’indignation dans le monde ?
« Dans ce monde, dites-vous, il y a
des choses insupportables ». Heureusement
que vous êtes là, Monsieur Hessel,
pour nous mettre sous les yeux toutes ces choses
que nos yeux ne voient pas !
Les Français
qui sont montés aux barricades pour protéger
leur retraite s’étaient indignés
avant même que vous ne le leur conseilliez.
Combien de gens se sont portés également
à la défense des Sans-papiers sans
même avoir lu votre opuscule, et je
dirais même sans vous connaître ?
La course « au toujours plus » ?
Bien avant que vous n’en parliez, d’autres
se sont révoltés et ont opté
pour « la simplicité volontaire
». Ne croyez-vous pas que nous sommes en
mesure, sans aide extérieure de porter
un jugement sur les nombreuses injustices à
travers le monde, et de nous indigner ? Vous
savez pertinemment que vous n’apportez strictement
rien de nouveau, que ce que vous dites a été
dit et redit. Mais j’en viens à me
demander si les médias, aveuglés
par votre notoriété, ne se sentiraient
pas obligés de faire l’éloge
de votre article, peut-être même sans
l’avoir lu.
D’ailleurs,
s’il est un sujet qui devrait susciter votre
indignation au plus haut point, c’est le
sort des enfants dans le monde, et ce quelles
que soient leur race, leur couleur de peau ou
leur religion. Voyez-vous, à travers la
répartition inéquitable des richesses,
répartition que l’on ne peut imputer
dans bien des cas qu’à Mère
Nature, je ne retiens qu’une seule et unique
conséquence: les enfants. Les enfants défavorisés
en qui je ne peux m’empêcher de voir,
comme le disait si bien Saint-Ex en regardant
un enfant de travailleurs, « Mozart
qu’on assassine » .
Votre « motif
d’indignation », dites-vous,
c’est Israël, et je crois que, comme
beaucoup de lecteurs, c’est tout ce que
j’ai retenu de la lecture de votre pamphlet.
Je vous entends m’objecter qu’il ne
s’agissait pour vous que de donner un exemple.
Vous ne pouviez pas mieux choisir, M. Hessel !
Ce minuscule État est devenu – je
ne vous apprends rien - le bouc émissaire
du monde Vous savez que c’est le sujet d’actualité,
celui qui fait couler beaucoup d’encre,
vous n’avez pas même besoin de vous
étendre sur le sujet puisque beaucoup de
vos admirateurs sont gagnés à vos
idées et que votre objectif est de les
inviter à manifester davantage leur réprobation
vis-à-vis d’Israël.
Je reste convaincue
que c’est à vous et à votre
« motif d’indignation »
que votre plaquette doit son succès. En
effet, cet opuscule pas plus long qu’une
chronique, voire même plus court, n’aurait
jamais été le livre le plus vendu,
et n’aurait peut-être jamais trouvé
d’éditeur, n’eût été
le nom qui figure sur la couverture. Un nom à
tout le moins très évocateur pour
tous ceux qui s’intéressent aux griefs
que l’on porte contre Israël, et inutile
de préciser que ceux-là se
comptent par centaines de milliers. Je dirais
même que si votre pamphlet avait été
traduit dans d’autres langues, entre autres
en arabe - il le sera certainement, ce n’est
qu’une question de temps – vous connaîtriez
un succès planétaire que vous envieraient
tous les Prix Nobel.
En quoi votre
nom est-il garant d’un succès de
librairie ? Vous n’êtes ni un
auteur de best-sellers comme Marc Lévy
ni un auteur dont l’œuvre a été
couronnée par des prix littéraires,
ce qui expliquerait de telles ventes. Alors,
en quoi votre personnalité a-t-elle contribué
au succès de ce minable pamphlet qui n’en
est même pas un ?
En répondant
à la question, je vais vous permettre de
constater, Monsieur Hessel, que j’ai retenu
la leçon que vous donnez et que j’ai
suivi vos conseils : je me suis trouvé
un sujet d’indignation, un sujet hors des
sentiers battus, je vous le concède, un
sujet que vous n’avez sans doute pas même
envisagé. Voyez-vous, Monsieur, je n’ai
point eu besoin de m’interroger, vous m’avez
fourni un sujet qui suscite mon indignation
et il porte un nom : Stéphane Hessel.
Bien sûr,
j’ai conscience que je ne pourrai peut-être
le partager qu’avec moi-même, je suis
consciente que je vais m’attirer les foudres
de tous vos admirateurs pour ne pas dire vos adorateurs.
Mais j’ai choisi, dans la situation actuelle,
de ne pas rester neutre, j’ai choisi de
m’engager. Certes, je n’ai pas la
prétention de vous faire concurrence –
de toute façon ce serait difficile dans
le cadre du sujet que j’ai choisi - mon
but est simplement de profiter des ondes et de
sites en ligne pour tenter de convaincre de rares
auditeurs ou lecteurs que vous n’êtes
pas l’homme pour lequel vous passez. On
me dira que c’est peine perdue, que vous
avez des millions de lecteurs qui ne jurent que
par vous. Cela s’entend, mais je ne resterai
pas pour autant les bras croisés
Alors, puisque
j’avance que le succès de ce livre
s’explique par son auteur, qui êtes-vous
donc Monsieur Hessel ?
1. Vous passez
pour un co - rédacteur de la Déclaration
universelle des droits de l’homme
aux yeux d’un grand nombre de vos admirateurs
qui se sont fiés à ce que disent
de vous les médias ;
2. Vous vous
présentez comme Juif, ancien résistant
et rescapé des camps de Buchenwald et de
Dora ;
3. Vous vous
dites pacifiste convaincu ;
4. Vous êtes
un détracteur acharné de l’État
d’Israël et en même temps un
ardent défenseur des Palestiniens.
Tous ces ¨titres¨
ont suffi à faire de vous l’enfant
chéri des médias, et expliquent
le véritable triomphe qu’a connu
votre livre.
Or, de ces titres
dont vous vous affublez - ou dont on vous affuble
- seuls sont incontestables ceux d’ancien
résistant et de détracteur de l’État
d’Israël. Pour tous les autres, vous
vous comportez, pardonnez-moi le mot, en usurpateur.
Comme vous pouvez le constater, je n’ai
pas la langue de bois, le langage politiquement
correct n’est pas mon fort.
1.
Stéphane Hessel, co-rédacteur de
la Déclaration universelle des droits de
l’homme.
Je
suis indignée de voir un homme, qui a atteint
un âge vénérable, tromper
le monde en laissant croire, des années
durant, qu’il est un co-rédacteur
de la Déclaration universelle des droits
de l’homme.
Ce n’est
que le 10 décembre 2008, donc 60 ans après
sa signature, que vous avez été
contraint, lors d’une interview sur le site
de l’ONU, de révéler la vérité
et de déclarer : «
Au cours des trois années, 1946, 1947,
1948, il y a eu une série de réunions,
certaines faciles et d'autres plus difficiles.
J'assistais aux séances et j'écoutais
ce qu'on disait
mais je n'ai pas rédigé
la Déclaration. »
Cette confession
est on ne peut plus claire, et je ne m’explique
pas pourquoi vous avez attendu si longtemps avant
de la faire, ni pourquoi les journalistes persistent
à vous présenter comme un des signataires
de ce texte.
En effet, Le
17 mai 2010, vous êtes interviewé
par le magazine Jeune Afrique qui vous présente comme le co-auteur de la Déclaration
universelle des droits de l’homme, et vous
vous gardez bien de rectifier le tir.
Le 12 octobre
dernier, on pouvait lire dans Le Nouvel Observateur « (…) Stéphane Hessel, résistant
rescapé de Buchenwald et co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du
citoyen ».
Et sur le site
Rue 89,
le 13 novembre 2010, que vous vous êtes
engagé dans la Résistance, que vous
avez été « capturé
et torturé par la Gestapo, déporté
à Buchenwald et Dora, avant de participer,
à la Libération, à la rédaction
de la Déclaration universelle des droits
de l'homme aux Nations unies naissantes.»
De deux choses
l’une, soit les journalistes ignorent toujours
que vous n’êtes pas un co-rédacteur
dudit document, soit ils veulent continuer à
vous faire passer pour tel.
2.
Stéphane Hessel, Juif
Je
suis profondément indignée de vous
entendre dire que vous vous intéressez
au conflit israélo-palestinien parce que
vous êtes originaire d’une famille
juive. Que vous ayez choisi de soutenir
la cause palestinienne, soit. Mais que vous justifiiez
votre choix par vos origines juives me laisse
tout à fait perplexe. Vous vous réclamez
du judaïsme de façon ostentatoire
alors que vous ne l’êtes ni par votre
mère, fille d’un banquier prussien
protestant, ni par votre père. Et
pourtant, vous osez déclarer, dans l’émission
« Ripostes » de Serge Moati,
en 2008, « Mon père
était juif ». Or, à ma
connaissance, votre père était allemand,
de souche juive polonaise, certes, mais converti
au protestantisme. Peut-être bien pour éviter
de devoir supporter
le poids de cette judéité.
Je ne pourrais
pas même dire que ce sont les nazis qui
ont fait de vous un Juif puisque vous n’avez
pas été déporté en
tant que juif, mais en tant que résistant.
Cela fait tout une différence, vous le
savez, et c’est sans doute pourquoi vous
avez eu la vie sauve et pourquoi vous n’avez
pas connu l’horreur des camps. Mais je comprends
que vous aimiez vous présenter comme Juif
déporté, vous donnez ainsi l’image
d’une victime et suscitez l’empathie.
Certes, nul ne
met en doute votre engagement dans la Résistance,
c’est tout à votre honneur et à
ce titre vous suscitez mon admiration, mais ni
plus ni moins que celle que m’inspirent
tous ceux qui se sont engagés dans la Résistance
au péril de leur vie
Souvenez-vous,
Monsieur Hessel, de ce temps, ô pas si lointain,
où vous n’auriez jamais osé
dévoilé vos origines, où
vous en aviez honte. Non pas que vous n’en
ayez plus honte, aujourd’hui, loin de là :
vous êtes un de ces Juifs habité
par la haine de soi, un « self hating
Jew ». Et à ce titre, vous êtes
un« collabo », et
vous n’avez même pas l’excuse
d’avoir choisi de pactiser avec l’ennemi
pour sauver votre vie, comme ce fut le cas de
ceux de la Deuxième Guerre
Alors, pourquoi
revendiquer une identité qui vous déplaît,
que vous vous êtes employé à
cacher dans le passé, que vous abhorrez et
qui de surcroît n’est pas la vôtre ?
Ce n’est certainement pas parce que le sort
des Juifs est plus enviable aujourd’hui
qu’il ne l’était autrefois.
En fait, vous
revendiquez cette identité dans le but
non avoué, mais bien réel, de donner
plus de poids aux calomnies et aux fausses accusations
que vous proférez contre l’État
d’Israël. Quoi en effet de plus convaincant
que les propos anti-juifs tenus par un Juif, surtout
quand ces accusations émanent d’un
Juif qui « a participé »
à la rédaction de la Déclaration
universelle des droits de l’homme ? Vous
vous faites ainsi l’avocat de l’antisémitisme
qui, dès lors, est justifié et légitimé,
donc non condamnable.
II
[Dans la première
partie de ma chronique, j’ai souligné
les raisons pour lesquelles, selon moi, le fascicule
« Indignez-Vous ! »
de Stéphane Hessel connaît un tel
succès, et je tente de démontrer
qu’en fait l’auteur si adulé
n’est rien d’autre qu’un imposteur.]
3. Stéphane Hessel, un
pacifiste convaincu
Je
suis indignée d’entendre dire que
vous êtes un pacifiste convaincu alors que
vous avez déclaré la guerre à
Israël et que, pour mieux attiser la haine,
vous réaffirmez sans cesse votre soutien
aux Palestiniens de Gaza. Vous n’hésitez
pas à porter des jugements de valeur sur
les actions d’Israël, vous reprochez
même au gouvernement français de
« faire lâchement la part à
Israël et rien à Gaza ».
En revanche, vous vous gardez bien de porter quelque
jugement que ce soit sur les actions du Hamas.
Non seulement vous ne vous êtes jamais ému
du sort des habitants et des enfants de Sdérot
et d’Aschkélon, mais vous avez minimisé
la portée des roquettes. En effet, le 3
novembre 2010, vous déclariez : « Hamas,
cette espèce de monstre … parce qu’il
a envoyé des roquettes ! Il faut se
dire que les roquettes du Hamas, c’est plutôt
pour les enfants… Non, c’est méchant,
mais comme dégâts cela n’a
aucun rapport avec les dégâts de
l’armée israélienne. Ce sont
quelques enfants qui ont été obligés
d’aller très vite dans les arbres.
Triste pour eux, parce qu’ils auraient préféré
aller à l’école. »*
De tels propos,
Monsieur Hessel, sont tout simplement scandaleux
et les habitants du Sud d’Israël ne
vous les pardonneront jamais. D’ailleurs,
qui vous les pardonnera ? Si vous saviez
combien j’aurais aimé connaître
votre réaction si vos petits-enfants avaient
été parmi ceux-là !
Vous allez même
jusqu’à dire que si « on
ne peut pas excuser les terroristes qui jettent
les bombes, on peut les comprendre ».
Peut-être considérez-vous le terrorisme
comme une façon de marquer son indignation.
Que dis-je « peut-être » ?
Certainement. Si je comprends le geste de quelqu’un,
cela signifie que je fais intervenir mes sentiments,
donc que je suis prêt à l’excuser.
Vous me direz
sans doute que vous prônez une « guerre
pacifique » alors que vous savez qu’il
n’est point d’armes plus redoutables
que les mots, qu’ils ont, comme il est dit
dans la Bible, un pouvoir de vie et de mort. Vous
savez, Monsieur Hessel, que la parole est action,
et c’est précisément parce
que vous en connaissez le pouvoir que vous invitez
les lecteurs à une « insurrection
pacifique » qui bientôt n’aura
plus rien de pacifique. Décidément,
Monsieur Hessel, vous avez l’art des figures
de rhétorique !
4. Stéphane Hessel et
Israël
Je
suis indignée, Monsieur Hessel, de constater
que vous connaissez la célébrité
avec un fascicule qui a battu tous les records
de vente, non pas grâce à votre parcours
hors du commun, parcours que bien des gens ignoraient
jusqu’à ces dernières années,
mais grâce à la haine que vous portez
à l’État d’Israël.
Et la réponse à votre succès
de librairie tient en un mot : Israël.
De toutes « les choses insupportables
dans ce monde », il en est une qui
remporte la palme à vos yeux : Israël.
Vous avez fait de ce pays votre cheval de bataille,
votre principal « motif d’indignation »
et vous voudriez voir vos lecteurs vous emboîter
le pas.
Si vous vous
étiez posé en défenseur d’Israël,
et si vous aviez choisi de vous indigner de la
guerre médiatique qu’on livre à
Israël ou encore du fait que l’existence
de cet État soit de plus en plus remise
en question, ou si vous aviez choisi de briser
le silence du monde devant ce déferlement
de haine, les médias ne vous auraient certainement
pas glorifié comme ils le font actuellement,
ils vous auraient tout simplement ignoré.
Avant que vous
ne vous engagiez dans le conflit en prenant position
en faveur des Palestiniens, avant que vous ne
soyez devenu un des détracteurs les plus
acharnés d’Israël, quand Israël
était alors pour vous un sujet d’admiration,
votre nom n’était guère connu
du grand public.
Mais votre statut
a changé aussitôt que vous avez choisi
de hurler avec les loups. Alors, vous êtes
devenu le Juif admirable, le résistant
qui a connu la déportation, l’homme
qui se bat pour la défense des droits de
l’homme. Cela a commencé peu après
la guerre des Six Jours : « Pendant
vingt ans, j’ai continué à
considérer favorablement le développement
d’Israël : j’étais
admiratif des kibboutz et des moshav. Tout a changé
en 1967 avec la guerre des Six Jours. Cette guerre,
gagnée par Israël pratiquement en
une matinée, a donné aux gouvernants
de l’époque ce que j’appelle
une hubris, un sentiment de supériorité
extraordinaire, qui les a amenés à
ne plus tenir compte du droit international. C’est
à partir de 1967 que je me suis engagé
dans le camp de ceux qui voulaient un retrait
des forces israéliennes et la création
d’un État palestinien »,
avez-vous déclaré à Jeune
Afrique en mai 2010.
Sans doute auriez-vous
préféré voir les Israéliens
vaincus, il y a dans vos paroles comme un regret
de les avoir vus gagner si facilement, « en
une matinée », dites-vous.
Ensuite, chaque
fois que vous avez pu le faire, vous avez tenus
des propos virulents à l’égard
d’Israël, propos qui ne font qu’attiser
la haine et l’antisémitisme tout
en appelant à une révolte contre
l’État hébreu. Et depuis la
guerre du Liban, vous n’avez de cesse de
fustiger Israël, de hurler votre détestation.
En 2009, alors
qu’Israël lance une offensive sur la
bande de Gaza, vous déclarez : « En
réalité, le mot qui s’applique
– qui devrait s’appliquer –
est celui de crime de guerre et même de
crime contre l’humanité. »
Et au magazine Jeune Afrique, vous avez déclaré :« La
bande de Gaza, elle a été enfermée
dans ce que l’on peut appeler une « prison
à ciel ouvert ». L’opération
« Plomb durci », de décembre
2008 à janvier 2009, a été
une succession de crimes de guerre et de crimes
contre l’humanité. La manière
dont l’armée israélienne s’est
comportée est absolument scandaleuse ».
Vous osez accuser
les Israéliens d’avoir perpétré
des « crimes de guerre »
alors que vous connaissez mieux que quiconque
le sens de cette expression et le poids ces mots.
Évidemment, vous vous gardez bien de rappeler
que les terroristes ont utilisé les civils
comme boucliers humains, tout comme vous passez
sous silence les 200 000 appels téléphoniques
donnés par Tsahal pour inviter les Gazaouis
à quitter les zones de combat.
Dans le journal
Libération, vous avez également
tenu des propos infâmes : « Il
reste un Etat sans légitimité avec
un peuplement scindé, comportant des juifs
maîtres et des Palestiniens voués
à un régime de non-droit »
ou encore : « Quarante ans après
la fin de la guerre des Six jours, Israël
n’a pas trouvé un gouvernement capable
d’entamer sérieusement la nécessaire
négociation avec les Palestiniens qui serait
en mesure de lui rendre sa légitimité,
de garantir sa sécurité véritable
et de lui donner un avenir. »
Et je suis indignée
de savoir que vous soutenez le mouvement BDS (boycott.
Désinvestissement, sanctions), indignée
de vous entendre plaider non seulement pour le
boycott des produits israéliens, mais aussi
pour celui des intellectuels, des chercheurs.
Ne croyez-vous pas que vous privez alors l’humanité
de richesses importantes ? Que vous appeliez
au boycott des régimes dictatoriaux, à
celui de tous les pays qui bafouent les droits
de l’homme serait courageux de votre part,
mais que vous choisissiez de vous attaquer à
la seule démocratie au Moyen-Orient me
semble aberrant. Et pourquoi n’exigez-vous
pas des principaux intéressés, à
savoir les Palestiniens, qu’ils cessent
d’acheter des produits israéliens ?
Pour ma part, si je devais recommander un produit
à boycotter, c’est votre livre que
je choisirais. Qui plus est, ce boycott serait
légitime puisqu’il concerne un texte
qui, sous des apparences pacifiques, est en vérité
un véritable appel aux armes. Mais qui
m’écoutera, à part les Juifs
qui, comme moi, ont à cœur le destin
d’Israël ? Quoi que nous disions
et quoi que nous fassions, vous bénéficierez
toujours du soutien des Juifs antisionistes, ainsi
que de celui de vos adeptes qui se comptent par
millions à travers le monde.
En durcissant
votre position vis-à-vis d’Israël,
vous avez gagné la faveur des médias.
Ils vous ont porté aux nues, ils ont fait
de vous une icône et, sous leur plume, votre
biographie n’est rien de moins qu’une
hagiographie. Alors, avec un titre aussi percutant
que l’est « Indignez-vous ! »
et un auteur engagé corps et âme
aux côtés des Palestiniens, auteur
« juif » de surcroît
et « co-rédacteur »
de la Déclaration universelle des droits
de l’homme, tout lecteur potentiel avait,
avant même d’avoir lu le livre, une
idée du sujet et s’attendait à
ce que vous parliez d’Israël.
Certains ont
sans doute été déçus
de constater que vous n’avez consacré
que deux pages à ce pays. Parce que vous
êtes un fin psychologue, Monsieur Hessel,
vous saviez qu’en déversant votre
fiel et en rédigeant un pamphlet contre
Israël, vous risquiez de rater votre but.
Comme vous avez compris que ce n’était
pas la voie à privilégier pour faire
entendre votre voix et faire des disciples, vous
avez choisi de noyer le poisson, de présenter
de multiples sujets qui pourraient susciter notre
indignation alors qu’en réalité
le cœur de votre pamphlet, sa raison d’être,
c’est de crier votre indignation à
l’égard d’Israël. Sans
ce sujet sensible, sans le regain d’antisémitisme
qui secoue le monde, sans la remise en question
du droit à l’existence de l’État
d’Israël, votre publication serait
restée longtemps sur les étagères
des librairies.
Et deux pages
c’était plus qu’il n’en
fallait pour convaincre ceux qui hésitaient
encore à condamner Israël de se joindre
à vous et d’embrasser la cause palestinienne.
Après avoir évoqué Gaza dans
votre « livre », vous revenez
sur le rapport du juge Goldstone - encore un Juif
habité par la haine du Juif, - un rapport
qui fait une critique accablante de l’Opération
Plomb durci : « Je partage les
conclusions du juge sud-africain. Que des Juifs
puissent perpétrer eux-mêmes des
crimes de guerre, c’est insupportable »,
avez-vous affirmé. Et au magazine Jeune
Afrique, vous avez fait la déclaration
suivante : « Nous étions
à Gaza en même temps que l’équipe
dirigée par le juge Goldstone, et je peux
témoigner que tout ce que relève
le rapport Goldstone est exact ».
En réalité,
vous vous plaisez à évoquer ce rapport
parce que son rédacteur est Juif. Ce juge,
qui a lancé une condamnation sans appel
d’Israël et dont vous parlez avec admiration,
est un être abject qui a condamné
à mort 28 Noirs Sud-africains, parmi lesquels
un enfant de treize ans, sans même éprouver
de regrets. Il se contente de dire « Je
n’ai fait que suivre les ordres ».
Les nazis aussi n’ont fait que suivre les
ordres, pourtant certains ont été
jugés et condamnés à mort.
Comment voulez-vous
que le juge Goldstone soit crédible et
que nous accordions foi à son rapport ?
Comment voulez-vous que nous respections celui
qu’on a surnommé « le
tueur de nègres » ? Alors,
Monsieur Hessel, cette référence
n’a guère de valeur.
Et à ceux
qui ne connaissent de vous que ce que les médias
veulent bien leur dire, je voudrais également
rapporter les propos que vous avez tenus le 21
décembre dernier, lors d’une émission
de télévision : « On
ne peut qu’être scandalisé
par l’absence de toute sanction à
l’égard d’un Etat – un
gouvernement intérimaire – celui
d’Israël, massacrant des enfants palestiniens. »
Et
toujours au cours de cette même émission,
vous avez ajouté :
"Que
nous ayons laissé sans sanction internationale
le gouvernement israélien ces cinq dernières
années et encore tout récemment,
constitue également un crime contre les
droits de l’homme. En tant que porte-parole
de la Déclaration universelle, je suis
personnellement scandalisé par cette impunité.
Si la communauté internationale doit intervenir
en Israël c’est parce qu’elle
est liée par les résolutions du
Conseil de sécurité, et par ce qu’on
a promis à Annapolis. Or elle ne fait absolument
pas face à ses obligations internationales. »
Je pourrais à
la limite tolérer de tels propos de la
bouche d’un homme qui condamnerait sans
distinction toutes les dictatures, qui lutterait
pour la libération de tous les prisonniers
politiques, quelle que soit leur allégeance,
d’un homme qui élèverait la
voix pour que cesse la torture, et qui exigerait
du Hamas qu’il protège les enfants
palestiniens au lieu de s’en servir comme
boucliers humains, mais non d’un homme qui
a fait de la détestation d’Israël
sa passion, sa raison de vivre.
Bien sûr,
je vous entends encore rétorquer que vous
n’êtes pas le seul à critiquer
Israël. Pourquoi votre indignation aurait-elle
plus de poids que celle des autres et expliquerait-elle
le succès de votre opuscule ? Je ne
crois pas qu’elle en ait plus que celle
de ces intellectuels juifs et antisionistes, mais
elle arrive au bon moment si j’ose dire,
à un moment crucial où il est de
bon ton de délégitimer Israël
et après vos nombreuses interventions en
faveur des Palestiniens. De plus, en choisissant
de vendre votre « réflexion »
et d’être appuyé par une campagne
publicitaire savamment orchestrée là
où d’autres se seraient contentés
d’internet, vous avez eu « la
chance » de fracasser des records de
vente. Si les signataires de JCall, par exemple,
avaient décidé de publier leur manifeste
et de le vendre après un bon battage publicitaire,
ils auraient sans doute réalisé
un chiffre de vente appréciable, Après
tout, le livre de Schlomo Sand « Comment
le peuple juif fut inventé »
a aussi été un best seller en 2008,
à une époque où la haine
à l’égard d’Israël
était vive, certes, mais pas autant qu’aujourd’hui.
Quant à Charles Enderlin, le journaliste
à qui l’on doit le reportage controversé
qu’il est convenu d’appeler « L’Affaire
Al-Dura », il a été décoré
de la Légion d’honneur et a obtenu
récemment le prix Gondecourt* pour son livre « Un enfant est mort ».
*
Ville du Nord. Depuis 2002, un prix littéraire
appelé le Prix Gondecourt
est décerné dans la commune, en clin
d'œil au célèbre
Goncourt.
Indignée,
je le suis également de voir un homme de
votre âge qui a connu l’horreur des
camps attaquer sans retenue l’État
d’Israël, le refuge de ceux qui ont
eu la chance de ne pas mourir gazés. Sans
le sionisme, Monsieur Hessel, comment ces hommes
auraient-ils pu guérir et reprendre une
vie normale ? Si votre lointaine origine
juive avait pour vous quelque signification que
ce soit, vous qui avez la plume facile et qui
êtes, comme vous le dites, « un
survivant », vous auriez éprouvé,
au sortir de l’enfer, le besoin de faire,
comme beaucoup de Juifs, votre devoir de mémoire,
vous auriez mis votre art au service des 6 millions
de morts. Vous auriez senti comme notre grand
Élie Wiesel le besoin de témoigner,
d’écrire pour que jamais plus de
telles horreurs ne se répètent.
Mais au lieu de prôner le devoir de mémoire,
c’est le devoir d’indignation que
vous prônez ! Au lieu de choisir pour
slogan « Souviens-toi ! »,
vous avez choisi « Indignez-vous ! ».
Certes, je vous
le concède, un livre en hommage aux millions
de déportés n’aurait pu se
limiter à une vingtaine de pages, il aurait
exigé de vous un travail de longue haleine
et, qui plus est, il n’aurait certainement
pas connu le succès que connaît votre
plaquette « Indignez-vous ! ».
Bien sûr, vous ne seriez pas devenu l’icône
des médias, bien sûr on n’aurait
pas parlé de vous comme on le fait aujourd’hui.
Mais votre chant du cygne vous aurait permis tout
au moins de quitter ce monde la conscience tranquille,
en paix avec vous-même.
Enfin, ce qui
m’indigne par-dessus tout, c’est de
constater que la haine pour Israël va bon
train à travers le monde et que vous avez
su l’exploiter. Le succès de votre
chronique me fait réaliser combien sont
nombreux les détracteurs d’Israël,
et je le déplore.
Alors, avant
de vous quitter, je voudrais simplement demander
au vieillard vénérable que vous
êtes de méditer de temps en temps
la parole de l’Ecclésiaste, parole
que nos passions et le besoin de satisfaire notre
ego nous font bien souvent oublier “Vanité
des vanités, dit l’Ecclésiaste,
vanité des vanités, tout est vanité.”
« Et voici, tout est vanité
et poursuite du vent, et il n’y a aucun
avantage à tirer de ce qu’on fait
sous le soleil. »
Dora
Marrache
Radio-Shalom
Montréal
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