Adresses diverses
Au journal
« Marianne » le 06 juin 2010
Presque chaque
semaine, je me dis que je vais me désabonner
de Marianne, pourtant chaque semaine j'y trouve néanmoins un ou
plusieurs articles excellents (selon l'adjectif
de J. F. Kahn) de fond, ce week-end, comme dans
Le Figaro de
ces derniers jours, le dossier sur la poudrière
maritime du Moyen-Orient.
L'article de Benoît
Duteurtre sur Mahler est consternant de contre-vérités
basiques et relativement incultes, en tous cas
sur son évocation de l'unique visite de
Mahler à Freud ; le seul ouvrage qu'il
trouve à citer comme référence
est celui de Françoise Giroud (bravo !)
sur Alma Mahler, dont l'antisémitisme et
la haine de la psychanalyse, apparentés
d'ailleurs à ceux de la sœur de Nietzsche,
ne sont plus à prouver, réduisant
ainsi, comme toutlemomde,
la personnalité et la vie du compositeur
à des anecdotes d'ordre sexuel, privé,
non vérifiées autrement que par
Freud.
Dans ce fatras,
il y a de plus
confusion implicite sur l'homosexualité,
dont il n'est pas précisé que, dans
le chef-d'œuvre de Visconti, elle effleure,
avec élégance, finesse, discrétion,
celle dont souffrait, selon son propre dire, Thomas
Mann.
En quoi “lepsychanalysteuntel”,
“lapsychanalysteunetelle”,
invoqués dans vos rubriques, justifient-ils
leur intitulé, chacun, de “psychanalyste”
? Par quels commentaires passés au crible
linguistique d'une étude du psychisme humain
? En quoi s'expriment-ils autrement que comme
des journalistes ?
Plutôt que
de “communiquer” à tout-va,
lâchant répétitivement des
termes empruntés au vocabulaire de la psychiatrie
ou à celui de la psychanalyse repris avec
avidité par tous les béotiens de
la terre, est-ce que Marianne voudrait
bien flanquer la paix aux psychanalystes authentifiés
par leurs contrôleurs - ou superviseurs,
si l'on préfère l'anglicisme -,
en les laissant continuer à travailler
paisiblement dans la discrétion obligée
de leur fonction ?
M. W..
ø
Émission
de Frédéric Taddeï, «
Ce soir (ou jamais !) Magazine
culturel » du 08 juin 2010
Où
l'on entendit le très culturel Jean-Michel
Ribes, confondant comme toutlemonde, beaucoup
de psychanalystes y compris, la pulsion de
mort, telle que définie par Freud,
avec la pulsion d'agression, insister répétitivement
et joyeusement enthousiaste, sur sa découverte
sémantique d'une “pulsion de haine”,
laquelle est justement nommée par Freud,
à partir de l'étude de Sabina Spielrein,
pulsion d'agression, pulsion de destruction.
Pour illustrer ce qu'il en est de la haine,
ou encore de l'agression, voici un petit extrait
des écrits de
Hilda
Doolittle
Préface
de Élisabeth Roudinesco
• Traduit
de l'anglais par Nicole Casanova et
par Édith
Ochs pour la correspondance entre H. D. et Bryher
« Je vous
en prie, jamais - je veux dire jamais, en aucun
moment, en aucune circonstance, n'essayez jamais
de me défendre, si et quand vous entendez
des remarques injurieuses sur moi et mon travail.
»
[Feud] explique
cela soigneusement. Il pourrait avoir donné
ainsi une leçon de géométrie
ou avoir démontré le cours inévitable
d'une maladie une fois que le virus a pénétré
dans l'organisme. Sur ce point, il semblait vouloir
dire (comme si la courbe de température
d'un patient était épinglée
sur le mur devant nous) qu'au moindre signe d'une
tentative pour contre-argumenter en ma défense,
la colère ou la frustration de l'agresseur
deviendraient plus profondes encore. Vous ne
ferez pas de bien au détracteur en commettant
la faute d'entreprendre une défense logique.
Vous approfondirez seulement sa haine ou sa peur
ou ses préjugés. Vous ne vous ferez
pas de bien à vous-même, car vous
exposerez seulement votre propre sentiment. Je
considère comme garanti que vous ressentez
un profond attachement envers mes découvertes,
sinon vous ne seriez pas ici. Vous ne ferez de
bien ni à moi ni à mon travail,
car l'antagonisme, une fois qu'il a assuré
sa prise, ne peut pas être déraciné
à partir de la surface. Il se développe,
d'une certaine manière, encore plus profondément
à force de discussions enflammées
et de remarques blessantes. La seule manière
d'extraire cette peur ou ces préjugés
serait de les attaquer de l'intérieur,
d'en bas. Et comme naturellement ce type d'esprit
plein de peur ou de préjugés esquiverait
toute allusion ou suggestion à un traitement
psychanalytique ou même, disons, à
toute étude et recherche suivant cette
ligne, vous ne pourrez pas atteindre la racine
du mal. Chaque mot prononcé pour ma défense,
je veux dire adressé à des individus
déjà pleins de préjugés,
sert à enfoncer plus profondément
la racine. Mais si le sujet est contourné,
l'agresseur pourra oublier sa colère -
ou, plus tard, son inconscient pourrait trouver
un autre objet sur lequel appliquer ses tentacules...
C'était l'essentiel.
Dans nos conversations
ensemble il utilisait rarement ces termes techniques
dont on abuse plutôt maintenant, inventés
par lui et encore élaborés par le
nombre croissant de médecins, psychologues
et neurologues qui forment le corps quelque peu
redoutable de l'Association internationale de
psychanalyse.
ø